antagonisme?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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sescho
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Messagepar sescho » 13 janv. 2008, 10:33

Cher Hokousai,

Je vous suis bien, et j'estime très saine votre approche au ressenti, en combinaison d'autres plus analytiques, car elle nous force en permanence à ne pas nous payer de mots (et il n'y a aucune ambiguïté sur la nature personnelle de votre démarche dans ce cas.)

Personnellement (je me suis déjà exprimé plusieurs fois sur le sujet, et d'autres se sont montrés en désaccord, quoique selon moi ils n'aient strictement rien prouvé, et pour cause) je vois, selon le texte de Spinoza, la connaissance du troisième genre non comme un mystère qui serait le trésor caché de l'Ethique mais comme quelque chose de très simple : la vision directe de la Nature et de ses lois à l'œuvre, dans le mouvement, dans la vie, en soi.

Par exemple, je vois le mouvement d'un mobile où la bille de droite tape la première bille centrale immobile, le mouvement se transmettant entièrement à la bille de gauche et je perçois par-là en action la loi de conservation de la quantité de mouvement. En jouant au billard avec conscience de ce qui se passe physiquement de la même manière. En voyant le bonheur sain que j'ai à aider mon prochain sans esprit de retour aussi. C'est juste cela la connaissance du troisième genre. Le bonheur simple de percevoir clairement et distinctement en l'instant, dans la vie.

Mais si je vois les objets du monde comme étant en soi et non en Dieu, alors il est clair que je passe à côté d'une connaissance de troisième genre d'importance primordiale (qui n'est donnée qu'à très peu, en fait, car le dire et le vivre c'est tout autre chose, même si l'on est déjà convaincu de ce qu'a apporté le raisonnement, ce qui suppose déjà d'avoir très bien raisonné et avec conviction.) Personnellement, j'y travaille encore... (et pas toujours de façon ordonnée...)

Autrement dit, si vous me dites que vous ne faites pas de distinction entre la sensation pure et la perception associée et que le tout est parfait, je vous dis que vous venez de définir ce qu'est la connaissance du troisième genre.

Evidemment, le dire comme cela impose tout-de-suite le rappel de la Modestie : il ne suffit pas de prendre ces perceptions comme elles sont (ce qui est déjà beaucoup, néanmoins) pour qu'elles soient vraiment claires et distinctes et très complètes. Si l'on suit Spinoza, c'est la richesse de la mise en perspective (disons, pour illustrer, de l'importance et du nombre de lois perçues clairement et directement à l'œuvre, dans la perception directe en général) qui fait la puissance.

Rappelons que l'ego (que j'entends dans le sens d'égotisme, de prétention au libre arbitre et conjointement à la valeur supérieure entre les hommes dans ce libre arbitre, dans une vision fausse de soi en miroir ; autrement dit, l'orgueil et la vanité), dont on ne se libère pas facilement, est en soi une pure imperfection (d'un point de vue humain).

C'est pourquoi, comme l'ego n'y résiste pas, je répète ce que j'ai déjà dit, que celui qui est conscient clairement (par l'interdépendance, par la vision qu'il y a bien des lois) que tout, y compris soi-même, est non du tout en soi, mais en la nature universelle, laquelle est parfaite en tout, doit pouvoir vivre très très bien sans connaître tout un tas d'autres lois.

Amicalement

Serge
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 13 janv. 2008, 11:35

cher Serge


Il y a des atomes crochues entre nous (savoir ce que sont les atomes crochues est une autre histoire) .

J ai toujours des difficultés avec les lois que ce soit celles de la logique ou celles de la physique . Je ne les vois pas comme essentiellement nécessaires à une compréhension profonde des choses et plus , difficilement intégrables à une compréhension des choses .
Elles restent toujours comme un peu extérieures à la question de la compréhension profonde des choses .
(Je dis profond comme on parle d’un » bouddhisme profond « mais le qualificatif de profond peut être discuté )

Comme extérieurs sont les débats interminables des philosophes ( analytiques mais pas seulement ) autour de la logique . Interminables et pour moi plutôt fastidieux, débats sur les préalables à la connaissance de la vérité et qui n’en finissent pas d’entrer un jour dans la vérité . C’est à dire qui ne philosophe jamais mais débattent des condition du philosopher ..

................................
et comme on a évoqué sur ce fil les ""philosophies analytiques ""( diverses et variées )

J’apprécie surtout le second Wittgenstein parce que justement il pratique. Plus que ce qu’il déduit et qui est parfois contestable( pour moi en tout cas ) c’est sa méthode qui m’ intéresse une certaine façon de faire de la philosophie . Il est passé d’un exposée dogmatique sur les conditions de vérité du discours sur le monde à une expérience du monde .

Le Tractatus du premier Wittgenstein m’apparaît à bien des égards comme une curiosité qui n’en finit pas de faire parler les logiciens que comme un texte susceptible de balayer les oeuvres majeures de la philosophie . Nonobstant la forme provocante et très incitative pour l’esprit de la plupart des propositions de ce texte .

