Être heureux

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Ulis
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Messagepar Ulis » 12 avr. 2008, 09:37

Il n'y a pas de confusion en dieu. Il y a de la confusion dans la pensée humaine, mais dans le domaine de l'étendue, point de confusion. Pas de confusion dans le réel tangible ! La marque de dieu, son accomplissement n'est-il pas dans l'étendue ?

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sescho
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Messagepar sescho » 12 avr. 2008, 11:32

Il me semble à moi évident que, selon Spinoza, Dieu ne forme aucune notion d'idée inadéquate (en tant qu'inadéquate), et que par ailleurs il est impossible d'avoir une connaissance du troisième genre d'une idée confuse. Je vois dans les propositions contraires une difficulté à discerner le plan de Dieu de celui du mode (humain) chez Spinoza (qui diffèrent très largement, alors même que le mode fait partie de Dieu : Dieu n'a pas faim, moi oui ; Dieu n'a aucun problème existentiel - entre Bien et Mal -, moi oui, etc., etc.)

Dieu ne forme aucune notion d'idée inadéquate et il ne lui manque pourtant rien, car l'inadéquation est un manque, et qu'un manque n'est rien de positif (c'est un être de Raison.) Et Dieu ne conçoit rien par raisonnement. Restent la joie et la tristesse (comme dans une certaine mesure la faim), mais pour Dieu ce ne sont pas des affects, mais de simples faits. En Dieu il n'y a que des faits, pas d'affect.

L'usage de E5P3 dans E5P18S et le majeur E5P20S en précise clairement la teneur, montrant qu'en fait l'idée adéquate d'une passion détruit immédiatement cette passion (et c'est la vérité : à l'instant même où l'on voit clairement une passion, en tant que passion, elle cesse de l'être.) Puisqu'il s'agit d'annihilation, elle ne peut être invoquée comme connaissance de la chose annihilée.

La plus grande difficulté me semble venir de l’ensemble de propositions E4P8, E4P14-17 et E4P64, qui parlent alternativement de connaissance vraie et, pour la dernière, de connaissance confuse d’un mal. Pour moi, il n’y a pas d’autre choix que de distinguer ici – c’est la seule exception - la connaissance du second genre de celle du troisième en matière d’adéquation : il y a selon Spinoza une connaissance du second genre du Mal, mais pas de connaissance du troisième genre d’un mal (la formule « vraie connaissance » exclut qu’il puisse s’agir du premier genre.) Le sujet a été abordé ici.

Amicalement

Serge
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 13 avr. 2008, 00:31

Cher Serge

(et c'est la vérité : à l'instant même où l'on voit clairement une passion, en tant que passion, elle cesse de l'être.)


C’est quelque chose que j’ai failli dire hier mais je me suis retenu .

C'est-à-dire que pour avoir une idée claire que faut-il ? Que faut-il de plus que la conscience de l’événement ( passion ou confusion ) ?
Savoir le tenants et aboutissants, les causes et les effets, intégrer tout cela dans une chaîne rationnelle de causalités .

Certes la passion décroît ou peut décroître d’une telle analyse. Est ce que les faits montrent une telle automaticité ?
Pour la confusion disons que par exemple je suis en butte à des contradictions logiques d où un malaise une instabilité, un sentiment d imperfection . Comment en sortir ? On ne sort pas si facilement des contradictions logiques .
Une solution est d’oublier le problème ou de reconnaître qu il y a non sens à le poser . L’ affirmation du non sens me parait une solution thérapeutique toute aussi valable que celle de l’intégration rationnelle dans une chaîne de causalité .

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Louisa
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Messagepar Louisa » 14 avr. 2008, 00:13

Hokousai a écrit :Etre confus sur la confusion ce serait normal .Pour moi la confusion se connaît elle même mais dans la difficulté ..Le domaine assez incernable du confus est un malaise .


comme déjà dit, à mon sens vous décrivez ici le sentiment de doute et d'incertitude, c'est-à-dire l'état d'ignorance que nous reconnaissons consciemment comme "ignorance". Or chez Spinoza on a des idées confuses SANS aucun sentiment de doute (voir la fin de l'E II). C'est pourquoi identifier inadéquation et doute n'est pas possible dans un spinozisme, il me semble.

