L'homme n'existe pas

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Louisa
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Messagepar Louisa » 16 juin 2008, 22:34

Sescho a écrit :Les essences, en tant que théorie, ne sont pas centrales dans la philosophie de Spinoza, selon moi. Que mon essence, ma nature, est en Dieu et non en moi-même, qui ne suis qu'un mode, cela au contraire est fondamental chez lui. Il ne s'agit pas de théorie, mais, comme je l'ai déjà dit, de prendre les choses à la suite en conséquence : mon essence, c'est ce que je suis, or je ne suis pas en moi-même mais en Dieu, or Dieu est éternel et immuable, donc ce que je suis est éternellement en Dieu. C'est aussi simple que cela.


à mon avis cette interprétation rate bel et bien le coeur même du spinozisme. Ce n'est pas moi "en général" qui est en Dieu, ce n'est que moi en tant que je suis actif, en tant que je suis un degré de puissance précis. Ce n'est que la partie éternelle de mon Esprit qui est en Dieu. Le reste, les affects-passions, n'ont pas de véritable "réalité" pour Spinoza. Il faut donc bel et bien d'abord avoir une idée adéquate (donc précise) de sa propre essence singulière avant de pouvoir comprendre que je suis éternellement en Dieu. Sans cela, il s'agit d'une simple hypothèse: je suppose que je suis en Dieu (ce qui dès lors ne veut rien dire d'autre que reconnaître que je ne suis pas l'ensemble du monde, mais juste une partie), j'y ajoute un peu d'éternel, et voilà, on y est.

Alexandre_VI a écrit:
Est-ce qu'il faut poser l'existence des essences pour connaître les choses?

Sescho:
Les choses singulières ? Non. Et il n'est pas possible de les connaître adéquatement (l'intelligibilité infinie n'appartient pas à l'Homme mais à Dieu.) Mais pour connaître Dieu, l'unique Substance, oui.


Connaître UNE chose singulière adéquatement n'implique aucune intelligibilité INFINIE. Les essences des modes ne sont pas infinies, elles sont éternelles, c'est différent. Le troisième genre de connaissance est exactement cela : "ce genre de connaître procède de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses" (E2P40 sc.II).

C'est pourquoi il ne suffit pas de dire que je suis un mode et que tout mode, logiquement (du moins dans le spinozisme) présuppose une Nature-substance dans lequel il est, pour déjà avoir une connaissance du troisième genre. Là on est dans le deuxième genre de connaissance, où effectivement, une connaissance adéquate de l'essence des choses singulières n'est pas possible (ce qui n'empêche que là aussi, nous avons bel et bien une connaissance adéquate de ces choses!! Seulement pas de leur essence).

Si le spinozisme a absolument besoin d'essences singulières, c'est parce que sans elles, il n'y aurait que des rapports, tandis que des rapports ne sont pas réels pour Spinoza. Ils sont "extrinsèques" aux choses (TIE).

Inversement, il suffit (comme le fait par exemple Deleuze) d'attribuer de la réalité aux rapports, et de dire que seuls les rapports sont réels, pour obtenir une ontologie où effectivement, nous n'avons plus besoin d'essences pour avoir un fondement éternel des rapports qui caractérisent les choses singulières. Chaque chose singulière y est une "combinaison unique" de rapports. Connaître ces rapports, c'est connaître la chose. Or en perdant son essence, la chose perd également son éternité. C'est donc toute la Liberté spinoziste qui s'écroule, et avec elle la béatitude.
L.

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Messagepar sescho » 16 juin 2008, 23:00

Louisa a écrit :je ne comprends pas très bien la distinction que tu veux introduire ici. Savoir que mon essence singulière dépend de Dieu, c'est avoir une idée vraie. Objet de cette idée: mon essence singulière. Autrement dit: ce que je connais en ayant cette idée, c'est bel et bien mon essence.

C'est à mon tour de ne pas bien comprendre ce que tu signifies. C'est avoir une idée vraie concernant l'objet qu'est mon essence singulière, je suis d'accord. Je ne vois pas ce qui t'autorise à glisser de là vers "ce que je connais, c'est mon essence." Tu remplaces "concernant" par "de", ou quoi ?

