en gros je suis assez d'accord avec ce que vient d'écrire Serge, sauf sur ce point-ci:
nepart a écrit:
Pour la musique, c'est plus généralement la question du beau, de l'harmonieux qui m'interroge. Qu'est ce qui fait ce quelque chose est beau?
Serge:
Pour moi, un sens inné d'une harmonie (interne à l'Homme, tout étant harmonieux per se au sein de la Nature, et perçu comme tel par le sage.) "Flatte nos sens", dirait je pense Spinoza (je n'ai pas vérifié.)
nepart a écrit:
Pourquoi une chose serait belle et donc augmenterait notre puissance, et d'autres laide et nous rendrait plus faible?
Serge:
Je ne pense pas que le plaisir augmente notre puissance. C’est une sorte de « gratification. » Spinoza ne me semble pas, de mémoire, accorder une grande importance aux plaisirs et à l’esthétique, comme pas mal des Anciens.
Spinoza parle de la musique (ou de l'esthétique en général) notamment dans l'Appendice de l'E1. Il en dit la chose suivante:
Spinoza a écrit :Quant aux autres notions, ensuite, elles ne sont également que des manières d'imaginer, affectant l'imagination de manières diverses, et cependant les ignorants les considèrent comme les principaux attributs des choses: parce que, comme nous l'avons dit, ils croient que toutes choses ont été faites à cause d'eux; et la nature d'une chose, ils la disent bonne ou mauvaise, saine ou pourrie et corrompue, selon que cette chose les affecte.
Par exemple, si le mouvement que reçoivent les nerfs à partir des objets qui se représentent par les yeux contribuent à la santé, les objets qui le causent sont dits beaux, et ceux qui excitent un mouvement contraire, laids. (...)
Et ceux enfin qui émeuvent les oreilles sont dits produire du bruit, du son ou de l'harmonie, laquelle a fait perdre la tête aux hommes jusqu'à leur faire croire que Dieu, lui aussi, trouve du charme à l'harmonie. (...)
Tout cela montre assez que chacun a jugé des choses d'après la disposition de son cerveau, ou plutôt a pris pour les choses les affections de son imagination.
J'en conclus deux choses:
1) pour Spinoza, croire qu'il y a une quelconque harmonie dans la nature même (per se), ce n'est pas vraiment ce que fait le sage, c'est au contraire confondre l'imagination avec la vérité concernant la nature des choses.
2) la musique et tout art peut affecter le corps d'une telle façon que cela augmente la santé. Quand c'est le cas, nous appelons la chose (le morceau de musique par ex.) qui nous a affecté ainsi "belle". Bien sûr, augmenter la santé est très important, chez Spinoza, car un corps et un esprit sains, c'est la base de tout (d'où aussi l'importance de la médecine, voir la préface de l'E5). Le problème n'est donc pas là. Le problème ne surgit que dès que nous oublions que nous appelons cette chose belle PARCE QUE nous sentons qu'elle est bonne pour la santé (NOTRE santé), et commençons à croire qu'elle est belle "en soi", que la beauté dit quelque chose de la NATURE de la chose. Car les choses ne sont jamais belles/laides, bonnes/mauvaises, en harmonie ou en désordre "en soi". Toutes ces qualifications ne valent que du point de vue d'une partie de la nature (tel ou tel homme, par exemple), jamais au niveau du tout.
(PS à Serge: cela me semble être assez important pour la discussion que nous avons dans un autre fil, au sens où justement, tout ce qui concerne la santé est relégué, par Spinoza, à la médecine et à l'art, tandis que tu sembles identifier philosophie et "santé mentale", si je t'ai bien compris. Disons qu'à mon sens, pour Spinoza le bonheur ou la béatitude ne sont guère une affaire de "santé mentale". Il s'agit vraiment de sagesse, qui va loin au-delà de la simple santé, celle-ci n'étant qu'une conditio sine qua non).
A bientôt pour quelques réponses aux autres questions que tu viens de poser,
louisa