Les Vendredis de la philosophie sur France Culture

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Henrique
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Les Vendredis de la philosophie sur France Culture

Messagepar Henrique » 17 mars 2005, 00:45

Présentation de la prochaine émission de Raphaël Enthoven

A écouter en différé Ici!

Commentaires : Deleuze contre la bêtise
Avec François Zourabichvili
Lecture des extraits de Différence et Répétition par Anne Brissier
et Georges Claisse
Réalisation de Brigitte Bouvier
Diffusion sur France-Culture (93.5) vendredi 18 mars, à 9h 10.


Le philosophe qui, comme Deleuze, parle de la bêtise est toujours un peu suspect de s’exclure du discours qu’il tient. « Pour qui se prend-il ? » pense-t-on. Comme si, parlant des imbéciles, on ne parlait, pour une fois, pas de soi… Comme si la bêtise faisait exception à la règle selon laquelle, quoi qu’on dise, on ne parle jamais que de soi. Mais comment la bêtise ferait-elle exception à la règle où elle trouve justement sa source ?
La bêtise est la partie de nous-même qui, regardant l’autre comme un miroir - concave ou convexe -, traverse le monde en y cherchant son pareil, son alter ego, son frère, son ombre ou son reflet. La bêtise, c’est la réduction du monde au « Moi », de l’autre au même, de la différence à l’identité. Telle la pensée unique, la bêtise choisit de reconnaître, plutôt que de rencontrer. Elle est le contraire de l’exception, l’amie de l’ordinaire, l’antithèse du singulier, l’ennemie de la différence… Comme dit Desproges : « l’ennemi est con. Il croit que c’est nous, l’ennemi, alors qu’en fait, c’est lui ! » La bêtise vous noie dans un groupe où plus rien ne vous distingue et où c’est le courant qui vous porte. Elle surfe sur la vague, elle se répand sur les ondes, elle est affable, accueillante, hospitalière. À la bêtise, tout le monde se retrouve : c’est le lieu commun. Et c’est un lieu commun de le dire. De fait, personne n’y échappe…

Le savoir n’a jamais soulagé la vanité, et tout homme, si vigilant soit-il, finit toujours par prendre la pose et s’endormir sur l’oreiller de ses lauriers. La bêtise n’est donc pas une affaire de contenu, c’est une affaire de forme. Elle tient moins à ce qu’on dit, qu’à l’importance qu’on lui donne. En ce sens, personne n’est plus bête que celui qui croit ne pas l’être. La bêtise, ce n’est pas Forrest Gump, conscient de son handicap, mais plutôt les sarcasmes de ses camarades de classe, ravis de leur cruauté.

« C’est la raison, dit Rousseau, qui replie l’homme sur lui-même ; c’est elle qui le sépare de tout ce qui le gêne et l’afflige (…) ; c’est par elle qu’il dit en secret, à l’aspect d’un homme souffrant, péris si tu veux, je suis en sûreté. »
La bêtise n’est pas l’adversaire de l’intelligence, mais plutôt de l’intranquillité. La bêtise, c’est l’antalgique auquel on doit d’être indifférent aux souffrances d’autrui. La bêtise ne pense pas, mais elle est indispensable. De la même façon que les hommes sans courage se cachent dans la foule pour crier avec elle, la bêtise – tout en n’épargnant personne - donne le sentiment de la sécurité. Elle fait comme s’il suffisait d’avoir un toit pour être à l’abri, ou d’habiter dans une tour d’ivoire pour ne jamais mourir. Sous l’effet de la bêtise, l’intersubjectif devient l’interchangeable, l’intime devient l’impudique, l’insoumission devient l’institution. La bêtise s’impose quand la discussion capitule devant l’argument d’autorité, ou quand, à force de parler à tout le monde, celui qui parle n’a soudain plus rien à dire : la bêtise, c’est la « positive attitude ».

L’entendement n’aime pas ce qui change. La raison n’a pas toujours la souplesse de ce qui évolue. Le monde et ses détails échappent aux instruments dont on se sert pour le saisir. La vie est d’une étoffe que la raison découpe en voulant l’attraper, et c’est là que la bêtise apparaît, comme volonté de figer le réel, d’interrompre le cours du temps pour le soumettre à des vérités éternelles qui dispenseraient du doute une fois pour toutes. La bêtise est née de l’écart entre la pensée et le mouvant, le savoir et la vie. C’est pourquoi elle produit des systèmes clos qui conjurent les transitions au profit des « principes », qui méprisent les détails mais adorent les points fixes. La bêtise, c’est l’orthodoxie qui tue la nouveauté aussi sûrement que la routine tue l’amour. La bêtise, c’est une intelligence déçue qui, faute de comprendre le monde en sa profondeur, choisit de l’expliquer in extenso. La bêtise est le bacille humain qui fige le mouvement, qui transforme l’idée neuve en idée reçue, l’aphorisme en proverbe, ou l’esprit critique en bons sentiments… La bêtise, c’est la ciguë de Socrate, le philtre empoisonné que les humains s’administrent à chaque fois qu’ils communient dans l’amour ou dans la haine, et qu’ils veulent changer le monde plutôt que leurs désirs. On la reconnaît chez les donneurs de leçons dont la conduite contredit les paroles, chez les imprécateurs athées qui croient que Dieu c’est le Diable, ou encore chez les hédonistes fervents qui jouissent non pas pour être heureux, mais pour oublier qu’ils ne le sont pas… Mais on la reconnaît aussi chez ceux qui croient la reconnaître et se donnent le beau rôle, à la façon dont l’hypocondriaque fait graver sur sa tombe « je vous l’avais bien dit. »
La bêtise a toujours le dernier mot. La bêtise a toujours raison.

1) Philosophe, Maître de conférences à l’université Paul Valéry de Montpellier, auteur notamment de Deleuze. Une philosophie de l’événement. PUF, coll. Philosophies.

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DGsu
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Antonio Negri

Messagepar DGsu » 26 mars 2005, 10:29

Emission suivante des Vendredi de la philosophie avec un autre spécilaiste de Spinoza: Antonio Negri
A écouter en différé: ici!

Philosophie en situations : démocratie et multitude
Emission du 25 Mars 2005

Avec la mondialisation les concepts de l’analyse sociale et politique ont été bouleversés. L’extension du capitalisme n’a pas simplement modifié l’échelle des échanges et des luttes, ni dépassé les contradictions économiques par leur élargissement à un niveau multinational, comme l’analysait Trotski. La nature des oppressions a changé avec le remodelage des rapports économiques. Aussi la notion marxiste de lutte des classes entre dominants et dominés doit être reformulée pour comprendre les nouvelles formes de domination et de résistance.
Les luttes altermondialistes, dans leur extrême diversité, ne relèvent pas d’une opposition frontale et univoque. Antonio Negri propose, depuis quelques années, une réévaluation des notions de peuple et de souveraineté au profit des pouvoirs constituants de la multitude. Le retentissement de ses thèses parmi les opposants à la globalisation et la nouveauté de ses analyses théoriques nous conduisent à repenser le sens de la lutte et le désir de démocratie.


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