Sinon j'aurais tendance à croire que ce que vous proposez ici n'est peut-être pas tout à fait cohérent. Car comment dire que nous "connaissons" la confusion en tant qu'état totalement confus, si déjà nous reconnaissons quelque chose de tout à fait vrai (et donc non confus) à son égard: le fait qu'elle est confuse ... ? Comment cette idée "de deuxième degré" (idée d'idée), qui constate la confusion, pourrait-elle en même temps et avoir comme objet la confusion, et ETRE elle-même confuse? Une idée confuse d'une idée confuse, n'est-ce pas la même chose qu'une idée fausse d'une idée fausse: le résultat final, c'est une idée vraie ? C'est-à-dire, si vous reconnaissez une idée comme étant confuse, vous êtes forcément dans le vrai, donc dans l'adéquation, non?

En tout cas, à mon sens c'est ce que l'on peut penser à partir de l'Ethique: l'inadéquation ne se vit comme telle qu'à partir du deuxième genre de connaissance. Avant, nous sommes non pas dans l'ignorance consciente (= le doute) mais simplement dans l'illusion, dans l'imagination, et cela, justement, SANS le savoir. L'idée confuse se caractérise par le MANQUE manifeste de "malaise", chez Spinoza.

Hokousai a écrit :L’effort de clarification transforme cet état de malaise en une stase extérieure stable .On va alors s’expliquer que le malaise est ceci ou cela un manque ou une erreur que sais je .alors que le malaise était liée à la confusion ne manquait de rien ,c’était un vrai malaise, entier , sans privation … ni n’était dans l’erreur, il est seulement dans la confusion , c’est à dire l’incertitude et plus dans l’incertitude de vraiment y être .
.Mais expliquant on est plus alors dans le malaise et on ne connait plus la confusion .
On y est ou on y est pas .


d'accord, on y est ou on n'y est pas. Mais cela confirme plutôt ce que je viens de dire, au lieu d'être un argument pour l'identification confusion-doute, non?

A mon sens, la confusion spinoziste a plutôt à voir avec ceci: l'état de confusion est un état où les éléments qu'il faudrait distinguer, sont mélangés entre eux d'une telle façon que celui qui les observe, ne les distingue pas. Cela implique que pour savoir qu'il s'agit d'un mélange, il faut déjà savoir qu'il y a derrière cette perception des éléments distincts, autrement dit il faut déjà avoir une connaissance adéquate de ces éléments. Par conséquent, ou bien on est dans la confusion, mais alors on ne soupçonne pas que ce qu'on conçoit être un, en réalité se divise en éléments distincts (on est donc confus SANS le savoir), ou bien on sait que ce mélange est en réalité composé d'éléments distincts, mais ce savoir n'est possible que quand nous avons déjà une idée adéquate du mélange, quand nous avons déjà réussi de les distinguer (et alors il s'agit bel et bien d'une connaissance adéquate de cette même chose, connaissance qui nous permet simultanément de caractériser notre perception précédente comme étant confuse). C'est bien la raison pour laquelle comprendre qu'il s'agit d'une confusion, c'est déjà en sortir, c'est déjà avoir une idée adéquate. Ou comme vous le dites: on y est ou on n'y est pas.

C'est pourquoi à mon sens nous aboutissons PAS à votre conclusion à ce sujet (= il existe une idée confuse de l'idée confuse, et cette idée, c'est ce qu'on appelle "doute"), mais plutôt à ce qui plaide en faveur de la thèse spinoziste.

