L'homme n'existe pas

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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sescho
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Messagepar sescho » 29 juin 2008, 22:53

Faun a écrit :Scolie de la proposition 17 partie 1.

C'est écrit. Maintenant, qu'en conclure ? Parce que le sujet ne s'arrête pas là dans ce scholie même et après. Dans E1P32, E1App, E2P11, ... Il y est sujet d'entendement infini de Dieu... Le plus probable c'est qu'il est sous-entendu "de type humain" dans la phrase préliminaire citée... Sinon il faudrait en conclure que, comme le disait l'intervenant que je mentionne plus haut, il y a une véritable distinction entre la nature naturante et la naturée...

Faun a écrit :L'immanence nous oblige à "diviniser" autant la substance que ses modes, puisque ceux-ci sont des parties de celle-là.

Pas de la même façon : la substance est en elle-même, les modes sont dans la substance. Le sujet était "une infinité de dieux" ; il n'y a qu'un Dieu - la substance.

Faun a écrit :Spinoza définit Dieu comme "l'Etant absolument infini". De cette infinité il découle qu'il n'y a pas de place dans l'univers pour autre chose que Dieu, ce qui permet à Spinoza de dire que Dieu est en effet unique. Mais ce mot est très ambigüe quand on parle d'une chose absolument infinie.
Infinité des attributs, infinité des modifications, chaque modification étant composée à l'infini, cela ne fait pas de Dieu une chose qui puisse se ramener au nombre 1.

C'est une façon de parler... Et de mémoire Spinoza en parle comme d'une propriété de Dieu. C'est l'Être et il n'y a rien de dehors de lui ; le néant n'est rien : il n'y a finalement pas à proprement parler nombre là-dedans ; Dieu est au-dessus du nombre. Seul Il est.

Pensées Métaphysiques a écrit :Ce qu’est l’unité.

Commençons par le premier, à savoir l’Un. On dit que ce terme signifie quelque chose de réel hors de l’entendement, mais ce qu’il ajoute à l’être on ne sait l’expliquer, et cela montre assez que l’on confond des Êtres de Raison avec l’Être Réel, par où il arrive qu’on rend confus ce qui est conçu clairement. Pour nous, nous disons que l’Unité ne se distingue en aucune façon de la chose et n’ajoute rien à l’être, mais est seulement un mode de penser par lequel nous séparons une chose des autres qui lui sont semblables ou s’accordent avec elles en quelque manière.

Ce qu’est la pluralité et à quel égard Dieu peut être dit un, et à quel égard unique.

A l’unité l’on oppose la pluralité qui certainement n’ajoute rien aux choses et n’est rien d’autre qu’un mode de penser comme nous le connaissons clairement et distinctement. Je ne vois pas ce qui reste à dire au sujet d’une chose claire ; il faut noter seulement que Dieu, en tant que nous le distinguons des autres êtres, peut être dit un ; mais, en tant que nous trouvons qu’il ne peut pas y avoir plusieurs êtres de sa nature, il est appelé unique. Si cependant nous voulions examiner la chose plus attentivement, nous pourrions montrer peut-être que Dieu n’est appelé qu’improprement un et unique ; mais la chose n’a pas tant d’importance, elle n’a même aucune importance, pour ceux qui sont occupés des choses et non des mots. Laissant cela nous passons donc au second point et dirons tout de même ce qu’est le faux.


Serge
Modifié en dernier par sescho le 29 juin 2008, 23:03, modifié 1 fois.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 29 juin 2008, 22:55

Bardamu a écrit :On peut aussi noter que Spinoza ne dit pas ce qu'est une essence mais la définit par ce qui lui appartient. La connaissance des choses se construit petit à petit par des faits indubitables. Une idée par-ci, une idée par-là, un enchainement d'idées et des mouvements déterminés qui apparaissent, des "personnalités", se combinant ad infinitum.


