cours de gilles deleuze sur spinoza

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NaOh
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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar NaOh » 19 janv. 2015, 09:26

A Aldo,

Vous écrivez:

L'idée n'est donc pas de raisonner à partir d'un a priori du vrai et du faux (...), mais à partir de problèmes dont chacun vérifiera le bien-fondé selon la perspective effective qu'ils donnent sur les choses.

Et selon quels critères estimera-t-on le "bien fondé" du problème et "de la perspective effective qu'ils donnent sur les choses"?
Mon humeur et mes états d'âmes? l'état présent de ma digestion? ou peut-être ce qui paraît le plus "cool" au cercle de mes amis?

Bien à vous.

aldo
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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar aldo » 19 janv. 2015, 11:26

NaOh a écrit :Vous écrivez:
L'idée n'est donc pas de raisonner à partir d'un a priori du vrai et du faux (...), mais à partir de problèmes dont chacun vérifiera le bien-fondé selon la perspective effective qu'ils donnent sur les choses.

Et selon quels critères estimera-t-on le "bien fondé" du problème et "de la perspective effective qu'ils donnent sur les choses"?
Mon humeur et mes états d'âmes? l'état présent de ma digestion? ou peut-être ce qui paraît le plus "cool" au cercle de mes amis?

Par humilité, je n'ai pas la prétention de parler au nom de je-ne-sais quelle Vérité, à laquelle je vous laisse bien volontiers l'illusion de vous identifier. Je vous laisse donc le choix entre états d'âme (qui n'est pas si mal) et état de ma digestion (qui a ses avantages aussi). Excusez-moi de ne pas développer...

Mais cette discussion ne présentant pour moi pas le moindre intérêt, je vais m'en tenir là avec vous aussi.
Merci de ne pas insister.

Bien à vous

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Vanleers
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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar Vanleers » 26 janv. 2015, 10:58

A aldo

Avant de répondre à votre post publié sur un autre fil, et comme vous disiez ignorer si Deleuze traduisait modus par "manière d'être, je ne résiste pas au plaisir de vous le faire lire, ou écouter, en :

http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/arti ... article=91

Je vous en donne un extrait ci-dessous.

Bien à vous

Nous sommes des modes, hein ! Nous sommes des modes, nous ne sommes pas des substances, c’est-à-dire nous sommes des manières d’être, nous sommes modes, ça veut dire manières d’être, nous sommes des manières d’être, nous sommes des modes, en d’autres termes, l’être se dit, de quoi ? Il se dit de l’étant, mais qu’est-ce que l’étant ? L’étant, c’est la manière d’être, vous êtes des manières d’être, c’est bien ça ! Vous n’êtes pas des personnes, vous êtes des manières d’être, vous êtes des modes. Est-ce que ça veut dire comme Leibniz fait semblant de le croire, comme beaucoup de commentateurs ont dit que finalement Spinoza ne croyait pas à l’individualité, au contraire, je crois qu’il y a peu d’auteurs qui ont autant cru et saisi l’individualité, mais on a l’individualité d’une manière d’être. Et vous vallez ce que vaut votre manière d’être. Oh ! Comme c’est rigolo tout ça ! Alors, je suis une manière d’être ? Bein oui, je suis une manière d’être. Ça veut dire une manière de l’être, un mode de l’être. Une manière d’être, c’est un mode de l’être. Je ne suis pas une substance. Vous comprenez, une substance, c’est une personne. Eh bien, non, je ne suis pas une substance. Je suis une manière d’être. C’est peut-être bien mieux... ! On ne sait pas ! Alors forcément, je suis dans l’être puisque je suis une manière d’être. Forcément, il y a l’immanence, il y a immanence de toutes les manières à l’être. Il est en train de faire une pensée, mais on se dit à la fois, mais évidemment, en fin on se dit, si vous avez le goût de ça on se dit, bien évidemment, il a raison mais c’est tout biscornu, cette histoire ; C’est tout étonnant ! Il nous introduit dans un truc tout à fait bizarre ! Essayez de penser un instant comme ça ; il faut que vous le répétiez beaucoup. Non, non, je ne suis pas une substance ; je suis une manière d’être. Hein... ouais, Tiens ! Ah bon ! Une manière de quoi ? Bein ouais, une manière de l’être. Tiens... ! Alors ça dure une manière d’être, ça a une personnalité, une individualité ? Ça ne peut être pas de personnalité, ça une très forte individualité, une manière de l’être, une manière d’être. Alors, ça engage à quoi ? Eh bein, ça veut dire que je suis dedans. Je suis dans quoi ? Je suis dans l’être dont je suis la manière. Et l’autre ? L’autre aussi, il est dans l’être dont il est la manière. Mais alors, si on se tape dessus, c’est deux manières d’être qui se battent ? Oui, c’est deux manières d’être qui se battent.