Car quand on doute (le malaise dont vous parlez; ce bâton-là que je perçois au loin est-il bien un homme ou un tronc d'arbre?), on SAIT qu'on ne sait pas, on sait déjà qu'on est en train de mélanger deux choses qu'il faut en réalité distinguer (on sait par exemple qu'il s'agit d'une image une, mais qui peut être une perception d'un homme ou d'un arbre, bref de deux choses totalement dfférentes). C'est pourquoi ce que vous décrivez n'est nullement un état de confusion, mais plutôt un état de doute. Spinoza distingue clairement les deux: chez lui l'idée adéquate ne diffère pas principalement de l'idée inadéquate par l'absence de doute, car l'absence de doute se produit également lorsque nous avons une idée inadéquate ou confuse. La certitude spinoziste, ce n'est pas la même chose que l'absence de doute.

Hokousai a écrit :Alors est -ce que Dieu connaît ce malaise ? puisque c’était l’objet de ma remarque .


Dieu connaît les idées confuses de manière adéquate, c'est-à-dire il sait qu'il s'agit d'une idée confuse parce qu'il en a une idée adéquate, parce que lui a toujours déjà distingué les éléments réellements distincts. Par contre, Dieu ne connaît pas de doute, puisque le doute consiste à manquer d'une idée pour savoir si une autre idée est vraie ou fausse, et être conscient de ce manque, tandis que Dieu a une idée de tout et donc ne manque jamais d'idées ... .

Hokousai a écrit :(Question afférente :est-ce que Dieu peut-être conscient de moi-même tel que je le suis ?. Est-ce que Dieu connaît ma conscience de moi-même ?


mais oui, parce que Dieu est omniscient. L'erreur que vous faites est à mon sens de considérer le doute comme quelque chose de positif, là où - contrairement aux idées inadéquates - il n'est que manque. Ce qui nous manque et ce qui fait que nous doutons, c'est une idée. Cette idée-là, Dieu l'a de toute éternité, mais cela n'empêche que Dieu EN TANT QU'IL S'EXPLIQUE par notre Esprit, ne l'a pas. C'est de ce point de vue que Dieu est conscient de moi tel que je le suis. L'erreur est de croire que le manque de connaissance qui me caractérise, dirait quelque chose de réel sur qui je suis, tandis que connaître réellement ou avoir une conscience de qui je suis, cela ne signifie (dans le spinozisme) rien d'autre que d'avoir l'idée de l'essence de mon Esprit, bref d'avoir toutes mes idées adéquates. Dieu ayant toujours toutes mes idées adéquates, il me connaît entièrement et sans reste.

Autrement dit: à mon sens le spinozisme nous invite à concevoir nos idées inadéquates comme quelque chose qui ne dit RIEN de notre essence. Savoir qui nous sommes, c'est-à-dire en avoir une idée adéquate, c'est avoir nos idées adéquates. Et cela vaut d'ailleurs autant pour Dieu que pour nous-mêmes (nous ne nous connaissons ou nous ne sommes "conscients", au sens spinoziste du terme, de nous-mêmes que dans la mesure où nous avons des idées adéquates de nous-mêmes).

Hokousai a écrit : Cette question m’intéresse autant que la précédente sur la confusion . c’est qu’elle induit(ou pas ) une certaine conception de Dieu et plus précisément de la connaissance que Dieu a .Il me semble que vous n’êtes pas loin du Dieu catholique qui sonde les reins et les cœurs et qui donc connaît les péchés des hommes .Autrement dit leur conscience et leurs confusions )


il faut donner une consistance propre au vice et à l'ignorance pour pouvoir concevoir un Dieu qui connaît ce genre de choses. C'est ce qui est la cas pour le catholicisme, vu que c'est bel et bien la PRESENCE du vice qui fait que le Dieu catholique punit de toute éternité le pécheur. Or si, comme le fait Spinoza, on identifie vice et impuissance, alors on obtient un Dieu qui doit choisir entre toute-puissance et punition de ses créatures: ou bien on considère l'impuissance de l'homme comme quelque chose de bien réel et connaissable, et alors on peut la repérer comme quelque chose de positif (et donc la punir), ou bien on considère que Dieu est tout-puissant ET DONC ne peut concevoir l'impuissance. Mais alors: exit le péché catholique, car comment punir ce qui n'existe tout simplement pas ... ?

