L'homme n'existe pas

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 16 juin 2008, 12:41

cher Ulis
je résume l'affaire

(à mon avis. toujours discutable )

Mon essence (ce que je suis entant que chose singulière) est un mode donc n'est pas éterlelle.
L'essence de l'homme ( qui suivrait d'uned éfinition si une était possible est un universsel ( aux pluriel les universaux ) )et Dieu ne connait pas les universaux ( sinon en ce quil connait l 'esprit de l homme )

D'où mon intererrogation sur ce qui est éternel de nous même .. affaire à suivre ...

( je précise que j 'essaie depuis quelques temps de suivre au plus près Spinoza , de ne pas faire interférer des opinions personnelles )

Avatar du membre
sescho
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1127
Enregistré le : 30 mai 2002, 00:00
Localisation : Région Centre
Contact :

Messagepar sescho » 16 juin 2008, 13:08

J'ai très peu de temps à cette heure, et en plus suis d'astreinte toute la semaine ; je fais donc bref, quitte à reprendre plus au calme et en profondeuir ce week-end.

Louisa a écrit :je crois qu'ici se situe éventuellement l'un des éléments clefs de notre désaccord.

Certes, c'est pour cela que je pose ces questions, mais ce ne sont que des questions.

Louisa a écrit :Que "tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence" est à mon sens ni une essence, ni une loi, mais simplement une idée. Une conclusion tirée d'autres idées. Idée adéquate, appartenant au deuxième genre de connaissance (car obtenue par raisonnement).

Le troisième genre de connaissance porte à mon avis uniquement sur les essences, tandis que toute essence est par définition singulière. ...

Là je pense que nous commençons à retomber dans les interprétations personnelles non consolidées par le texte.

Il y a une proposition que nous commentons, dont j'ai donné mon exégèse, et l'objet de cette proposition est de dire la différence qualitative entre la connaissance du deuxième genre et celle du troisième. Il y s'agit donc bien du troisième genre tout particulièrement, et de savoir ce que Spinoza en dit (et il y a très peu de propositions qui le disent, ce qui justifie d'étudier celle-ci très précisément.) Aurais-tu manqué a locution "connaissance du troisième genre" dans ma courte question sur ce que nous "tirons" dans ce scholie ?

Dire que c'est une idée n'apporte à peu près rien, puisque celui-ci est le premier mode de la pensée en général (mais pas le seul : il y a aussi le désir, la joie et la tristesse, l'amour...), outre que cela occulte l'objet même du scholie. Dans une lettre Spinoza appelle cela (avec l'exemple "rien ne vient de rien") une "vérité éternelle." Je ne vois pas d'objection à utiliser ce terme à la place de "loi."

Donc je repose ma question, si tu le veux bien : cette vérité éternelle que nous tirons est-elle bien dite par Spinoza du troisième genre dans ce scholie (et du deuxième aussi, mais avec une différence qualitative importante) ?

Merci

Serge
Connais-toi toi-même.

Avatar du membre
Ulis
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 159
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Ulis » 16 juin 2008, 14:45

Cher Hokousai
"D'où mon intererrogation sur ce qui est éternel de nous même .. affaire à suivre".
Je dirais que la partie éternelle de notre âme est l’idée des aptitudes aux actions adéquates plus ou moins grandes de notre corps. Elle est donc spécifique à chacun.
cordialement ulis

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 16 juin 2008, 14:57

Sescho a écrit :Donc je repose ma question, si tu le veux bien : cette vérité éternelle que nous tirons est-elle bien dite par Spinoza du troisième genre dans ce scholie (et du deuxième aussi, mais avec une différence qualitative importante) ?


l'exégèse que je viens de donner dans mon dernier message était une réponse détaillée à cette question. Pour la résumer: non, la vérité éternelle que "tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence" n'est pas dite par Spinoza être du troisième genre.

Voici une tentative pour reformuler ma réponse autrement, dans l'espoir que cette fois-ci elle sera plus claire (ce sera forcément un peu plus long, puisque je ne vois pas comment dire la même chose en moins de mots encore tout en étant plus clair, mais il va de soi qu'en ce qui me concerne il n'y a aucune urgence, continuer cette discussion seulement ce weekend me convient parfaitement).

