Comprendre le sarkozysme

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Pej
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Messagepar Pej » 13 oct. 2007, 13:28

KORTO a écrit :Non ! Sarko a été un chef pour la France


Est-ce à dire qu'il ne le serait plus ? :wink:

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Korto
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Messagepar Korto » 13 oct. 2007, 13:54

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Henrique
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Messagepar Henrique » 13 oct. 2007, 15:04

C'est bien joli mais cela ne justifie toujours pas en quoi Sarkozy serait un chef et non un maître ou alors un simple contremaître.

Moi j'ai dit :
Prémisse majeure n°1 : un chef cherche le bien commun de tout le corps
dont il n'est que la tête. Un maître en revanche cherche son bien propre, son serviteur n'étant qu'un moyen pour lui. Un contremaître enfin cherche le bien propre du maître pour en tirer pour son compte une situation préférable au serviteur de base.

Prémisse majeure n°2 : un chef totalitaire refuse toute véritable autonomie aux organes sur lesquels il tend à croire avoir une puissance absolue, revendiquant ainsi une responsabilité totale de tout ce qui se fait.

Prémisse mineure n°1 : Or, en tant que chef de parti, Sarkozy n'a jamais fait mystère de sa tendance à vouloir tout régenter autour de lui, ne rien déléguer, son récent argument à titre de chef de l'Etat (et non ici de la société) pour justifier son refus que Cécilia se présente à la commission d'enquête parlementaire sur les infirmières bulgares "si on veut des comptes, c'est moi qu'il faut convoquer, je suis responsable pour tout" en témoigne encore (sachant au passage que c'est d'autant plus facile à dire qu'il n'a pas à se présenter au parlement au nom de la séparation des pouvoirs).

Prémisse mineure n°2 : Et Sarkozy ne cherche pas le bien de tous les français mais privilégie, de par sa politique libérale, les intérêts privés du capital. Et pour cause, en France, la vie des gens est essentiellement liée au travail par lequel ils gagnent de quoi vivre et à l'occasion duquel ils dépensent le plus important de leur force de production. Or dès qu'on sort d'un cadre public, comme la rue ou une salle de réunion municipale, et qu'on entre dans le domaine privé de l'entreprise, ce sont les intérêts privés du capital qui commandent et non l'intérêt public : les détenteurs de capital sont ainsi les véritables maîtres de ce qui se passent dans la vie concrète des gens, non des chefs qui viseraient l'intérêt commun.

Conclusion n°1 : A titre de chef de parti, et même encore de chef de l'Etat, Sarkozy a pu, au moins par moments, se révéler un chef totalitaire.

Conclusion n°2 : vis-à-vis de la société civile, il n'est nullement un chef puisqu'il ne vise pas un bien commun véritable (cf. ce que j'avais dit sur les arguments que pourrait avoir un esclavagiste sur l'intérêt que trouvent ses esclaves à le servir), il est en revanche un contremaître au service de la domination des intérêts du capital, c'est-à-dire des plus forts.

Si vous voulez montrer que vous êtes prêt à discuter, ne vous contentez pas d'opposer à ce raisonnement des affirmations gratuites, des changements de sujets, des généralisations abusives : montrez à quel moment je me suis trompé dans mon raisonnement en vous efforçant vous aussi de raisonner méthodiquement.

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Messagepar Pej » 13 oct. 2007, 16:22

Henrique a écrit :Conclusion n°1 : A titre de chef de parti, et même encore de chef de l'Etat, Sarkozy a pu, au moins par moments, se révéler un chef totalitaire.

Conclusion n°2 : vis-à-vis de la société civile, il n'est nullement un chef puisqu'il ne vise pas un bien commun véritable (cf. ce que j'avais dit sur les arguments que pourrait avoir un esclavagiste sur l'intérêt que trouvent ses esclaves à le servir), il est en revanche un contremaître au service de la domination des intérêts du capital, c'est-à-dire des plus forts.


Je pense qu'il n'est pas possible de dire que Nicolas Sarkozy, ne fût-ce qu'à certains moments, a été ou est un chef totalitaire. Pour ma part, je ne faisais que pointer des similitudes entre ce qui caractérise le chef totalitaire (tel notamment que le décrit Arendt) et la manière qu'a Nicolas Sarkozy d'exercer le pouvoir.
Je n'irai pas non plus jusqu'à dire que Nicolas Sarkozy est un maître (en tout je ne le reconnais certainement pas comme tel, mais libre à qui veut d'en faire son propre maître, et je n'en voudrai pas à Korto de l'envisager ainsi), ni même un contremaître (est-il réellement et consciemment "au service de la domination des intérêts du capital", je n'en suis pas sûr...).
En tant que Président de la République, accorder le statut de chef à Nicolas Sarkozy paraît en fait normal, mais quant à affirmer que c'est un bon chef, là j'avoue que j'ai du mal à trouver des arguments...