Autrement dit: ce qui du point de vue spinoziste semble être "vicieux", en ce qui concerne la doctrine catholique, c'est que quelque part l'homme est supposé avoir la puissance de choisir (provoquer, causer) sa propre impuissance. Pour Spinoza, cela est absurde. D'une part une puissance limitée n'est jamais considérée comme étant essentiellement une "impuissance" (car toute essence est affirmative, donc puissance), et d'autre part le fait que cette puissance soit limitée n'est jamais causée par la puissance en question. La cause de cette limitation, ce n'est rien d'autre que Dieu lui-même. Alors inventer l'enfer pour punir ce dont on n'est que soi-même, en tant que Dieu, la cause ... voici ce qui du point de vue spinoziste est bien étrange ... :)

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Messagepar hokousai » 14 avr. 2008, 19:48

C'est-à-dire, si vous reconnaissez une idée comme étant confuse, vous êtes forcément dans le vrai, donc dans l'adéquation, non?



Dans ce cas il suffit de prendre conscience de l’incertitude pour être dans l’adéquation .
Pire, on peut être dans une profonde erreur et ne pas en avoir conscience on est encore plus dans l’adéquation puiqu’ aucun malaise n’existe ..
Et finalement ont est toujours dans l’adéquation .

Or la certitude que je doute ce n’est pas le doute .
Dieu ayant toujours toutes mes idées adéquates, il me connaît entièrement et sans reste.


oui bon j' avais compris
Mais est ce qu'il connait mes idées confuses en tant que confuses ?
A mon avis non.
l'esprit humain oui .

C'est ce qui fait la différence .

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Messagepar hokousai » 14 avr. 2008, 23:18

chère Louisa

Dieu connaît les idées confuses de manière adéquate, c'est-à-dire il sait qu'il s'agit d'une idée confuse parce qu'il en a une idée adéquate, parce que lui a toujours déjà distingué les éléments réellement distincts.



Spinoza dit que Dieu n’ a pas antérieurement connu les choses . et c’est peut être pour cela que je dis qu’il n ‘y a pas omniscience .

Considérons Dieu comme constituant l’esprit humain les idées confuses sont dans de la nature donc pas d’une sous nature Donc tout ce qui advient confusion dans l’esprit ou manque dues a la puissance relative de l’esprit est de la nature . Il y a donc des modifications de Dieu qui sont des idées inadéquates d’ états mentaux confus (.des doutes ,des incertitudes, des malaises des flottements l’âme que sais je de ce genre . ce ne sont pas des modifications extranaturelles .
Je ne pense pas qu’elles soient connues comme telles adéquatement
Il me semble que l’idée d’une modification flottante est flottante .

Mais en Dieu en tant qui la les idée de toutes les choses ( de la durée de mon corps par exemple ) est-ce qu’il y a des connaissances flottantes ?
Si non on e t obligé d’admettre que le doute, la confusion de l’esprit humain échappe à l’ordre qui lui de doute pas . Les idées confuses ne sont connues comme confuses que par un esprit confus . En ce sens Dieu n’est pas omniscient .
Il n’est pas conscient tel que je le suis , conscient de moi même .
Il ne peut savoir du point de vue de la connaissance de toutes les choses ce que je vois du point de vue de la connaissance de peu de choses .(nature naturante et nature naturée )

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Messagepar Louisa » 15 avr. 2008, 01:08

Cher Hokousai,

Louisa:
C'est-à-dire, si vous reconnaissez une idée comme étant confuse, vous êtes forcément dans le vrai, donc dans l'adéquation, non?

Hokousai:
Dans ce cas il suffit de prendre conscience de l’incertitude pour être dans l’adéquation .


en effet. Car si on est dans l'incertitude et on le sait, on le sait vraiment, non? On sait qu'il est vrai qu'on doute, qu'il y a incertitude. On a donc une idée adéquate de notre état. Cela ne veut pas dire que nous ne doutons plus. Cela veut dire que nous savons que nous doutons. Autrement dit: savoir vraiment qu'on doute, c'est avoir une idée ayant pour objet une idée dont l'objet est seulement possible. Est-ce que demain il va faire beau ou est-ce qu'il va pleuvoir? On ne peut pas dire avec certitude ce qui va arriver. Cela signifie que nous manquons de l'idée qui rend une des deux possibilités nécessaire. C'est-à-dire, nous ne connaissons pas les causes du temps qu'il va faire demain.

