L'homme n'existe pas

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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vieordinaire
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Messagepar vieordinaire » 19 juin 2008, 01:07

Sescho a écrit :Et ma réponse a été :

sescho a écrit:
Mais je suis d'accord avec cela. Le seul problème est que cela ne prouve pas pour autant (il suffit de relire ton passage) que nous connaissons adéquatement les choses singulières. "Plus nous connaissons de choses singulières" ne veut pas dire "plus nous connaissons adéquatement de choses singulières".

On n'a pas le droit d'ajouter "singulière" à "chose." De nombreux passages montrent que Spinoza emploie "chose" dans le sens général "quelque chose" (et non pas rien) et en particulier alors qu'il est clair qu'il ne s'agit pas de choses singulières.


Chere Louisa. Vous devez preter attention a l'idee de Sescho. Bien qu'il ne soit pas possible de trancher de facon breve et definitive entre son interpretation et la votre (il faudrait pour cela introduire plusieurs autres aspect et elements de la philosophie de Spinoza afind de demontrer les contradictions de certaines de vos interpretations). Votre vision ontologique et metaphysique des 'choses' (en general), comme vos exemples le montrent, est trop rigide pour pouvoir accomoder l'ontologie dynamique de Spinoza, et la simultaneite qui lui est intrinseque.

Par exemple, lorsque la raison percoit les 'choses' sous la forme de l'eternite, elle percoit leur necessite (et vous pouvez, avec une ontologie dynamique, vous defaire du predicat singulier, car sous cet aspect les choses ne sont plus singulieres: les choses qua necessite "cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu."
La necessite de l'eternelle nature de Dieu ne peut etre decrite comme singuliere sous l'aspect d'eternite.

Ethique a écrit :Corollaire II : Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous la forme de l'éternité.

Démonstration : En effet, il est de la nature de la raison de percevoir les choses comme nécessaires et non comme contingentes (par la Propos. précédente). Or, cette nécessité des choses, la raison la perçoit selon le vrai (par la Propos. 41, partie 2), c'est-à-dire (par L'Axiome 6, partie 1) telle qu'elle est en soi. De plus (par la Propos. 16, partie 1), cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu. Il est donc de la nature de la raison d'apercevoir les choses sous la forme de l'éternité.

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Messagepar Louisa » 19 juin 2008, 01:41

Vieordinaire a écrit :Par exemple, lorsque la raison percoit les 'choses' sous la forme de l'eternite, elle percoit leur necessite (et vous pouvez, avec une ontologie dynamique, vous defaire du predicat singulier, car sous cet aspect les choses ne sont plus singulieres: les choses qua necessite "cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu."
La necessite de l'eternelle nature de Dieu ne peut etre decrite comme singuliere sous l'aspect d'eternite.


comme tu le dis toi-même: quand la raison perçoit LES CHOSES sous UN CERTAIN ASPECT d'éternité (= la traduction littérale du latin), l'objet de la perception/connaissance, ce sont bel et bien ... les choses. Sinon Spinoza aurait dû écrire que la raison perçoit cette chose qu'est l'éternité qui appartient à toute chose. Il ne l'a pas dit. Il a juste dit que la raison perçoit les choses, et cela selon un point de vue précis: celui d'une certaine éternité. Cela ne fait pas encore de l'éternité elle-même une chose. L'éternité, dit-il bien plutôt dans l'E1, est une PROPRIETE de Dieu (ainsi que l'infinité, l'immuabilité etc). Ou comme il le dit dans la définition de l'éternité (E1Déf.7): l'éternité est l'existence. L'existence est-elle une chose? Dans le cas de l'éternité, l'existence est considérée non pas en tant que chose mais en tant qu'elle suit de la définition d'une chose. Or ce qui suit de la définition d'une chose, dit-il ailleurs, ce sont les propriétés de cette chose. Tandis que les propriétés d'une chose ne sont pas les affections d'une chose.

Bref, à mon avis ce ne sont que les modes (ou affections des attributs) qui sont des choses (et éventuellement aussi les attributs, voire les affections des affections, cela reste à voir). Mais comme déjà dit à Sescho: il me faudrait une discussion à fond sur ce sujet avant de pouvoir être certain de cette thèse (en attendant je laisse la possibilité ouverte d'avoir tort). Or comme pour l'instant nous discutons d'autre chose, et comme je lui ai promis de passer le plus vite possible à sa deuxième question, qui concerne son dernier commentaire de l'E5P36sc, je laisse cette discussion pour une autre fois.
Cordialement,
L
Modifié en dernier par Louisa le 19 juin 2008, 02:03, modifié 4 fois.

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Messagepar bardamu » 19 juin 2008, 01:45

sescho a écrit :(...)
Et ma réponse a été :
Mais je suis d'accord avec cela. Le seul problème est que cela ne prouve pas pour autant (il suffit de relire ton passage) que nous connaissons adéquatement les choses singulières. "Plus nous connaissons de choses singulières" ne veut pas dire "plus nous connaissons adéquatement de choses singulières".

