Nietzsche le vagabond.

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Chocolatman
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Nietzsche le vagabond.

Messagepar Chocolatman » 31 déc. 2009, 18:43

Bonjour amis spinozistes. Je crée ce lien pour pouvoir discuter avec Miam de Nietzsche, où l'on pourra donner notre avis sur la philosophie de Nietzsche.

Tu me demandais ce que j'en avais retenu ? Et bien, déjà, j'ai commencé par lire Le gai savoir. Je l'ai lu assez en détail, je me suis impregné de ses aphorismes. Ensuite, j'ai acheté Par délà le bien et le mal mais j'ai eu plus du mal à le lire, peut-etre parce qu'il me semble plus technique que le précédent. Mais, j'ai lu quand même pas mal d'aphorismes qui m'ont marqué.

Et, depuis la rentrée, j'ai commencé la lecture de Ainsi parlait Zarathoustra, le style poétique me fascinait, et le talent prophétique de Nietzsche.

Qu'est-ce que j'en ai retenu précisément ?

J'aurai du mal à te le dire car je n'arrive pas (lorsque j'en parle à des amies) à donner une présentation simple de Nietzsche, je parle toujours de quelques aspects de sa philosophie, je n'arrive toujours pas à la voir dans son ensemble.

J'ai été marqué chez Nietzsche par sa grande volonté, il cherche, me semble-t-il, plus que le bonheur, plus que la vérité, l'héroisme. Il veut faire les choses en grand qu'importe sa souffrance. En fait, un aphorisme de Par dela le bien et le mal m'a marqué, où il dit (n°39 partie II) "Nul ne tiendra aisement une doctrine pour vrai du simple fait qu'elle rend heureux ou vertueux." Et il continue en disant que le contraire est aussi vrai, qu'une doctrine ne peut pas dire être fausse uniquement parce qu'elle rend méchant. Donc à partir de là, on peut se dire deux choses, je pense.

Soit, on dit qu'il cherche à renforcer le sentiment de l'existence. A vivre la vie telle qu'elle est réellement, sans illusion, sans se voiler la face. (Un de ces poémes où il dit : "Celui qui croit connaitre la vie, ne la connait pas s'il ne voit pas dans l'ombre, le poignard qui tue." ce n'est pas la situation exacte, mais je cite de mémoire). Et l'on peut rapprocher l'aphorisme 39 que j'ai cité avec le célébre aphorisme du Gai savoir où il dit qu'au fond Epicure avait bien compris le rapport entre le plaisir et la souffrance. Qu'ils étaient liés, et que l'on pouvait choisir, ou bien un minimum de souffrance, mais alors, on exerce son corps a abaisser sa capacité à ressentir de la joie. Ou bien, un maximum de souffrance pour une joie divine, brillante de milles soleils ! Et lorsqu'il dit ça, cela me fait penser à ce que pouvait peut-etre ressentir Baudelaire, ou Rimbaud.

Ou alors, on peut dire (mais cela se rejoint au final) qu'il désire la vérité plus que quicquonque (Toujours dans le GS, il dit, à propos de la morale que l'on a pas réfléchi à un probléme de morale si l'on a pas fait de ce probléme un probléme vital.) Et il la désire tellement qu'il veut tout connaitre de la vie, c'est dans ce sens qu'il peut expérimenter tout ce que la vie peut offrir.

Je pourrai peut-etre aussi parler de l'Eternel Retour, d'aprés mes recherches, on aurait essayé de le justifier rationnellement et scientifiquement, mais pour Nietzsche, ce sont des des stupidités. C'est, je crois, une exigence éthique. Si l'on veut vivre réellement, comme un surhomme, il faut vouloir vivre chaque instant comme si chaque instant redevenait éternellement. Ainsi, plus de demi-vouloirs. Et l'on voit bien ce qu'il dit, lorsqu'on voit de nos jours autant de personnes, qui agissent, marchent, bougent, mais ne savent pas ce qu'elles veulent. Pour Nietzsche, il n'y a pas de notion de Bien ou de Mal, l'important c'est de vouloir. Et c'est pour ça qu'il dit que le désir est synonyme de guérison. Il demande à suivre ses pulsions, d'avoir confiance en ses instincts, que c'est, au fond, ce que faisaient les grecs, alors que maintenant, la civilisation européenne, limitait le désir, pour nous rendre faible. (peut-etre avec des notions de raison, de morale)

