Être heureux

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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hokousai
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Messagepar hokousai » 26 févr. 2008, 01:14

à ShBJ

Je suis persuadé que vous vous comprenez , mais moi je ne vous comprends guère .

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Mise au point...

Messagepar ShBJ » 26 févr. 2008, 19:13

Quelques rapides remarques afin de clarifier quelque peu les choses, autrement dit les thèses en présence :

1) A Louisa : ce que tu écris en t'appuyant sur Ethique, I, 28, à savoir que la connaissance de Dieu s'effectue par la médiation de l'intellect infini (mode infini immédiat de l'attribut pensée), est irréfragable. Tu prétends que c'est autre chose d'affirmer que Dieu ne connaît pas les corps finis par la médiation des esprits singuliers ayant pour objet chacun de ces corps. En effet, c'est autre chose, et les deux thèses ne sont pas logiquement incompatibles. Mais la première médiation est avérée textuellement, que tu cites toi-même, et justifiée (elle recoupe tout simplement la distinction entre nature naturante et nature naturée), tandis que la seconde ne l'est pas, et me paraît une construction superflue. Par suite, la charge de la preuve te revient, soit en citant quelque passage à l'appui de ton explication, soit en exhibant la nécessité de cette voie de connaissance divine (ce que Spinoza aurait négligé de faire).

2) A Pourquoipas : pleinement d'accord avec chacune des remarques qui précèdent.

3) A hokousai : je vous trouve très amusant.

Mon salut sur vous.

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Messagepar Pourquoipas » 26 févr. 2008, 21:48

Pourquoipas a écrit :(...)
Dans le 33 S 2, il s'agit d'un raisonnement de même type, et ta citation est du même registre (Spinoza se place dans le cadre d'un raisonnement dont il veut prouver l'absurdité).
(...)


Je voudrais préciser ce que je dis là à propos de la 33 S 2 : il ne s'agit pas tant de prouver l'absurdité d'un raisonnement que de démontrer à un interlocuteur qui tiendrait encore dur comme fer qu'une volonté libre appartient à l'essence de Dieu (ce qui a été démoli en 17 S, comme le rappelle Spinoza lui-même), que, même dans ce cas, "les choses n'ont pu être créées par Dieu d'aucune autre manière ni dans un aucun autre ordre" (Pautrat, Points, p. 75, l. 6 sq.) (presque la même formulation que l'énoncé de la prop. 33, sauf le terme "créées" au lieu de "produites", ce qui n'est pas rien...).
La citation que tu donnes, Louisa – "(...) comme son [= Dieu] intellect et sa volonté ne se distinguent pas de son essence, ce que tous accordent aussi (...)" (ibid.) –, concerne de toute évidence ceux (les "Philosophes") dont Spinoza fait semblant pour un temps d'épouser le point de vue.

Portez-vous bien

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Messagepar hokousai » 27 févr. 2008, 00:07

à ShBJ


Je voulais vous dire qu ‘ autant le message de Louisa Posté le: 24/02/2008 19:22 me semble d’une grande confusion autant vos réponses ne m’ éclairent pas .
Je ne mets en doute ni votre sérieux ni vos intelligences .

Pour ma part
Soit le texte de Spinoza est d’une complexité telle que seule une intelligence hors du commun est capable de le comprendre et dans ce cas je renonce.
Soit il présente des contradictions telles qu’il est incompréhensible , dans ce cas je renonce également.

Ce que je viens d’écrire pour le texte de Spinoza (et qui n’engage que moi ) est- il termes à termes applicable à vos messages ( de l’une et de l’autre ) ?
De nouvelles contributions m’aideront peut être à me faire une opinion .

Je reste en effet bien perplexe devant un texte ( l’Ethique) sur lequel j’ai passé bien du temps sans parvenir à me faire une idée claire et distincte de ce qu’il était censé me faire comprendre clairement et distinctement .

Il n’ y aurait que demi mal si je ne n avais perçu les mêmes difficultés chez la quasi totalité des lecteurs dont il me vint à lire les commentaires.

