L'homme n'existe pas

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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sescho
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Messagepar sescho » 29 juin 2008, 11:34

Comme c'est assez long (ET intéressant) et pour convenance personnelle, je réponds en plusieurs temps :

bardamu a écrit :Je lis autre chose : les notions communes peuvent être connues clairement et distinctement, et le commun ne constitue l'essence d'aucune chose particulière, mais cela n'implique pas que cette connaissance interdise la connaissance de l'essence de choses particulières.

En faisant cela, tu escamotes certains mots, comme "ce que nous pouvons connaître clairement et distinctement ..." Dans cette formulation, "ce que" signifie "tout ce que." Il n'y a pas d'alternative crédible. Lorsque Spinoza dit "nous ne pouvons connaître que par les idées d'affection du corps" et en parallèle "toute connaissance par les idées des affections du corps est inadéquate", il ne reste pas beaucoup d'alternative... On trouve des assertions similaires dans d'autres passages.

bardamu a écrit :A mon sens, c'est le rôle du 3e genre que d'aller vers la connaissance adéquate des choses particulières notamment par une claire définition (TRE 93) : "la meilleure conclusion est celle qui se tirera d'une essence particulière affirmative, c'est-à-dire d'une définition vraie ou légitime. Car des axiomes universels seuls l'esprit ne peut descendre aux choses particulières, puisque les axiomes s'étendent à l'infini, et ne déterminent pas l'entendement à contempler une chose particulière plutôt qu'une autre.
94. Ainsi le véritable moyen d'inventer, c'est de former ses pensées en partant d'une définition donnée, ce qui réussira d'autant mieux et d'autant plus facilement qu'une chose aura été mieux définie.
"

Encore une fois, Spinoza décrit plus dans l'ensemble du TRE ce qui est souhaitable que ce qui est possible, et l'aboutissement du TRE est à la fin. Mais même sans cela (outre les nombreux autres passages qui s'y opposent déjà cités ; par exemple, celui où dans une lettre Spinoza dit que l'expérience ne donne pas l'essence des choses, mais seulement de déterminer l'esprit à penser à telle ou telle essence particulière - sous les yeux ou en mémoire), peux-tu donner une définition d'une chose singulière dans sa singularité (à part le triangle et autres êtres de Raison, Dieu n'étant par ailleurs pas une chose singulière) ?

En passant, même si Spinoza disait "connaissance du troisième genre des choses singulières" sec, ce ne serait encore pas suffisant pour prouver qu'il parle d'une chose singulière précise ; car - outre que l'honnêteté intellectuelle impose de mettre en balance les extraits qui s'opposent à telle ou telle interprétation personnelle - connaître des lois ou propriétés communes à toutes les choses singulières, c'est les connaître adéquatement en partie (il ne s'agit pas, en re-passant, pour la nième fois, de borner les choses particulières au général abstrait - qui est bien dit "vrai" par Spinoza, cependant - , mais de voir en acte ce qui est dans toutes les choses particulières - ou une partie d'entre elles - dans une chose particulière précise qu'on a en face des yeux.)

A ce titre, le "des choses singulières" peut poser un problème de compréhension : il s'agit toujours de général appliqué au particulier. La bonne formule est "connaissance du troisième genre de l'essence d'une chose singulière."


Serge
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Louisa
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Messagepar Louisa » 29 juin 2008, 14:25

Sescho a écrit :J'ajoute en passant que l'Entendement infini n'est selon toute vraisemblance pas la somme des entendements humains, même en ne prenant que les idées claires et distinctes de la connaissance du troisième genre, et même en prenant tous les individus qui se sont succédés et se succéderont.

Sur la différence irréductible entre l'entendement divin et l'entendement humain (sauf pour les idées adéquates du troisième genre)


en ce qui concerne l'Ethique, je crois que tu te trompes. E5P40 sc:

Spinoza a écrit :(...) notre Esprit, en tant qu'il comprend, est une manière de penser éternelle, qui est déterminée par une autre manière de penser éternelle, et celle-ci à son tour par une autre, et ainsi à l'infini; en sorte qu'elles constituent toutes ensembles l'intellect éternel et infini de Dieu.


Dans le corollaire de la même proposition, Spinoza dit clairement que la part éternelle de l'Esprit est l'intellect, celui-ci étant la partie de l'Esprit par laquelle nous sommes dits agir. Or nous agissons dès que nous avons une idée adéquate, qu'elle soit du deuxième ou du troisième genre. Nul besoin donc de limiter la partie de notre Esprit qui constitue l'intellect divin aux seules idées du troisième genre de connaissance. Les idées adéquates du deuxième genre le constituent tout autant.

