ShJB a écrit :1) Tu as parfaitement pointé mon problème, et je crois que tu y réponds de façon satisfaisante : dire que les idées inadéquates n'ont pas d'essence formelle résout tout. Mais alors Dieu ne connaît pas mon corps par l'intermédiaire de mon esprit - l'essence de celui-ci n'a pas pour objet l'essence de celui-là. Si les idées inadéquates ne sont pas des choses, ou rien de positif, il reste alors que Dieu connaît l'inadéquation en connaissant adéquatement les raisons pourquoi tel esprit a une idée inadéquate, ou pourquoi tels corps ne se composent que partiellement, c'est-à-dire qu'il a immédiatement l'idée de ces corps et de cet esprit. Si nous nous accordons là-dessus, nous nous accordons sur le problème qui nous a tant occupés.
je crois qu'effectivement nous sommes très proche d'être tout à fait d'accord. Peut-être juste ceci, néanmoins. Est-ce que tu veux dire par ta deuxième phrase ci-dessus que l'essence de mon esprit n'a PAS pour objet l'essence de mon corps? Si oui, cela ne revient-il pas à dire que mon hypothèse (qui pose l'inverse) est carrément fausse? Et si oui, je ne peux que répéter la question avec laquelle je termine mon dernier message: qu'est-ce qui pourrait nous obliger à penser cela?
Sinon je crois qu'on peut effectivement dire que les idées inadéquates ne sont pas des choses (du moins, de nouveau, à titre d'hypothèse provisoire), mais je ne dirais pas pour autant qu'elles n'ont rien de positif. Elles n'ont rien de positif PAR QUOI on les dit FAUSSE, ça oui. Mais si elles n'ont rien de positif du tout, comment parler d'un premier genre de CONNAISSANCE à leur égard?
Etant tout à fait d'accord avec la suite de ce que je cite ci-dessus, il me semble donc que même si nous sommes probablement d'accord sur l'essentiel (quant au problème initial), beaucoup de questions subsistent, ou plutôt, la réponse qu'on lui a donnée (que les idées inadéquates n'ont pas d'essence formelle) suscite un tas de nouveaux problèmes. Elles se résument peut-être en celle-ci: quelle est le statut ontologique des idées inadéquates? Si elles n'ont pas d'essence formelle, comment leur attribuer une existence?
Première tentative de réponse: on pourrait se dire que tout comme il y a des choses qui n'ont pas d'existence dans la durée mais qui n'existent pas moins pour autant (II.8 sc), il y a peut-être également des "modes" (suppposant que l'idée inadéquate est néanmoins un mode, puisqu'il peut constituer tout un genre de connaissance) qui, inversément, n'ont QU'une existence dans la durée, et pas d'existence sub specie aeternitatis. Cela serait-il concevable dans le spinozisme? En ce qui me concerne, j'hésite. Ne faudrait-il pas plutôt supposer que tout mode a une essence? Une chose n'est-ce pas simplement un ensemble de modes qui expriment tous le seul et même degré de puissance? Si oui, comment pourrait-il exister des "modes sans essence" ... ?
D'autre part, on pourrait penser à ceci comme argument qui plaide en faveur de la thèse que les idées inadéquates n'existent que dans la durée, et sont par là dépourvues d'une essence: nous savons que l'Esprit est constituée d'idées adéquates ET d'idées inadéquates. Pourtant, quand le Corps meurt, seule l'essence de l'Esprit subsiste, essence qui quant à elle est constituée uniquement des idées adéquates que contenait cet Esprit. Cela ne nous oblige-t-il pas quelque part de n'attribuer qu'une existence dans la durée aux idées inadéquates, c'est-à-dire une existence limitée dans le temps, et non pas éternelle?
Porte-toi bien,
Louisa