Bien à vous
Hokousai

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Messagepar Louisa » 27 févr. 2008, 01:14

ShBJ a écrit :A Louisa : ce que tu écris en t'appuyant sur Ethique, I, 28, à savoir que la connaissance de Dieu s'effectue par la médiation de l'intellect infini (mode infini immédiat de l'attribut pensée), est irréfragable. Tu prétends que c'est autre chose d'affirmer que Dieu ne connaît pas les corps finis par la médiation des esprits singuliers ayant pour objet chacun de ces corps. En effet, c'est autre chose, et les deux thèses ne sont pas logiquement incompatibles. Mais la première médiation est avérée textuellement, que tu cites toi-même, et justifiée (elle recoupe tout simplement la distinction entre nature naturante et nature naturée), tandis que la seconde ne l'est pas, et me paraît une construction superflue. Par suite, la charge de la preuve te revient, soit en citant quelque passage à l'appui de ton explication, soit en exhibant la nécessité de cette voie de connaissance divine (ce que Spinoza aurait négligé de faire).


entendons-nous bien: j'ai dit que si Dieu connait le corps parce que l'esprit, en tant qu'idée, fait partie de son intellect infini, je ne vois pas comment appeler cette connaissance "médiate" (les esprits étant dans l'attribut de la Pensée donc EN Dieu, et non pas une médiation entre Dieu et les corps), tandis que si je t'ai bien compris, pour toi il s'agirait d'une connaissance médiate, ce que tu récuses, pour prétendre que Dieu connaît les corps autrement que par leurs esprits.

Si tu es d'accord avec cette formulation du problème, je ne peux que te demander ce qui te fait penser que Dieu connaîtrait les corps autrement, et si oui, comment il les connaît (bien sûr, en ce qui concerne les idées inadéquates il faut ajouter les idées ayant d'autres corps comme objets, mais ces idées sont toujours elles aussi des esprits, donc cela ne change rien d'essentiel à ce que je prétends).

Inversement, il me semble que si moi-même je dois apporter une preuve de mon interprétation, il me faut pouvoir prouver que Dieu connaît les corps en ayant les idées de ces corps, ces idées n'étant rien d'autre que les esprits ayant ces corps comme objets.

Avant de chercher des preuves, sommes-nous bien d'accord sur le problème en tant que tel?

Je reviens bientôt aux autres points soulevés par toi-même et par Pourquoipas.

Portez-vous bien,
louisa

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Connaissance divine...

Messagepar ShBJ » 27 févr. 2008, 09:42

A Louisa, salut !

1) Ta formulation du problème me convient parfaitement. C'est exactement ça.

2) Ce qui m'amène à penser que Dieu connaît les corps singuliers autrement que par l'idée des esprit singuliers ayant ces corps pour objet, c'est le concept d'esprit lui-même, qui est univoque pour chaque réalité : l'intellect divin a le corps de Dieu pour objet, c'est-à-dire la nature en tant qu'étendue, dont les corps singuliers sont des parties - l'idée qu'est l'intellect divin est plus composée encore que l'idée qu'est mon esprit (E, II, 15), qui a la totalité de l'étendue pour objet. Les choses singulières ne sont, à ce titre, que des modifications du corps de Dieu (E, I, 25, corollaire) dont il a l'idée.
Ta thèse revient à dire, si je l'entends bien, qu'un esprit a l'idée d'une partie du corps dont il est l'objet par cette idée, quand j'affirme pour ma part qu'il a l'idée des parties parce qu'elles sont enveloppées dans, et subordonnées à, l'idée du corps global.
En somme, j'accorde plus d'importance que toi à Ethique, I, 12-13, que je prends à la lettre, comme je l'ai écrit dans une précédente intervention. Tu me sembles commettre la même erreur que Tschirnhaus (lettres 80 et 82).