Ton erreur provient peut-être d'un oubli du fait que l'intellect divin n'est qu'un simple mode, donc une affection de Dieu, pas l'essence de Dieu lui-même? Car il est évident que les modes ne constituent pas l'essence de Dieu, seuls les attributs le font. Les modes expriment l'essence de Dieu, tandis que Dieu s'explique par les modes, ce qui crée effectivement une différence irréductible entre l'être d'un mode et l'être de la Substance/Dieu.

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Faun
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Messagepar Faun » 29 juin 2008, 15:28

sescho a écrit :D'abord, je ne vois pas d'où sort le dernier point.


"En outre, je montrerais plus bas sans l'aide de cette proposition qu'à la nature de Dieu n'appartiennent ni intellect ni volonté. Certes, j'en sais plusieurs qui pensent pouvoir démontrer qu'à la nature du Dieu appartient un suprême intellect et une volonté libre; car ils ne savent, disent-ils, rien de plus parfait à attribuer à Dieu que ce qui est, en nous, la suprême perfection." etc.

Scolie de la proposition 17 partie 1.


La divinisation des modes pris chacun en lui-même ?!!! Pourquoi ne pas virer la notion de Substance, alors ?


L'immanence nous oblige à "diviniser" autant la substance que ses modes, puisque ceux-ci sont des parties de celle-là.

"De là il suit que Dieu, en tant qu'il s'aime lui-même, aime les hommes, et, par conséquent, que l'amour de Dieu pour les hommes, et l'amour intellectuel de l'esprit envers Dieu, est une seule et même chose."

Corollaire de la proposition 36 partie 5.

L'Un, l'Unique, etc. sont des propriétés de Dieu crois-je me souvenir dans les propos de Spinoza ; mais c'est partout que cela se lit.


Spinoza définit Dieu comme "l'Etant absolument infini". De cette infinité il découle qu'il n'y a pas de place dans l'univers pour autre chose que Dieu, ce qui permet à Spinoza de dire que Dieu est en effet unique. Mais ce mot est très ambigüe quand on parle d'une chose absolument infinie.
Infinité des attributs, infinité des modifications, chaque modification étant composée à l'infini, cela ne fait pas de Dieu une chose qui puisse se ramener au nombre 1.

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Messagepar Enegoid » 29 juin 2008, 18:34

A Louisa
(les citations sont de vous)


à mon sens vous confondez le deuxième genre de connaissance avec le troisième.


Je ne crois pas. Pourquoi ? Je parle bien de connaissance intuitive de l’essence d’une chose singulière. Et j’explique que je ne peux rien dire de cette chose singulière sauf à basculer dans le 2ème genre, c’est tout.


Ici les définitions n'ont aucune place,


Il y a la définition du sens du mot essence
Il y a la signification du mot essence souvent associé à la notion de définition. Ca tourne en rond et donne un peu le vertige : l’essence d’une chose est sa définition. La définition de « essence » est donc la définition de « définition »

S’il n’y a pas de définition de ce que l’on appelle l’essence d’une chose, je ne vois pas comment on peut se parler à propos de cette notion !

Mais il est vrai que Spi permet une autre approche du 3ème genre en le reliant avec la notion d’idée vraie qui est elle même sa propre norme de vérité.(TRE 25 26 Appuhn) Je sais que j’ai une idée vraie de Pierre. Mais est-ce que j’ai une connaissance du 3ème genre de l’essence de Pierre ? Je ne sais pas…

Puis bon, il se fait que depuis des siècles la philosophie (et elle seule) a écrit des bibliothèques par rapport à la connaissance intuitive. Je ne comprends donc pas très bien ce qui te fait dire que la philosophie n'en a rien à dire.. ?


La philosophie a beaucoup à dire sur la notion d’essence, et sur cette notion appliquée à une chose singulière. Mais personne ne sait dire, et le philosophe pas plus qu’un autre ce qu’est l’essence singulière de Pierre.

Pour terminer : je n’ai rien contre l’intuition à propos d’une chose singulière.

La seule chose qui me paraît à peu près claire est que si l’on ne passe pas par les choses singulières, on ne connaît rien (je ne sais rien de l’homme si je n’en ai pas perçu au moins un).

D’autre part, il y a l’expérience que l’on peut faire d’accorder son attention à une chose singulière (en la dessinant ou en la peignant, par exemple) : il me semble qu’elle croit en dignité, cette chose à laquelle j’apporte mon attention. Mais ce n’est pas de la philosophie !
Enfin, je pense au Roquentin ( ?) de la Nausée de Sartre qui éprouve cette nausée en concentrant son attention sur l’écorce d’un arbre (si mes souvenirs sont bons). Loin de la béatitude du 3ème genre !