Ce court texte , aride , et quelque peu hautain , reste néanmoins incomparable , étrange et fascinant et contient aussi des intuitions qui seront développées par Wittgenstein ensuite , le tractatus logico philopshique me semble passer à coté de questions de fond , ce que Wittgenstein a d’ ailleurs reconnu .(conclusion il a changé de méthode )

bien à vous hokousai

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Messagepar Louisa » 13 janv. 2008, 14:01

Cher Hokousai,

comme nous sommes en train de revenir au sujet du début, j'essayerai de reformuler autrement ce que je voulais dire par rapport à Wittgenstein. Bien sûr, aussi longtemps que je suis assez convaincue de ma propre impression, cela m'intéresse bien d'essayer de vous en persuader (ne fût-ce que parce que cela permet de comprendre où je me trompe moi-même), mais je crois que nous n'en sommes pas encore là. Pour l'instant, il me semble que je n'ai pas encore réussi à faire ressentir le problème que j'ai avec Wittgenstein. Voici donc une nouvelle tentative - au cas où cela vous intéresse. Sinon il n'y a pas de problème, bien sûr, il suffit de ne pas répondre à ce message.

Hokousai a écrit :J’apprécie surtout le second Wittgenstein parce que justement il pratique. Plus que ce qu’il déduit et qui est parfois contestable( pour moi en tout cas ) c’est sa méthode qui m’ intéresse une certaine façon de faire de la philosophie . Il est passé d’un exposée dogmatique sur les conditions de vérité du discours sur le monde à une expérience du monde .


à mon sens il y a énormément de choses intéressantes aussi bien dans le Tractatus que dans par exemple les Recherches Logiques. En tout cas, je les ai lus il y a (très) longtemps, j'ai adoré, j'espère pouvoir m'y remettre un peu plus sérieusement un jour. Mais ce qui m'intéressait, c'était justement le "contenu", la profondeur de ses pensées, la nouveauté de certains problèmes qu'il aborde. Ce n'est pas pour rien que, si je suis bien informée, Wittgenstein est le philosophe le plus commenté du XXe siècle (Heidegger aurait la "deuxième" place).

Ce qui me semblait en revanche être hautement problématique, c'était précisément la méthode qu'il adopte (et qui sera prolongée par pas mal de philosophes analytiques, d'une manière ou d'une autre). Vous dites: "Il est passé d’un exposée dogmatique sur les conditions de vérité du discours sur le monde à une expérience du monde."

C'est cette dichotomie qui me semble être, comment dire, "a-philosophique". Ni l'un ni l'autre me semble correspondre à ce que demande une "méthode" philosophique, parce que les deux sautent l'essentiel: ils ne donnent aucune AUTONOMIE à la pensée (à l'esprit, si vous voulez). Si vous ne faites pas de distinction entre la sensation pure et la perception associée, pour Serge vous êtes déjà dans le troisième genre de connaissance (j'y reviens bientôt), pour moi (en tout respect pour l'opinion de Serge, et de la vôtre, bien sûr) vous êtes partout où vous voulez mais pas en philosophie. Vous êtes exactement dans ce que Platon a appelé, pour la première fois, "l'opinion".

C'est dans l'opinion que la sensation est "toujours déjà" mêlée à une perception, à une façon de penser, une à manière d'être au monde. Si la philosophie est née pour essayer de prendre du recul par rapport à ce vécu direct, ce n'est pas du tout pour le mépriser, ni pour commencer à "théorétiser" loin d'où se passe "la vraie vie". Le but était d'inventer des IDEES PURES. C'est-à-dire des idées qui ne correspondent à RIEN qui pré-existe à leur création. Et cela non pas pour se détacher du monde, mais justement pour pouvoir y intervenir plus efficacement, quand il s'agit de la recherche du bonheur.

C'est tout à fait l'inverse que de faire un exercice "d'introspection" pour essayer de dire ce qu'on fait "réellement" quand on utilise le mot x ou y. Wittgenstein II cherche LE sens des mots, essaie de les fixer une fois pour toutes. C'est pourquoi philosopher pour lui est tout sauf une Joie, et qu'il a pu écrire (Recherches Logiques 133 (je n'ai que la version bilingue anglais-allemand):

Wittgenstein a écrit :The real discovery is the one that makes me capable of stopping doing philosophy when I want to. -The one that gives philosophy peace, so that it is no longer tormented by questions which bring itself in question.


Tentative (maladroite) de traduire: "La véritable découverte est celle qui me permet d'arrêter de faire de la philosophie quand je le veux. -Celle qui donne à la philosophie la paix, pour qu'elle ne soit plus tourmentée par des questions qui se mettent elles-mêmes en question."

Comparons avec ce que par exemple Monique Dixsaut écrit par rapport à Platon:

Dixsaut a écrit :Inséparable de l'amour de l'effort, la philosophie requiert de celui qu'elle anime le courage de remettre en question tout ce qu'il a pu croire savoir et même avoir à un moment ocmpris.


C'est exactement l'inverse de la conception de la philosophie proposée par Wittgenstein. Chez Platon, le but de la philosophie est de "mettre la pensée en mouvement", de pouvoir concevoir la réalité et le monde AUTREMENT que ce qu'on voit spontanément, que ce que voit l'opinion. Et il le dit littéralement: le problème n'est pas que l'opinion serait systématiquement dans le faux. Il y a des opinions vraies, bien sûr.
Le problème, c'est qu'une opinion est une idée non pure, fixée à un tas de sensations qui EMPÊCHENT qu'elle puisse être mise en question (jamais elle va se mettre elle-même en question, spontanément, chez Platon).

