Louisa:
... une telle "pureté" n'est concevable que dans une pensée radicalement dualiste, là où Spinoza souligne la position inverse.
Au-delà de positions de principe générales sur les mots, et pour revenir au sens, je répète que j'emploie ce mot pour signifier ce qui appartient au sage. Je me pose la question : tu distingues bien le sage du non-sage chez Spinoza, autrement dit une éthique dans l'Ethique ?
certaines choses dans ce que tu écris me font effectivement penser que nos interprétations du sage spinoziste pour l'instant divergent sur certains points.
Sescho a écrit :Je peux me tromper au sujet de Spinoza, mais c'est sur des extraits complets de Spinoza lui-même avec exégèse juste à l’appui que je peux m'en rendre compte.
tout à fait d'accord, en ce qui me concerne (c'est-à-dire il est entièrement possible que moi aussi, je me trompe peut-être au sujet de Spinoza, et je pourrai m'en rendre compte sur base d'une analyse précise d'un extrait).
Louisa:
... à mon sens il est erroné de "réduire" l'utilité des plaisirs esthétiques, chez Spinoza, à une "préparation" à quelque chose de "supérieur". ...
Sescho:
Je ne fais que retraduire Spinoza : "En effet, le corps humain se compose de plusieurs parties de différente nature, qui ont continuellement besoin d’aliments nouveaux et variés, afin que le corps tout entier soit plus propre à toutes les fonctions qui résultent de sa nature, et par suite, afin que l’âme soit plus propre, à son tour, aux fonctions de la pensée."
à mon sens il s'agit tout de même encore de deux choses différentes: le fait qu'on a besoin de nourriture, donc d'un corps puissant, pour avoir une pensée puissante, vaut parfaitement du point de vue du parallélisme, mais cela ne signifie pas encore qu'on a vraiment "besoin", dans le même sens du terme, des plaisirs qui sont avant tout esthétiques. Changer les corps qui nous constituent par d'autres n'est pas la même chose que d'être affecté d'une telle manière que l'on parle de chaud ou de froid, de beau ou de laid.
Louisa:
... Spinoza dit explicitement que nous n'appelons beau que ce qui nous touche de façon agréable (et qui par là est déjà utile à la santé), cela dépendant entièrement de chaque Individu et donc n'étant pas du tout commun à tous (le beau est donc "sujbectif" chez Spinoza, pour le dire en des termes kantiens).
J'aimerais que tu nous montres les passages où il dit cela (j'espère que ce n'est pas seulement le "chacun juge de ce qui est bon et mauvais selon sa complexion" qui n'est qu'une acception particulière du "bon" - et non du beau seul, en passant - chez Spinoza.)
à mon sens, ce n'est QUE dans le passage que tu cites qu'il parle du beau, et c'est cela la raison même qui me fait penser que chez Spinoza, il n'y a pas un beau universel, propre au sage. C'est donc parce que QUAND il parle du beau, il ne parle que d'un beau "particulier", comme tu le dis, qu'à mon sens il faut en conclure qu'un beau universel n'existe pas chez lui.
Inversement, si tu crois qu'on peut tout de même déduire un sens du beau propre au sage chez Spinoza, sur quels extraits est-ce que tu te baserais pour conclure à cette hypothèse?
Sescho a écrit :Spinoza dit bien que la perception du beau dépend des circonstances (maladie par exemple), et nous pouvons admettre qu’il y a quelques différences (il s’agit de quelque chose de marginal) suivant l’essence du sage en question (car le sujet, tu sembles régulièrement l’oublier, est le sage.) Mais le « pas du tout commun à tous » s’agissant de Spinoza même, j’attends avec intérêt tes extraits et analyses, si tu veux bien.
c'est donc le fait que jamais il ne parle d'un beau qui pourrait être commun à tous qui me fait penser que chez lui cela n'existe pas.
Louisa:
Bref, s'il fallait résumer nos divergences, je dirais que tu réserves pour le sage un type de beauté proche du Beau kantien, tandis que d'une part jamais Spinoza ne mentionne un type de beau propre au sage (beauté autre que celle éprouvée par les hommes qui sont moins sages/libres)
Sescho:
Je n'ai pas dit "propre au sage" mais "qui reste au sage", c'est différent, et je ne vois toujours aucune utilité à mettre Kant là-dedans : Spinoza suffit. Vu que Spinoza ne s’étend pas sur le sujet, qui est marginal, il n’est pas aisé de produire des extraits… Mais toi qui affirmes au nom de Spinoza, tu dois en avoir qui confortent tes dires.
j'ai l'impression que je ne fais que répéter Spinoza: quand il s'agit du beau, il n'en parle qu'en des termes "subjectifs". Comme c'est Kant qui parle d'un beau universel, et comme il y a d'autres aspects dans ton interprétation qui me semblent être plus kantiens que spinozistes (voir mon message précédent), je parle d'une tendance kantienne (ou "kantianisante", si ce mot existe ...).
Alors on pourrait dire que Spinoza n'en parle pas, mais qu'on peut déduire d'autres extraits que le sage doit avoir un sens de la beauté à lui, et qui se caractérise par le fait d'être universel. Mais cette déduction, j'avoue que je ne vois pas comment l'effectuer. C'est pourquoi je ne peux que te demander d'expliciter davantage ton interprétation. En attendant, je n'ai à ma disposition que les quelques passages où il parle explicitement du beau pour savoir ce qu'il en pense. Et là, sans exception (je suppose que nous sommes d'accord là-dessus?), il parle d'un beau "subjectif".
Bien à toi,
louisa