Si je dis "je ne peux concevoir cette vague sans concevoir en même temps l'océan", tu penses que j'exprime l'essence de la vague, dans son entier - ce qu'elle est, donc, c'est à dire intégralement - adéquatement ? Ou seulement une vérité sur l'essence de cette vague (qui vaut pour toute vague prise individuellement quelles que soient ses particularités ?)

Louisa a écrit :Encore une fois, la vérité chez Spinoza n'est jamais ce qui est l'objet de la connaissance, la vérité au sens stricte qualifie une idée. Il n'y a pas d'une part l'attribut de la Pensée, et puis quelque chose en dehors de lui qui serait "la vérité". Ce qui est vrai dans le spinozisme, ce ne sont que des idées. Mais ce qui est connu, c'est-à-dire l'objet de l'idée (ideatum), c'est ou bien un mode de l'attribut de la Pensée (dans le cas où l'objet de l'idée est une idée), ou bien un mode appartenant à un autre attribut (une affection du Corps, par exemple), ou bien la chose constituée par les modes qui l'expriment (chose en ce qu'elle a en commun avec les autres choses (alors l'idée relève du deuxième genre) ou chose dans son essence singulière (idée du troisième genre)).

Non, absolument pas. Ce qui est connaissable adéquatement (deuxième ET troisième genre) ce sont les lois (elles sont vues en action même, non verbalisée, en "direct live" dans les modes existants lorsqu'il s'agit du troisième genre), et ces lois sont l'essence même de Dieu, telle qu'accessible à l'Homme.

Louisa a écrit :... il n'y a pas de "tirer" dans la version orginale, celle que Spinoza a écrite.

Peu importe, le sens est exactement le même.

Louisa a écrit :Il conclut ici une vérité générale (tout dépend selon l'essence et l'existence de Dieu), donc une idée vraie relevant du deuxième genre de connaissance, et cela en passant dans le raisonnement qui mène à cette conclusion par une idée du troisième genre (ayant mon essence singulière comme objet).

Ich kann nicht! Das ist eine fransösiche grosse Subtilitat.

Louisa a écrit :Si tu crois que toute idée vraie est "tirée" de son objet, il me semble que tu ne tiens pas compte du fait que dans le TIE Spinoza dit que l'idée vraie d'une essence singulière n'est rien d'autre que l'essence objective de cette même chose, ayant l'essence formelle de la chose comme objet. Il s'agit, dans le cas d'une idée vraie, de deux modes (idée et son objet) qui expriment "une seule et même chose". On ne "tire" par l'idée vraie de son objet. L'idée vraie et son objet sont ensemble une seule et même chose.

Oui, nous avons dit cela maintes fois (avec force extraits), mais il s'agit de Dieu, pas de l'Homme.

Louisa a écrit :Or dans ce scolie, il s'agit de conclure une idée (tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence) d'une autre idée, cette dernière étant ici du troisième genre de connaissance

Non, rien ne l'indique dans le texte.

Louisa a écrit :Ce qui fait que je me demande toujours comment, dans ton interprétation, distinguer le deuxième genre de connaissance du troisième, une fois que tu dis que l'objet du troisième est également une loi générale

Une loi, tout simplement. Il est sous-entendu qu'elle s'applique à tout partout (d'autant que le terme "général" pourrait insinuer "universaux", ce qui n'a rien à voir.) La loi de la Gravité, pour toi, c'est uniquement selon le second genre, ou l'on peut l'expérimenter sans avoir jamais conduit aucun raisonnement ?


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Messagepar sescho » 16 juin 2008, 23:22

Enegoid a écrit :Incruste (pour le fun) :

"...combien vaut la connaissance des choses singulières que j'ai appelée intuitive ou connaissance du 3 ème genre" E5p36 scol

Oui c'est vraiment pour le fun (quoique...) puisque c'est de ce scholie que nous essayons de discuter depuis pas mal de temps et qu'il est reproduit par deux fois plus haut. Il a aussi été discuté antérieurement (liens que je reproduis plus haut) et c'est le seul et unique passage - ce qui a déjà été souligné - dont la tournure peut laisser penser (cela dépend comment on le prend mais j'affirme que c'est faussement dans ce sens) qu'il est possible d'avoir une connaissance du troisième genre d'une chose singulière. Mais il est immédiatement assorti d'un exemple - dont nous essayons de discuter actuellement - lequel est donc éminemment de nature à lever le doute (quoique...)