3) Je répète par conséquent que notre désaccord tient à ceci, que tu construis Dieu à partir de ses parties : tout se passe comme si tu présupposais l'existence des modes finis mentaux pour rendre compte de la connaissance par Dieu des modes finis étendus, quand j'affirme qu'il connaît ceux-ci par la connaissance du mode infini immédiat étendu, autrement dit des lois de mouvement et de repos dans lesquelles les modes finis étendus s'inscrivent nécessairement : ce qui explique que Dieu a, comme nous pouvons avoir, l'idée vraie de modes qui n'existent pas (E, I, 8, scolie), ou l'idée de tout ce qui découle de son essence (E, I, 21-23). L'idée vraie de ce qui n'existe pas, tu ne peux en rendre compte si tu avances que Dieu connaît les corps singuliers par les esprits singuliers.
C'est parce que tu inverses l'ordre génétique que je parle de médiation - que les idées des modes finis soient en Dieu n'y change rien.

4) En conséquence, le problème de la connaissance par Dieu de l'inadéquation en tant qu'inadéquation se pose à moi - puisque d'après mon explication, il ne peut connaître que les raisons de l'inadéquation qui réside dans les lois de composition des corps, ou du général au particuliers, non l'inadéquation en tant que telle. Et c'est là que ta construction, pour farfelue qu'elle m'apparaisse par ailleurs, m'intéresse au plus haut point.

5) Pour finir, nous sommes passés au gré de la discussion d'une proposition forte : l'essence d'un esprit singulier a pour objet l'essence du corps singulier, a une proposition plus faible se bornant à l'esprit singulier dans son rapport au corps singulier (de l'idée que je suis, nous sommes passées à la considération des idées que j'ai, pour reprendre ma distinction). Du coup, nos explications semblent bien plus proches, qui ne tiennent plus qu'à l'ordre de la construction (vide supra, 2-3). Aurais-tu renoncé à cette proposition forte ?

Tiens-toi en joie.
Modifié en dernier par ShBJ le 30 mars 2008, 17:41, modifié 2 fois.

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Messagepar hokousai » 27 févr. 2008, 11:45

à Louisa

A Louisa

,
il me faut pouvoir prouver que Dieu connaît les corps en ayant les idées de ces corps, ces idées n'étant rien d'autre que les esprits ayant ces corps comme objets.


C’est difficile à prouver à partir du texte de l’éthique ..
Vous attribuez un esprit à chaque chose c’est à dire que vous assimilez idée d’un corps à esprit d’un corps .(ou âme ) vous faites de l’ animisme .

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Messagepar hokousai » 27 févr. 2008, 11:51

à ShBJ

Ta thèse revient à dire, si je l'entends bien, qu'un esprit a l'idée d'une partie du corps dont il est l'objet par cette idée, quand j'affirme pour ma part qu'il a l'idée des parties parce qu'elles sont enveloppées dans, et subordonnées à, l'idée du corps global.


Je ne sais pas si c’est la thèse de Louisa . (lui faire dire qu'un esprit a l'idée d'une partie du corps dont il est l'objet par cette idée…..me semble trop évident , car oui un esprit à l’idée par l’idée .)

mais pour la votre

Vous parlez dans un registre de relation logique entre les parties et le tout mais là les deux idées se tiennent .Qu’il y ait subordination de la partie sous le tout est indémontrable , ces deux idées sont liées du point de vue cognitif .Il n’y a pas de subordination logique (en fait la subordination est métaphysique comme dirait miam elle est hénologique )

Mais elle n’est pas non plus psychologique ( ce qui m'intéresse au premier chef )

Que se passe t-il pour l’esprit humain ?
Il a une idée du corps global , parfois ( discontinuent ) et puis des idées de parties , et encore des idées de parties du corps .

Le plus souvent des idées de lieux affectés(ou d’affects localisés ) qui ne sont pas des parties . Je veux dire que penser les parties du corps comme parties est une manière particulière de penser .


PS
Spinoza parle-t-il de "corps de Dieu "? Admettons que ""le seul individu"" puisse être compris comme le ""corps de Dieu"" (en revanche il parle de manière récurrente d’intellect de Dieu )

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Messagepar Louisa » 30 mars 2008, 13:03

Bonjour à tous,

au lieu de me "tenir en joie", je me suis plutôt "occupée" à être malade pendant quelque temps, puis à rattraper le temps perdu, donc désolée pour cette réponse fort tardive.