C'est pourquoi il faut bien du courage, un effort, pour simplement déjà entamer cette mise en question de nos vécus spontanés. Puis ce n'est PAS cette mise en question qui est déjà le but de toute l'affaire: le but c'est d'arriver à trouver de NOUVEAUX concepts, qui permettent de nous "orienter" autrement dans la pensée que par l'opinion, afin de pouvoir expérimenter d'AUTRES façons de vivre.

Or quelle est la question centrale posée par les Recherches Logiques? On la trouve notamment en la recherche 135: la question du concept de x (une proposition, un jeu, ...) n'est plus une question de recherche de l'idée pure, c'est la question de savoir ce que "nous voulons dire" ("what we mean") quand nous utilisons ce mot. La réponse de Wittgenstein: il faut regarder le contexte, le jeu de langage dans lequel il est prononcé, et qui est inévitablement lié à une forme de vie spécifique, pour savoir ce que le locuteur qui a utilisé ce mot voulait dire par là.

Tout cela est très bien, bien sûr (ce sera repris, d'une autre manière, par le structuralisme et la psychanalyse lacanienne). Mais je ne vois pas ce que cela aurait à voir avec la pratique inventée par Platon et qui désormais s'appelle "philosophie", vous voyez? Platon ne cherchait pas quel sens nous sommes en train de donner à un mot quand nous l'utilisons. La dialectique socratique consiste bien plutôt à d'abord ressentir en quoi le sens que nos donnons d'ordinaire aux mots n'est PAS suffisant pour mener à bien nos vies, il faut lui ajouter un deuxième sens, que l'on va construire patiemment mais consciemment (et passionnément, puisqu'il parle d'une "flamme", une "illumination" qui arrive après une longue "fréquentation" de la philosophie), donc activement, au lieu de le subir passivement via l'ouï-dire.

C'est toute cette construction, cette volonté de changer la vie par la pensée, qui se perd, une fois que l'on adopte comme méthode "philosophique" une recherche du sens déjà là d'un mot ou d'un discours.

Mais je suppose que vous ne serez pas d'accord ... ?
Bien à vous,
louisa

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Messagepar Louisa » 13 janv. 2008, 14:31

SpinUp a écrit :Les "positions philosophique" de Prigogine n'ont rien à voir avec le travail concret qui lui a valu le Nobel. Et cette idée quasiment métaphysique de "flèche du temps" n'est vraiment pas bien fondée scientifiquement. Bien qu'elle soit très intéressante... [Je suis physicien, je ferai peut-être un topo de mon avis sur ce que "fèche du temps" peut bien vouloir dire, si j'ai le temps un de ces jours.]

Les livres de vulgarisation de Prigogine me semblent un exemple de pur verbiage "philosophique" qui se sert de la science pour en tirer des "conclusions" totalement exagerées. Evidement cela intéresse souvent les philosophes, qui continuent souvent à caresser le rêve que des résultats scientifiques puissent venir soutenir leur "pet theory" personelle.


ce qui me semble être certain, c'est que souvent des scientifiques tirent eux-mêmes des conclusions "philosophiques" de leur travaux, qui peuvent avoir deux défauts (qu'il s'agisse d'un article scientifique ou d'un ouvrage de vulgarisation n'y change rien):

1) en absence de toute connaissance de l'histoire de la philosophie, la conclusion ne fait rien d'autre que d"affirmer une opinion commune propre à la culture du scientifique en question, pour infirmer une autre opinion présente dans cette culture à ce moment. Exemple: Libet et son fameux article sur la "liberté" humaine, où il n'y a aucune "problématisation" du concept de la liberté. Ce qui semble être une conclusion "philosophique" n'est donc en réalité rien d'autre qu'une prise de position dans un débat d'opinions, sans plus.

2) on ne distingue pas du tout ce qui est scientifiquement démontré de ce qui n'est qu'une conclusion "philosophique", donc non prouvée scientifiquement.

En ce qui concerne Prigogine, cela m'étonnerait qu'il se laisse prendre dans le premier piège, vu que tous ses livres de "vulgarisation" - comme tu l'appelles, quoique je ne vois pas comment un non scientifique pourrait vraiment les comprendre, puisqu'il n'explique pas les formules utilisées - sont co-écrites avec une collaboratrice de son équipe qui est aussi bien chimiste que philosophe des sciences.

Pour le deuxième point: il faut être scientifique pour pouvoir détecter ce genre de "glissements", ce que je ne suis pas (même si une partie de ma formation a été scientifique). Si donc tu crois que l'on peut le critiquer sur son usage de la "flèche du temps": il va de soi que cela m'intéresse beaucoup d'entendre tes arguments!
louisa

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Messagepar Louisa » 13 janv. 2008, 15:42

Cher Serge,

Louisa:
j'avais l'impression que pour toi, aussi bien la Physique que la philosophie doivent étudier les lois de la nature. Comme il n'y a qu'une seule nature, je supposais que ce que tu dis de l'une vaut à tes yeux d'office pour l'autre. Mais apparemment je t'avais mal compris. Tu utilises toujours le mot "science" pour désigner la philosophie, elle doit selon toi toujours s'occuper des lois de la nature, mais quand la nature en question est l'esprit, physique et philosophie n'ont plus rien à voir l'un avec l'autre. Est-ce bien cela ce que tu veux dire?

