Un problème philosophique demeure ouvert

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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hokousai
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Messagepar hokousai » 23 juin 2008, 00:19

cher Yves
Je vous dis que j'ai un tempérament d' actif …… ça ne va pas plus loin, sauf je pense que ma philosophie est tributaire de ce tempérament . Je pense qu’on ne accorde pas assez d'importance à cet aspect des choses ( la psychologie des philosophes ).Le philosophe n’est pas un pur esprit distinct de son corps d’abord et de son corps en activités en plus .La philosophie est beaucoup moins objective que la science .
Vous êtes plutôt aristotélicien ! Aristote marchait dit –on, sa philosophie donne une très grande place au mouvement .
Mais être actif ce n’est pas nécessairement être un corps qui bouge c’est aussi un esprit qui bouge , c’est être mobile .Il y maints philosophes qui ne sont pas mobiles intellectuellement et qui redisent (et se redisent )
L’ activité me semble être au coeur du spinozisme puisqu’il faut agir et non pâtir .

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Alexandre_VI
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Messagepar Alexandre_VI » 23 juin 2008, 05:33

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Vous avez parfaitement raison de dire que le philosophe est un être incarné, avec ses propres biais qui colorent sa philosophie. D'ailleurs on revient par là au phénomène des modes en philosophie, même si les modes ne sont pas tout.

Oui, être actif par l'esprit. Cela vaut mieux que de se fossiliser et de défendre ses positions avec mauvaise foi et rigidité. Changer d'avis est un signe d'activité normale de l'esprit. Le proverbe dit «seuls les fous ne changent pas d'idée».

Une des différences possibles entre la philosophie et la religion est la fermeté avec laquelle on adhère à des croyances. La philosophie se veut autocorrectrice, comme la science, alors que la religion prétend avoir des réponses définitives. Le bouddhisme est une possible exception à cela.

Mais il est dur pour l'orgueil de plier, de reconnaître que notre opposant a raison contre nous. Cela revient en quelque sorte à concéder à l'opposant une plus grande adresse.

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hokousai
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Messagepar hokousai » 23 juin 2008, 13:52

cher Yves


Mais il est dur pour l'orgueil de plier, de reconnaître que notre opposant a raison contre nous. Cela revient en quelque sorte à concéder à l'opposant une plus grande adresse


A mon avis le fond de la question est que je lui accorde une importance telle que je reste dans ce jeu (combat) et je suis tout autant asservi quand j’ai raison que quand j’ai tort .L’orgueil peut plier ce qui n’est déjà pas si mal mais cela ne suffit pas
Ce n’est pas qu’il ait raison ou tort qui est le plus asservissant c’est mon appétence à jouer qui l’est .
Un joueur d’échec perd et gagne alternativement mais sur le fond il est dépendant du jeu .

Spinoza dit « il n’est rien que les hommes aient moins en leur pouvoir que leur langue » et j’ajouterais bien ""ils ne parlent pas tout seuls "".

L’enfer c’est les autres disait Sartre, effectivement les autres peuvent être un enfer . Une grande part du travail de Spinoza tente de résoudre la question des autres ( autrui comme problème ) .
Et quand je dis autrui , c’est peu car ce sont les chose en général qui posent problème .Le monde extérieur est un enfer .

La solution est de le nier comme extériorité et de le rapporter à ce qui n’est ni extérieur , ni intérieur ( il y aurait des rapprochement à faire effectivement avec le bouddhisme ….. religion si l’ on veut….. mais pas véritablement )

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Louisa
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Messagepar Louisa » 23 juin 2008, 14:27

Alexandre VI a écrit :Mais il est dur pour l'orgueil de plier, de reconnaître que notre opposant a raison contre nous. Cela revient en quelque sorte à concéder à l'opposant une plus grande adresse.


je crois que d'un point de vue spinoziste, sachant que l'orgueil est une idée inadéquate, c'est-à-dire une passion que nous subissons, un état de servitude et non pas un affect qui a sa source dans notre essence, qui nous caractérise tels que nous sommes réellement, on peut également aborder la discussion philosophique et son but à atteindre autrement.

Si la philosophie consiste essentiellement à mettre en mouvement la pensée (ce qu'elle est explicitement au moins depuis Platon), si rien n'est mieux pour cela que le dialogue, et si le philosophe ne s'adresse pas à "ses compagnons d'esclavage, mais aux dieux", comme le dit Socrate (Phèdre), alors on peut en déduire différentes choses. Reformulées de manière spinoziste:

- un dialogue qui se veut philosophique part de l'idée qu'absence de doute n'est pas encore certitude ou vérité (E2P49 sc).

- la confrontation rationnel d'arguments n'a PAS comme but d'instaurer un genre de "match", où il s'agirait de voir qui est le plus "fort" - elle ne s'adresse pas à l'autre en tant qu'il est esclave, en tant qu'il subit des passions, en tant qu'il est orgueilleux. Elle tient au contraire compte de la possibilité réelle que "l'homme est un dieu pour l'homme" (E4P35 sc). On s'adresse donc à l'autre en tant qu'il est par essence désir de comprendre, c'est-à-dire en tant qu'il sera Joyeux quand il aura réellement compris quelque chose. En même temps, on se lance soi-même dans la discussion pour atteindre exactement le même objectif: comprendre DAVANTAGE que ce que l'on comprenait déjà.