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Messagepar Korto » 13 oct. 2007, 17:08

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Messagepar Henrique » 13 oct. 2007, 17:51

Pej a écrit :Je pense qu'il n'est pas possible de dire que Nicolas Sarkozy, ne fût-ce qu'à certains moments, a été ou est un chef totalitaire. Pour ma part, je ne faisais que pointer des similitudes entre ce qui caractérise le chef totalitaire (tel notamment que le décrit Arendt) et la manière qu'a Nicolas Sarkozy d'exercer le pouvoir.
Je n'irai pas non plus jusqu'à dire que Nicolas Sarkozy est un maître (en tout je ne le reconnais certainement pas comme tel, mais libre à qui veut d'en faire son propre maître, et je n'en voudrai pas à Korto de l'envisager ainsi), ni même un contremaître (est-il réellement et consciemment "au service de la domination des intérêts du capital", je n'en suis pas sûr...).
En tant que Président de la République, accorder le statut de chef à Nicolas Sarkozy paraît en fait normal, mais quant à affirmer que c'est un bon chef, là j'avoue que j'ai du mal à trouver des arguments...


Sur le caractère de "chef totalitaire, par moment" : aucune prémisse ne disait qu'il fallait un Etat lui-même totalitaire pour qu'il existe, c'est donc uniquement sur la "manière d'exercer le pouvoir" que cette caractérisation de totalitaire était employée. Et alors même réponse que celle que j'aurais pu faire à Korto : où y a-t-il une erreur dans mon raisonnement ? Contester la conclusion en faisant abstraction du raisonnement qui y conduit, ou à la limite sans parler des conséquences absurdes qui en résulteraient, n'est pas rationnel.

Sur la suite, on peut envisager une distinction entre bon et mauvais chef : mais que reprochera-t-on au mauvais chef ? Soit de se faire passer pour tel et de ne chercher en fait que son intérêt propre, c'est-à-dire au fond d'être un maître. Soit de ne pas savoir gouverner au mieux le corps social , par défaut de vision à long terme, de méthode, de sens de l'occasion, c'est-à-dire par défaut d'attention et d'intelligence : on lui reprochera donc en fait de ne pas être véritablement une tête pour le corps social, comme lorsqu'on dit de quelqu'un qui ne fait pas attention à lui-même qu'il n'a "pas de tête". Au final, il n'y a pas de bon ou de mauvais chef, il n'y a que des vrais ou de faux chefs - qui peuvent ensuite être de gauche ou de droite tout en ayant les qualités indiquées ci-dessus mais c'est une autre question (Léon Blum fût un vrai chef de gauche, De Gaulle un vrai chef de droite, sans que cela signifie par ailleurs qu'ils aient été des dieux exempts de tous reproches).

Ensuite, pas besoin d'être consciemment au service des intérêts propres du capital pour l'être effectivement : c'est pour cela qu'en politique, l'intériorité et les bonnes intentions des hommes politiques, on s'en fout un peu. Quant à contester le fait d'être réellement au service de ces intérêts, là encore tu fais abstraction du raisonnement qui le justifiait dans la mineure n°2 : comment peut-on ne pas servir de façon primordiale les intérêts privés des détenteurs de capitaux en remettant systématiquement en cause le droit de grève et de nombreuses autres protections liées au code du travail ? Comment peut-on servir l'intérêt général quand, alors que la richesse globale du pays a largement augmenté tandis que celle de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre a baissé, compte tenu de l'inflation liée au produits pétroliers, la seule chose qu'on propose à ces travailleurs pour gagner un peu plus, c'est de travailler davantage et donc surtout d'enrichir encore les détenteurs de capitaux ? Comment par ailleurs peut-on servir l'intérêt général quand les premiers signes qu'on envoie au pays, c'est dîner avec de riches amis au Fouquets et acceptation des vacances de luxe offertes par un riche milliardaire ?