Serge:
Non. Je dis que l'objet de la science de l'Esprit est intérieur, alors que celui de la science Physique est extérieur et j'y vois une différence nette (ce qui ne devrait pas te choquer, toi qui fait une différence dans l'usage de la Logique suivant que son objet est "Mathématique" ou ne l'est pas.) Il n'y a par exemple pas besoin de dispositif expérimental - au sens propre - pour la science de l'Esprit, et celle-ci a donc commencé avec Homo sapiens, et même avant (mais c'est vrai aussi dans une mesure limitée de la science Physique, si l'on veut bien considérer son intuition comme science, ce que je fais.) J'y vois aussi une différence dans le potentiel de clarté et de distinction de l'idée que l'on peut s'en faire, mais je n'ai pas approfondi le sujet.


à mon avis je me suis mal exprimée, sinon je ne comprends pas très bien ton "non". Quand je disais "Tu utilises toujours le mot "science" pour désigner la philosophie, elle doit selon toi toujours s'occuper des lois de la nature, mais quand la nature en question est l'esprit, physique et philosophie n'ont plus rien à voir l'un avec l'autre", je voulais pas dire que dès que tu parles de science, tu parles de philosophie (comme si la physique ne serait pas une science). Je voulais dire:

"tu continues à utiliser (continue au sens de: après que, au cours des derniers siècles, le tronc commun qui s'appelait "science" s'est scindée en sciences exactes/sciences humaines/philosophie) le mot "science" pour désigner la philosophie, etc.

Alors tu dis que la différence est principalement une différence de localisation de l'objet étudié, l'esprit étant à l'intérieur du sujet, les autres objets se trouvant à l'extérieur. Puis il y a aussi un problème méthodologique: on ne peut pas se servir d'un dispositif expérimental pour étudier l'esprit. Je suis bien sûr d'accord avec ces deux idées, mais je ne comprends pas très bien pourquoi, dans ce cas, appeler la philosophie une "science". C'est pourquoi je te posais la question de ce que c'est qu'une science, pour toi. Tu m'as répondu qu'elle étudie les lois éternelles de la nature, mais quand l'objet est intérieur et en absence de toute possibilité de dispositif expérimental, COMMENT découvrir ses lois, d'une manière un tant soit peu "fiable"? Comment avoir un peu de certitude que l'on ne se retrouve pas dans le pur et simple domaine "subjectif", où ce qui est vrai pour l'un peut très bien ne pas l'être pour l'autre et ne peut pas se communiquer?

Louisa:
j'avoue que je ne vois qu'une seule chose que quasiment tous les philosophes semblent avoir en commun: le recherche d'un véritable Bien pour l'homme, d'une "voie royale" vers le bonheur le plus "durable" possible. Mais à part cela ... ce "fond commun" contiendrait quoi plus précisément, pour toi, comme idées ou concepts essentiels?

Serge:
Je ne suis pas tenté de mettre "recherche du bonheur" au rang de "concept essentiel" (c'est trop vague.) Quant à la "voie", c'est un sujet bien difficile. En fait je ne vois pas trop le sens de la question : les Lois de l'Esprit comportent les conditions du bonheur et tout ce qui les soutient, comme la vision de Dieu - la Nature. Une grosse partie de l'Ethique, donc.

Louisa:
et ce serait quoi alors, le problème de base qui serait fixé (par la nature?) de toute éternité à tout homme, indépendamment d'où et de quand il vit sa vie?

Serge:
Celui du bonheur et de la puissance (il n'y a qu'à regarder en soi et autour de soi.)


en fait, je voulais te poser deux fois la même question, je ne parlais pas d'un concept précis. Donc effectivement, je crois que nous sommes d'accord pour dire que tout homme ne peut que s'occuper de son bonheur. Mais justement, comme cela vaut pour tout homme, pour moi c'est un peu trop "peu" pour pouvoir déjà en conclure que donc toutes les philosophies des derniers 2500 ans disent essentiellement (sous des formes différentes, adaptées à l'époque etc) la même chose. Qu'est-ce que la philosophie de Bertrand Russell et de Heidegger ont en commun, par exemple, au niveau de leur contenu? Et comment concilier ce que Kant dit du bonheur avec ce qu'en dit Spinoza? Etc. J'ai vraiment des difficultés à saisir ce qui pourrait constituer ce fond commun dont tu parles.

Louisa:
Mais voici que Prigogine...

Serge:
Comme déjà discuté l'irréversibilité est affirmée depuis le XIXème (Carnot) par la seconde loi de la Thermodynamique (laquelle comprend la Thermodynamique des phénomènes irréversibles dont le père officiel est Onsager et où Prigogine est une référence mondiale) et, à mon souvenir, Prigogine en a fait un emploi des plus étendus, jusqu'à modifier dans ce sens les lois de base de la Quantique (pour le reste, dans cette discussion, il y avait comme du "mou" dans les concepts...)


