Les conséquences pratiques du déterminisme

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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nepart
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Messagepar nepart » 20 juin 2008, 11:30

Louisa, a un moment tu dis que les "petits poissons" sont victimes d'injustices, car les gros n'ont rien.

Mais qu'est ce qu'une punition juste dans une philosophie déterministe?
Personne ne mérite la douleur, même le pédophile.

Cependant, dans son rôle de dissuasion, la justice devrait pouvoir punir très sévèrement une personne qui pas fait grand chose si c'est pour dissuadé, et ainsi faire un sacrifice.


J'ai eu un texte à ce sujet au bac lundi :)

Pour finir, je trouves étonnant la réaction que nous avons presque tout en prenant conscience du déterminisme. Nous pensons automatiquement à une mauvaise détermination, alors que l'on pourrait très bien penser que nous sommes déterminer à être heureux.

Cependant l'idée que certains soit ai été déterminée à avoir beaucoup de douleur dans leur vie est triste.
Modifié en dernier par nepart le 20 juin 2008, 11:51, modifié 1 fois.

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Re: Les conséquences pratiques du déterminisme

Messagepar nepart » 20 juin 2008, 11:46

sescho a écrit :
Alexandre_VI a écrit :... je ne suis pas sûr qu'il soit moral de chercher à divulguer le déterminisme et de troubler l'esprit de n'importe qui avec ce genre de pensées...

De n'importe qui, sans doute. J'ai lu bien souvent que celui qui livre des "vérités" sans tenir compte de l'état d'esprit de son interlocuteur est indigne en fait, et ferait mieux de se taire. On trouve aussi, dans un sens apparenté : "si tu tends la main à un chien enragé, ne t'étonne pas d'être mordu." C'est pourquoi les grands sages ont eu plusieurs discours, en fonction du niveau d'accomplissement de leurs interlocuteurs (qui n'étaient déjà pas "standard"), ceci alors que le fond était exactement le même.

Mais d'un autre côté, même si "toute vérité n'est pas bonne à dire", si c'est la vérité, c'est la vérité, et elle ne peut pas être fondamentalement mauvaise ; elle est fondamentalement bonne au contraire. Pas de béatitude sans elle.

Spinoza a écrit en Latin (ce qui limitait grandement la diffusion aux milieux érudits, et Spinoza y tenait, lui qui regrettait les traductions en langue vulgaire.) Il vivait dans un cercle restreint d'érudits.

Après, qui peut empêcher, surtout dans un monde très médiatisé, que ceci tombe sur des esprits non suffisamment préparés, et qui n'ont en même temps pas le réflexe de rejeter tout cela comme (prétendument) inepte ? ...

On ne va quand-même pas se voiler les plus grandes vérités parce que le monde est embrumé...

Alexandre_VI a écrit :Après tout, l'idée qu'il existe un déterminisme absolu, que rien de ce que je fais n'est libre, peut facilement engendrer du désespoir et du fatalisme. Si je n'ai pas le choix, je ne suis pas maître de mon destin, donc je suis une marionnette, donc je ne peux rien y faire, donc à quoi bon lutter? Mon destin est déjà prédéterminé! Rien de ce que je fais n'est une vraie création, rien n'est original, puisque tout était implicitement contenu dans les causes de mes actes.

Je ne dis pas que ce raisonnement est sans faille, mais c'est sans doute une réaction prévisible au déterminisme.

Je pense certes qu'il n'est pas sans faille (autrement dit, déjà, le déterminisme est au contraire une vérité.) Une des premières objections au libre-arbitre est que s'il n'y a pas d'enjeu pré-déterminé, il n'y a aucune valeur à l'action, ce qui s'oppose directement à l'orgueil de valeur auto-générée que recèle cette même croyance au libre-arbitre (ego.)