Ce qu'il compare à mon avis dans ce scolie E5P36, ce sont deux façons différentes de "montrer" (ostendere) que tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence. La première fois il l'a fait dans l'E1. Là il l'a montré de manière générale, c'est-à-dire selon le deuxième genre de connaissance. On pouvait conclure de manière rationnelle de cela que donc notre Esprit aussi doit dépendre selon l'essence et l'existence de Dieu. Si cette conclusion était bien sûr tout à fait correcte, elle n'avait pourtant pas une grande "force", nous dit Spinoza. Elle n'était pas capable d'affecter notre Esprit avec une telle puissance que nous ressentions immédiatement que c'est en cela aussi que réside notre Liberté, Béatitude ou Salut (et en effet, on a plutôt tendance à n'y voir de prime abord qu'une "dépendance", que l'on interprète facilement à la manière d'Alexandre VI, c'est-à-dire comme une privation de toute liberté).

Ici en revanche il a montré non pas que "tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence" (s'il aurait montré cela, il se situerait de nouveau dans la connaissance générale/universelle, donc dans le deuxième genre de connaissance, faisant un énoncé portant sur la notion universelle "tout"), mais ici il a concrètement montré que MON ESPRIT dépend de Dieu selon l'essence et l'existence. Cela, ce n'est plus une vérité "générale" (ou "loi", si tu veux), c'est une vérité qui porte sur la chose singulière, unique, que je suis moi-même, une vérité qui porte sur mon essence à moi, c'est-à-dire sur ce qui sans moi ne pourrait être et partant sur ce que je n'ai en commun avec aucune autre chose singulière (selon la définition de l'essence, début de l'E2).

Si donc nous avons lu les propositions précédentes, nous avons eu l'occasion de passer du deuxième genre de connaissance (dont relève toujours l'E5, qui n'est pas moins écrit dans un more geometrico que les parties précédentes de l'Ethique) à une idée du troisième genre de connaissance, au moment précis où nous basculons dans le sentiment de l'éternité de notre propre essence singulière. L'idée adéquate que ma propre essence est éternelle, c'est elle qui se trouve à mon sens à l'endroit que tu réserves pour la vérité générale que tout dépend selon l'essence et l'existence de Dieu: elle a sa racine dans le deuxième genre de connaissance, mais elle participe déjà du troisième genre.

Bien sûr, on pourrait m'objecter que Spinoza en E5P36 n'en reste pas là. Car il ne parle pas, finalement, de MON Esprit, il parle tantôt de l'Esprit "humain", tantôt de "notre Esprit", pour terminer sur l'essence d'une chose singulière "quelconque". C'est vrai. Mais comment ne pas penser à MON Esprit, quand je lis "notre Esprit"? Je fais en tout cas partie de ce "notre". On ne peut donc lire ces propositions sans penser à nous-mêmes comme chose singulière. Il n'y a qu'à la fin du scolie qu'il généralise de nouveau, en nous rappelant qu'il l'a montré pour l'Esprit de n'importe quel lecteur, voire pour n'importe quelle chose singulière. Il nous demande donc de faire le raisonnement (= deuxième genre de connaissance) qui permet de comprendre que dépendre selon l'essence et l'existence de Dieu vaut non seulement pour nous-même mais pour "tout", sachant que ce "tout" rentre dans la série des universaux qu'il a donné auparavant (res, aliquid, ...).

Conclusion: en E1 il a montré que tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence en utilisant uniquement le deuxième genre de connaissance. En E5 il revient à cette idée, qui appartient toujours au deuxième genre de connaissance, mais maintenant en passant par une autre idée, celle-ci étant du troisième genre (= "mon essence singulière à moi dépend de Dieu"). Le "chemin" par lequel on arrive à la même conclusion générale, (donc de deuxième genre), est différent, puisqu'ici on a fait le détour par le troisième genre. Cela ne rend l'idée générale pas plus vraie, mais seulement plus puissante, plus capable d'affecter notre Esprit. Ce qui n'est pas la même chose que de dire que l'idée générale serait du coup elle-même devenu une idée du troisième genre.

Or il me semble, si je t'ai bien compris, que sur base de ton interprétation, il faut lire partout dans les propositions précédentes quand Spinoza mentionne l'Esprit humain ou "notre Esprit" une référence à une entité véritablement "commune", "l'Esprit humain" ayant une essence propre, indépendamment de tel ou tel homme individuel, une essence "commune" à tous les esprits humains individuels. Alors il ne s'agit pas tellement de ressentir en quoi mon essence singulière est éternelle, mais de comprendre rationnellement que cette "loi" vaut pour l'essence commune "et donc" (implication purement logique) aussi pour moi.