C'est pourquoi le doute est une ignorance. Or il est parfaitement possible de savoir qu'on est ignorant ou non. Tout l'enjeu du questionnement socratique se base sur cette différence. Il y a ceux qui croient qu'ils savent alors qu'ils ne savent pas. Ce sont eux qui ont des idées inadéquates/confuses (par exemple concernant le courage). Il y a aussi ceux qui ne savent pas ET qui savent qu'ils ne savent pas. C'est là que se produit le doute. Et qui doute a la certitude qu'il doute. C'est d'ailleurs ce qui a permis le cogito cartésien: c'est exactement la même certitude qui fait la base de tout le système cartésien. Le cogito prouve que même dans le doute total, il y a au moins deux certitudes: 1) le fait (vrai) qu'on doute, et 2) le fait qu'on existe, puisque pour pouvoir douter et le savoir, il faut exister.

Bien sûr, le savoir vrai concernant le doute n'enlève pas le doute. Un savoir vrai ne peut enlever que l'inadéquation, ce qui, encore une fois, chez Spinoza est autre chose que le doute.

Hokousai a écrit :Pire, on peut être dans une profonde erreur et ne pas en avoir conscience on est encore plus dans l’adéquation puiqu’ aucun malaise n’existe ..


vous continuez à identifier le doute et l'inadéquation. Or voici que Spinoza dit en E II.49 scolie que "Par certitude nous entendons quelque chose de positif, et non une privation de doute. Tandis qu'on peut avoir une idée inadéquate et ne pas en douter du tout. Le doute n'est PAS le critère par lequel on sait qu'une idée est inadéquate/confuse ou non, dans le spinozisme. On peut donc être dans une profonde erreur et ne pas en avoir une conscience ou ne ressentir aucune malaise, mais cela n'est possible QUE dans l'inadéquation, et pas dans l'adéquation.

Louisa:
Dieu ayant toujours toutes mes idées adéquates, il me connaît entièrement et sans reste.

Hokousai:
oui bon j' avais compris
Mais est ce qu'il connait mes idées confuses en tant que confuses ?
A mon avis non.
l'esprit humain oui .

C'est ce qui fait la différence .


si vous trouvez que c'est cela ce qui fait la différence entre un mode et la Substance, vous définissez cette différence par le manque. Spinoza non. La différence, pour lui, c'est que les modes sont des DEGRÉS de puissance, là où la Substance est la puissance infinie, l'ensemble infini de tous les degrés de puissance.

Sinon on en revient au problème qu'il me semble que j'ai posé plus haut, dans mon dernier message à ShBJ: on sait que Dieu n'a que des idées adéquates. Si Spinoza avait limité les genres de connaissance aux seuls genres adéquats, cela ne poserait pas trop de difficultés. Mais pour lui une idée inadéquate est également une connaissance. Une idée inadéquate semble donc également être un mode de l'attribut de la Pensée. Or si c'est le cas, comment est-ce possible que Dieu n'a pas d'idées inadéquates, puisque l'attribut de la Pensée constitue la Substance?

On pourrait peut-être effectivement reformuler cette question comme vous le faites ci-dessus ou comme ShBJ l'a déjà fait avant: Dieu connaît-il les idées confuses en tant que confuses? Dans le cas où l'on répond "non", ne faut-il pas en conclure que certaines choses qui pourtant existent, échappent à Dieu?

Bref, si pour moi la distinction entre le doute et la confusion est assez claire (donc si à mon sens vous vous trompez quand vous n'en tenez pas compte), je suis encore dans le "doute" quant au statut ontologique des idées inadéquates ... .

Louisa:
Dieu connaît les idées confuses de manière adéquate, c'est-à-dire il sait qu'il s'agit d'une idée confuse parce qu'il en a une idée adéquate, parce que lui a toujours déjà distingué les éléments réellement distincts.