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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar aldo » 26 janv. 2015, 12:09

Vanleers a écrit :Avant de répondre à votre post publié sur un autre fil, et comme vous disiez ignorer si Deleuze traduisait modus par "manière d'être, je ne résiste pas au plaisir de vous le faire lire,

Restons sérieux : ce que j'ai dit, c'est que Deleuze employait manière d'être pour expliquer Spinoza à ses élèves.
Dans ses livres sur Spinoza, il emploie "mode" pour traduire modus.

Bien à vous

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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar hokousai » 26 janv. 2015, 13:05

à aldo

C'est exact il traduit par" mode ".

Mais ce qui me chiffonne ( excuse -moi :? ) c' est quand il leur dit
Nous sommes des modes, hein ! Nous sommes des modes, nous ne sommes pas des substances,


Est- ce que Deleuze est vraiment persuadé que ses étudiants se voient comme des substances? Comme si ça allait de soi qu' ils se voient comme substance et qu'il faille donc lui opposer manières d 'être.

Je me demande s'il ne fait pas ( en les opposant ) autant comprendre substance que mode.

Ah oui se dit l' étudiant substance c'est donc le contraire d' une manière d' être. Mais c'est quoi ? Qu 'est- ce que ça peut être le contraire ( ou la négation, ou le ne pas être ) une manière d' être ?

Il se peut que l' étudiant délaisse un peu ce que continue de dire Deleuze pour méditer par devers lui sur ce que peut bien être cette substance que nous ne somme pas ...

Je le dis parce que pour l 'étudiant (quand je l'étais) manière d' être spontanément me parlait bien plus que substance . Jamais je ne me serais imaginé comme une substance.

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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar Vanleers » 26 janv. 2015, 14:26

A aldo

Dans l’espoir qu’un dialogue fructueux puisse s’instaurer entre nous, j’énonce d’abord deux points sur lesquels nous pourrions être d’accord.

Je tiens l’Ethique pour un livre d’éthique, précisément, et non pour un livre de science. Spinoza ne s’intéresse qu’aux choses « qui peuvent nous conduire comme par la main à la connaissance de l’Esprit humain et de sa suprême béatitude » (Ethique, début de la partie II).
Est-ce que je me trompe si je dis que les questions qui vous intéressent se placent dans ce cadre-là ?

Deleuze cherche en effet à faire comprendre à ses étudiants la différence entre éthique et morale et je trouve ses explications tout à fait intéressantes et éclairantes.
Comme il le dit à un moment, suite à une intervention de Comtesse (ou Contesse ?), il procède à une lecture de Spinoza en accentuant certains points qui lui paraissent importants mais, encore une fois, sur la question éthique-morale, je ne puis qu’acquiescer.

Ceci dit, si l’Ethique propose un art de vivre, en quoi consiste-t-il ? Voici comment je le comprends.
Dans la préface de la partie IV, Spinoza parle d’un modèle de l’homme libre et je comprends ce modèle comme celui du cœur intelligent.
Pourquoi cœur ? Parce que, pour Spinoza, tout est affectif dans l’homme. Celui-ci ne se définit pas par la raison mais par le désir : le désir est l’essence de l’homme (E III Déf. 1 des affects)
Pourquoi intelligent ? Parce pour vivre autant que possible dans la joie et même dans la béatitude, la voie qu’indique Spinoza est d’entrer dans l’intelligence de soi, de Dieu (Dieu-Nature) et des autres (fin de l’Ethique)
Je signale, au passage, que Spinoza admire rationnellement Salomon qui, dans la Bible, demande à Dieu de lui accorder un cœur intelligent.
Chantal Jaquet (Les expressions de la puissance d’agir chez Spinoza) donne les références du TTP où Spinoza parle de Salomon. Elle écrit :

« [Salomon] devient alors le modèle de l’homme parfait et comblé et l’archétype de la sagesse. » (p. 29)

Voilà pour le moment.

Bien à vous

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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar hokousai » 26 janv. 2015, 19:50

de Comtesse (ou Contesse)


Georges Comtesse, grand témoin des séminaires de Lacan, Deleuze et
Derrida,...
Comme le dépeint bien la biographie croisée que François Dosse consacre aux auteurs de Mille Plateaux, lorsque Gilles Deleuze arrive à Paris 8 pour sa performance du mardi, il a tout le mouvement de son cours en tête et semble parler sous l’inspiration du moment ; des voix l’interrompent de la salle, Georges Comtesse construit des interprétations rivales, Anne Querrien ou Richard Pinhas demandent des explications ou soulèvent des questions, auxquelles il répond avec précision ;

http://www.fabula.org/revue/document4535.php

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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar aldo » 27 janv. 2015, 10:31