J'admets volontiers que cette lecture, surtout en ce qui concerne ce scolie précis, est de prime abord tout à fait plausible, même si je ne vois pas davantage d'arguments pro cette thèse que pro la mienne. Ce serait donc intéressant de pouvoir trouver l'un ou l'autre argument concluant, qui permet éventuellement d'abandonner l'une des deux thèses. C'est pourquoi j'aimerais qu'on s'attarde un instant, si tu le veux bien, sur ce qui à mon sens pose problème dans ton interprétation (tout en étant prête à faire la même chose pour tes objections à mon interprétation, cela va de soi).

Comme déjà dit, l'une des choses problématiques me semble être que dès que l'on élimine la possibilité que le troisième genre porte non pas sur des lois générales mais sur des essences singulières c'est-à-dire sur ce que celles-ci n'ont en commun avec aucune autre chose singulière, on ne voit plus ce qui pourrait distinguer le troisième genre de deuxième. Car dans ce cas les deux portent sur des généralités, des entités universelles. Pour toi, il s'agit d'une distinction "qualitative", tu viens de dire. Quand tu as de nouveau le temps de te pencher sur ce sujet: pourrais-tu préciser ce point? Merci déjà.
Cordialement,
Louisa

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 16 juin 2008, 15:23

Sescho a écrit :Donc je repose ma question, si tu le veux bien : cette vérité éternelle que nous tirons est-elle bien dite par Spinoza du troisième genre dans ce scholie (et du deuxième aussi, mais avec une différence qualitative importante) ?


pour le dire autrement encore: à mon sens jamais des vérités éternelles ne sont de troisième genre ou de deuxième genre de connaissance. C'est pour cette raison que je t'avais répondu qu'il s'agit d'idées. Dans le spinozisme, une idée n'est pas une vérité. Une idée peut être vraie ou non, mais cela ne fait pas de la vérité une idée. Produire une idée vraie nécessite une faculté de connaissance. L'homme peut dès lors produire deux types d'idées vraies, selon la faculté qu'il utilise.

Alors il me semble que les idées qui portent sur ce que les choses singulières ont en commun et qui sont vraies sont des idées produites par le deuxième genre de connaissance. Des idées qui portent sur les essences des choses singulières et qui sont vraies, sont des idées produites par le deuxième genre de connaissance. C'est pourquoi l'idée que "tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence" est une idée qui appartient au deuxième genre de connaissance (parlant de "tout", cette idée nous donne une connaissance générale et non pas singulière).

Ce qui signifie que pour infirmer ce que je viens de dire il faudrait par exemple que :

- quelqu'un trouve un endroit dans le texte où Spinoza utilise l'expression "vérité du troisième genre" ou "vérité du deuxième genre"

- quelqu'un trouve un passage ou un argument qui montre que l'essence peut être définie par ce que au moins deux choses singulières différentes (qui ne sont pas des êtres de raison) ont en commun, tout en étant l'essence de ces deux choses.

Avatar du membre
sescho
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1127
Enregistré le : 30 mai 2002, 00:00
Localisation : Région Centre
Contact :

Messagepar sescho » 16 juin 2008, 21:16

Louisa a écrit :... l'exégèse que je viens de donner dans mon dernier message était une réponse détaillée à cette question. Pour la résumer: non, la vérité éternelle que "tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence" n'est pas dite par Spinoza être du troisième genre.

J'aurais dû prendre un autre mot ; pour faire plus sobre : "explication de texte."

Louisa a écrit :Ici en revanche il a montré non pas que "tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence" (s'il aurait montré cela, il se situerait de nouveau dans la connaissance générale/universelle, donc dans le deuxième genre de connaissance, faisant un énoncé portant sur la notion universelle "tout"), mais ici il a concrètement montré que MON ESPRIT dépend de Dieu selon l'essence et l'existence. Cela, ce n'est plus une vérité "générale" (ou "loi", si tu veux), c'est une vérité qui porte sur la chose singulière, unique, que je suis moi-même, une vérité qui porte sur mon essence à moi, c'est-à-dire sur ce qui sans moi ne pourrait être et partant sur ce que je n'ai en commun avec aucune autre chose singulière (selon la définition de l'essence, début de l'E2).

Oui, je suis d'accord et n'ai jamais dit le contraire.