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Messagepar Louisa » 16 juin 2008, 23:39

Louisa a écrit:
je ne comprends pas très bien la distinction que tu veux introduire ici. Savoir que mon essence singulière dépend de Dieu, c'est avoir une idée vraie. Objet de cette idée: mon essence singulière. Autrement dit: ce que je connais en ayant cette idée, c'est bel et bien mon essence.

Sescho:
C'est à mon tour de ne pas bien comprendre ce que tu signifies. C'est avoir une idée vraie concernant l'objet qu'est mon essence singulière, je suis d'accord. Je ne vois pas ce qui t'autorise à glisser de là vers "ce que je connais, c'est mon essence." Tu remplaces "concernant" par "de", ou quoi ?


oui, bien sûr. Du moins dans le spinozisme. Il faut une théorie de la vérité qui travaille avec le concept de la représentation pour qu'une idée vraie soit réellement autre CHOSE que ce dont elle est l'idée. Or pour Spinoza, la représentation est ce qui caractérise l'imagination, pas la connaissance vraie. La représentation garde son sens médiévale de "rendre présent à l'esprit", sans plus (il s'agit d'une faculté de "temporalisation", ce qui en soit n'a rien à voir ni avec la vérité, ni avec l'erreur). Chez lui, une idée vraie est toujours simplement l'essence objective de la même chose que l'essence formelle de cette chose qui en est l'objet.

Sescho a écrit :Si je dis "je ne peux concevoir cette vague sans concevoir en même temps l'océan", tu penses que j'exprime l'essence de la vague, dans son entier - ce qu'elle est, donc, c'est à dire intégralement - adéquatement ?


non, dans ce cas tu parles d'une loi générale qui vaut pour toute vague, tu ne parles pas d'essences. Ton idée, dans ce cas-ci, porte sur ce que toutes les vagues ont en commun.

Louisa a écrit:
Encore une fois, la vérité chez Spinoza n'est jamais ce qui est l'objet de la connaissance, la vérité au sens stricte qualifie une idée. Il n'y a pas d'une part l'attribut de la Pensée, et puis quelque chose en dehors de lui qui serait "la vérité". Ce qui est vrai dans le spinozisme, ce ne sont que des idées. Mais ce qui est connu, c'est-à-dire l'objet de l'idée (ideatum), c'est ou bien un mode de l'attribut de la Pensée (dans le cas où l'objet de l'idée est une idée), ou bien un mode appartenant à un autre attribut (une affection du Corps, par exemple), ou bien la chose constituée par les modes qui l'expriment (chose en ce qu'elle a en commun avec les autres choses (alors l'idée relève du deuxième genre) ou chose dans son essence singulière (idée du troisième genre)).

Sescho:
Non, absolument pas. Ce qui est connaissable adéquatement (deuxième ET troisième genre) ce sont les lois (elles sont vues en action même, non verbalisée, en "direct live" dans les modes existants lorsqu'il s'agit du troisième genre), et ces lois sont l'essence même de Dieu, telle qu'accessible à l'Homme.


ok, j'avais effectivement compris que cela c'est la thèse que tu défends. Puisqu'elle est différente de la mienne, j'aimerais bien savoir sur quoi tu te bases pour obtenir une telle interprétation, puisque si tes arguments sont solides, je serai obligée d'abandonner la mienne, ce qui me ferait avancer beaucoup, et donc m'intéresse.

Louisa a écrit:
Il conclut ici une vérité générale (tout dépend selon l'essence et l'existence de Dieu), donc une idée vraie relevant du deuxième genre de connaissance, et cela en passant dans le raisonnement qui mène à cette conclusion par une idée du troisième genre (ayant mon essence singulière comme objet).

Sescho:
Ich kann nicht! Das ist eine fransösiche grosse Subtilitat.