@ Pourquoipas: merci de tes réflexions ci-dessus, comme ShBJ je suis tout à fait d'accord avec ce que tu écris.

Hokousai a écrit :C’est difficile à prouver à partir du texte de l’éthique ..
Vous attribuez un esprit à chaque chose c’est à dire que vous assimilez idée d’un corps à esprit d’un corps .(ou âme ) vous faites de l’ animisme .


je ne vois pas comment interpréter AUTREMENT le scolie d'E2P13 que par l'idée d'un animisme universel. Spinoza: "Car ce que nous avons montré jusqu'ici, ce ne sont que des communs, qui n'appartiennent pas plus aux hommes qu'aux autres Individus, lesquels sont tous animés, quoique à des degrés divers". A mon sens, le texte même "fait de l'animisme", il ne faut même pas le déduire du texte pour en trouver la preuve, non?

ShBJ a écrit :2) Ce qui m'amène à penser que Dieu connaît les corps singuliers autrement que par l'idée des esprit singuliers ayant ces corps pour objet, c'est le concept d'esprit lui-même, qui est univoque pour chaque réalité : l'intellect divin a le corps de Dieu pour objet, c'est-à-dire la nature en tant qu'étendue, dont les corps singuliers sont des parties - l'idée qu'est l'intellect divin est plus composée encore que l'idée qu'est mon esprit (E, II, 15), qui a la totalité de l'étendue pour objet. Les choses singulières ne sont, à ce titre, que des modifications du corps de Dieu (E, I, 25, corollaire) dont il a l'idée.


tenant compte des remarques de Pourquoipas, je crois qu'il vaut mieux laisser tomber un instant la référence à l'intellect divin, pour s'en tenir à l'attribut de la Pensée. Les choses singulières ne sont effectivement que des modifications du corps de Dieu, dont il a l'idée. L'ensemble de ces idées constituent l'attribut de la Pensée (même si l'essence éternelle de cet attribut est antérieur à ses affections (et donc aux idées singulières), bien sûr; je crois qu'en ce qui concerne l'aspect génétique, auquel tu réfères en 5e lieu, nous sommes d'accord).

Comme je viens de relire ton dernier message, après quelques semaines d'absence et donc de recul, je me demande si ce qui pose problème pour toi dans la thèse que je suis en train de défendre (que l'idée de mon Corps ou mon Esprit n'est rien d'autre que l'idée de mon Corps telle qu'elle figure dans l'attribut de la Pensée; autrement dit que mon Esprit n'est rien d'autre que l'idée que Dieu a, "immédiatement", de mon Corps), c'est la présence d'idées inadéquates dans mon Esprit. Comme Dieu n'a pas d'idées inadéquates, il ne peut pas connaître mon Corps "par l'intermédiaire" de mon Esprit, car une partie de ce qui compose cet Esprit ne lui appartiendrait pas. Est-ce bien cela ton problème?

ShBJ a écrit :Ta thèse revient à dire, si je l'entends bien, qu'un esprit a l'idée d'une partie du corps dont il est l'objet par cette idée, quand j'affirme pour ma part qu'il a l'idée des parties parce qu'elles sont enveloppées dans, et subordonnées à, l'idée du corps global.


je ne crois pas que l'Esprit à l'idée d'une PARTIE du Corps, au sens où, pour autant que je sache, jamais Spinoza ne dit que nous ne connaissons qu'une partie de notre Corps. Ce qui ne veut pas dire que nous connaissons tout du Corps. Nous ne connaissons que le Corps affecté, donc le Corps en tant qu'il est mû ou se meut. Ce qui n'empêche que l'Esprit peut concevoir l'essence du Corps sous l'aspect de l'éternité, et ainsi en avoir une connaissance adéquate (E5P31). Or dans le TIE, Spinoza définit la connaissance adéquate d'une chose par l'essence objective de la chose (l'autre essence qui constitue la même chose étant son essence formelle). C'est ce qui me fait penser que l'idée qu'est notre Esprit doit forcément être l'essence objective, telle qu'elle est dans l'attribut de la Pensée, tandis que le Corps lui-même doit correspondre à ce qu'il appelle dans le TIE l'essence formelle.