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Messagepar Louisa » 29 juin 2008, 18:48

Sescho a écrit :Lorsque Spinoza dit "nous ne pouvons connaître que par les idées d'affection du corps" et en parallèle "toute connaissance par les idées des affections du corps est inadéquate", il ne reste pas beaucoup d'alternative...


Ce n'est pas ce que dit Spinoza. Certes, il répète à l'envi que nous ne pouvons connaître que par les idées d'affection du corps. Mais il ne dit pas du tout que "toute connaissance par les idées des affections du corps est inadéquate". Il dit bien plutôt (E5P4 cor):

Spinoza a écrit :De là suit qu'il n'y a pas d'affect dont nous ne puissions former un certain concept clair et distinct. Car l'affect est l'idée d'une affection du Corps, et pour cette raison il doit envelopper un certain concept clair et distinct.


Comment parvenir à cette connaissance adéquate d'un affect, ou comment avoir accès à cette idée adéquate qui est enveloppée dans toute idée d'une affection du Corps?

Spinoza l'explique en détail dans l'E5, mais nous dit déjà QUAND cela arrive et quand ce n'est pas le cas dans le scolie de l'E2P29: pour trouver cette idée adéquate enveloppée dans chaque idée d'une affection du Corps, il faut que l'Esprit enchaîne les idées "correctement", c'est-à-dire dans le bon ordre, le mauvais ordre étant "l'ordre commun de la nature" (ce qui ne donne qu'une connaissance inadéquate des affections du Corps), le bon en revanche étant un ordre "déterminé du dedans de l'Esprit" (là il y a connaissance adéquate d'une affection du Corps).

Quel est plus précisément ce bon ordre? Comme promis dans ce scolie, Spinoza nous l'explique en l'E5P10: il s'agit de pouvoir "ordonner et enchaîner les affections du Corps suivant un ordre pour l'intellect". C'est quand nous laissons déterminer l'ordre des affections du Corps par notre intellect et non pas par la nature commune, que nous parvenons à trouver les idées adéquates enveloppées dans ces idées d'affection du Corps.

Cela implique qu'il faut bel et bien d'abord être affecté par quelque chose avant de pouvoir avoir une connaissance de cette chose, comme tu le dis correctement, mais il n'est nullement nécessaire d'en rester à une connaissance inadéquate: il suffit que l'Esprit réarrange ces affections selon son ordre à lui, pourque la connaissance de l'affection d'inadéquate devienne adéquate.

S'il s'agissait d'une connaissance portant sur une propriété commune entre mon Corps et le corps extérieur qui m'a affecté, j'ai du même coup une idée adéquate d'une propriété de ce corps extérieur.

Si en revanche la connaissance porte sur une essence, alors il s'agit d'une idée adéquate du troisième genre, idée qui ne nécessite pas moins d'en passer d'abord par une affection du Corps (et donc une image, objet d'une idée imaginaire), car l'E5P39 se base entièrement sur l'E4P38, et par conséquent plus le Corps humain peut être affecté de plus de manières par les corps extérieurs, plus l'Esprit est apte à percevoir, plus l'Esprit est puissant, plus grande est la partie éternelle de l'Esprit. Tandis que s'il fallait en rester à ce que tu proposes (que toute connaissance des affections du Corps est inadéquate), Spinoza aurait dû démontrer l'inverse de l'E4P38: il aurait dû prétendre que plus nous avons des affections du Corps, plus nous sombrons dans l'inadéquation, moins nous pouvons espérer avoir un Esprit dont la plus grande partie est éternelle. Ce n'est pas ce qu'il a fait.

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Messagepar Louisa » 29 juin 2008, 20:04

Enegoid a écrit :Il y a la définition du sens du mot essence.
Il y a la signification du mot essence souvent associé à la notion de définition. Ca tourne en rond et donne un peu le vertige : l’essence d’une chose est sa définition. La définition de « essence » est donc la définition de « définition »


en effet, cela me semble être un peu trop circulaire pour pouvoir être correcte, non ... ? :)

Dans le spinozisme, la définition de l'essence dit ceci:

"Je dis appartenir à l'essence d'une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose, et dont la suppression supprime nécessairement la chose"

Jusqu'ici, nil novi sub sole, toute la tradition scolastique a ainsi défini l'essence. C'est ce qui fait des essences des "notions universelles", des choses présentes en toute chose singulière qui incarne cette essence (par exemple: Socrate incarne l'essence de l'homme, Enegoid incarne l'essence de l'homme, et ainsi de suite). Ici, l'essence "vaut" donc pour plusieurs choses singulières à la fois. Et quand l'une de ces choses meurt (quand Socrate boit la cibuë), cette essence de l'homme n'en reste pas moins tout à fait intacte, tout comme elle le demeurera à ta mort.