Voici ce qu'en dit Prigogine:
"Précédemment, la flèche du temps était associée à des processus très simples, tels que la diffusion, le frottement, la viscosité. On pouvait conclure que ces processus étaient compréhensibles à l'aide des seules lois de la dynamique. Il n'en est plus de même aujourd'hui. L'irréversibilité n'apparaît plus seulement dans des phénomènes aussi simples. Elle est à la base d'une foule de phénomènes nouveaux tels que la formation des tourbillons, des oscillations chimiques ou du rayonnement laser. Tous ces phénomènes illustrent le rôle constructif fondamental de la flèche du temps. L'irréversibilité ne peut plus être identifiée à une simple apparence qui disparaîtrait si nous accédions à une connaissance parfaite. Elle est une condition essentielle de comportements cohérents dans des populations de milliards de milliards de molécules. Selon une formule que j'aime répéter: la matière est aveugle à l'équilibre là où la flèche du temps ne se manifeste pas: mais lorsque celle-ci se manifeste, loin de l'équilibre, la matière commence à voir! Sans la cohérence des processus irréversibles de non-équilibre, l'apparition de la vie sur la Terre serait inconcevable. La thèse selon laquelle la flèche du temps est seulement phénoménologique devient absurde. Ce n'est pas nous qui engendrons la flèche du temps. Bien au contraire, nous sommes ses enfants."

cela, c'est exactement l'inverse de ce que dit par exemple Spinoza, pour qui "le temps aussi, nous l'imaginons" (E2P44 sc.).

Alors Prigogine dit déjà lui-même que depuis "l'époque de Boltzmann, la flèche du temps a donc été reléguée dans le domaine de la phénoménologie. Ce seraient nous, humains, observateurs limités, qui serions responsables de la différence entre passé et futur. Cette thèse, qui réduit la flèche du temps au caractère approximatif de notre description de la nature, est encore soutenue dans la plupart des livres récents. D'autres auteurs renoncent à demander aux sciences la clef du mystère insoluble que constituerait l'émergence de la flèche du temps. (...) On sait qu'Einstein a souvent affirmé que "le temps est illusion". . Et en effet, le temps tel qu'il a été incorporé dans les lois fondamentales de la physique, de la dynamique classique newtonienne jusqu'à la relativité et à la physique quantique n'autorise aucune distinction entre le passé et le futur. Aujourd'hui encore, pour beaucoup de physiciens, c'est là une véritable profession de foi: au niveau de la description fondamentale de la nature, il n'y a pas de flèche du temps".

Si donc un scientifique renommé arrive avec une idée, dont il voit déjà quelques preuves, et qui oblige de repenser entièrement les résultats scientifiques obtenus jusqu'à présent, on n'est pas du tout devant une nouveauté absolue: c'est ce qui se passe lors de chaque révolution scientifique que l'histoire a connu. Qu'un tas de physiciens ne sont pas prêts à remettre en question les catégories de base avec lesquels ils ont appris à travailler, c'est là aussi tout à fait normal, comme le montre en détail Thomas Kuhn. Cela arrive lors de chaque changement de "paradigme", en science.

Ce n'est donc pas parce qu'un scientifique me dit qu'il "n'y croit pas" qu'à mes yeux cela suffit déjà pour écarter les travaux de Prigogine. Il me faudra des arguments un peu plus précis avant de pouvoir COMPRENDRE en quoi éventuellement Prigogine n'est qu'un fabulateur qui pour le reste se trompe fondamentalement, et pas du tout un des fondateurs potentiels d'un nouveau paradigme.

Puis j'avoue qu'en ce qui me concerne, je crois qu'il est très important de tenir compte, en tant que philosophe, des résultats scientifiques de son époque, mais jamais ces résultats ne peuvent être "contraignants". La philosophie étant par essence une pratique critique, qui oeuvre à la remise en question de ce que nous ressentons comme étant évident, je ne vois pas pourquoi les philosophes qui ne sont pas d'accord avec l'idée que le temps est imaginaire devraient être moins intéressants (ou "vrais") que ceux qui identifient réalité et éternité, indépendamment des résultats scientifiques de l'un ou l'autre moment.

Serge a écrit :Mais bon, je crois qu'alors qu'il y a déjà des problèmes d'interprétation de Spinoza vis-à-vis de propositions clairement exprimées, sur ce site qui est dédié à sa philosophie, ce n'est pas en y ajoutant pèle-mêle Deleuze, les Stoïciens, Prigogine, la Thermodynamique, la Mathématique, etc. que nous allons nous en sortir (j'ai des responsabilités de ce point de vue, je le confesse.) En tout cas, en ce qui me concerne, je n'ai pas du tout le temps de reprendre tout cela à un niveau de compréhension que j'estime sérieux.


ce fil était consacré à Spinoza, Wittgenstein et Deleuze. Rien d'étonnant donc que ceux qui ont un PEU lu les trois en parlent, non?

Sinon en effet, pour l'instant je ne comprends pas vraiment ton problème avec l'idée d'une réalité non entièrement déterminée. Je ne comprends pas très bien non plus en quoi tu peux identifier un traité de géométrie et l'Ethique de Spinoza (hormis la forme), raison pour laquelle nous parlons effectivement de mathématiques. Mais ne te sens surtout pas obligé d'expliquer quoi que ce soit, je ne fais que te proposer mes questions, si elles ne te parlent pas, il n'y a vraiment aucun problème.