Par ailleurs, comme le dit Spinoza, la détermination bien comprise est notre béatitude, et non au contraire notre douleur. Ce qui est douloureux un temps (mais c'est vite une libération, un grand soulagement), c'est précisément de renoncer à l'ego, à l'espérance et à la crainte qui va avec, etc. L'"argument paresseux" n'est qu'une rébellion de l'ego devant sa mise à mort (salvatrice en fait.) La phrase de Chrysippe citée par A. Comte-Sponville dans la préface dont j'ai reproduit des extraits est parfaitement ajustée :

... la théorie des confatalia, par laquelle Chrysippe réfutait l'argument paresseux : « Si vous pensez "tout ce qui doit arriver arrivera" et si vous gardez vos livres d'étude fermés, quelle note aurez-vous à l'examen et quelles connaissances aurez-vous tirées de ces livres ?... De l'effort ou de la destinée, lequel est vrai ? Les deux sont vrais, les deux ensemble sont vrais ; les deux ne sont pas séparés... »

Encore une fois, l'inaction est une forme d'action et n'est pas plus indéterminée ou déterminée que la véritable action. Le dépit est celui que le faux-moi imaginaire génère en toute logique face à sa propre misère et sa propre destruction, qui crée un vide insupportable.

Autre citation dans http://sos.philosophie.free.fr/temps.htm :

... l'argument paresseux ..., pour les stoïciens, est un argument sophistique. Chrysippe écrit : "tu ne guériras pas que tu aies appelé ou non un médecin ; car il est autant dans ton destin d'appeler un médecin que de guérir ; ce sont choses confatales."

Même le Bouddhisme Mahayana, qui pousse à l'extrême le non-moi / non-soi - sur la base de l'interdépendance, de l'impermanence, de la vacuité d'existence propre -, plus que tout autre, met en avant le karma : la loi de cause à effet joue dans ton propre mental : ce qu'il sera demain dépend de ce que tu fais aujourd'hui. La même nécessité pousse ici à l'action, à l'effort...

Alexandre_VI a écrit :Deuxièmement, puisque le déterminisme est incompatible avec la responsabilité morale

C'est faux. Le déterminisme est incompatible avec l'accusation, le reproche, ... (qui supposent le libre-arbitre), c'est tout. Sauf peut-être, au sens étroit, pour le sage accompli, le sentiment de responsabilité est présent, et même très présent pour celui qui précisément a compris la détermination naturelle, et que son bien-être ne tient qu'à son propre effort (autant que ces forces le permettent, le tout dans la détermination.) Le sens du déterminisme absolu ne fait que détruire une fiction nuisible, l'ego, il ne réduit en rien que ce qu'il m'est possible d'accomplir peut s'accomplir si j'en donne l'impulsion. in fine ce n'est plus un concept, c'est la vie même, telle qu'elle est. En bref : le déterminisme est dans ce qui est, et il n'existe rien d'autre que ce qui est.

Alexandre_VI a écrit :... et que la responsabilité morale est une idée commune chez les moralistes leur servant à justifier les bonnes conduites, alors on peut craindre un certain relâchement dans la conduite de ceux qui sont convaincus d'être déterminés. Pourquoi me retenir puisque je ne suis pas responsable de ce que je fais? Je pourrai toujours jeter le blâme sur autre chose!

Il faut je pense relire les réponses de Spinoza à Blyenbergh.

Par ailleurs, il convient ce me semble de distinguer "moraliste" de "moralisateur." Spinoza est totalement moraliste et pas du tout moralisateur selon moi. Sinon, comme certains, ont jette pèle-mêle l'éthique avec la moralisation, et on passe à côté de tout ce qui vaut en parfaite fausse bonne conscience. Il ne suffit pas de se persuader et de se dire "bien comme on est" pour l'être, et le grand démenti vient de l'intérieur, pas de l'extérieur...

Ceci par ailleurs ne limite en rien la sanction, et le Traité Politique ne prône nullement le maniement des foules par la doctrine du déterminisme...

Et rappelons cette anecdote à propos de Zénon de Cythium :

[Il] surprit un jour un esclave en train de le voler. Celui-ci lui dit : "Maître, c'était mon destin de voler" et Zénon lui répondit "C'était ton destin aussi d'être battu".


Amicalement

Serge


C'est la meilleure réponse que je l'ai depuis un moment.


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