"Je ne peux pas! C'est une grande subtilité française". Que veux-tu dire par là???

Louisa a écrit:
Si tu crois que toute idée vraie est "tirée" de son objet, il me semble que tu ne tiens pas compte du fait que dans le TIE Spinoza dit que l'idée vraie d'une essence singulière n'est rien d'autre que l'essence objective de cette même chose, ayant l'essence formelle de la chose comme objet. Il s'agit, dans le cas d'une idée vraie, de deux modes (idée et son objet) qui expriment "une seule et même chose". On ne "tire" par l'idée vraie de son objet. L'idée vraie et son objet sont ensemble une seule et même chose.

Sescho:
Oui, nous avons dit cela maintes fois (avec force extraits), mais il s'agit de Dieu, pas de l'Homme.


ok, dans ce cas il me faudra donc démontrer que cela vaut autant pour Dieu que pour l'homme. En voici une tentative: le TIE B34-35 reprend quasiment littéralement ce que je viens de dire. L'essence objective ou la vérité ou les idées des choses, tous ces termes, dit Spinoza en TIE B36, signifient la même chose. L'essence objective d'une chose est donc l'idée vraie ayant l'essence formelle de cette chose comme objet. De quelle idée s'agit-il? Spinoza dit au début du paragraphe qu'il s'agit de l'idée vraie que NOUS, êtres humains, avons (le fameux habemus enim ideam veram. Et en effet, jamais il ne changera par après d'avis, jamais il ne dira par après qu'en fait, ceci vaut plutôt pour les idées vraies qui sont en Dieu. Au contraire, dans l'E2 il montrera que ce qui caractérise l'idée adéquate qu'a un Esprit humain, c'est qu'elle est exactement la même idée que celle que Dieu a. L'idée vraie en Dieu et l'idée vraie dans l'esprit humain, c'est une seule et même idée, ayant toujours les mêmes caractéristiques.

Si tu n'es pas d'accord avec cela, pourrais-tu ou bien me dire où mon raisonnement ici n'est pas correct selon toi, ou bien expliquer quels arguments te font penser qu'il y a une différence entre l'idée vraie dans l'Esprit humain et l'idée vraie dans l'entendement divin?


Louisa a écrit:
Or dans ce scolie, il s'agit de conclure une idée (tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence) d'une autre idée, cette dernière étant ici du troisième genre de connaissance

Sescho:
Non, rien ne l'indique dans le texte.


pourtant, le texte dit: "Car, quoique j'ai montré de manière générale dans la Première Partie que tout (et par conséquent aussi l'Esprit humain) dépend de Dieu selon l'essence et selon l'existence, pourant cette démonstration, toute légitime qu'elle soit et sans risque de doute, n'affecte pourtant pas autant notre Esprit que quand on tire cette conclusion de l'essence même d'une chose singulière quelconque que nous disons dépendre de Dieu."

Dans la définition des genres de connaissance, Spinoza dit qu'une idée du troisième genre de connaissance, c'est une idée de l'essence d'une chose singuèlière. Ici, il a donc tiré sa conclusion (que tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence) d'une idée de troisième genre de connaissance. Ce que je viens de dire. Si tu n'es pas d'accord avec cela, où se trouve mon erreur, selon toi?

Louisa a écrit:
Ce qui fait que je me demande toujours comment, dans ton interprétation, distinguer le deuxième genre de connaissance du troisième, une fois que tu dis que l'objet du troisième est également une loi générale

Sescho:
Une loi, tout simplement. Il est sous-entendu qu'elle s'applique à tout partout (d'autant que le terme "général" pourrait insinuer "universaux", ce qui n'a rien à voir.)


le fait même qu'elle s'applique à tout partout, et donc non pas à une seule chose singulière unique, prouve qu'il ne s'agit pas d'une essence. Il s'agit de ce que toutes les choses ont en commun. Et comme tu le sais, Spinoza dit que ce qui est commun aux choses n'explique l'essence d'aucune chose. C'est pourquoi une loi ne porte jamais sur les essences. Ce qui fait qu'elle ne peut être l'objet d'une idée de troisième genre de connaissance.