Bonjour Bardamu,
si en général je crois que je suis d'accord avec ce que tu écris, ici je ne suis pas certaine de pouvoir te suivre. Or il me semble que ceci touche à ce que tu as écrit dans le message d'il y a quelques jours, où tu expliquais ton point de vue quant au statut des sciences exactes par rapport à la philosophie, donc j'en profite pour revenir là-dessus.

En effet, Spinoza ne définit pas stricto sensu ce qu'est une essence. A mon avis, cela s'explique par le fait qu'une essence, étant toujours singulière, ne se laisse pas définir (toute définition indiquant un rapport entre la chose comme effet et sa cause prochaine, rapport causal qui en tant que tel devrait relever du deuxième genre de connaissance), elle se laisse seulement "intuitionner".

L'idée que la connaissance de l'essence singulière des choses se construit petit à petit, par des faits indubitables, est séduisante, mais je ne suis pas certaine qu'elle soit spinoziste. Car là on n'est plus du tout dans le uno intuito, on est plutôt dans la connaissance par étapes, donc médiate. Puis je crains que ce faisant, on va se baser sur les effets que produit cette chose singulière, ce qui pose un double problème:

1. la connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause. Cette cause étant l'essence de la chose singulière, on ne pourrait (comme le souligne le TIE G10-B19 note f) bien connaître l'effet qu'une fois connue la cause, tandis que tu sembles suggérer l'inverse: se former une idée de la cause à partir de ses effets. Car seuls ses effets se déroulent dans le temps et se laissent appréhender par "étapes". Une essence singulière devrait être vue "d'un seul coup" et donc complètement ou entièrement, non?

2. La chose singulière a beau se définir par ses effets (E2 Déf.7), cela n'empêche qu'une partie de ces effets peut suivre des passions ou idées inadéquates de la chose, et ainsi ne pas nous donner des infos sur son essence, celle-ci étant constituée des idées adéquates ou Actions seules. On risque donc de se méprendre sur l'essence d'une chose singulière si on "compose" cette essence au fur et à mesure, en fonction des effets qu'elle produit.

Je me demande donc si l'idée d'une chose singulière telle que tu proposes de la "composer", n'est pas plus "deleuzienne" que spinoziste, sachant que pour Deleuze le troisième genre de connaissance restait assez mystérieux, et qu'il semble quant à lui vouloir s'en tenir à une constitution des choses basée uniquement sur des rapports, plutôt que de supposer une "couche plus fondamentale" qui serait celle des "essences" immuables et éternelles. Un peu comme on dit aujourd'hui en éthologie, où l'essence des animaux étudiés est censés se résumer aux réactions dont ils sont capables, réactions aux interactions que leur proposent les ethnologues (voir par ex. les travaux de Vinciane Despret). Enfin, cette remarque juste en passant, elle n'est pas très importante. Je me demande plutôt ce que tu penses de ce que je viens d'écrire ci-dessus.

Enegoid a écrit :Pourquoi cette définition devrait-elle être abandonnée ("n'ont aucune place") quand on parle du 3ème genre ?


parce qu'une définition exprime une essence en référant à sa cause prochaine (du moins quand il s'agit d'une chose créée, voir TIE G35-B96), donc en indiquant un rapport causal, là où l'idée de l'essence d'une chose est intuitive, c'est-à-dire immédiate, c'est-à-dire ne se réfère plus aux rapports qu'entretient cette chose singulière avec d'autres choses singulières, mais uniquement à son essence singulière, celle-ci étant définie par le fait qu'elle n'a rien en commun avec d'autres choses (tandis que pour qu'il y ait rapport causal, il faut qu'il y ait communauté, E1 Ax.5). Quand il s'agit de rapports et de communauté, nous nous situons dans le deuxième genre de connaissance. Pas dans le troisième, qui concerne l'essence.