Bonjour Serge,
je ne vais pas redire tout ce qui a déjà été dit dans la discussion citée plus haut mais comme il semble qu'on persévère l'un et l'autre dans notre être (la négation ou l'affirmation de la connaissance des essences singulières est-elle un constituant de nos essences ? ), un petit détail qui m'avait peut-être échappé :

Comment comprends-tu à la fin de E5p36 scolie : "une preuve tirée de l'essence de chaque chose particulière" ?

Quel genre de connaissance faut-il pour tirer une preuve de l'essence d'une chose particulière ? N'est-ce pas une connaissance adéquate ?
Ne faut-il pas une connaissance adéquate de l'essence de telle ou telle chose particulière pour en tirer une preuve de la dépendance à Dieu ?

Ceci étant, j'ai toujours le sentiment que nos conceptions divergentes traduisent une perception différente de ce qu'est l'essence d'une chose particulière et ayant quelques réflexions sous le coude, il faudra peut-être que je re-développe cela. Je le ferais peut-être (question de temps...) sur le fil parlant du 3e genre de connaissance.

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Messagepar vieordinaire » 19 juin 2008, 02:06

Louisa a écrit :"l'objet de la perception/connaissance, ce sont bel et bien ... les choses. "

"Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous la forme de l'éternité"
"Or, cette nécessité des choses, la raison la perçoit selon le vrai (par la Propos. 41, partie 2), c'est-à-dire (par L'Axiome 6, partie 1) telle qu'elle est en soi. De plus (par la Propos. 16, partie 1), cette nécessité des choses est la nécessité même de l'éternelle nature de Dieu."

Je m'entendais a cette response: comme j'ai dit votre ontologie est trop rigide :wink: ...

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Messagepar vieordinaire » 19 juin 2008, 02:14

bardamu a écrit :Comment comprends-tu à la fin de E5p36 scolie : "une preuve tirée de l'essence de chaque chose particulière" ?


Je crois qu'il est important de considerer les extraits suivants:

"L'éternité est l'essence même de Dieu, en tant que cette essence enveloppe l'existence nécessaire (par la Déf. 8, part. 1). Par conséquent, concevoir les choses sous le caractère de l'éternité, c'est concevoir les choses en tant qu'elles se rapportent, comme êtres réels, à l'essence de Dieu, en d'autres termes, en tant que par l'essence de Dieu elles enveloppent l'existence. Ainsi donc notre âme, en tant qu'elle connaît son corps et soi-même sous le caractère de l'éternité, possède nécessairement la connaissance de Dieu et sait, etc. C. Q. F. D." 5p30

"L'âme ne conçoit rien sous le caractère de l'éternité qu'en tant qu'elle conçoit l'essence de son corps sous le caractère de l'éternité (par la Propos. 29, part. 5), c'est-à-dire (par les Propos. 21 et 23, part. 5) en tant qu'elle est éternelle " 5p31


Je crois que l'affirmation "L'âme [b]ne conçoit rien sous le caractère de l'éternité qu'en tant qu'elle conçoit l'essence de son corps sous le caractère de l'éternité" est assez categorique!

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Messagepar Louisa » 19 juin 2008, 02:15

A Vieordinaire,

je ne comprends pas très bien ton argument. La démo dit: "il est de la nature de la Raison de contempler les choses comme nécessaires, et non comme contingentes. Et cette nécessité des choses, elle la perçoit vraiment, c'est-à-dire comme elle est en soi. Mais cette nécessité des choses est la nécessité même de la nature éternelle de Dieu".

Contempler les choses COMME nécessaires, c'est contempler une propriété de ces choses. Si tu veux dire que l'objet de la perception est donc la nécessité, je ne peux que te répondre: oui bien sûr, mais la nécessité en tant qu'elle CARACTERISE les choses. Je ne vois toujours pas ce qui te fait faire d'une propriété une chose.

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Messagepar vieordinaire » 19 juin 2008, 15:23

Louisa a écrit :"Je ne vois toujours pas ce qui te fait faire d'une propriété une chose."

Je n'ai jamais fait cela. Vous dispositions (intellectuelles ou pas) ne vous permettent d'attendre ce que j'essaie de dire. Nous approchons les memes textes de l'Ethique sous des angles et avec des dispositions (lesquelles n'ont pas necessairement de fondements 'rationels') tout a fait differents.