Sescho a écrit : La loi de la Gravité, pour toi, c'est uniquement selon le second genre, ou l'on peut l'expérimenter sans avoir jamais conduit aucun raisonnement ?


c'est en effet un excellent exemple. Si quelque être humain était capable d"'intuitionner" la loi de la gravité, pourquoi personne ne l'a-t-il fait avant Newton? Et pourquoi Newton lui-même a-t-il eu besoin de nombreux calculs et observations pour pouvoir y arriver? Et pourquoi, enfin, devons-nous l'apprendre à nos enfants dans les cours de physique, s'il suffisait de l'intuitionner?

Enfin, cette loi, comme toute loi naturelle, s'applique à toutes les choses singulières. Elle nous informe donc d'une propriété que toutes les choses sur terre ont en commun. Du coup, PAR DEFINITION elle ne dit rien des essences des choses singulières. Si tu veux que les lois portent sur l'essence des choses, tu es obligé de travailler avec l'idée d'une essence "commune", mais ce sont précisément ce genre d'universaux que Spinoza rejette explicitement.

Donc oui, cette loi, comme toute loi naturelle, ne concerne que ce que les choses ont en commun (ne concerne donc que leur affections en tant qu'ils existent dans le temps et dans l'espace). Et partant, elle relève du deuxième genre de connaissance.

Inversement, comment ferais-tu pour en faire une idée du troisième genre de connaissance? Sinon je me pose toujours la même question: comment, à partir de ton interprétation, distinguer le deuxième genre du troisième? Il me semble, entre-temps que pour toi la différence c'est que le deuxième genre énoncerait la loi en général, tandis que le troisième genre l'appliquerait à telle ou telle chose précise. Mais jamais Spinoza ne s'exprime en ces termes. Jamais il ne parle de l'application d'une loi quand il s'agit du troisième genre de connaissance. Puis encore une fois, les généralités qui s'appliquent à toutes les choses jamais ne concernent leur essence, dans le spinozisme, tandis que le troisième genre a une essence d'une chose singulière comme objet.

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Messagepar hokousai » 16 juin 2008, 23:45

cher Ulis


Je dirais que la partie éternelle de notre âme est l’idée des aptitudes aux actions adéquates plus ou moins grandes de notre corps. Elle est donc spécifique à chacun.



J’ai véritablement du mal à comprendre cette idée d’ aptitude aux actions adéquates ( expliquez moi ).
..............................................................................................

Ces propositions 22 et 23 sont assez difficiles à interpréter ( du moins pour moi …..désolé )

Si je comprends bien la prop 22
être humain particulier ( moi même ) cela est en existence et en essence conçu par l’essence même de Dieu et ce avec une nécessité éternelle .
Tout est liée et dépend de l’axiome 4 /1 la connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe .

Il s’agit donc l’idée qui exprime l’essence du corps humain (tel et tel ) c’est à dire ce qu’il est sauf l’existence (ou à part de l’existence ) .Spinoza ne dit pas qu’elle est éternelle mais quelle se conçoit par l’essence même de Dieu et ce avec une certaine nécessité éternelle .

Je traduis : il est nécessaire indépendamment de la durée que nous ayons été existant si nous l’avons été .
L’esprit ne serait donc pas seulement l’idée du corps mais aussi l’idée de la nécessité d être l’idée du corps .
Cette idée selon Spinoza n’est pas corruptible elle n’est pas dans la durée .C’est cette idée qui est éternelle ( à mon avis )
…………………………………………………………………
Commentaire annexe qui va faire rugir

Je me demande si Spinoza ne frôle pas l’ idée de réincarnation .Car enfin cette idée de l’esprit ayant comme éternel cette seule idée de la nécessité d être uni au corps ne va t- elle pas filer vers celle d’ un désir de l’esprit de retrouver le corps .Mais pourquoi donc Spinoza parle - t il d' une vie avant la mort dont cependant nous n 'aurions pas idée .

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Messagepar Louisa » 16 juin 2008, 23:56

Sescho a écrit :(...) la tournure peut laisser penser (cela dépend comment on le prend mais j'affirme que c'est faussement dans ce sens) qu'il est possible d'avoir une connaissance du troisième genre d'une chose singulière.


donc si je t'ai bien compris, une connaissance du troisième genre d'une chose singulière n'est pas possible selon toi?