Hokousai:
Spinoza dit que Dieu n’ a pas antérieurement connu les choses . et c’est peut être pour cela que je dis qu’il n ‘y a pas omniscience .


serait-il possible d'indiquer où il dit cela plus précisément? Merci déjà.

Hokousai a écrit :Considérons Dieu comme constituant l’esprit humain les idées confuses sont dans de la nature donc pas d’une sous nature Donc tout ce qui advient confusion dans l’esprit ou manque dues a la puissance relative de l’esprit est de la nature .


si vous voulez dire que l'idée confuse est due à l'impuissance de l'esprit, je ne suis pas d'accord. C'est justement une des grandes originalités du spinozisme que de poser qu'il n'y a pas de manque dans la nature. Ce n'est donc jamais l'Esprit qui est la cause de ses idées inadéquates, l'idée inadéquate se définit précisément par le fait d'être causée également par un autre chose que l'Esprit. La cause de l'idée inadéquate n'est pas l'impuissance de l'Esprit, l'idée inadéquate se caractérise bien plutôt par le fait d'avoir DEUX causes, dont l'une seule est l'Esprit. Et c'est parce que Dieu a toujours déjà une idée adéquates de ces deux causes, qu'en lui l'inadéquation n'existe pas, au sens où dans l'entendement divin jamais on ne trouve l'idée d'une de ses causes totalement "isolées" de l'idée de la deuxième cause.

Hokousai a écrit : Il y a donc des modifications de Dieu qui sont des idées inadéquates d’ états mentaux confus


c'est cela la grande question, il me semble. Les idées inadéquates sont-elles des modes ou non?

Argument pro: elles n'ont rien de positif par quoi on dit qu'elles manquent quelque chose, elles sont simplement des idées d'affections du Corps, et en tant que telle "positive".... .

Argument contra: Dieu n'a que des idées adéquates, dont l'attribut de la Pensée ne peut lui aussi que contenir des idées adéquates. Or rien n'existe en dehors des attributs, donc les idées inadéquates n'existent pas ... .

Hokousai a écrit : (.des doutes ,des incertitudes, des malaises des flottements l’âme que sais je de ce genre .


je ne crois pas que tout ce que vous énumérez tombe sous le concept proprement spinoziste de "confusion". Le doute n'est clairement pas ce qui est propre à l'inadéquation. Et les flottements d'âme sont des états dans lesquels l'âme est tiraillée entre DEUX affects, les affects étant des idées composées. Spinoza parle de fluctuatio animi quand par rapport à un seul et même objet l'âme ressent aussi bien de l'Amour que de la Haine, c'est-à-dire passe sans cesse d'une Joie à une Tristesse. Ce n'est pas la même chose que la confusion, qui se caractérise par le fait d'avoir UNE SEULE idée, idée inadéquate en l'occurrence.

Hokousai a écrit : ce ne sont pas des modifications extranaturelles .
Je ne pense pas qu’elles soient connues comme telles adéquatement
Il me semble que l’idée d’une modification flottante est flottante .


une modification flottante ... ? Un seul et même mode qu'on peut appeler "flottant"? A mon avis cela n'existe pas dans le spinozisme. Si vous croyez que oui, sur quelles propositions vous basez-vous?

Hokousai a écrit :Mais en Dieu en tant qui la les idée de toutes les choses ( de la durée de mon corps par exemple ) est-ce qu’il y a des connaissances flottantes ?
Si non on e t obligé d’admettre que le doute, la confusion de l’esprit humain échappe à l’ordre qui lui de doute pas . Les idées confuses ne sont connues comme confuses que par un esprit confus . En ce sens Dieu n’est pas omniscient .


Etre omniscient veut dire avoir une idée adéquate de tout ce qui existe, connaître réellement tout ce qui existe. Cela implique que Dieu connaît les idées confuses REELLEMENT, telles qu'elles sont, c'est-à-dire il sait qu'il s'agit d'une idée confuse, autrement dit il en a le savoir certain, donc l'idée adéquate. Jusque-là à mon sens il n'y a pas de problème. Le problème est plutôt de savoir dans quelle mesure on peut dire que les idées inadéquates existent, si Dieu n'a que des idées adéquates.