Puis j'espère que tu ne vas pas croire que si quelqu'un parle de mathématiques ou de thermodynamique, celui-ci est systématiquement dans l'illusion de TOUT savoir à ce sujet ... ? En tout cas, en ce qui me concerne je ne donne pas DU TOUT un statut de vérité absolue à ce que j'en dis. J'ai fait un peu de mathématiques, un peu de thermodynamique, j'ai lu un peu de philosophes. J'en ai donc une PREMIERE opinion, certes à moitié erronnée. Je ne demande pas mieux que quelqu'un essaie de me montrer où éventuellement je me trompe.

Serge a écrit :Pour le reste je vais me borner à me répéter avant d'arrêter : l'Esprit a ses lois comme tout, et celles-ci sont éternelles. Son objet est interne et non externe et c'est donc en soi-même que la vérification des lois exprimées se fait (plus ou moins clairement.) Une grande partie, sinon toute la Philosophie (et je ne fais pas de différence de fond avec la Psychologie des Profondeurs), est la science - c'est-à-dire la connaissance vraie autant que possible de la réalité - de l'Esprit et donc de ses lois, en particulier celle du bonheur et de la vraie puissance.


ok. Ce qui m'intéresse, c'est le STATUT que tu donnes à cette opinion/déclaration de foi. Est-ce que tu trouves qu'en principe, il s'agit d'une vérité scientifique au sens où elle est accessible à chacun qui sait lire et qui veut faire un effort de compréhension, ou s'agit-il d'une vérité plus "ésotérique", seulement accessible à ceux qui, d'une façon ou d'une autre, sont "à la hauteur"?

Serge a écrit :La Mathématique est un exercice de Logique sur des êtres de raison (qui ne sont pas réels à proprement parler, donc, comme lorsqu'il s'agit des êtres de Raison entrant dans les démonstrations de Spinoza) et la portée réelle, existentielle, de l'exercice dépend intimement des prémisses, qui ne sont pas de son ordre, et de la vérification par science intuitive de ses prédictions, lorsque cela a un sens dans le monde réel. Ce sont effectivement les objets conceptuels qui changent, mais pas l'exercice de la Logique. Il est possible de développer une Mathématique complexe sans aucune portée existentielle, et le côté contraignant vient de la Logique même, pas de ses objets (supposés qu'ils soient clairement définis.) Finalement, n'est incontestable que ce qui n'a pas de sens.


Pourtant, pendant 2400 ans la logique était une discipline philosophique, qui n'avait rien à voir avec les mathématiques. Ce n'est qu'au XIXe qu'on a commencé à essayer de "réduire" ou "fonder" l'arithmétique (et seulement elle, pas la géométrie) dans la logique, et qu'on a simultanément "formalisé" la logique pour qu'elle puisse se détacher du langage ordinaire et adopter elle aussi, comme les mathématiques, un langage formulaire.

Pour Frege, grand philosophe logicien (qui a lancé ce projet de fondation), ce n'est pas du tout LA philosophie qui donne les "lois éternelles de la pensée", mais seulement et uniquement la logique. Il me semble que cette thèse est contradictoire avec celle que tu défends (que la philosophie nous donne les lois de l'esprit et que tout philosophe au fond en dit la même chose), ou en tout cas, pour l'instant moi-même je n'arrive pas à ne pas y voir une contradiction.

Puis elle est de toute façon contradictoire avec ce que dit Spinoza de la logique (qui pour lui n'est qu'un moyen pour entraîner un peu la pensée, pas du tout la discipline qui sait nous donner les lois de l'esprit, comme il le dit dans la préface de l'E5), ce qui fait que de nouveau, pour moi il s'agit d'un exemple d'une opposition fondamentale entre philosophes, ce qui rend l'idée d'un grand fond commun, où tous disent essentiellement la même chose, pour moi peu crédible.

Enfin, quand par exemple ci-dessus tu dis: "toi qui fait une différence dans l'usage de la Logique suivant que son objet est "Mathématique" ou ne l'est pas.) ", je ne le formulerais jamais en ces termes. Quand on fait de la mathématique, on ne fait pas de la logique. Ce sont deux disciplines différentes (avec quelques terrains en commun, bien sûr). Les logiciens sont, encore aujourd'hui, souvent des philosophes, tandis que la majorité des mathématiciens n'a eu aucune formation en logique philosophique. La grande différence entre les deux, c'est que la logique philosophique s'occupe de la spéculation, tandis que les mathématiques inventent des preuves rationnelles et tout à fait contraignantes. Bien sûr, on peut dire que, dans le sens courant du terme, tout intellectuel essaie de respecter quelques règles de base qu'on peut appeler "logiques" - nous l'essayons ici aussi, en discutant. Mais quand je parlais moi-même dans mes messages précédents de logique (ou quand tu parles de logique avec majuscule), j'étais dans l'idée que l'on parle de la discipline philosophique qui s'appelle ainsi, pas de la logique au sens courant (et qui implique souvent simplement le fait d'éviter la contradiction).