Mais Spinoza y ajoute (et cela change tout):

"ou encore, ce sans quoi la chose, et inversement ce qui sans la chose, ne peut être ni se concevoir".

Ici, la chose qui a une essence est telle que quand la chose est supprimée, l'essence en question est supprimée aussi. Car sans la chose, l'essence de la chose ne peut pas être, ni être conçue. A partir de ce moment-là, il faut "singulariser" l'essence, au sens où il n'y aura toujours qu'une seule chose ayant cette essence-là, car sinon il serait possible qu'une chose A ayant cette essence est supprimée, tandis que l'essence continue à être et à pouvoir être conçue aussi longtemps qu'une deuxième chose B a la même essence. La deuxième condition ajouté par Spinoza à la définition de l'essence fait qu'il devient impossible de concevoir deux choses ayant la même essence.

Enegoid a écrit :S’il n’y a pas de définition de ce que l’on appelle l’essence d’une chose, je ne vois pas comment on peut se parler à propos de cette notion !


en effet. Mais heureusement Spinoza nous en a donné une.

Enegoid a écrit :Mais il est vrai que Spi permet une autre approche du 3ème genre en le reliant avec la notion d’idée vraie qui est elle même sa propre norme de vérité.(TRE 25 26 Appuhn) Je sais que j’ai une idée vraie de Pierre. Mais est-ce que j’ai une connaissance du 3ème genre de l’essence de Pierre ? Je ne sais pas…


je ne pourrai pas le dire à ta place, car mon Esprit et le tien sont deux modes différents .. . Pour pouvoir le savoir toi-même, il faut que tu aies l'impression d'avoir bien compris ce que c'est que le troisième genre de connaissance. En tout cas, il va d'abord falloir être affecté par un corps extérieur appelé "Pierre", sinon tu te poses la question en général, et le troisième genre de connaissance n'est pas une connaissance abstraite ou générale.

Sinon il me semble pour l'instant que Spinoza ne parle de "définition" en rapport avec une "essence" qu'en ce qui concerne ou bien Dieu, ou bien les êtres abstraits, mathématiques (le cercle, ...). Cette définition "exprime" (dans l'attribut de la pensée) la "nature" de la chose définie, mais, y ajoute-t-il, jamais elle ne peut nous dire combien d'individus il y a de cette nature. Cela pourrait sembler contradictoire avec la définition même qu'il donne de l'essence, mais je ne crois pas que c'est le cas.

Car d'une part, la nature de Dieu est telle qu'il n'y a qu'un seul Dieu. Là essence et nature sont donc identiques, des synonymes. Or plus j'y pense, plus je crois que pour les hommes il faut distinguer essence et nature (même si Spinoza ne semble pas le faire de manière très conséquente). Si la nature de l'homme semble être la même pour chaque homme (ce qui permet d'en avoir des axiomes/notions communes tels que "L'essence de l'homme n'enveloppe pas l'existence nécessaire", ou "tout ce qui suit de la nature humaine en tant qu'elle se définit par la raison, E4P35 démo), jamais Spinoza ne parle d'une possible "définition" de tel ou tel homme singulier.

C'est pourquoi je crois que la notion d'essence se laisse bel et bien définir, car la définition n'appartient qu'au deuxième genre, mais alors elle ne nous dit que ce que toutes les essences ont en commun, tandis que dès qu'il s'agit de saisir l'essence de tel ou tel homme, on ne peut plus se baser sur la connaissance du deuxième genre, qui ne nous dit que ce que cet homme a en commun avec d'autres, ce qui par définition ne peut constituer son essence à lui. Aucune connaissance générale ne pourra donc nous venir en aide pour connaître l'essence de telle ou telle chose singulière. Seul une intuition intellectuelle, une connaissance intuitive immédiate, un "voir d'un seul coup" pourra nous y donner accès, jamais une définition. Les définitions ne définissent que des "natures".

Or, encore une fois, en distinguant ainsi "nature" et "essence", je ne suis pas à 100% l'usage spinoziste de ces termes, puisque celui-ci dit également que les "les hommes peuvent différer en nature" (E4P35), ce qui n'est pas cohérent avec le sens de "nature" que je viens de proposer. La nature humaine semble donc également se définir par les Passions de l'homme, et non pas seulement par ses Actions, et ainsi varier d'un homme à un autre, selon qu'il vit sous la conduite de la raison (est déterminé à agir selon des Actions) ou sous la conduite des Passions. N'empêche que cette différence semble être impossible au niveau des essences, et seulement se produire quant à l'existence dans la durée (E1P17). La nature de l'homme portant éventuellement sur ce que l'homme peut avoir en commun avec un autre homme, sans constituer son essence singulière à lui, faudrait-il dire que du point de vue éternel il n'y a que des essences, et plus rien que les choses ont en commun ... ? Bref, en ce qui me concerne je n'y vois pas encore très clair.