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Messagepar Enegoid » 29 juin 2008, 23:12

A Louisa

bon, là on est dans l'histoire de la poule qui s'envole sur la maison, ou l'inverse...

on verra plus tard

Cordialement

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Messagepar hokousai » 29 juin 2008, 23:50

chère Louisa

Dans le spinozisme, la définition de l'essence dit ceci:
"Je dis appartenir à l'essence d'une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose, et dont la suppression supprime nécessairement la chose"
Jusqu'ici, nil novi sub sole, toute la tradition scolastique a ainsi défini l'essence.


Dans le scolie de la prop 10/1 Spinoza se démarque des scolastiques .

Il conclut pour sa part que Dieu n'appartient pas à l'essence des choses .
Il est opposé à la conception qu’il décrit ainsi « la plupart d’entre eux disent qu’appartient à l’essence de la chose ce sans quoi la chose ne peut ni être ni se concevoir etc… » . Sa description mêlent d’ailleurs des conceptions opposées mais il n’est pas bien difficile de voir que Spinoza s’oppose . Serait-il d’accord avec la scolastique ou une partie de la scolastique il me semble qu’il l’aurait à ce moment précis sauvée .Or tout ce qui le précède il le critique .

Les scolastiques se sont disputés sur l’essence et ne sont donc pas tous d’accord .Globalement il semble que Spinoza voit dans l’appartenance de Dieu à l’essence de la chose un point fort de la scolastique .

Pour Avicenne ( cas extrême d’essentialisme ) l’ essence est indifférente ( à l’universel comme au particulier ) pour Spinoza l’essence n’est pas indifférente au particulier puisque elle est ce dont la présence pose la chose .Présence et suppression, on est dans le registre de l 'activité .

L’essence n’est pas du côté de Dieu mais du côté de la choses et de la présence de la chose .
Ce sont les chose qui ne peuvent sans Dieu ni être ni se concevoir , ce ne sont pas les essences

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Messagepar Louisa » 29 juin 2008, 23:59

Cher Hokousai,

je crois que je suis assez d'accord avec ce que vous venez d'écrire. Vous avez en tout cas raison de nous rappeler que LA scolastique n'a jamais existé, et qu'il y circulaient différentes définitions de l'essence. Néanmoins, l'une des plus courantes était celle qui constitue le début de la définition spinoziste de l'essence. N'empêche qu'il l'a jugé nécessaire de lui adjoindre une deuxième condition, qui effectivement change tout (qui évacue les essences universelles ou "de genre", comme le dit Sescho, pour ne plus admettre que des essences singulières).

Hokousai a écrit :Ce sont les chose qui ne peuvent sans Dieu ni être ni se concevoir , ce ne sont pas les essences


serait-il possible d'expliciter davantage ce que vous voulez dire par là?
Merci par avance,
L.

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Messagepar hokousai » 30 juin 2008, 00:04

à Louisa
vous écrivez quelque chose qui m'a un peu amusé
Je me demande donc si l'idée d'une chose singulière telle que tu proposes de la "composer", n'est pas plus "deleuzienne" que spinoziste, sachant que pour Deleuze le troisième genre de connaissance restait assez mystérieux,

Je veux dire qu'il n'est évident que ce troisème genre de connaisance ne fut pas assez mystérieux pour Spinoza lui même .

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Messagepar sescho » 30 juin 2008, 01:18

bardamu a écrit :
sescho a écrit :(...) peux-tu donner une définition d'une chose singulière dans sa singularité (à part le triangle et autres êtres de Raison, Dieu n'étant par ailleurs pas une chose singulière) ?

Je l'ai fait en définissant une idée en toi, qui s'affirme et identifie chose singulières à choses changeantes. Est-elle un être de Raison ou une illusion ?

