Yasmina Reza s'étale dans la luge d'Arthur Schopenhauer

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Novalis
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Yasmina Reza s'étale dans la luge d'Arthur Schopenhauer

Messagepar Novalis » 07 déc. 2005, 00:12

Petit compte-rendu de lecture d'un roman pris au hasard dans un présentoir pour compléter ma pile d'essais philosophiques...

Le roman s'appelle «Dans la luge d'A S» mais il y est beaucoup question de Spinoza. D'où cet article.

Donnons le ton: le personnage principal, Ariel Shipman, est censé être un professeur de philosophie, brillant universitaire, qui devenu vieux, se réfugie dans sa chambre où il sombre dans une dépression envahissante. Il est théoriquement un grand spécialiste de Spinoza, ayant passé sa vie à écrire sur lui, donner des cours, dire des conférences. Pourtant, le livre insiste lourdement sur le fait que ses maîtres sont Gilles Deleuze et Louis Althusser. C'est complètement ridicule évidemment (un grand spécialiste de Spinoza n'a pas pour maître les petits maîtres du post structuralisme, il a pour maître Spinoza), mais ça autorise l'auteur (qui est je crois en réalité un homme), à insister lourdement sur le fait que Gilles Deleuze s'est suicidé (sans jamais en dire la raison, ce qui lui permet de faire croire qu'il a mis fin à ses jours malgré la philosophie) et que Althusser a assassiné son épouse. Très élégant en effet... Après ce passage, j'ai commencé à lire le livre en diagonale en pensant que les bonnes pages en seraient probablement publiées dans Voici.

Mon maître Deleuze n'a pas été tellement aidé par Spinoza quand il s'est jeté par la fenêtre, quoi qu'on en dise, ni mon maître Althusser quand il a étranglé sa femme avant de la décorer avec un morceau de rideau rouge.


Je n'invente rien (hélas!), c'est un extrait de la page 36.

Peu de choses vraiment intelligentes sont dites dans ce livre sur Spinoza, pas plus que sur Schopenhauer, d'ailleurs, et on découvre vite que la philosophie n'est là que pour servir de prétexte à un livre médiocre et malsain. Schopenhauer représente la mort (Reza doit lire les tranches des livres du rayon philosophie à la bibliothèque) et Spinoza, eh bien, on ne sait pas trop ce qu'il représente, en fait, mais étant donné la bêtise brute de cet ouvrage, on peut bien imaginer qu'il représente la vie. D'ailleurs, un autre passage du livre laisse entendre que la philosophie de Spinoza est vitaliste, ce qui laisse un peu songeur...

Que dire de plus d'une telle bouffonerie? Peut être de lire les livres de Lydie Salvayre pour se détendre: c'est moins prétentieux et elle au moins, semble avoir lu un peu de philosophie.

Krishnamurti
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Messagepar Krishnamurti » 19 déc. 2005, 11:07

Normalement Yasmina Reza est ... quelqu'un de très respectable. Tu dois être quelqu'un de très Spinosiste pour avoir vu la faille ! :wink:

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abob
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Messagepar abob » 28 déc. 2005, 17:27

Bonjour,

Je viens justement de terminer la lecture de ce livre de yasmina reza et, comme par hasard, je tombe sur ce message!
Je ne suis pas une lectrice d'essais philosophiques mais par contre je connais très bien l'oeuvre de la très jolie yasmina Reza (bien mieux que celle de Spinoza, au risque de vous faire grincer les dents!) . Je suis sensible à son écriture, sa façon d'exprimer la solitude, la tristesse, la douleur, la frivolité au travers d'un quotidien qui nous est tous familier. A chaque lecture d'un de ses romans (ou pièces de théatre) je suis époustouflée par sa façon d'exploiter un évenement on ne peut plus "commun", d'amener le lecteur à une reflexion sur des sujets comme la tolérance, l'art, la douleur, en utilisant que la suggestion! Elle suggère,,, elle invite à la reflexion en étant on ne peut plus simple et modeste car elle utilise ce que l'on connait de mieux: notre quotidien, nos gestes les plus simples, nos pensées intimes. Elle suggère par une vieille femme imposante dans la rue qui porte ses sacs et la gène qu'elle occasione pour celle qui aimerait la doubler d'un pas pressé : l'insoutenable intolérance que l'on éprouve face à son prochain quand il nous "freine" dans notre élan.
Pas besoin de philosopher, juste un évenement classique qui se produit tout les jours dans les rues!
Evidemment je ne peux pas lire que ce livre, comme tout ses livres, est médiocre, malsain.
L'erreur est peut être d'avoir compris dans le titre qu'il s'agissait de philosophie car ce livre n'est absolument pas SUR Spinoza, ni même SUR Schopenhauer (quoiqu'il s'agisse de l'histoire d'un Homme tiraillé entre l'ennui et la douleur... ne serait ce pas là la pensée de Schopenhaeur?), il s'agit d''un livre sur la douleur et l'ennui, d'où le titre! En aucun cas Schopenhaeur représente la mort et moi qui ne connait que peu spinoza, je n'ai rien vu de vitaliste. Rien n'est dit sur Spinoza, qui n'y connait rien n'en sais pas plus sur ses pensées après avoir lu ce livre. Et il n'a surement pas été écrit dans cette optique.
Elle ne cherche pas à utiliser la philosophie comme pretexte et elle n'a pas besoin de ça,
Yasmina Reza ne se trouve pas dans le rayon PHILOSOPHIE de la bibliothèque ni de la librairie, mais au rayon ROMAN ou THEATRE.
D'où peut être cette deception dans ta lecture....