Louisa a écrit :Si donc nous avons lu les propositions précédentes, nous avons eu l'occasion de passer du deuxième genre de connaissance (dont relève toujours l'E5, qui n'est pas moins écrit dans un more geometrico que les parties précédentes de l'Ethique) à une idée du troisième genre de connaissance, au moment précis où nous basculons dans le sentiment de l'éternité de notre propre essence singulière. L'idée adéquate que ma propre essence est éternelle, c'est elle qui se trouve à mon sens à l'endroit que tu réserves pour la vérité générale que tout dépend selon l'essence et l'existence de Dieu: elle a sa racine dans le deuxième genre de connaissance, mais elle participe déjà du troisième genre.

Je suis toujours d'accord et n'ai jamais dit le contraire, au contraire. Et encore avec ce qui suit, que je ne reproduis pas.

Louisa a écrit :Conclusion: en E1 il a montré que tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence en utilisant uniquement le deuxième genre de connaissance. En E5 il revient à cette idée, qui appartient toujours au deuxième genre de connaissance, mais maintenant en passant par une autre idée, celle-ci étant du troisième genre (= "mon essence singulière à moi dépend de Dieu"). Le "chemin" par lequel on arrive à la même conclusion générale, (donc de deuxième genre), est différent, puisqu'ici on a fait le détour par le troisième genre. Cela ne rend l'idée générale pas plus vraie, mais seulement plus puissante, plus capable d'affecter notre Esprit. Ce qui n'est pas la même chose que de dire que l'idée générale serait du coup elle-même devenu une idée du troisième genre.

Toujours d'accord.

Il ne reste finalement dans tout cela qu'un seul point majeur qui t'a échappé : "mon essence singulière à moi dépend de Dieu" (sic ; et même est en Dieu), est une vérité au sujet de mon essence, et c'est bien cela qui est connu par le troisième genre de connaissance. Mais ce n'est pas mon essence... C'est encore une fois une vérité à son sujet (la même qu'exprimée en mots selon le second genre mais vue cette fois suivant la science intuitive, au sujet d'une essence particulière, ce que le scholie que nous commentons dit on ne peut plus clairement ; si tu te reportes aux liens que je donne plus haut tu verras que je dis cela depuis le début) ; et c'est pourquoi il y a "tirée" (de l'essence d'une chose singulière) ; on n'a pas le droit de le gommer, "tirée", qui exclut qu'il s'agisse de l'essence même.


Serge
Connais-toi toi-même.

Enegoid
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 452
Enregistré le : 10 févr. 2007, 00:00

Messagepar Enegoid » 16 juin 2008, 21:40

Louisa a écrit :- quelqu'un trouve un passage ou un argument qui montre que l'essence peut être définie par ce que au moins deux choses singulières différentes (qui ne sont pas des êtres de raison) ont en commun, tout en étant l'essence de ces deux choses.


Juste un commentaire :

Le Mont blanc et l'Everest ont en commun d'avoir une vallée. Le fait d'avoir une vallée constitue l'essence de la montagne, de toute montagne, donc d'un être de raison.
Mais pour l'Everest et le Mont blanc, ils ont comme propriétés de dominer telle ou telle vallée particulière : il s'agit de propriétés, non pas d'essence.

NB Quand on va du côté du TRE on voit que, pour Spinoza, une essence, c'est une définition, vue comme source de déductions causales (logiques). Une définition ne peut pas concerner autre chose qu'un être de raison (à part la substance), me semble-t-il.

Le Spinoza de E5 est un peu différent du Spinoza du TRE, du moins c'est ce que je ressens.

Avatar du membre
sescho
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1127
Enregistré le : 30 mai 2002, 00:00
Localisation : Région Centre
Contact :

Messagepar sescho » 16 juin 2008, 21:53

Alexandre_VI a écrit :L'essence, ce qu'est une chose? Cela fait du sens dans notre langage, mais la réalité correspond-elle au langage? L'affirmation des essences m'apparaît comme une abstraction réifiée, relevant du stade métaphysique d'Auguste Comte, destiné à être dépassé par le stade positif.

Destiné à être dépassé ? Je ne crois nullement au progrès continu en la matière, et tout a selon moi été dit depuis longtemps. Ce qui reste d'actualité, en tout temps, c'est la désorientation des hommes.