Enegoid a écrit :Citation:
Puis bon, il se fait que depuis des siècles la philosophie (et elle seule) a écrit des bibliothèques par rapport à la connaissance intuitive. Je ne comprends donc pas très bien ce qui te fait dire que la philosophie n'en a rien à dire.. ?

La philosophie a beaucoup à dire sur la notion d’essence, et sur cette notion appliquée à une chose singulière. Mais personne ne sait dire, et le philosophe pas plus qu’un autre ce qu’est l’essence singulière de Pierre.


ceux parmi les philosophes qui travaillent avec l'idée de pouvoir avoir une connaissance adéquate de la singularité d'une chose, travaillent effectivement avec le concept d'une intuition intellectuelle, qui parce qu'elle est immédiate ne s'acquiert qu'en l'ayant, en étant en contact direct avec la chose, et ne se communique pas par des idées ou verbalement. La seule chose qui se communique, c'est ce que c'est que cette connaissance par intuition intellectuelle, en quoi elle consiste, en général. En revanche, pour avoir soi-même une intuition intellectuelle, il faut en faire l'expérience, contrairement à la connaissance rationnelle, qui elle se communique entièrement et sans reste.

Par exemple: il suffit que quelqu'un nous explique bien comment fonctionne la loi de gravitation pourque nous ayons réellement une connaissance adéquate de cette loi, et il suffit que nous ayons compris cette loi pour ensuite pouvoir l'appliquer à n'importe quelle chose particulière. Il n'y a rien de "mystique" là-dedans, rien qui touche à ce qu'on appelle traditionnellement une "intuition intellectuelle". Cette connaissance intuitive ou mystique seule nous donne accès à ce qui jamais ne se laisser subsumer par une généralité, à ce qui est absolument particulier.

Quand je connais la loi de la gravitation, je pourrai dire à petit un enfant qu'il ne doit pas monter trop haut sur une échelle car ayant un corps comme n'importe quel autre, il tombera quand il est distrait. Je sais donc par avance, même sans avoir été dans la situation concrète où l'enfant tombe réellement, comment est et va être son corps. Le fait qu'il tombe réellement n'ajoute RIEN à mon savoir sur son corps tel que je l'ai avant qu'il tombe. C'est tout à fait différent avec une intuition intellectuelle, où nous ne savons strictement RIEN de ce qui est intuitionné avant le contact directe avec la chose intuitionnée, et où par après cette connaissance ne nous sert à rien non plus pour pouvoir prédire quelque chose d'une AUTRE chose, puisque par définition, il s'agit de ce que les choses n'ont PAS en commun les unes avec les autres.

Enegoid a écrit :Pour terminer : je n’ai rien contre l’intuition à propos d’une chose singulière.

La seule chose qui me paraît à peu près claire est que si l’on ne passe pas par les choses singulières, on ne connaît rien (je ne sais rien de l’homme si je n’en ai pas perçu au moins un).


cela, c'est ce que propose l'empirisme. Traduit dans le spinozisme: il faut d'abord être affecte par le corps d'une chose extérieure avant de pouvoir en savoir quelque chose, et avant de pouvoir "extrapoler" ce savoir à d'autres choses. La connaissance du général PART bel et bien du particulier. Mais une fois qu'on l'a, une fois qu'on a trouvé la formule générale, il n'est plus besoin de la vérifier sur chaque chose qui tombe sous sa règle, on sait qu'elle y obéira.

Enegoid a écrit :D’autre part, il y a l’expérience que l’on peut faire d’accorder son attention à une chose singulière (en la dessinant ou en la peignant, par exemple) : il me semble qu’elle croit en dignité, cette chose à laquelle j’apporte mon attention. Mais ce n’est pas de la philosophie !


non, et ce n'est pas la connaissance intuitive, immédiate non plus, car tu connais par le biais de ton crayon, tu ne prends que la forme extérieure de la chose, telle qu'elle frappe tes yeux sensibles. La connaissance intuitive est un voir qui est intellectuel et non pas sensible (ce que Spinoza appelle "les yeux du mental", contrairement aux yeux de mon corps) - qu'il passe lui aussi par une affection du corps, donc une affection sensible, n'y change rien. C'est bien ce qui est étrange dans cette intuition immédiate intellectuelle (et qui a notamment fait que depuis quelques siècles une majorité de courants philosophiques la trouvent absurde, à jeter, tandis qu'au XVIIe, Spinoza n'est pas du tout le seul à proposer une connaissance par intuition intellectuelle (Malebranche par exemple l'a fait aussi, et sans avoir lu Spinoza)).