Amitiés

Une lectrice de Madame Reza

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la réponse d'un écrivain écrivant sur Spinoza

Messagepar AUgustindercrois » 04 janv. 2006, 17:16

Voilà le dilemme.

Peut - on écrire un roman spinoziste?

C'est l'effort auquel je m'astreins.

Et je peux dire au critique (virulent) de yasmina Réza, auteur incontestable d'excellentes pièces (Arts, à mon avis, restera dans l'histoire de la littérature), que c'est très difficile.

Ne pas dire de bêtises sur Spinoza, tout en restant attachant, voilà l'enjeu.

Peut - être l'exercice, d'ailleurs, est -il impossible: après tout, il met en jeu des facultés irrationnelles (l'imagination ou la fiction, fustigées par Spinoza en bon rationaliste qu'il est).

On sait peu de choses sur Spinoza. Notamment, les biographes s'affrontent sur les raisons de son départ de la communauté juive: la faillite de ses affaires, ou l'influence de Van des Enden?

la littérature et la philosophie sont - elles solubles dans l'eau?

Tout un programme....

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Henrique
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Messagepar Henrique » 12 janv. 2006, 12:33

Ne pas dire de bêtises sur Spinoza, tout en restant attachant, voilà l'enjeu.

Oui mais manifestement, la volonté de plaire au lecteur, en caressant ses préjugés supposés dans le sens du poil, l'emporte le plus souvent sur le désir de rendre compte de ce que pourrait être la vie d'un lecteur accompli de Spinoza. Entre l'image du philosophaillon enfermé dans ses livres qui doit "oublier" Spinoza pour vivoter un peu quitte à en avoir honte après, image que l'on trouve dans Le Spinoza de la rue du Marché de Bashevis Singer ou encore l'image du rebelle un peu creux (toutefois plus gaie donc plus spinoziste) du Spinoza encule Hegel de JB Pouy, il est bien difficile de trouver un livre qui raconterait concrètement ce que peut être la vie d'un spinoziste.

Une description de ce qui se passe dans sa vie, physique et mentale, apporterait une lumière inédite à l'étude pratique de cette philosophie. Mais voilà l'art du roman prend le roman lui-même comme fin propre : oui mais justement, ce n'est pas contradictoire avec l'objectif pratique du spinozisme, car c'est dans la connaissance de soi, l'exploration de ce "je ne suis pas" que je suis, que se situe la béatitude spinozienne. Autre objection, qui expliquerait tant de médiocres romans sur Spinoza (d'un point de vue spinoziste) : les gens heureux n'ont pas d'histoire, la vie d'un mec qui connaît la béatitude de son identité avec l'infini risquerait vite d'être bien pauvre en termes de rebondissements ! Aussi quand on fait un livre sur Spinoza ou un spinoziste, il doit nécessairement être malheureux, se rendre compte qu'il y a "bien plus dans le ciel et sur la terre que dans toute la philosophie" et autres niaiseries de ce genre (certes il y a bien plus, mais la niaiserie est de croire que Spinoza et les spinozistes ont attendu les romanciers pour le savoir...). Mais pourquoi faudrait-il nécessairement faire des romans avec de la tristesse ? Cela n'empêche pas qu'il arrive toutes sortes d'événements malheureux d'un point de vue extérieur, tout l'intérêt, le suspense même, étant de voir comment le spinoziste conserve son "acquiescentia in se ipso, son animositas et sa generositas aux prises avec les événements les plus surprenants extérieurement.

Aussi je te souhaite bien du bonheur, Augustin, il y a un réel travail à accomplir pour faire un vrai roman spinoziste, même si - il faudra un jour que je revienne au sujet qui l'avait abordé - il y a sans doute des romans très spinozistes, explorant entre autres le programme que je viens de décrire ci-dessus, sans faire référence explicitement à Spinoza. C'est un peu comme ce que disait Deleuze dans son petit texte "Spinoza et Nous", on est souvent spinoziste sans le savoir.


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