Les essences, en tant que théorie, ne sont pas centrales dans la philosophie de Spinoza, selon moi. Que mon essence, ma nature, est en Dieu et non en moi-même, qui ne suis qu'un mode, cela au contraire est fondamental chez lui. Il ne s'agit pas de théorie, mais, comme je l'ai déjà dit, de prendre les choses à la suite en conséquence : mon essence, c'est ce que je suis, or je ne suis pas en moi-même mais en Dieu, or Dieu est éternel et immuable, donc ce que je suis est éternellement en Dieu. C'est aussi simple que cela.

Pour le prendre d'une moins bonne façon (voir extrait ci-dessous) : tout ce qui a existé mais n'existe plus ou existera mais n'existe pas encore est "en puissance" dans Dieu-la Nature. Mais la Nature est, point. Donc tout ce qui a existé, existe ou existera est dans la nature de la Nature en tout temps, et de toute éternité.

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P10S : Scholie : Tout le monde doit accorder que rien n’existe et ne peut être conçu sans Dieu. Car il est reconnu de tout le monde que Dieu est la cause unique de toutes choses, tant de leur essence que de leur existence ; en d’autres termes, Dieu est la cause des choses, non seulement selon le devenir, mais selon l’être. Et toutefois, si l’on écoute la plupart des philosophes, ce qui appartient à l’essence d’une chose, c’est ce sans quoi elle ne peut exister ni être conçue ; ils pensent donc de deux choses l’une, ou bien que la nature de Dieu appartient à l’essence des choses créées, au bien que les choses créées peuvent exister ou être conçues sans Dieu ; mais ce qui est plus certain, c’est qu’ils ne sont pas suffisamment d’accord avec eux-mêmes ; et la raison en est, à mon avis, qu’ils n’ont pas gardé l’ordre philosophique des idées. La nature divine, qu’ils devaient avant tout contempler, parce qu’elle est la première, aussi bien dans l’ordre des connaissances que dans l’ordre des choses, ils l’ont mise la dernière ; et ces choses qu’on appelle objet des sens, ils les ont jugées antérieures à tout le reste. Or voici ce qui est arrivé : pendant qu’ils considéraient les choses naturelles, il n’est rien à quoi ils songeassent moins qu’à la nature divine ; puis, quand ils ont élevé leur esprit à la contemplation de la nature divine, ils ont complètement oublié ces premières imaginations dont ils avaient construit leur science des choses naturelles ; et il est vrai de dire qu’elles ne pouvaient les aider en rien à la connaissance de la nature divine, de façon qu’il ne faut point être surpris de les voir se contredire de temps en temps.


Alexandre_VI a écrit :Est-ce qu'il faut poser l'existence des essences pour connaître les choses?

Les choses singulières ? Non. Et il n'est pas possible de les connaître adéquatement (l'intelligibilité infinie n'appartient pas à l'Homme mais à Dieu.) Mais pour connaître Dieu, l'unique Substance, oui.

Spinoza, Lettre 10 à Simon de Vries, traduit par E. Saisset, a écrit : Vous me demandez si nous avons besoin de l’expérience pour être assurés que la définition d’un attribut est vraie. Je réponds que l’expérience n’est requise que pour les choses dont la définition n’emporte pas l’existence, par exemple, pour les modes, l’existence d’un mode ne résultant jamais de sa seule définition ; mais l’expérience est inutile pour les êtres en qui l’existence ne diffère pas de l’essence et dont la définition par conséquent implique l’existence réelle. L’expérience n’a rien à voir ici ; elle ne nous donne pas les essences des choses ; le plus qu’elle puisse faire, c’est de déterminer notre âme à penser exclusivement à telle ou telle essence déterminée. Or l’existence des attributs ne différant pas de leur essence, il s’ensuit qu’aucune expérience n’est capable d’y atteindre.
Vous me demandez ensuite si les êtres et leurs affections sont aussi des vérités éternelles. - Oui sans doute. - Mais pourquoi, direz-vous, ne pas les appeler vérités éternelles ? - Pour les distinguer, comme c’est l’usage universel, de ces principes qui n’ont point de rapport aux êtres ni à leurs affections, celui-ci, par exemple : Rien ne vient de rien. Ces propositions et autres semblables se nomment proprement, je le répète, vérités éternelles ; par où l’on entend qu’elles n’ont point d’autre siège que l’âme.