Enegoid a écrit :Enfin, je pense au Roquentin ( ?) de la Nausée de Sartre qui éprouve cette nausée en concentrant son attention sur l’écorce d’un arbre (si mes souvenirs sont bons). Loin de la béatitude du 3ème genre !


:D
c'est clair!

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Messagepar sescho » 29 juin 2008, 20:57

bardamu a écrit :... je sais qu'il y a une chose singulière en toi, une idée, qui s'affirme et identifie chose singulières à choses changeantes ( et je sais même que c'est une idée inadéquate :wink: , due au fait que tu ne prends pas en compte que l'éternité chez Spinoza ne se lie en rien à la distinction commun/singulier, qu'un esprit particulier peut par exemple être considéré sous le caractère de l'éternité E5p22).

Nullement : je ne fais que cela de le prendre en compte. Mais c'est la "solidité" de la chose singulière, le "chose singulière" même qui est en question. Dans mon exemple du "front de chaleur" la "chose singulière" front de chaleur se transforme en permanence, c'est un fait ; elle n'en reste pas moins à chaque instant éternelle, en ce que ce qu'elle est à ce moment-là appartient à la nature de la Nature. Mais on doit aussi se demander qui du front de chaleur ou de l'Etendue et des lois de la thermique est le plus réel... Or nous n'avons de vision du réel que ce qui est clair et distinct. C'est en déifiant les choses singulières existantes en tant que singulières existantes qu'on ne comprend plus rien, qu'on n'arrive plus à voir que changement permanent et éternité sont coexistants.

L'autre facette du problème est ce qui peut être vu en vérité par l'Homme, qui n'est pas tout. La singularité d'une chose singulière est une perception approximative qui relève de la connaissance du premier genre. Encore une fois, même dans ce premier genre il y a quand-même "connaissance", mais ce n'est pas pour autant le troisième. C'est bien ce que je dis : on reste au premier genre et on voudrait que ce soit le merveilleux troisième (qui est alors : ?) En revanche dire que la chose singulière que j'ai en face de moi (ou une autre ou la même après quelques temps) existe uniquement comme mode d'expression de la Nature et aucunement en elle-même, cela c'est le summum du troisième genre ; mais ce n'est pas toute l'essence formelle de la chose, et s'applique à toute autre chose singulière.

Mais dis-moi : c'est quoi la connaissance du troisième genre de l'écran que tu as en face des yeux ?

bardamu a écrit :Les lois du genre "notions communes" fonctionnent par le commun entre 2 choses mais il faut d'abord A et B, pour dire qu'il y a du commun entre A et B. Dire ensuite que le commun vaut mieux que le singulier nécessiterait que ce commun soit placé avant A et B, mais si on le constitue par A et B, ceux-ci sont premiers par rapport à celui-là. C'est pour cela que si l'idée de Dieu est atteinte par les notions communes, elle n'est pas pour autant réductible à une notion commune, elle est avant le commun entre les choses.

Elles sont avant dans l'ordre des perceptions humaines, mais derrière dans l'ordre de l'entendement et dans l’ordre ontologique ; c'est tout le secret de l'enseignement de Spinoza. Je ne remets pas les extraits (par exemple, E1P11S, E1P17S, E1P28S,E2P10S, E2P18S, ...)

Ce qui suit ne me pose pas de problème, sauf mécompréhension.

E5P20S : … ce troisième genre de connaissance (voyez le Schol. de la Propos. 47, part. 2) dont le fondement est la connaissance même de Dieu…


bardamu a écrit :Ce que j'essaie de dire c'est plutôt qu'une connaissance du 3e genre est une connaissance de Dieu en tant que chose singulière et de la chose singulière en tant que Dieu, que c'est la connaissance/affirmation de Dieu comme particularité d'être.

Je présume que tu veux dire, Dieu n’étant pas une chose singulière, qu’il s’exprime dans ses modes. Mais là il y a ce me semble quand-même un problème (qui rejoint ce que disait un intervenant des Nouveaux chemins de la connaissance sur France-Culture, savoir que Dieu était de fait distinct de la nature naturée chez Spinoza) : le non-divisé imprègne le divisé sans s’y résumer.

bardamu a écrit :Donc non, il ne peut pas s'agir de simplement affirmer verbalement qu'une chose est un mode sans savoir de quel mode il s'agit. Il s'agit bien de saisir le mode dans sa spécificité et comme affirmation de cette spécificité, de le déterminer à partir des convenances, des différences et des oppositions.

Sa spécificité ? Encore faudrait-il la connaître. Mais je suis d’accord (et je l’ai déjà dit) : à partir du moment ou toute chose est vue non en elle-même mais en Dieu, tout est admissible, en particulier l’incomplétude de la connaissance de l’essence de la chose.