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Messagepar Chocolatman » 01 janv. 2010, 14:04

Je pourrai peut-etre parlé de l'aphorisme 276 où il présente ses résolutions de nouvelles années. Où il décide d' "apprendre toujours plus à voir dans la nécessité des choses le beau : je serai ainsi l'un de ceux qui embelissent les choses. Amor fati : que ce soit dorénavant mon amour ! Je ne veux pas faire la guerre au laid. Je ne veux pas accuser, je ne veux même pas accuser les accusateurs. Que regarder ailleurs soit mon unique négation ! En somme toute , en grand même, en toutes circonstances, n'être plus qu'un homme qui dit oui !"

Bonne année tout le monde, je vous souhaite de prendre des résolutions aussi belles que Nietzsche !

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Miam
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Messagepar Miam » 01 janv. 2010, 21:04

Je ne pense pas que Nietzsche cherche l'héroïsme. Au contraire, il dévalorise tous les héros dont les motivations sont loin d'être héroïques. A l'héroïsme d'un Thésée, il oppose le "sur-héroïsme" (texto même dans Zarathoustra) de Dionysos. Le héros demeure dépendant du Bien et du Mal. Le surhéro les dépasse. Et cela n'a rien à voir avec l'idéal de la maîtrise du héro en mission puisque, pour Nieztsche, tous les idéaux, toutes les missions, y compris les plus héroïques, sont creux car issus du nihilisme et masquent des motivations inavouables.

En effet l'une des constantes chez Nietzsche, c'est le découplage du Bien, du Beau et du Vrai. La vérité est insupportable (sauf pour le surhéro). Et elle est laide. Et le Bien est d'office une valeur nihiliste. Un homme se mesure à la dose de vérité qu'il peut accepter. Et l'esthétique nietschéenne consiste en un voile superficiel sur le sans-fond insupportable de la vérité afin de pouvoir la supporter (comme chez les Grecs).

Plaisir et souffrance sont des mots creux car leur différence est une question de rythme dévolu à chacun. Même quand on souffre on jouit. Le tout est de trouver son rythme, sa mesure. Bref: ce sont des notions relatives à l'organisme et à son pragmatisme vital.

N'empêche : dans le poème que l'on trouve dans Zarathoustra ("Un. Que dit minuit de sa voix grave" etc...), la souffrance dit "passe et périt" tandis que le plaisir (ou la joie = Lust) "veut l'éternité". L'Eternel retour est avant tout une doctrine éducative et sélective. Educative : elle pousse chacun à la plus extrême responsabilité puisque chaque instant doit revenir une éternité de fois et met en jeu cette éternité. On trouve un peu la même chose chez Spinoza. Mais c'est aussi une doctrine sélective puisqu'elle sera le pire de l'horreur (et de l'impensable) pour les nihilistes (les nihilistes passifs j'entends) alors qu'elle est une libération pour les autres.

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Messagepar Chocolatman » 19 avr. 2010, 21:29

Bonjour tout le monde, je reviens un peu sur ce magnifique site !

Je me suis remis à la lecture de Spinoza, j'ai lu conscienseument et médité la premiére partie de l'Ethique !!

Pour Nietzsche, j'ai acheté une merveille me semble-t-il, la philosophie de l'esprit libre : introduction à Nietzsche de P.Wotling. Tu connais ? Je n'ai pas encore tout lu, mais c'est intéressant.

Lorsque je disais l'héroisme, je m'excuse, mais je me suis mal exprimé. Effectivement, comme tu me le fais remarquer vouloir etre un héros, c'est dépendre du bien et du mal. Cependant, lorsque je disais ça, je voulais dire que cela demande un certain courage pour réaliser le programme qu'il indique.