Si oui: qu'est-ce qui te fais penser cela?

Voici ce qui constitue à mon sens la preuve de l'inverse.

E5P24: "Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu".

Ceci, bien sûr, n'indique pas encore que nous pouvons comprendre les choses singulières par le troisième genre de connaissance. Mais la proposition suivante dit:

"Le troisième genre de connaissance procède à partir de l'idée adéquate de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses (...); et plus nous comprenons les chose de cette manière (PAR LA PROP. PRECEDENTE), plus nous comprenons Dieu, et partant, la suprême vertu de l'Esprit, c'est-à-dire puissance ou nature de l'Esprit, autrement dit son suprême effort, c'est de connaître les choses par le troisième genre de connaissance".

Il est clair que donc l'E5P24 dit que plus nous connaissons les choses singulières par le troisième genre de connaissance, plus nous comprenons Dieu. Tandis que la proposition suivante, E5P25, appelle cette compréhension spécifique de Dieu la NATURE de notre Esprit. Par conséquent, c'est dans la NATURE de notre Esprit même de connaître les choses singulières par le troisième genre de connaissance.

Si donc tu penses que finalement nous ne pouvons pas avoir une connaissance du troisième genre d'une chose singulière, il faudrait montrer en quoi ce que je viens d'écrire ici est faux. Mais j'avoue que je suis ici tellement littéralement le texte que j'ai peu d'espoir que tu y arrives ... . Ce qui ne peut que constituer une raison en plus pour m'intéresser vivement à tes objections éventuelles.
Bonne nuit,
louisa

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Messagepar Louisa » 17 juin 2008, 00:33

Alexandre_VI a écrit:
Est-ce qu'il faut poser l'existence des essences pour connaître les choses?

Sescho:
Les choses singulières ? Non.


TIE B27-G12:

"(...) l'existence singulière d'une chose n'est pas connue, sinon connue l'essence. (...) jamais personne ne percevra dans les choses naturelles rien d'autre que des accidents qui ne sont jamais entendus clairement, sauf d'abord connues les essences."

J'en conclus: si, il faut, dans le spinozisme, poser l'existence des essences, et il faut même connaître les essences, avant de pouvoir connaître véritablement les choses singulières.

La suite de ce paragraphe nous dit que la Méthode (= ce à quoi est consacré le TIE) est précisément ce qui nous indiquera le chemin pour arriver à la connaissance adéquate de l'essence des choses singulières.

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Messagepar vieordinaire » 17 juin 2008, 00:56

Court Traite:

"Les essences des choses sont de toute éternité et demeureront immuables pendant toute éternité"

!!??


Scholie : Je n'entends pas ici par existence la durée, c'est-à-dire l'existence conçue d'une manière abstraite, comme une forme de la quantité. Je parle de la nature même de l'existence qu'on attribue aux choses particulières, à cause qu'elles découlent en nombre infini et avec une infinité de modifications de la nécessité éternelle de la nature de Dieu (voir la Propos. 16, partie 1). Je parle, dis-je, de l'existence même des choses particulières, en tant qu'elles sont en Dieu. Car, quoique chacune d'elles soit déterminée par une autre d'exister d'une certaine manière, la force par laquelle elle persévère dans l'être suit de l'éternelle nécessité de la nature de Dieu. (Sur ce point, voyez le Corollaire de la Propos. 24, partie 1.). (2p45)
Modifié en dernier par vieordinaire le 17 juin 2008, 00:59, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 17 juin 2008, 00:58

Bonjour Vieordinaire,

pourrais-tu expliquer ce que tu ne comprends pas dans la phrase que tu viens de citer, et pourquoi cela te pose problème?
L.

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Messagepar sescho » 17 juin 2008, 01:25

Louisa a écrit :non, dans ce cas tu parles d'une loi générale qui vaut pour toute vague, tu ne parles pas d'essences. Ton idée, dans ce cas-ci, porte sur ce que toutes les vagues ont en commun.

Oui, cela me va assez bien : il ne s'agit pas de l'essence d'une chose singulière, mais seulement (partiellement) de celle de Dieu.