Serge a écrit :Et à bientôt sur ta démonstration que la connaissance du troisième genre porte sur les essences singulières dans leur singularité à partir du texte complet de Spinoza...


je crains que tu es en train de commencer à me sur-estimer largement. Je n'ai JAMAIS prétendu pouvoir démontrer cela. J'ai simplement dit que pour l'instant, j'étais moi-même assez convaincue par les raisons évoqués par les commentateurs et en partie rappelé ici par Bardamu, dans le fil dont tu as mis le lien, mais que pour cette raison même, essayer d'approfondir le sujet avec quelqu'un qui prétend exactement l'inverse m'intéresse. Ce que je vais donc faire, c'est reprendre la discussion dans ce fil-là, et essayer de mieux expliquer pourquoi pour l'instant les raisons que tu avances ne me convainquent pas. Puis tu en fais ce que tu veux, bien sûr ... :)
Cordialement,
louisa

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Messagepar hokousai » 13 janv. 2008, 17:14

à Louisa

Le but était d'inventer des IDEES PURES. C'est-à-dire des idées qui ne correspondent à RIEN qui pré-existe à leur création. Et cela non pas pour se détacher du monde, mais justement pour pouvoir y intervenir plus efficacement, quand il s'agit de la recherche du bonheur.


On peut certes trouver son bonheur dans la manipulation des idées pures comme dans l’imaginaire religieux , comme dans toutes activités intellectuelles .Ce qui se passe en général quand on n’estime pas la situation non philosophique assez plaisante , on lui tourne alors le dos et on reconstruit un monde extraordinaire auquel on croit plus qu au monde ordinaire .

Je ne nie pas que cette activité intellectuelle induise un manière de vie particulière .( joyeuse pourquoi pas et quel que soit le discours construit puisque c’est l’activité même de construction du logos qui satisfait ).

Mais savez- vous que quand on sait très bien ce qu’on a à faire on n’a aucunement besoin de chercher à faire autrement .

bien à vous
hokousai

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Messagepar sescho » 13 janv. 2008, 18:18

hokousai a écrit :J ai toujours des difficultés avec les lois que ce soit celles de la logique ou celles de la physique . Je ne les vois pas comme essentiellement nécessaires à une compréhension profonde des choses et plus , difficilement intégrables à une compréhension des choses .
Elles restent toujours comme un peu extérieures à la question de la compréhension profonde des choses.

Je pense que cela c'est tant qu'on est encore dans le deuxième genre. C'est pourquoi j'ai tendance à réserver "clair et distinct" au troisième. Le deuxième, comme je l'ai dit plusieurs fois, est "juste", mais ce qui est vu clairement et distinctement c'est plus la logique de la démonstration que sa conclusion, même clairement exprimée. Tant qu'on n'est pas passé au troisième, il manque quelque chose.

C'est lorsque la loi est perçue en action automatiquement dans le monde réel, comme partie de la perception au-delà de la sensation, qu'elle entre dans le troisième genre. C'est ce que nous dit Spinoza, et il a raison. Passer du deuxième au troisième, je ne sais comment cela se produit. La mémoire de la conclusion qui se mêle à la sensation observée en profondeur ? Quelque chose comme cela. Quoiqu'il en soit, il en va des propositions de Spinoza comme des aphorismes (ce sont d'ailleurs, prises seules, des aphorismes) : on lit, on comprend ce que l'auteur veut dire, on garde en mémoire et en situation on fait le rapport avec le réel.

hokousai a écrit :Comme extérieurs sont les débats interminables des philosophes ( analytiques mais pas seulement ) autour de la logique . Interminables et pour moi plutôt fastidieux, débats sur les préalables à la connaissance de la vérité et qui n’en finissent pas d’entrer un jour dans la vérité . C’est à dire qui ne philosophe jamais mais débattent des condition du philosopher ..

Certes. Pour les générations futures peut-être. Mais quoi qu'il en soit il faudra toujours des prémisses, non démontrables par nature...

Je possède le Tractatus, mais ne l'ai pas encore étudié sérieusement. Je ne suis donc pas un interlocuteur valable sur Wittgenstein... Mais quelque chose me dit (et en particulier vos commentaires) que le point de vue vaut le détour...

Amicalement

Serge
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Messagepar hokousai » 13 janv. 2008, 18:37

cher Serge


Dans le très rare exemple que Spinoza donne de la connaisnace du troisième genre ,il n y a pas de loi , pas de conscience de la loi .

Laquelle serait quoi au juste ?

par exemple ''il existe éternellement la possibilité d'une quatrième proportionnelle ?"
Les bouddhistes aussi parlent de loi ( et un peu trop ) la loi par ci , la loi par là , comme si on avait besoin de la loi (du bouddha ) pour voir les choses comme elles sont .
La loi m'embarrasse l'esprit .( c'ets un peu radical comme point de vue ?. qu'en pensez- vous

Connaissez vous le texte de Kafka " devant la loi " ?

.......................................................

pour le tractatus de Wittgenstein , ça au plus que le détour i ( c'est incomparable ).( la partie logicienne est assez difficile et même pour un mathématicien puisqu' il s'agit de logique et de ses démêlés avec Frege et Russell )

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Messagepar sescho » 13 janv. 2008, 18:43

A Hokousai,

J'ai un petit exemple (assez trivial) de perception des lois. Je l'ai vécu et je suis impliqué ; par ailleurs il y a toujours possibilité que ma conclusion ait été erronée, mais mettons qu'il ne s'agit pas de moi et que la conclusion est juste.