- comprendre quelque chose, c'est avoir une idée adéquate. Or avoir une idée adéquate n'est pas un "état", dans le spinozisme, c'est un PASSAGE, le passage d'une moindre puissance à une plus grande puissance (E3 Déf.1-3). Ce passage est en même temps un affect (affect actif, en l'occurrence, et non plus passion), une Joie. Cela signifie que discuter avec quelqu'un qui défend une autre thèse que soi-même a pour but principal de SE MOUVOIR ENSEMBLE vers une plus grande vérité. Car la puissance de penser de l'homme étant limitée, elle pourra toujours être augmentée.

Or envisagé ainsi, le résultat d'une discussion n'est JAMAIS la "victoire" de l'un sur l'autre, même quand in fine l'idée défendue par l'un est acceptée par l'autre. Ce résultat (comprendre la vérité de la thèse de l'autre et l'erreur dans sa propre thèse) est bien plutôt le fait même d'avoir réussi à faire bouger sa propre pensée. Idem en ce qui concerne le résultat inverse (constater que la vérité de sa propre thèse est renforcée par la discussion). C'est pourquoi essayer d'apprendre à quelqu'un d'autre ce qu'on croit déjà avoir compris soi-même est TOUJOURS et avant tout intéressant pour SOI-MEME (sachant par ailleurs que si l'on y réussit, on est "un dieu pour l'homme"), car si les deux interlocuteurs s'y engagent réellement, ils pourront tirer CHACUN un maximum de profit/Joie de la discussion, celle-ci étant dès lors principalement une occasion pour s'affecter soi-même, pour mettre sa pensée en mouvement, pour augmenter sa puissance. Ici, la charité ne s'oppose donc plus à l'augmentation de sa propre puissance. Finies les histoires des vases communicantes. Quand il s'agit de la vérité, on apprend autant à l'expliquer sérieusement à quelqu'un qui ne l'a pas encore compris, qu'en la comprenant soi-même par le biais d'une discussion avec un autre qui a déjà compris.

Bref, à mon sens aussi bien dans le platonisme que dans le spinozisme, le but d'une discussion philosophique est tout sauf un genre de "comparaison" de la puissance d'un interlocuteur à celui d'un autre. Le but n'est pas "personnel" (évaluer ce que valent les personnes qui discutent). Le but est de créer un mouvement de la pensée tel que CHAQUE interlocuteur puisse passer à une puissance plus grande que celle qu'il avait avant de commencer à discuter, et cela totalement indépendamment de "qui a raison". Vouloir avoir raison, c'est donc se méprendre sur l'essence même d'une discussion. Il ne s'agit pas de CONSTATER la puissance de l'un au prix de constater l'impuissance de l'autre. Il s'agit de réussir à AUGMENTER la puissance de l'un ET de l'autre, simultanément.

Par conséquent, comme le dit Spinoza dans le TTP: ce n'est jamais d'un ardent désir de la vérité que naissent les schismes, mais du désir de dominer l'autre. Un désir de dominer ne peut aller de pair avec un désir de discuter véritablement. L'un exclut l'autre. Ce qui signifie que discuter, c'est tout un art, qui doit s'apprendre, qui requiert des interlocuteurs une grande sensibilité, afin de diriger les affects de soi-même et de l'autre d'une telle façon que personne ne soit amenée à "contempler son impuissance", car pour Spinoza cela ne peut que rendre Triste, c'est-à-dire diminue la puissance de penser, exactement l'inverse de ce qu'exige une discussion réussie (E3P55).

Si donc discuter avec un "ignorant" est assez difficile, ce n'est pas tellement parce qu'au début il ne comprend rien. C'est surtout parce que, étant largement soumis à des affects-passions, il est déjà lui-même en train de contempler sans cesse son impuissance, ou il tombe très vite dans une telle passion Triste. Il va donc très rapidement aussi interpréter ce qui se passe dans une discussion d'une telle manière que pour lui, l'autre VEUT lui faire contempler son impuissance. Il s'imaginera donc "blâmé" par l'autre, ce qui ne peut qu'alimenter sa Tristesse (corollaire de la même proposition). Dans la discussion avec un ignorant, tout l'art de l'interlocuteur consiste donc dans sa capacité de s'appuyer fortement sur l'essence même de l'ignorant, essence qui, aussi petite soit-elle, est toujours inévitablement un degré de PUISSANCE. Il faut tout faire pour l'amener à non plus contempler son impuissance, mais à lui faire prendre conscience de sa puissance, puissance de penser, puissance de comprendre. Et cela non seulement par "charité", mais avant tout aussi parce que ce ne sera qu'ainsi que l'interlocuteur lui-même pourra, à travers cette discussion, augmenter sa propre compréhension (notamment la compréhension de comment aider un ignorant, compréhension qui est évidemment hautement utile dans nos rapport à la société; mais aussi la compréhension des idées par rapport auxquelles il y avait chez lui-même absence de doute et non pas certitude).