Où je ne suis pas d’accord, c’est dans la substanciation des modes : ceux-ci sont des phénomènes impermanents et interdépendants régis par les lois éternelles de la Nature, et celles-ci sont constantes et donc potentiellement connaissables, au contraire d’un mode pris individuellement, tel qu’il paraît être à l’instant t et n’est plus l’instant d’après. Et je défie qui que ce soit de démontrer qu’il n’y a aucune loi dans la Nature (le seul exemple que je connaisse qui puisse être invoqué étant l’indétermination quantique.) Et en tout cas, pour ce qu’en dit Spinoza, c’est on ne peut plus clair ; surdéterminé même. Et encore une fois, l’ordre de l’entendement n’est pas l’ordre des perceptions, et la connaissance du troisième genre ne naît pas directement du premier.

E4P57S : Les lois de la nature, en effet, enveloppent l’ordre entier de la nature dont l’homme fait partie ; et j’ai voulu noter cela en passant, afin que personne ne pense que je m’amuse ici à raconter les vices des hommes et leurs folies, au lieu d’exposer la nature et les propriétés des choses.


bardamu a écrit :Pour résumer, on aura peut-être avancé si le point suivant de mon idée est clair pour toi :
par essence ou puissance en acte d'une affection de la substance, j'entends l'affirmation d'une manière d'être, d'un style, de modes particuliers s'exprimant sous des formes générales d'être (attributs). Affirmer un "être humain", "être cheval", "être ivrogne" etc., s'affirmer à l'infini, c'est l'essence de la Nature. Il n'y a pas que quelques lois communes à connaître, il y a l'infinité des lois de chaque être pour le respect de leur nature (y compris la nôtre propre), de leur liberté et donc de la Nature.

Je ne suis qu’à moitié d’accord : il n’y a pas autant de lois que de choses singulières (c’est pourquoi Spinoza admet implicitement les « essences de genre » : la nature humaine prise dans toute sa généralité, etc.) Les lois et les choses singulières sont en fait deux appréciations distinctes de la même réalité. Mais suivant leur degré de puissance, les choses singulières expriment plus ou moins de lois, c’est vrai. Selon Spinoza, l’attribut vient avant dans l’ordre de l’entendement et donc l’ordre ontologique, et les essences des choses particulières sont contenues dans l’idée de l’attribut : ce n’est pas un plus petit dénominateur commun, mais la substance indivisible qui est au-dessus du divisé, du particulier, et qui inclut les lois. Le problème n’est pas de savoir toutes les lois qui animent une chose singulière, c’est d’ailleurs impossible, c’est d’en savoir le plus possible (car encore une fois, pour dire connaître, pour dire que quelque chose existe, il faut avoir distingué ce qui est clair de ce qui ne l’est pas, sinon on parle en pure perte, et comme je l’ai dit, on affuble son premier genre de connaissance du nom de « troisième. ») En fait, cependant, comme je l’ai répété, l’essentiel tient dans le fait qu’un mode doit toujours être conçu par sa cause, et donc nullement en lui-même (E1P15, E1P24C, E1P28S, par exemple.) Cela Spinoza le dit on ne peut plus clairement.

Lettre 21 à Blyenbergh : ... la raison fait ma jouissance, et le but où j’aspire dans cette vie, ce n’est point de la passer dans la douleur et les gémissements, mais dans la paix, la joie et la sérénité. Voilà le terme de mes désirs, et mon bonheur est d’en approcher peu à peu de quelques degrés. Mais n’allez pas croire que cela m’empêche de reconnaître cette vérité (qui est même la source du contentement et de la tranquillité de mon âme) : je veux dire que tout arrive par la puissance de l’Être souverainement parfait et selon l’ordre immuable de ses décrets.



Serge
Modifié en dernier par sescho le 29 juin 2008, 23:17, modifié 1 fois.
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Messagepar Enegoid » 29 juin 2008, 21:31

louisa a écrit :Louisa a écrit:
3e genre de connaissance: connaissance intuitive de l'essence des choses. Ici les définitions n'ont aucune place,


louisa a écrit :Dans le spinozisme, la définition de l'essence dit ceci:

"Je dis appartenir à l'essence d'une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose, et dont la suppression supprime nécessairement la chose"


Mais oui je suis bien d'accord avec la 2ème citation! Pourquoi cette définition devrait-elle être abandonnée ("n'ont aucune place") quand on parle du 3ème genre ?

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Louisa
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Messagepar Louisa » 29 juin 2008, 21:42

Sescho a écrit :La singularité d'une chose singulière est une perception approximative qui relève de la connaissance du premier genre.


je ne vois pas comment le premier genre de connaissance pourrait nous donner accès à la singularité d'une chose singulière ... .