Hokousai a écrit :Il n’est pas conscient tel que je le suis , conscient de moi même .


Spinoza n'utilise pas le mot conscience telle que nous le comprenons aujourd'hui. Il me semble qu'il ne l'utilise QUE dans le cas d'idées adéquates. Dans la mesure où nous avons des idées inadéquates, du point de vue spinoziste nous n'avons aucune conscience de nous-même (au contraire, nous attribuons plutôt à un corps extérieur ce qui relève de l'état de notre propre Corps).

Hokousai a écrit :Il ne peut savoir du point de vue de la connaissance de toutes les choses ce que je vois du point de vue de la connaissance de peu de choses .(nature naturante et nature naturée )


ce que moi, en tant que mode, je sais (= connaissance vraie), ce sont des idées adéquates, et ces idées sont de toute éternité en Dieu. C'est bien pourquoi nous sommes "du Dieu", en tant que nous avons une connaissance vraie. Dieu n'est rien d'autre que l'ensemble de tous ces points de vue, de tous ces "sous-ensembles" d'idées adéquates. C'est parce que Dieu EST notre point de vue (mais il est aussi tous les autres points de vue), qu'il connaît tel que nous connaissons (du moins en ce qui concerne la connaissance vraie).

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Messagepar hokousai » 15 avr. 2008, 17:51

Spinoza dit que Dieu n’ a pas antérieurement connu les choses

corrolaire de prop 6 /2

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Messagepar Louisa » 15 avr. 2008, 19:25

Merci pour la référence.

Serait-il possible d'expliquer en quoi selon vous ce corollaire indique que Dieu n'est pas omniscient (car à mon avis c'est plutôt l'inverse qu'il faut en conclure: Dieu a même les idées des choses qui n'existent pas encore ou qui n'existent plus dans le temps et l'espace, et cela non pas parce que sa connaissance contiendrait D'ABORD ce qui ne se réalisera que par après, mais parce que les choses qui ne durent pas pour l'instant ont néanmoins elles aussi une essence objective et une essence formelle, autrement dit existent de toute éternité dans les attributs de Dieu, raison pour laquelle, justement, il connaît tout ce qui existe, que ce soit seulement "en Dieu" ou également "dans la durée")?

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Messagepar hokousai » 15 avr. 2008, 22:30

Chère Louisa

Je suis parti d' un message de ShBJ ( mais à vrai dire vous sembliez d’ accord )
il reste alors que Dieu connaît l'inadéquation en connaissant adéquatement les raisons pourquoi tel esprit a une idée inadéquate, ou pourquoi tels corps ne se composent que partiellement, c'est-à-dire qu'il a immédiatement l'idée de ces corps et de cet esprit.


J’étais assez d’accord avec ce qui précédait
Mais alors Dieu ne connaît pas mon corps par l'intermédiaire de mon esprit
Mais je persiste à penser qu’il n’ y a pas dans la nature de conscience qui sache à ma place et de la même manière que moi ce que je sais de mon corps(et de mon esprit ) et en ce sens Dieu n’est pas omniscient ( pas plus que ne le sont in fine les sciences cognitives ).

Je suis pour dire que les idée inadéquates existent ou bien alors je n’existe pas quand j’ai des idées inadéquates (confusion , incertitudes , doutes ou erreurs )

Il. y a un fond de pensée chez Spinoza (un socle ) et qui est la nécessité . Nécessairement un évènement plutôt qu’ un autre , un ordre des choses plutôt qu’un autre il n’ y a p as d’ aléatoire ou d’incertitude ou de suspens . Dieu ne suspend pas son activité dans l’incertitude d’une décision .
Ce qui est tout à fait le cas de l’esprit humain
.
L’ordre de la nature intègre les confusions de l’esprit humain comme il intègre tous les évènements , mais l’ordre ne comprend pas au sens d’avoir des idées de l’incertitude et ce parce que l’ enchaînement des choses est nécessaire et certain .


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