Que penser de l'aphorisme 268 du gai savoir :

"qu'est-ce qui rend héroique ? S'avancer simultanément vers sa plus haute souffrance et sa plus haute espérance."

J'ai déjà essayer d'expliquer ça à une amie, et mon discours s'est trouvé embrouillé et contradicteur. J'ai fait d'abord passé Nietzsche pour un sado-maso, et ensuite, pour quelqu'un qui se ferait souffrir pour jouir plus intensément aprés.

Cet aphorisme me fait penser que l'on doit aller vers ce qui nous fait souffrir, mais sans peur. Tout cela dans le but de vivre d'autres expériences nouvelles. Vivre, voila peut-etre le plus important. Mais vivre la vrai vie, qui est cruelle, mais qui peut-etre magnifique, sans artifice.

Peut-etre que je comprends mal ce qu'il veut dire par "sa plus haute espérance"

Et lorsque j'ai dit, en voulant expliquer à quelqu'un, que si l'on ne souffrait pas, on ne pouvait pas ressentir intensément le bonheur. C'est un peu la critique des stoiciens et des épicuriens. Mon amie m'a dit que c'était un peu lorsqu'on peut etre heureux et content de vivre dans un pays en paix, avoir des parents encore mariés, avoir un toit où dormir et de quoi manger, bref avoir des conditions de vie favorables lorsqu'on entend et voit les malheurs d'autrui.

Je lui ai dit que c'est bien de se rendre compte de la chance qu'on a, lorsqu'on en a. Mais je pense pas que c'est ce que dit Nietzsche. Il ne va pas chercher la souffrance pour pouvoir jouir plus intensément du bonheur lorsqu'il vient. Il n'a pas cherché à vivre seul, à perdre ses amis un par un, pour avoir l'espoir plus tard de trouver un ami fidéle et comme il a connu la sensation de vivre seul et de perdre ses amis, il réaliserait la chance qu'il a d'avoir un ami fidéle. Non, Nietzsche n'a pas voulu ça.

Quand à l'eternel retour... J'ai une multitude de question.

Miam a écrit : On trouve un peu la même chose chez Spinoza.


J'aimerai savoir de quoi tu parles ?

Servais
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Messagepar Servais » 20 avr. 2010, 21:48

Dans le scolie de EIII, 44, Spinoza semble dire quelque chose qui va dans le sens de ce que tu expliques vers la fin de ton message :
" (...) personne cependant ne s'efforcera de prendre un objet en haine, c'est-à-dire d'éprouver de la tristesse, pour jouir ensuite d'une joie plus grande ; personne, en d'autres termes, ne désirera qu'on lui cause un dommage, dans l'espoir d'en être dédommagé, ni d'être malade, dans l'espoir de la guérison. Car chacun s'efforce toujours, autant qu'il est en lui, de conserver son être et d'écarter de lui la tristesse. Que si l'on pouvait concevoir le contraire, je veux dire qu'un homme vînt à désirer de prendre un objet en haine, afin de l'aimer ensuite davantage, il s'ensuivrait qu'il désirerait donc toujours de le haïr ; car plus la haine serait grande, plus grand serait l'amour ; et par conséquent il désirerait toujours que la haine devînt de plus en plus grande : et, à ce compte, un homme s'efforcerait d'être de plus en plus malade, afin de jouir ensuite d'une joie plus grande à son rétablissement, et en conséquence, il s'efforcerait toujours d'être malade, ce qui est absurde (par la Propos. 6, partie 3)."

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Un "tragique" spinoziste ?

Messagepar Servais » 21 avr. 2010, 19:17

Somme toute, à partir de Nietzsche, on pourrait poser la question de savoir si cela a un sens de parler d'une dimension "tragique" chez Spinoza. Je crois avoir lu quelque part que Comte-Sponville le nie catégoriquement alors que Laurent Bove reconnaît "un tragique propre au spinozisme, sans tristesse ni drame mais dans la pleine lucidité, face à la tourmente sans fin du réel et aux stratégies aveugles des hommes et des peuples, de la rareté et de la brièveté de la joie" (cf. "Stratégie du conatus", Ed. Vrin, Paris 1996, p. 319).


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