Mais il est difficile de penser que ce que toutes les vagues ont en commun ne fait partie de l'essence d'aucune...

Mais je pense maintenant deviner ce que tu as en tête : pour toi seule une chose singulière a une essence (sauf Dieu, bien sûr, qui n'est pas une chose singulière.) Le contraire absolu de la Tradition. Ce sera l'occasion de revenir sur les essences de genre, mais pour autant ne prouve en rien que Spinoza ait dit qu'on pouvait en avoir connaissance adéquate (du troisième genre.) Donc nous ne sommes pas plus avancés.

Deux questions, en passant, si tu veux bien :

Cela apporte quoi d'après toi le deuxième genre (c'est à dire toute l'Ethique intégralement) ?

Les lois existent-elles ou pas ?

Louisa a écrit :ok, j'avais effectivement compris que cela c'est la thèse que tu défends. Puisqu'elle est différente de la mienne, j'aimerais bien savoir sur quoi tu te bases pour obtenir une telle interprétation, puisque si tes arguments sont solides, je serai obligée d'abandonner la mienne, ce qui me ferait avancer beaucoup, et donc m'intéresse.

Bien. Bien. Ta modestie t'honore. Encore que, ne vendons pas la peau de l'ours... Avancer, pour l'instant, je ne le vois guère...

Eh bien, peut-être, puisque nous sommes embourbés sur le scholie de E5P36, pourrais-tu avancer un commentaire des phrases de Spinoza plus courtes que j'ai reproduites plus haut. Mettons celle-ci (mais toutes vont dans le même sens, et clairement, nous le verrons) :

E2P46Dm : … ce qui donne la connaissance de l’infinie et éternelle essence de Dieu est commun à toutes choses, et se trouve également dans la partie et dans le tout : d’où il suit (par la Propos. 38, partie 2) que cette connaissance est adéquate. C. Q. F. D.

Bien évidemment tout "argument" du type "oui, mais cela c'est le deuxième genre", qui n'explique rien, est exclu. La phrase commence par "la connaissance de l’infinie et éternelle essence de Dieu", ce qui est pour le moins du "lourd." Je rappelle aussi que Spinoza met en équivalence (avec éventuellement quelques nuances) "adéquate", "claire et distincte" et "vraie." Les extraits correspondants ont déjà été donnés par moi-même sur le forum.

Louisa a écrit :"Je ne peux pas! C'est une grande subtilité française". Que veux-tu dire par là???

De mémoire (mon allemand est très pauvre, résidu de quelques cours d'un passé lointain, je croyais même que c'était à moitié de l'allemand de cuisine) "kann" veut dire aussi "comprendre" (verstand.) Ce que je voulais dire c'est que je ne comprenais fichtre rien à ton développement.

Louisa a écrit :ok, dans ce cas il me faudra donc démontrer que cela vaut autant pour Dieu que pour l'homme. En voici une tentative: le TIE B34-35 reprend quasiment littéralement ce que je viens de dire.

J'ai repris les passages, je ne vois rien de tel. 34 parle surtout de l'idée de l'idée, et de toute façon à ce stade du TRE il s'agit de ce qui est souhaité, pas de ce qui est possible, ce que Spinoza redit bien dans 49. En revanche, la conclusion (quoiqu'il s'agisse d'un ouvrage interrompu) est évidemment à la fin, où se trouve précisément "l'échec" (éventuellement provisoire, mais selon moi entériné par Spinoza) dans la connaissance des choses singulières. Je te suggère de relire 99 à 103 (je ne mets pas les extraits pour ne pas incommoder...)

Louisa a écrit :... quels arguments te font penser qu'il y a une différence entre l'idée vraie dans l'Esprit humain et l'idée vraie dans l'entendement divin?

L'entendement humain vis-à-vis de l'entendement divin est comme le chien, animal aboyant, et le chien signe céleste, etc. (E1P17S) Pour le reste, à nouveau tous les extraits que j'ai reproduits à la suite plus haut. Il me semble en outre de la première évidence qu'on ne connaît aucune chose singulière dans tout son être. Dieu connaît tout comme il est, l'Homme non ; il ne connaît adéquatement que les lois, outre la réalité de Dieu-la Nature, les attributs, les modes infinis et l'existence modale (si on ne la considère pas impliquée par les modes infinis.)