Ce n'est qu'un artifice cela. Tu ajoutes "en toi" pour singulariser, mais c'est artificiel : c'est une localisation d'une chose singulière, ce qui n'entre pas dans la définition de la chose même. Tu as besoin de mon attestation sur l'honneur pour poser ta définition ? L'"arbre juste en face de chez toi" l'individualise, mais ne le définit pas ; et pas beaucoup plus si je dis à la place d'"arbre" : "un tronc enraciné poursuivi par des branches, etc." Ce qui reste c'est la proposition "Les choses singulières sont impermanentes." Ce n'est pas une définition, c'est une affirmation. C'est l'idée même (du deuxième genre en l'occurrence.) Elle est vraie ou fausse étant posées les définitions et axiomes (hors Gödel.) Il n'est pas possible d'affirmer le singulier par une définition. D'où le problème avec ce que dit Spinoza... Chez lui la chose singulière dans le discours n'est pas si singulière que cela. Et pour cause : il n'y a strictement rien à tirer d'une chose singulière par le discours même.

Je n'ai pas de problème avec les citations de Spinoza.

bardamu a écrit :- en tant que l'esprit est éternel, il possède la connaissance de Dieu, et cette connaissance est nécessairement adéquate (par la Propos. 46, part. 2) ; d'où il suit que l'esprit, en tant qu'éternel, est propre à connaître toutes les choses qui résultent de cette même connaissance. (E5p31 dém.)

... (par la Prop. 40 p. 2)

E2P40 : Toutes les idées qui dans l’âme résultent d’idées adéquates sont adéquates elles-mêmes.

Démonstration : Cela est évident ; car dire que dans l’âme humaine une idée découle d’autres idées, ce n’est pas dire autre chose (par le Corollaire de la Propos. 11, partie 2) sinon que dans l’entendement divin lui-même il y idée dont Dieu est la cause, non pas en tant qu’infini, ni en tant qu’il est affecté de l’idée de plusieurs choses particulières, mais en tant seulement qu’il constitue l’essence de l’âme humaine.

Nous en restons à l'âme humaine. Ce n'est pas parce que l'âme humaine peut percevoir des choses éternelles, et qu'elle peut en déduire d'autres des premières, qu'elle peut tout. Spinoza dit d'ailleurs clairement que c'est impossible s'agissant des choses particulières à la fin du TRE, par exemple.

bardamu a écrit :On peut aussi noter que Spinoza ne dit pas ce qu'est une essence mais la définit par ce qui lui appartient. La connaissance des choses se construit petit à petit par des faits indubitables. Une idée par-ci, une idée par-là, un enchainement d'idées et des mouvements déterminés qui apparaissent, des "personnalités", se combinant ad infinitum.

L'essence (formelle), c'est la forme, c'est ce que la chose est, tout simplement (cela dit, certains autres auteurs opposent forme et essence, la première n'étant qu'apparence.) Il n'est pas possible de définir une essence singulière dans sa singularité : on ne pourrait que la saisir d'un coup. Mais cette saisie d'un coup ne se fait pas adéquatement par les idées des affections du corps, et il n'y a pas d'autre moyen d'entrer en contact avec une chose singulière. Invoquer une mystérieuse connaissance du troisième genre à ce sujet, qui serait la même chose en parfait, c'est de la pure invention, du rêve qui n'est soutenu en rien par le texte de Spinoza, sauf à prendre une interprétation ad hoc de la définition générale, qui est en fait bien trop générale pour conclure (comme E5P40CS, qui ne dit nullement que les modes éternels du penser qui déterminent notre esprit - pris en général ici, cela indiquerait plutôt le contraire - en tant qu'il comprend, sont d'autres esprits humains.) Les extraits que j'ai donnés auparavant le montrent et il va bien falloir un jour les traiter dans le texte sans s'en écarter pour avancer.

Sinon, ce serait quoi le mécanisme du troisième genre ? A quoi sert donc le second genre (à part "donner un désir" de connaissance du troisième genre, de laquelle il ne démontrerait rien) ?

Sinon, je suis par certains côtés assez d'accord avec toi : saisir (en partie, et de mieux en mieux) l'essence d'une chose singulière c'est d'abord la voir en Dieu et non en elle-même, ensuite connaître et éprouver à son endroit les lois qui s'appliquent en général à son genre - ce qui n'est jamais complet de fait, et peut toujours être augmenté -, mais c'est aussi mesurer ce qui ne peut être général car résultant de l'ordre commun de la Nature (les circonstances : l'état initial et l'environnement.) Il y a sans doute du premier genre là-dedans, et c'est toujours incomplet, mais c'est indispensable à la meilleure perception de la richesse naturelle.