ShBJ a écrit :4) En conséquence, le problème de la connaissance par Dieu de l'inadéquation en tant qu'inadéquation se pose à moi - puisque d'après mon explication, il ne peut connaître que les raisons de l'inadéquation qui réside dans les lois de composition des corps, ou du général au particuliers, non l'inadéquation en tant que telle. Et c'est là que ta construction, pour farfelue qu'elle m'apparaisse par ailleurs, m'intéresse au plus haut point.


ce serait quoi, connaître l'inadéquation en tant que telle? Avoir une idée "mutilée", SANS avoir aussi la deuxième idée qu'il faut pour pouvoir avoir une idée adéquate? Si oui: il est clair que Dieu dispose de toute éternité de cette deuxième idée, raison pour laquelle il n'a que des idées adéquates. On pourrait dire qu'en ce sens, Dieu ne connaît pas notre Corps par le biais de notre Esprit, puisque celui-ci contient des idées inadéquates, c'est-à-dire des idées que Dieu n'a pas.

Cependant, si on le conçoit d'une telle façon, OÚ sont ces idées inadéquates, si Dieu ne les a pas, et si en dehors de Dieu rien n'existe ... ?

A mon sens, le problème réside dans le fait de supposer que les idées inadéquates seraient des entités à part entière, des "choses" qui existent dans le monde. S'il s'agit d'idées "confuses et mutilées", j'aurais plutôt tendance à croire que justement, elles ne sont pas des res, sinon elles auraient elles aussi une essence, essence dont Dieu aurait l'idée et ainsi de suite. Il s'agit bien plutôt d'idées dont je me demande s'il ne faut pas en dire qu'elles n'ont PAS d'essence formelle, mais enveloppent confusément deux essences différentes (celle de mon Corps, et celle du corps qui vient de m'affecter). Dieu ayant une idée adéquate aussi bien de l'essence de mon Corps que de l'essence du corps extérieur, l'idée inadéquate qui est dans mon Esprit ne peut qu'exister en lui comme contenant clairement deux essences objectives différentes, donc sans la confusion qui subsiste dans mon Esprit.

Or cette "confusion" n'est qu'un "manque de", qui en tant que telle n'a rien de positif, puisque le négatif n'a aucune existence réelle, chez Spinoza. C'est donc parce que ces idées inadéquates qui sont dans mon Esprit n'ont rien de positif, qu'elles n'existent pas "dans la réalité", donc pas non plus en Dieu. Or en cela, les idées inadéquates ne sont pas des idées de mon Corps au sens strict non plus, puisqu'elles confondent mon Corps avec le corps extérieur. C'est pourquoi, pour avoir une idée de mon Corps, Dieu peut "se contenter" de l'idée de mon Esprit telle que cette idée est en lui: mon Corps tel qu'il existe réellement, ce n'est que l'essence du Corps et ses affections, PAS tout ce qu'en font mes idées inadéquates. Dieu n'aurait PAS une idée "plus" adéquate de mon Esprit s'il avait AUSSI mes idées inadéquates, puisque celles-ci ne sont que privées de ce qui en Dieu leur est immédiatement "ajoutées".

Bref, si Dieu n'a pas d'idées inadéquates, à mon sens cela ne signifie pas que les idées inadéquates sont ailleurs que dans l'attribut de la Pensée. Cela signifie que l'idée inadéquate, en tant que telle, EST en Dieu, seulement elle n'est jamais dissociée de ce qu'il faut pour en faire une idée adéquate, ce qui implique que du point de vue de la totalité ou du point de vue de l'attribut de la Pensée, aucune idée n'est inadéquate. Mais ceci n'est qu'une hypothèse, bien sûr. Les choses se compliquent de nouveau quand on se demande si l'idée inadéquate est un mode de l'attribut de la Pensée elle aussi. Si oui, ne devrait-elle pas avoir une essence? Si oui, quel est le rapport entre l'essence formelle que ce mode est, et l'essence formelle de son objet, objet qui en réalité serait plutôt un ensemble confus de deux essences formelles ... ?