Un responsable de projet d'un client avait pour habitude, alors qu'on n'avait même jamais été en contact, de commencer ses coups de téléphone par un "Salut, c'est Machin, tu vas bien, etc." sur un ton chantant qu'on emploie habituellement avec les amis de 20 ans. Même avec une réponse du genre "Oui, c'est à quel sujet ?" faite sur un ton neutre adapté à la situation réelle et assez peu engageante, il continuait de même comme si de rien n'était.

Un jour un de mes collègues, venant de l'avoir pour la première fois, a dit quelque chose comme "Qu'est-ce qui lui prend à ce Machin de me parler comme si nous avions gardé les vaches ensemble ?" Je lui ai répondu quelque chose comme : "C'est à toi qu'il parle, mais c'est à quelqu'un d'autre qu'il s'adresse : probablement à son chef qui est dans le bureau d'en face et à qui il veut faire croire qu'il est en relation exceptionnellement bonnes avec plein de gens avec lesquels il est en contact professionnel."

Voilà pour moi un exemple de ce que c'est que de percevoir les lois (en l'occurrence les méthodes d'intoxication par l'apparence utilisées par les carriéristes et qui découlent en droite ligne de la vanité) au lieu d'être interloqué (je précise que ce collègue était tout à fait pertinent et que la chose aurait pu se faire à l'inverse.) Outre que c'est assez précieux, un homme averti en valant deux, après avoir identifié le degré d'honnêteté de chacun, pour déjouer en amont les tours de con (sans pour autant tomber dans la paranoïa.)

Amicalement

Serge
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Messagepar Louisa » 13 janv. 2008, 19:11

Serge a écrit :Je lui ai répondu quelque chose comme : "C'est à toi qu'il parle, mais c'est à quelqu'un d'autre qu'il s'adresse : probablement à son chef qui est dans le bureau d'en face et à qui il veut faire croire qu'il est en relation exceptionnellement bonnes avec plein de gens avec lesquels il est en contact professionnel."

Voilà pour moi un exemple de ce que c'est que de percevoir les lois (en l'occurrence les méthodes d'intoxication par l'apparence utilisées par les carriéristes et qui découlent en droite ligne de la vanité) au lieu d'être interloqué (je précise que ce collègue était tout à fait pertinent et que la chose aurait pu se faire à l'inverse.) Outre que c'est assez précieux, un homme averti en valant deux, après avoir identifié le degré d'honnêteté de chacun, pour déjouer en amont les tours de con (sans pour autant tomber dans la paranoïa.)


c'est précisément cela qui pour moi est problématique dans ta conception de "loi" de l'esprit: on peut très facilement interpréter la même situation de mille autres façons, moins négatives pour la personne en question. Je ne vois vraiment pas en quoi ton interprétation ne serait pas, éventuellement, un pur produit de paranoïa (quand on veut chasser la vanité, on la voit facilement partout). C'est-à-dire je ne vois pas du tout en quoi cette interprétation serait "contraignante", tandis que l'essence même de la notion de loi, c'est d'être contraignante. Pour moi, dans cet exemple, on est à mille lieu de la contrainte propre à une loi mathématique ou physique ou même simplement politique.

Puis, le troisième genre de connaissance est censé provoquer un sentiment de Béatitude ou de Joie SUPREME ... tandis que la connaissance du mal est une connaissance inadéquate. Je peux effectivement difficilement m'imaginer qu'en concevant ton collègue comme un pauvre vaniteux ou con, tu éprouves du coup cette Joie suprême, non ... ?

Pensons par exemple à l'E5P10 sc, ou nous ne sommes même pas encore dans le troisième genre de connaissance mais simplement dans les "exercices préparatoires", les règles de vie d'où peut naître "la plus haute satisfaction de l'âme":

Spinoza a écrit :Mais il faut remarquer qu'en ordonnant nos pensées et nos images nous devons toujours prêter attention à ce qu'il y a de bon dans chaque chose, afin qu'ainsi ce soit toujours un affect de Joie qui nous détermine à agir.


Spinoza y traite même littéralement de l'exemple de la vanité:

Spinoza a écrit :Par exemple, si quelqu'un voit qu'il recherche trop la Gloire, qu'il pense à son usage correct, et à quelle fin il faut la rechercher et par quels moyens il peut l'acquérir; mais non à son abus, ou à sa vanité, ou à l'inconstance des hommes, ni aux autres choses de ce genre, auxquelles nul ne pense sans chagrin (...) Et il est donc certain que les plus désireux de gloire sont ceux qui crient le plus fort contre son abus et contre la vanité du monde. Et cela n'est pas propre aux ambitieux, mais commun à tous ceux à qui la fortune est adverse et qui ont l'âme puissante.
(...)
Qui donc s'emploie, et par seul amour de la Liberté, (..) s'efforcera, autant qu'il le peut, de connaître les vertus et leurs causes (...) et de contempler le moins possible les vices de l'homme, ainsi que de dénigrer les hommes et de tirer contentement d'une fausse espèce de liberté.


Enfin, voici donc pourquoi pour l'instant j'ai du mal à identifier ce que tu dis au troisième genre de connaissance.
Cordialement,
louisa


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