Enfin, en démocratie et a fortiori en république, le chef c'est le peuple. C'est pourquoi le président de la république est dit seulement chef de l'Etat, c'est-à-dire de l'organe que se donne lui-même le peuple pour se gouverner ; constitutionnellement il n'est pas ou ne devrait pas être le chef des français qui sont assez grands pour se gouverner eux-mêmes ! Il y a certes un tel niveau de conscience politique à l'heure de la téléréalité que la comédie du chef qui va le premier au combat pour servir de guide à ses grognards remporte un franc succès. Mais quand par ailleurs les français subissent la loi dite du marché comme une loi naturelle devant laquelle il faudrait se courber ou mourir, avec tout ce que cela signifie en termes de chômage, de déprotection sociale rampante, de délocalisations etc. on ne saurait parler de cette soumission comme de l'expression d'un choix libre, pas plus que n'est libre celui qui se soumet sans résistance au porteur d'arme. Celui qui vient s'interposer entre celui qui asservit par la force (physique ou économique peu importe) et vous-même, pour vous dire "je serai là pour vous protéger impitoyablement contre les autres esclaves qui parfois piquent dans la soupe que vous donne le maître et je ferai en sorte que si vous voulez un peu plus de soupe, vous en ayez (en m'arrangeant avec votre maître pour que vous travailliez plus pour gagner (un peu) plus, c'est-à-dire pour que vous l'enrichissiez davantage, de façon à ce qu'il consente plus facilement à vous céder quelques miettes supplémentaires des biens que vous produisez pour lui)", celui donc qui à aucun moment ne remet en cause la justice de la soumission à un ordre économique et donc humain qui n'a pourtant pas été voulu par tous les hommes, que peut-il être sinon un contremaître ?

Quant à l'accusation d'imaginer un complot entre les politiques et le pouvoir économique contre le peuple, je répond qu'il n'est pas du tout nécessaire qu'il y ait concertation entre les deux premiers, ni même qu'il y ait eu choix délibéré d'agir dans ce sens sans se consulter, pour que la mécanique opère : il suffit d'avoir des acteurs conscients de leurs intérêts individuels et peu conscients de ce que peut signifier rationnellement un véritable intérêt général. C'est comme pour le préjugé du libre arbitre, les hommes n'ont pas eu besoin de se concerter pour se croire animés d'une volonté libre...

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Messagepar Pej » 14 oct. 2007, 14:30

Si l'on ne veut pas vider de sa substance le concept de "chef totalitaire", on se doit de limiter son extension au chef d'un Etat totalitaire. C'est pourquoi, il serait abusif et même dangereux de parler en ce qui concerne Nicolas Sarkozy de "chef totalitaire" au sens plein du terme.

Henrique a écrit :Prémisse majeure n°1 : un chef cherche le bien commun de tout le corps
dont il n'est que la tête. Un maître en revanche cherche son bien propre, son serviteur n'étant qu'un moyen pour lui. Un contremaître enfin cherche le bien propre du maître pour en tirer pour son compte une situation préférable au serviteur de base.


Nous étions partis de la distinction rousseauiste entre chef et maître. Il est vrai que selon Rousseau, un chef cherche le bien commun et non son intérêt privé. Mais si l'on part par exemple de cet extrait des Lettres de la montagne :

"Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu'on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un Peuple est libre, quelque forme qu'ait son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'homme, mais l'organe de la loi."


On voit que le chef n'est que l'incarnation de la loi (ce en quoi il ne peut être au-dessus des lois). Or, jusqu'à preuve du contraire, la France est encore un état de droit, régi par des lois, auxquelles sont également soumis tous les citoyens. Qu'il y ait des choses à dire sur la collusion des pouvoirs, et sur le fait que certains arrivent à passer outre les lois, certes. Mais il est faux de dire qu'aujourd'hui les Français servent un maître qui serait Nicolas Sarkozy.
De même, à partir du moment où on accepte la définition que Rousseau donne du chef, rien n'empêche de parler de bons et de mauvais chefs. Un mauvais chef ne peut être un faux chef, c'est-à-dire quelqu'un qui est au-dessus des lois. Un mauvais chef serait plutôt cet être qui, ayant pour fonction d'incarner la loi et de la faire respecter, ne parvient pas à remplir cette fonction (ce qui n'implique pas qu'il viole lui-même la loi, ou utilise la violence pour asseoir son pouvoir). Ou dit autrement, le mauvais chef est celui qui, ayant pour rôle d'assurer le bien commun, n'y parvient pas (même si tel est réellement son but, auquel cas, il sera tout bonnement incompétent).
Pour le moment, Nicolas Sarkozy n'a pas prouvé qu'il parvenait à assurer le bien commun. Preuve en est, comme souligné par Henrique, que les mesures phares prises jusque là sont en faveur d'une minorité, et non de l'ensemble de la population.
Je maintiens donc mon affirmation : Nicolas Sarkozy est un mauvais chef.