ShBJ a écrit :3) Je répète par conséquent que notre désaccord tient à ceci, que tu construis Dieu à partir de ses parties : tout se passe comme si tu présupposais l'existence des modes finis mentaux pour rendre compte de la connaissance par Dieu des modes finis étendus, quand j'affirme qu'il connaît ceux-ci par la connaissance du mode infini immédiat étendu, autrement dit des lois de mouvement et de repos dans lesquelles les modes finis étendus s'inscrivent nécessairement : ce qui explique que Dieu a, comme nous pouvons avoir, l'idée vraie de modes qui n'existent pas (E, I, 8, scolie), ou l'idée de tout ce qui découle de son essence (E, I, 21-23). L'idée vraie de ce qui n'existe pas, tu ne peux en rendre compte si tu avances que Dieu connaît les corps singuliers par les esprits singuliers.


je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas rendre compte de l'idée vraie de ce qui n'existe pas si l'on adopte la thèse que Dieu connaît les corps singuliers par les esprits singuliers. L'idée vraie de ce qui n'existe pas peut très bien se trouver dans un esprit singulier qui existe, d'une part, tandis que d'autre part l'idée vraie de ce qui n'existe pas - au sens d'EI.8, donc au sens de durer - n'est rien d'autre que l'essence objective d'une chose, chose ayant également une essence formelle, dont l'essence objective est l'esprit. Dans ce cas, l'esprit d'une chose qui ne dure pas (qui n'est pas dans un temps et un lieu précis), se trouve tout aussi bien en Dieu, en tant qu'idée appartenant à l'attribut de la Pensée, que l'esprit ou essence objective d'une chose qui dure.

ShBJ a écrit :5) Pour finir, nous sommes passés au gré de la discussion d'une proposition forte : l'essence d'un esprit singulier a pour objet l'essence du corps singulier, a une proposition plus faible se bornant à l'esprit singulier dans on rapport au corps singulier (de l'idée que je suis, nous sommes passées à la considération des idées que j'ai, pour reprendre ma distinction). Du coup, nos explications semblent bien plus proches, qui ne tiennent plus qu'à l'ordre de la construction (vide supra, 2-3). Aurais-tu renoncé à cette proposition forte ?


les remarques à ce sujet contenues dans ton premier message de ce fil m'ont fait découvrir que jamais Spinoza ne dit texto qu'une essence objective a une essence formelle pour objet. Je maintiens qu'à mon sens, cette proposition n'est ni contraire ni incompatible avec le Spinozisme, mais tes réflexions montrent clairement qu'on ne peut l'avancer qu'à titre d'hypothèse. A moins que tu trouves que l'hypothèse est carrément fausse? Si oui, quels seraient tes arguments?
Porte-toi bien,
louisa

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Idées inadéquates et connaissance divine...

Messagepar ShBJ » 07 avr. 2008, 13:49

A Louisa, salut !

1) Tu as parfaitement pointé mon problème, et je crois que tu y réponds de façon satisfaisante : dire que les idées inadéquates n'ont pas d'essence formelle résout tout. Mais alors Dieu ne connaît pas mon corps par l'intermédiaire de mon esprit - l'essence de celui-ci n'a pas pour objet l'essence de celui-là. Si les idées inadéquates ne sont pas des choses, ou rien de positif, il reste alors que Dieu connaît l'inadéquation en connaissant adéquatement les raisons pourquoi tel esprit a une idée inadéquate, ou pourquoi tels corps ne se composent que partiellement, c'est-à-dire qu'il a immédiatement l'idée de ces corps et de cet esprit. Si nous nous accordons là-dessus, nous nous accordons sur le problème qui nous a tant occupés.

2) Tu as raison pour l'argument que je croyais pouvoir tirer de E, I, 8, scolie, autrement dit de l'idée vraie de ce qui n'existe pas. Il est sans portée et je le retire.

3) Non, ton hypothèse ne me paraît pas carrément fausse. Etrange, tout au plus. Mais le point (1) semble mettre fin à notre opposition.

Tiens-toi en joie.


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