Il y a par ailleurs bien quelque chose de progressif dans le "procède à partir de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses."


Serge
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Messagepar Faun » 30 juin 2008, 02:05

Pour sescho,

Merci pour les citations qui prouvent ce que je disais : "Si cependant nous voulions examiner la chose plus attentivement, nous pourrions montrer peut-être que Dieu n’est appelé qu’improprement un et unique".

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Messagepar Louisa » 30 juin 2008, 02:31

Sescho a écrit :Ce qui reste c'est la proposition "Les choses singulières sont impermanentes." Ce n'est pas une définition, c'est une affirmation.


C'est certes une affirmation. Mais elle est tout sauf spinoziste. Pourrais-tu trouver ne fût-ce une seule citation de l'Ethique qui la confirme? Non. Aucune proposition de l'Ethique ne dit cela, aucun énoncé qui figure parmi les démonstrations ou scolies ou corollaires ne prétend cela.

Tu sembles écarter systématiquement le fait que Spinoza dit que les choses singulières n'existent pas seulement dans la durée (où tout est, effectivement, changeant), mais aussi "en Dieu".

Spinoza, E2P45 sc a écrit :Ici, par existence je n'entends pas la durée, c'est-à-dire l'existence conçue abstraitement, et comme une certaine espère de quantité. (...) Je parle, dis-je, de l'existence même des choses singulières en tant qu'elles sont en Dieu. Car, quoique chacune d'elle soit déterminée par une autre chose singulière à exister d'une manière précise, il reste que la force par laquelle chacune persévère dans l'exister suit de l'éternelle nécessité de Dieu.


Si donc tu dis que les choses singulières sont impermanentes, tu les considères d'un point de vue de la durée, c'est-à-dire SANS prendre en compte leur essence éternelle, donc de manière tout à fait abstraite. Or comme le dit l'axiome de l'E5, tout ce que Spinoza dit en l'E4 ne concerne QUE les choses singulières en tant qu'on les considère en relation à un temps et un lieu précis (= en tant qu'on considère leur impuissance), donc PAS en tant qu'on les considère en Dieu (= en tant qu'on considère leur puissance). Tu crois considérer les choses en Dieu quand tu les conçois impermanentes. D'un point de vue spinoziste, tu ne les considères que du point de vue de la durée ET DONC non pas du point de vue de Dieu ou de l'éternité.

Sescho a écrit :Invoquer une mystérieuse connaissance du troisième genre à ce sujet, qui serait la même chose en parfait, c'est de la pure invention, du rêve qui n'est soutenu en rien par le texte de Spinoza, sauf à prendre une interprétation ad hoc de la définition générale, qui est en fait bien trop générale pour conclure


il se fait que la définition du troisième genre de connaissance est très proche de toutes les autres définitions qui en l'histoire de la philosophie existent de l'intuition intellectuelle. Tu trouves que cette définition mérite d'être adaptée à tes idées à toi, et c'est tout à fait ton droit. Mais quand Spinoza est en train de démontrer les choses more geometrico, nier une définition en disant qu'elle est trop générale selon ses propres goûts c'est nier le spinozisme. Ce qui, de nouveau, est tout à fait ton droit, et ne diminue en rien tes mérites.

Sinon je ne vois pas ce que tu veux dire par "la même chose en parfait". L'imparfait n'existe que du point de vue modal, pas du tout du point de vue éternel. Croire qu'une chose est imparfaite est une idée inadéquate dans le spinozisme.

Enfin, comme l'a souligné Gueroult, le spinozisme est une "mystique SANS mystères": il y a intuition intellectuelle des essences singulières, et de iure cela est possible pour TOUTE essence singulière. D'où le "rationalisme absolu" attribué traditionnellement au spinozisme.