Serge
Connais-toi toi-même.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 16 juin 2008, 22:16

Sescho a écrit :Il ne reste finalement dans tout cela qu'un seul point majeur qui t'a échappé : "mon essence singulière à moi dépend de Dieu" (sic ; et même est en Dieu), est une vérité au sujet de mon essence, et c'est bien cela qui est connu par le troisième genre de connaissance. Mais ce n'est pas mon essence... C'est encore une fois une vérité à son sujet


Bonjour Sescho,
je ne comprends pas très bien la distinction que tu veux introduire ici. Savoir que mon essence singulière dépend de Dieu, c'est avoir une idée vraie. Objet de cette idée: mon essence singulière. Autrement dit: ce que je connais en ayant cette idée, c'est bel et bien mon essence.

Encore une fois, la vérité chez Spinoza n'est jamais ce qui est l'objet de la connaissance, la vérité au sens stricte qualifie une idée. Il n'y a pas d'une part l'attribut de la Pensée, et puis quelque chose en dehors de lui qui serait "la vérité". Ce qui est vrai dans le spinozisme, ce ne sont que des idées. Mais ce qui est connu, c'est-à-dire l'objet de l'idée (ideatum), c'est ou bien un mode de l'attribut de la Pensée (dans le cas où l'objet de l'idée est une idée), ou bien un mode appartenant à un autre attribut (une affection du Corps, par exemple), ou bien la chose constituée par les modes qui l'expriment (chose en ce qu'elle a en commun avec les autres choses (alors l'idée relève du deuxième genre) ou chose dans son essence singulière (idée du troisième genre)).

Sescho a écrit : (la même qu'exprimée en mots selon le second genre mais vue cette fois suivant la science intuitive, au sujet d'une essence particulière, ce que le scholie que nous commentons dit on ne peut plus clairement ; si tu te reportes aux liens que je donne plus haut tu verras que je dis cela depuis le début) ; et c'est pourquoi il y a "tirée" (de l'essence d'une chose singulière) ; on n'a pas le droit de le gommer, "tirée", qui exclut qu'il s'agisse de l'essence même.


il n'y a pas de "tirer" dans la version orginale, celle que Spinoza a écrite. Ce verbe ne figure que dans la version francophone. Comme déjà dit, Spinoza a écrit concluditur, littéralement "est conclus de", du verbe concluere, conclure. Il conclut ici une vérité générale (tout dépend selon l'essence et l'existence de Dieu), donc une idée vraie relevant du deuxième genre de connaissance, et cela en passant dans le raisonnement qui mène à cette conclusion par une idée du troisième genre (ayant mon essence singulière comme objet).

Si tu crois que toute idée vraie est "tirée" de son objet, il me semble que tu ne tiens pas compte du fait que dans le TIE Spinoza dit que l'idée vraie d'une essence singulière n'est rien d'autre que l'essence objective de cette même chose, ayant l'essence formelle de la chose comme objet. Il s'agit, dans le cas d'une idée vraie, de deux modes (idée et son objet) qui expriment "une seule et même chose". On ne "tire" par l'idée vraie de son objet. L'idée vraie et son objet sont ensemble une seule et même chose.

Or dans ce scolie, il s'agit de conclure une idée (tout dépend de Dieu selon l'essence et l'existence) d'une autre idée, cette dernière étant ici du troisième genre de connaissance, là où en E1 la conclusion se fait uniquement à partir d'autres idées relevant du deuxième genre. La conclusion d'une idée à partir d'une série d'autre idées me semble être autre chose que le rapport entre une idée vraie et son objet (l'idée que mon essence est éternelle, étant "du Dieu", et cette essence en tant que telle, objet de cette idée).

Ce qui fait que je me demande toujours comment, dans ton interprétation, distinguer le deuxième genre de connaissance du troisième, une fois que tu dis que l'objet du troisième est également une loi générale, tout comme dans le deuxième, tandis que Spinoza nous dit que quand une idée est différente d'une autre, son objet doit également être différent. Comment faire porter le troisième genre sur l'essence singulière, c'est-à-dire sur ce qui de la chose n'a rien en commun avec les autres choses, si son objet est selon toi une loi générale, désignant précisément ce qui est commun aux choses?
Cordialement,
louisa

Enegoid
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 452
Enregistré le : 10 févr. 2007, 00:00

Messagepar Enegoid » 16 juin 2008, 22:31

Incruste (pour le fun) :

"...combien vaut la connaissance des choses singulières que j'ai appelée intuitive ou connaissance du 3 ème genre" E5p36 scol


Retourner vers « Questions de philosophie »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 81 invités