Enfin, l'important me semble donc être, d'un point de vue spinoziste, que si l'on sent qu'on est en train de discuter avec quelqu'un qui veut "avoir raison", on doit d'abord essayer d'éviter de tomber dans le piège de l'imitation des affects, car si les deux veulent avoir raison, on est dans un "match" de passions, plus du tout dans une discussion philosophique. On ne peut pas s'adresser à l'autre non plus en tant que "Orgueilleux" ou "ignorant" car alors on ne s'adresse pas à son essence à lui (car "l'essence de l'Esprit (comme il va de soi) affirme seulement ce qu'est et peut l'Esprit", E3P54 démo). On doit trouver un moyen pour qu'il commence lui-même à contempler son essence à lui. C'est là la clef de toute l'entreprise, il me semble. Pourquoi? Parce que "quand il se fait que l'Esprit peut se contempler lui-même, par là même on suppose qu'il passe à une plus grande perfection, c'est-à-dire qu'il est affecté de Joie" (E3P53). C'est donc en affectant un ignorant/orgueilleux/... d'une telle façon qu'il puisse contempler sa puissance de penser à lui, que PAR LA MEME on obtient déjà une augmentation de sa puissance de penser, qu'il devient déjà un peu moins ignorant, un peu plus résistant aux passions. Tandis que réussir cela, demande un effort assez sérieux de l'Esprit de l'interlocuteur, autrement dit: il ne peut que lui-même apprendre à comprendre davantage, en se lançant joyeusement dans une telle entreprise ... .
L.

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Messagepar Louisa » 23 juin 2008, 14:44

Hokousai a écrit :A mon avis le fond de la question est que je lui accorde une importance telle que je reste dans ce jeu (combat) et je suis tout autant asservi quand j’ai raison que quand j’ai tort .L’orgueil peut plier ce qui n’est déjà pas si mal mais cela ne suffit pas
Ce n’est pas qu’il ait raison ou tort qui est le plus asservissant c’est mon appétence à jouer qui l’est .
Un joueur d’échec perd et gagne alternativement mais sur le fond il est dépendant du jeu .


j'avais lu votre message seulement après avoir envoyé le mien ... en effet, ce que vous écrivez ici est exactement ce que j'ai voulu dire. Concevoir la discussion philosophique comme un jeu d'échec, c'est déjà rendre sa réussite impossible. Que dans ce cas l'on finisse par avoir raison ou tort ne change rien à l'échec même de l'exercice en tant qu'il se voulait philosophique, en tant qu'il visait l'augmentation de la compréhension.
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Messagepar hokousai » 23 juin 2008, 15:08

chère louisa

Ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire . C'est la discussion même qui est possiblement asservissante .

Cela dit votre opinion est intéressante( aussi )

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Messagepar Louisa » 23 juin 2008, 15:13

Hokousai a écrit :Ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire . C'est la discussion même qui est possiblement asservissante .


Cher Hokousai,

ah d'accord ... :) . Dans ce cas: en quel sens la discussion (même sans vouloir avoir raison, je suppose?) pourrait-elle être asservissante?
L.

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Messagepar hokousai » 23 juin 2008, 21:14

chère Louisa
Embarquée dans d'autres manière de penser vous n'avez pas compris ce que je disais à Yves .

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Alexandre_VI
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Messagepar Alexandre_VI » 23 juin 2008, 22:23

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Comment une discussion en soi peut-elle être asservissante? Cela peut être au contraire une chance d'enrichissement. On découvre chez l'autre de nouvelles manières de penser, de nouvelles façons d'aborder des problèmes qui questionnent nos préjugés et nos suppositions. On découvre souvent de nouvelles vérités, ce qui ne peut manquer d'accroître notre compréhension. Je ne vous apprends rien, je sais, mais je m'étonne de votre point de vue (je n'ai pas dû bien le comprendre). Enfin, si vous-même vous fréquentez les forums, il doit y avoir une raison, vous devez trouver que ça en vaut la peine.

On connaît bien l'usage que Socrate réussissait à faire de la discussion.

Inévitablement, une discussion philosophique se présente comme un match où chacun défend ses positions contre les arguments d'autrui. Cela est naturel, ce n'est pas nécessairement problématique, pourvu qu'on soit prêt à changer d'avis quand on n'a plus rien à dire. Mais en général, changer d'avis prend quelque temps, et ne se fait pas instantanément dans un débat. Néanmoins, un débat peut être décisif dans le long processus qui mène quelqu'un à changer d'avis.

Enfin bref, il faudrait sans doute quelques éclaircissements de votre part.

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Messagepar hokousai » 24 juin 2008, 13:00

cher yves

je vous ai écrit
Spinoza dit « il n’est rien que les hommes aient moins en leur pouvoir que leur langue » et j’ajouterais bien ""ils ne parlent pas tout seuls ""
.

je pense que Spinoza disant cela voyait très bien dans ce manque de pouvoir sur notre langue un asservissement (ou une servitude )


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