Bien que je ne sois pas d'accord avec plusieurs de ses interpretations, Francesca di Poppa neanmoins presente dans sa these de Doctorat certaines vues sur l'ontologie de Spinoza qui s'opposent a certains niveaux (je crois) aux votres.
http://etd.library.pitt.edu/ETD/availab ... 06-152735/

Par exemple:
"In this, I disagree with Laurent Bove’s conclusion in La Stratégie du Conatus. Bove concludes that Spinoza endorses what he calls “a subversive identification of the synthetic relation cause-effect and of the analytic relation essence-properties.” In the next chapter it will become clearer why I reject this conclusion. (footnote 297)

"In my discussion, I avoided adopting the language of processes in order to avoid confusion, but I believe that Spinoza’s ontology is better understood in terms of process ontology rather than in terms of a traditional things-properties ontology. In a previous chapter, I remarked that the language of “predication” that Spinoza used in Short Treatise is absent from Ethics, which uses “attributes” and “affections,” equiparates “essence” with “power” and introduces the concept of “expression” in order to develop a model of efficient causation not plagued by the traditional problems. My suggestion is that Spinoza dropped the language of predication from his ontology precisely because he is no longer thinking of substance as a sublayer of properties, but as pure activity." p.294-295

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Messagepar Louisa » 19 juin 2008, 15:54

Vieordinaire a écrit :Louisa a écrit:

"Je ne vois toujours pas ce qui te fait faire d'une propriété une chose."

Vieordinaire:
Je n'ai jamais fait cela. Vous dispositions (intellectuelles ou pas) ne vous permettent d'attendre ce que j'essaie de dire. Nous approchons les memes textes de l'Ethique sous des angles et avec des dispositions (lesquelles n'ont pas necessairement de fondements 'rationels') tout a fait differents.


peut-être qu'il s'agit de "dispositions". Mais avant de savoir si c'est le cas ou non, je crois qu'il vaut mieux d'abord essayer de discuter, simplement.

Or comme je viens de le dire: pour ce qui concerne la question de savoir si Spinoza admet la nécessité parmi ce qu'il appelle des "choses", je n'en suis qu'à des hypothèses, que j'aimerais bien approfondir dès que j'ai le temps.

En attendant, je ne peux que répéter que cette hypothèse s'en tient à une lecture littérale du texte: lorsque Spinoza donne un statut à la nécessité (ce qui arrive rarement), il l'appelle une "propriété" (E1 App). Ceci, ensemble avec le fait que d'autre part jamais il n'appelle la nécessité (ou l'éternité) une "chose", fait que je ne crois pas que cette hypothèse (que la nécessité n'est pas une chose mais une propriété) est fausse.

Il faudra peut-être la compléter (voire, qui sait, rejeter), mais en attendant de lire des arguments ou d'en chercher moi-même, je ne vois pas ce qui permettrait de s'y prendre autrement. Il est évident que mieux examiner cette hypothèse est important. Mais comme on ne sait pas tout faire à la fois, et comme la discussion avec Sescho touche déjà à de nombreux aspects, je crois qu'il vaut mieux s'y pencher dès que nous avons mieux compris la signification des propositions E5P24-25 et E5P36 sc.

Sinon merci pour le lien et la référence à Francesca di Poppa, qui me semble être très intéressant, et à très bientôt pour la suite de cette discussion!
L.

PS: quant au "dynamisme" propre au spinozisme, je crois que nous sommes tout à fait d'accord pour dire que l'ontologie spinoziste est fondamentalement dynamique. La puissance y est un concept central. Mais ce n'est pas parce que Spinoza définit l'essence par la notion de puissance que parler d'essences n'a plus de sens. Cela n'abolit pas non plus le fait que les essences ont des propriétés. L'Ethique ouvre sur les différentes propriétés de l'essence de la Substance, et Spinoza prend le temps de tout le premier livre pour les démontrer. L'un n'empêche donc pas l'autre.

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Messagepar vieordinaire » 19 juin 2008, 20:55

Louisa a écrit :"une lecture littérale du texte"


Une lecture litterale n'est pas evidence et surtout pas dans le cas de Dieu. Au contraire, une lecture litterale de L'Ethique va bien souvent mener son lecteur dans un cul de sac (rempli de contradictions). Par exemple:

"L'éternité est l'essence même de Dieu" (en tant que cette essence enveloppe l'existence nécessaire (par la Déf. 8, part. 1))
Aeternitas est ipsa Dei essentia, quatenus haec necessariam involvit existentiam (per defin. 8. P. 1.). (5p30)

Est-ce que Spinoza essaie de dire qu'une propriete (selon vous) (eternite) de Dieu et l' essence ou nature de Dieu sont les memes? C'est ce que l'on peut lire!

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Messagepar Louisa » 19 juin 2008, 21:01

A Vieordinaire,

c'est ce qu'on peut lire SEULEMENT quand on ne lit PAS littéralement, quand on ne tient pas compte de chaque mot. Si tu identifies l'essence de Dieu et l'éternité, tu laisses tomber le quatenus, le "en tant que". Considérer une chose x en tant qu'elle est y, cela n'implique nullement que x est identique à y.


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