à hokousai,

Moi, ce que je comprends, c'est qu'en opposition à l'idée de substance, Deleuze incite ses étudiants à penser le sujet de manière décentrée. On n'est pas une substance, c'est-à-dire on n'est pas une essence, un centre, un sens. Il s'agit de ne pas mettre le sujet au cœur de la philosophie (pour le penser bien sûr), mais dans un "milieu". Et dans un milieu, on est alors une manière d'être par rapport à ce milieu.
Du coup ça prend du sens, il n'est plus question de parler d'âme ou d'essence de l'homme (ou des choses) : on ne peut être défini que par différence (une manière d'être plutôt qu'une personnalité, oui c'est ça). Mettre le sujet sur le même plan que les choses parce que considérés l'un et l'autre comme des inconnues ; envisager sujets et objets comme les deux inconnues de l'équation philosophique en tant que problème : ce sont les problèmes qui prédécoupent la forme de leur résolution en terme de sujets et d'objets, pas la Nature.
Il y a donc des manières d'être qui interagissent dans le même environnement (la vie).

Spinoza serait donc sans doute celui qui commence à répondre au problème de l'universalité, qui disait que seule l'universalité pouvait arriver à définir la notion d'être. Spinoza ne penserait déjà plus comme ça, mais selon Deleuze (sauf erreur), ce serait Leibnitz qui irait au bout de l'idée en proposant une notion de "point de vue" qui envelopperait l'être.
La "manière d'être" spinozienne serait-elle du même tonneau que le "point de vue" leibnitzien ?
Si j'ai bien tout compris, Deleuze en conclut que Leibnitz serait le philosophe qui met l'individuation en premier, ce que je comprends tout à fait. Pourquoi Leibnitz plutôt que Spinoza, c'est à toi de me le dire, je suis pas assez calé en Spinoza (c'est rien de le dire).


à Vanleers,

Je crois que vous ne comprenez pas que la question de la connaissance ne m'obsède pas. J'ai même envie de dire (à propos de béatitude) que quelquefois j'envie le bonheur des gens qui ne se posent aucune question... vous voyez à quel point je suis éloigné de cette idée de sagesse qui amènerait à je-ne-sais quelle paix intérieure suprême. Dans ce même ordre d'idées, je ne vois pas ce qu'on peut avoir à redire à un "homme libre, un cœur intelligent", sauf que ça fait un peu trop argument de vente à mon goût (voyez comme je peux avoir l'esprit mal tourné).
Donc le sens plutôt que la connaissance.
Si vous voulez et comme vous semblez friand de polémique, on peut débattre d'un truc que j'ai posé sur l'autre fil et que je n'ai pas voulu reprendre pour centrer le débat sur l'essentiel avec Sescho. Spinoza dit qu'il serait "de la nature de la raison de percevoir les choses sous la forme d'éternité". J'ai trouvé la formulation naïve, ce en quoi Sescho m'a reproché d'aller un peu vite en besogne. Peut-être n'a-t-il pas tort, en attendant mon argumentation est très simple : percevoir les choses sous forme d'éternité, c'est s'occuper de la vérité plutôt que du sens. Et c'est bien sauf erreur l'état d'esprit de cette époque qui a tendance à vite opposer la connaissance à l'erreur, alors qu'aujourd'hui il est plutôt question de ne pas tomber dans l'absence de sens (tragiquement révélée avec les horreurs du XX° siècle : Shoah etc) : on ne se pose pas les mêmes questions.
En tous cas, moi.

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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar Vanleers » 27 janv. 2015, 11:22

A aldo

A mon point de vue, vous vous trompez si vous pensez que vivre dans la joie, voire dans la béatitude, empêche de se poser des questions.
Curieuse idée en effet. N’est-on pas dans de meilleures dispositions, lorsqu’on est serein, pour se poser les vraies questions et les meilleures façons de les résoudre ? Sans compter que l’homme qui vit dans la joie évite ainsi d’encombrer les autres de sa triste personne. N’est-ce pas Deleuze qui parlait des « tristes sires » en recommandant de les éviter ?
Quant à l’éternité, je viens d’en débattre longuement avec NaOh. Si le cœur (intelligent) vous en dit, c’est en :

viewtopic.php?f=14&t=1539&start=20

Bien à vous

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Re: cours de gilles deleuze sur spinoza

Messagepar Vanleers » 27 janv. 2015, 11:35

A aldo

J’ajoute encore ceci.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de sens ?
Vous en parlez à propos des horreurs du XX° siècle mais c’est évident : tout cela n’a pas de sens.
Mais qui vous a dit que la vie avait un sens ? Je n’en vois aucun mais là n’est pas la question. Pourquoi devrait-elle en avoir un ? Pour que l’on puisse vivre dans la joie ? Cela n’est pas nécessaire.

Bien à vous


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