D'abord parce que JAMAIS Spinoza ne dit cela.

Puis parce que l'inverse est vrai: "les idées que nous avons des corps extérieurs indiquent plus l'état de notre corps que la nature des corps extérieur" (E2P16 cor II).

Plus explicitement encore:
"nous comprenons clairement quelle différence il y a entre l'idée par ex. de Pierre qui constitue l'essence de l'Esprit de Pierre lui-même, et l'idée de Pierre qui se trouve dans un autre homme, disons Paul. La première en effet explique directement l'essence du corps de Pierre, et n'enveloppe l'existence qu'aussi longtemps que Pierre existe; et la seconde indique plutôt l'état du Corps de Paul que la nature de Pierre, et ainsi, tant que dure cet état du Corps de Paul, l'Esprit de Paul, même si Pierre n'existe pas, le contemplera cependant comme étant en sa présence." (E2P17 sc)

Il dit immédiatement après que c'est précisément cela, les "images" des choses, qui ne reproduisent pas du tout les figures des choses, ni, bien sûr, l'essence de la chose qui vient de nous affecter.

Conclusion: aucune connaissance n'est si éloignée de la compréhension du corps extérieur tel qu'il est que le premier genre de connaissance. Nous n'y comprenons même pas clairement ce que nous avons en commun avec ce corps extérieur, et encore moins ce qui n'est propre qu'à lui dans sa singularité. Nous n'avons même pas besoin que Pierre soit là pour avoir une image ou idée du premier genre de connaissance de lui.

Le deuxième genre de connaissance nous donne au moins déjà un accès vrai à ce corps extérieur qui nous affecte, ne fût-ce que par ce que celui-ci a en commun avec nous (ce qui ne nous donne pas accès à une "partie" de l'essence du corps extérieur (comme diviser une essence en parties ???), mais seulement à ses propriétés et pas du tout à son essence - Spinoza est clair là-dessus ("Ce qui est commun à tout (...) ne constitue l'essence d'aucune chose singulière" (E2P37), inutile de rappeler que les lois COMMUNES de la nature déterminent des aspects que toutes les choses singulières ou modes ont en commun, là où le troisième genre porte sur l'essence des choses ... ).

Pour saisir l'essence de Pierre (ou saisir Pierre dans sa singularité, car l'idée de Pierre qui constitue l'essence de son Esprit est unique, il n'y a qu'un seul Pierre, son essence est constituée par ce mode singulier qu'est son Esprit à lui), il faut attendre le troisième genre de connaissance, le seul qui a accès aux essences des choses hors de nous.
Modifié en dernier par Louisa le 29 juin 2008, 22:23, modifié 1 fois.

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bardamu
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Messagepar bardamu » 29 juin 2008, 22:21

sescho a écrit :(...) peux-tu donner une définition d'une chose singulière dans sa singularité (à part le triangle et autres êtres de Raison, Dieu n'étant par ailleurs pas une chose singulière) ?

Je l'ai fait en définissant une idée en toi, qui s'affirme et identifie chose singulières à choses changeantes. Est-elle un être de Raison ou une illusion ?

Cette idée est d'ailleurs sans doute au coeur de nos problèmes puisque tu renvoies régulièrement l'impuissance à connaître à ce qui résulte des rencontres fortuites, comme si l'entendement ne pouvait en sortir que pour des choses générales, comme si il fallait oublier que :
- il y a nécessairement en Dieu une idée qui exprime l'essence de tel ou tel corps humain sous le caractère de l'éternité (E5p22),
- en tant que l'esprit est éternel, il possède la connaissance de Dieu, et cette connaissance est nécessairement adéquate (par la Propos. 46, part. 2) ; d'où il suit que l'esprit, en tant qu'éternel, est propre à connaître toutes les choses qui résultent de cette même connaissance. (E5p31 dém.)
- De la nécessité de la nature divine doivent découler une infinité de choses infiniment modifiées, c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous une intelligence infinie. (E1p16)
- tout ce qui suit formellement de l'infinie nature de Dieu, suit objectivement de l'idée de Dieu dans le même ordre et avec la même connexion (E2p7 coroll.)

Résumé : en tant que l'esprit est éternel, il est apte à connaître tout ce qui résulte de l'idée de Dieu, c'est-à-dire toutes choses, y compris chaque chose particulière.

On peut aussi noter que Spinoza ne dit pas ce qu'est une essence mais la définit par ce qui lui appartient. La connaissance des choses se construit petit à petit par des faits indubitables. Une idée par-ci, une idée par-là, un enchainement d'idées et des mouvements déterminés qui apparaissent, des "personnalités", se combinant ad infinitum.


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