Sescho a écrit :Sinon, ce serait quoi le mécanisme du troisième genre ? A quoi sert donc le second genre (à part "donner un désir" de connaissance du troisième genre, de laquelle il ne démontrerait rien) ?


justement, il n'y a PAS de "mécanisme" du troisième genre. Le mécanisme caractérise les rapports de cause à effets tels que décrits par la physique classique (pas la physique contemporaine).

Le deuxième genre se caractérise par le fait de nous faire comprendre quelque chose des propriétés communes des choses singulières, ce qui ne peut que provoquer le désir d'aller plus loin, de toucher maintenant aussi aux essences singulières mêmes de ces choses. Le passage se fait par la notion d'éternité. Il est déjà propre à la raison (deuxième genre de connaissance) de considérer les choses singulières sous un certain aspect d'éternité (celui de la nécessité). Une fois "pris goût" à l'éternité, on désire inévitablement en savoir plus. C'est là qu'on découvre l'éternité de notre propre essence, et une fois qu'on comprend cela, cette connaissance adéquate de l'éternité de notre propre essence ne peut que constituer la cause formelle de la connaissance adéquate de l'éternité de l'essence d'autres choses singulières, hors de nous.

Tout cela n'empêche en rien que le deuxième genre (et même le premier) de connaissance a également son "utilité": car pour bien pouvoir vivre notre vie "dans la durée", il vaut mieux savoir ce que nous avons en commun avec les autres choses singulières, histoire de pouvoir chercher en eux ce qui est le plus utile pour notre propre survie et bonheur. Que le troisième genre de connaissance soit une connaissance adéquate de l'essence des choses n'entrave donc en rien l'utilité du deuxième. Ce que l'un et l'autre peuvent nous donner est différent, mais pas opposé.

Sescho a écrit :Il y a par ailleurs bien quelque chose de progressif dans le "procède à partir de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses."


more geometrico certes, il y a progression. Mais non pas en réalité. E5P31 sc:

Spinoza a écrit :Mais il faut noter qu'ici, quoique nous soyons maintenant certain que l'Esprit est éternel, en tant qu'il conçoit les choses sous une espèce d'éternité, néanmoins, et pour que s'explique plus aisément et se comprenne mieux ce que nous voulons montrer, nous ferons comme nous avons fait jusqu'ici, et nous le considérons comme s'il venait de commencer d'être, et à comprendre les choses sous une espèce d'éternité (...)


la "progression" n'est là que pour pouvoir démontrer more geometrico comment le troisième genre de connaissance est possible.

Comme il le dit en E5P33 sc:

Spinoza a écrit :(...) l'Esprit a eu de toute éternité ces mêmes perfections que nous avons feint qu'elles venaient de s'ajouter à lui (...). Que si la Joie consiste dans le passage à une plus grande perfection, la béatitude, à coup sûr, doit consister en ce que l'Esprit est doté de la perfection même.


Tu vois que "voir la même chose en parfait" n'est nullement une "invention", un "rêve", pour Spinoza, mais simplement une question de voir l'Esprit dans ce qu'il est réellement. Bien sûr, tout cela est fort contra-intuitif, à notre époque actuelle. Et alors?

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Messagepar vieordinaire » 30 juin 2008, 03:08

Louisa a écrit :il se fait que la définition du troisième genre de connaissance est très proche de toutes les autres définitions qui en l'histoire de la philosophie existent de l'intuition intellectuelle.

Wow! Ce n'est simplement pas vrai. Pourriez-vous me dire ce que vous etendez par les autres traditions/definitions de "l'intuition intellectuelle"? La paix de l'ame ou/et la beatitude n'ont rien a faire avec l'intellectualite comme vous semblez la presenter dans vos different posts. Car apres tout, la foi (telle que definie par Spinoza) aussi bien que la raison, peut nous conduire a ceux-ci, i.e. le troisieme genre de connaissance (voir le TTP).


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