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Messagepar Henrique » 14 oct. 2007, 19:47

Pej a écrit :Si l'on ne veut pas vider de sa substance le concept de "chef totalitaire", on se doit de limiter son extension au chef d'un Etat totalitaire. C'est pourquoi, il serait abusif et même dangereux de parler en ce qui concerne Nicolas Sarkozy de "chef totalitaire" au sens plein du terme.


Je rappelle la définition que tu avais donnée :
"[Le chef totalitaire] revendique personnellement la responsabilité de tous les actes, faits ou méfaits commis par n'importe quel membre ou fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions. Cette responsabilité totale constitue, sur le plan de l'organisation, l'aspect le plus important de ce qu'on appelle le principe du Chef, selon lequel chacun des cadres, non content d'être nommé par le Chef, en est la vivante incarnation, et chacun des ordres est censé émaner de cette unique source toujours présente." (Le totalitarisme, Chapitre XI, 1, p. 699).


Rien dans cette définition n'indique que le chef totalitaire soit nécessairement un effet de l'Etat totalitaire. Et pour cause, un Etat devient totalitaire, le plus souvent sans que la majorité ne s'en aperçoive, parce que la société s'est laissée conduire dans ce sens par un chef totalitaire. Bien sûr, le chef totalitaire lui-même n'est pas causa sui, il n'est possible que comme le produit d'un certain nombre de conditions pré-totalitaires qu'Arendt a essayé de définir mais sur lesquelles on n'a pas à être d'accord a priori. Quoiqu'il en soit, rien ne prouve que même si ces conditions pré-totalitaires sont rassemblées et qu'un chef totalitaire émerge, on aille nécessairement vers un Etat totalitaire : d'autres déterminations socio-politiques peuvent toujours intervenir et contrecarrer cette pente. Pour autant, cela n'empêche pas de dénoncer une tendance totalitaire s'il y a lieu. Pour l'heure, les institutions de la 5ème république demeurent un frein important contre un tel risque, malgré le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral. Mais toute institution peut être réformée et l'hyperprésidentialisation en cours devrait éveiller le jugement critique.

Le danger, c'est que sous prétexte de modération intellectuelle, on s'interdise de voir que certaines conditions sont remplies pour tendre vers un Etat totalitaire, comme s'il fallait attendre qu'un Etat totalitaire soit effectivement installé pour pouvoir dénoncer le chef qui y a conduit.

D'autre part, j'attire ton attention sur le fait que la définition d'Arendt peut aussi très bien s'appliquer à un chef de secte, qui est un groupement d'essence totalitaire à certains égards mais qui à bien d'autres égards ne l'est pas pour autant.

Pour ma part, j'ai défini le totalitarisme non par ses conséquences (recherche de contrôle total des individus, négation de tout groupement intermédiaire entre les membres de la société et l'Etat (partis, associations, classes...) en les transformant en masses, fusion des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires, volonté d'hégémonie mondiale) mais par sa cause prochaine : confusion d'une partie des valeurs d'une société avec la totalité et partant négation de toute partie ou parti n'entrant pas dans le cadre d'une telle mutilation. Dans une dictature classique, les opposants sont identifiés comme tels, de sorte qu'ils sont affirmés tout en étant combattus. C'est avec les progrès de la logistique et des techniques en général au xxème siècle que le totalitarisme devient possible, c'est-à-dire que les multiples outils de contrôle des mentalités permettent quasiment d'empêcher toute opposition dès la racine et ainsi de faire disparaître toute opposition de la scène publique apparente.

Remarque, si on ne va de soi-même sur certains sites du net aujourd'hui où il n'y a plus de brassage social dans les bars, il devient difficile de trouver de véritables opposants à la pensée néolibérale, notamment dans ces espaces publics principaux que sont devenus les médias de masse. Les antilibéraux ou socialistes de conviction (ce qui exclut des gens comme Royal qui explique que si elle a perdu c'est parce que le programme qu'elle défendait n'était pas "réaliste") n'accèdent aux médias que de façon fort anecdotique ou toujours encadrés par quelques rigolos de service, toujours là pour vider de leur substance critique leurs propos. Par ailleurs, dans le cadre d'une mondialisation libérale, où tout tend à devenir marchandise, libérale parce qu'il faut y détruire tout obstacle à l'expansion de la marchandisation du monde, la valeur économique devient l'alpha et l'oméga de toute valorisation individuelle ou sociale... mais, en raison de la nature de cette valeur, contrairement à celles du nazisme ou du soviétisme, l'oppression des oppositions est beaucoup moins sensible, pour les opposants en premier lieu.