Louisa a écrit :... d'une idée de troisième genre de connaissance. Ce que je viens de dire. Si tu n'es pas d'accord avec cela, où se trouve mon erreur, selon toi?

Je l'ai déjà précisé : il faut les trois (ou quatre) mots : "connaissance", "adéquate" (ou "claire" et/ou "distincte", ou "vraie"), "chose singulière" (ou "chose" et "singulière.") Toute citation qui comprend "connaissance" sans "adéquate" ou "chose" sans "singulière" ne te donne pas raison (ni tort ; cela ce sont les extraits que j'ai produits.)

L'exemple de la proportion... trois fois Spinoza l'a mis. Il est pourtant clair. Pourquoi ne pas vouloir lire ce qui est écrit ? Il s'agit au fond de la même chose pour les trois genres de connaissance : trouver une proportion. Dans le deuxième genre, on applique des règles ; dans le troisième, la proportion "saute aux yeux" en situation. Mais où est l'essence singulière, là ?

Louisa a écrit :Si quelque être humain était capable d"'intuitionner" la loi de la gravité, pourquoi personne ne l'a-t-il fait avant Newton?

Si Newton a eu besoin de calculs c'est parce qu'il voulait prédire le mouvement des astres et expliquer les relations de Kepler ; chose particulière qui n'intéresse pas tout le monde. Mais je me suis mal exprimé, je ne parlais pas d'une loi mathématique quantifiant la chose, mais de la Gravité même.

Louisa a écrit :Enfin, cette loi, comme toute loi naturelle, s'applique à toutes les choses singulières. Elle nous informe donc d'une propriété que toutes les choses sur terre ont en commun. Du coup, PAR DEFINITION elle ne dit rien des essences des choses singulières. Si tu veux que les lois portent sur l'essence des choses, tu es obligé de travailler avec l'idée d'une essence "commune", mais ce sont précisément ce genre d'universaux que Spinoza rejette explicitement.

Non je ne pense pas qu'il les rejette "sec" comme tu le laisses entendre (et nous n'allons pas reprendre du début, il ne fait que cela de les utiliser dans ses textes), mais une chose à la fois. Admettons que la gravité ne fasse partie de l'essence d'aucune chose singulière (cela se discute, mais admettons). La gravité existe-t-elle ou non ? Si oui, quelle est son essence ?

Louisa a écrit :Inversement, comment ferais-tu pour en faire une idée du troisième genre de connaissance? Sinon je me pose toujours la même question: comment, à partir de ton interprétation, distinguer le deuxième genre du troisième? Il me semble, entre-temps que pour toi la différence c'est que le deuxième genre énoncerait la loi en général, tandis que le troisième genre l'appliquerait à telle ou telle chose précise. Mais jamais Spinoza ne s'exprime en ces termes. Jamais il ne parle de l'application d'une loi quand il s'agit du troisième genre de connaissance. Puis encore une fois, les généralités qui s'appliquent à toutes les choses jamais ne concernent leur essence, dans le spinozisme, tandis que le troisième genre a une essence d'une chose singulière comme objet.

Nous en discutons, ou plutôt nous sommes sensés discuter de ce que Spinoza en dit. Et je dis que tout ce que Spinoza en dit exprime que ce que l'on voit par le troisième genre est désigné par le deuxième, mais vu non du tout en mots mais en action, en direct dans le monde réel, intuitivement. Il ne s'agit pas d'appliquer une sorte de "généralisation abusive" (comme tu le laisses entendre) aux choses réelles, il s'agit de voir des choses réellement générales (c'est à dire dans toutes les choses singulières, ou une partie d'entre elles) dans une en particulier qu'on a là, en face de soi. Sinon c'est vraiment à se demander pourquoi Spinoza a écrit l'Ethique, entièrement basée sur le deuxième... Pour faire grossier, c'est la différence entre parler de manger un sandwich et le manger.

Serge
Connais-toi toi-même.


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