Pej a écrit :Nous étions partis de la distinction rousseauiste entre chef et maître. Il est vrai que selon Rousseau, un chef cherche le bien commun et non son intérêt privé. Mais si l'on part par exemple de cet extrait des Lettres de la montagne :

"Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu'on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un Peuple est libre, quelque forme qu'ait son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'homme, mais l'organe de la loi."


On voit que le chef n'est que l'incarnation de la loi (ce en quoi il ne peut être au-dessus des lois). Or, jusqu'à preuve du contraire, la France est encore un état de droit, régi par des lois, auxquelles sont également soumis tous les citoyens. Qu'il y ait des choses à dire sur la collusion des pouvoirs, et sur le fait que certains arrivent à passer outre les lois, certes. Mais il est faux de dire qu'aujourd'hui les Français servent un maître qui serait Nicolas Sarkozy.


Cf. aussi TTP XVI, §10 auquel ce texte fait écho.

D'abord, pour ce qui est, pour le peuple français, de voir dans celui qui le gouverne non "point l'homme, mais l'organe de la loi", il y a de quoi s'inquiéter tant le culte de la personnalité s'installe ici comme cela n'avait jamais été le cas dans la 5ème république : nous avons toutes les données actuellement du discours sur l'homme providentiel, incarnant tellement une supposée volonté populaire, que le peuple lui-même en vient à être oublié comme pouvant avoir une volonté propre, n'ayant plus alors qu'à se laisser guider comme un paisible troupeau de moutons. Et ce qui caractérise spécifiquement cette supposée volonté populaire, c'est qu'elle se fait à peine avec la médiation de ce qu'on appelle encore "loi" dans ce pays. Par ailleurs, l'ex-maire de Neuilly a montré sa capacité à incarner une loi de la république, comme la loi dite SRU, quand celle-ci contrevient aux intérêts particuliers de la classe sociale qu'il défend.

Ensuite, je rappelle que je n'ai pas dit que Sarkozy était un maître mais un contremaître au service de la dictature du capital. En quel sens, étant donné "l'état de droit" ? Rappelons ce que Rousseau appelle une loi, dans le Contrat Social, avant de conclure précipitamment que Sarkozy est au service de la loi :
"Mais quand tout le peuple statue sur tout le peuple, il ne considère que lui-même ; et s'il se forme alors un rapport, c'est de l'objet entier sous un point de vue à l'objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C'est cet acte que j'appelle une loi (…)
La loi réunissant l'universalité de la volonté et celle de l'objet, ce qu'un homme, quel qu'il puisse être, ordonne de son chef n'est point une loi : ce qu'ordonne même le souverain sur un objet particulier n'est pas non plus une loi, mais un décret ; ni un acte de souveraineté, mais de magistrature. J'appelle donc république tout État régi par des lois, sous quelque forme d'administration que ce puisse être : car alors seulement l'intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose."


En un mot, tout règlement n'est pas loi : quand un règlement institue une discrimination entre une partie du peuple et une autre, comme sous le régime de Vichy ou l'Apartheid, on ne parle à coup sûr qu'improprement de loi. Ainsi une loi est juste, c'est-à-dire qu'elle est effectivement l'expression de la volonté générale - et non majoritaire - de la totalité du peuple sur lui-même ou ce n'est pas une loi. Or quand un homme politique se fait élire sur la base d'un discours opposant la France qui se lève tôt et celle qui ne travaille pas ou peu, quand les projets de "loi" qu'il fait passer servent de fait non l'intérêt de tout le peuple mais de la partie dominante économiquement au détriment de la partie dominée (paquet fiscal d'un côté, sévères coupes sombres dans le code du travail de l'autre), et ce il est vrai avec une rhétorique parfaitement rôdée pour faire passer des vessies pour des lanternes (mais comme Rousseau le montre, même si le peuple dans sa totalité statue de plein gré sur ce qui ne vaut que pour une partie de lui-même, on est plus dans le domaine de la loi), on a au final des règlements qui ne servent pas l'intérêt de tous mais privilégient ceux qui sont déjà les plus forts.

De même, à partir du moment où on accepte la définition que Rousseau donne du chef, rien n'empêche de parler de bons et de mauvais chefs. Un mauvais chef ne peut être un faux chef, c'est-à-dire quelqu'un qui est au-dessus des lois. Un mauvais chef serait plutôt cet être qui, ayant pour fonction d'incarner la loi et de la faire respecter, ne parvient pas à remplir cette fonction (ce qui n'implique pas qu'il viole lui-même la loi, ou utilise la violence pour asseoir son pouvoir). Ou dit autrement, le mauvais chef est celui qui, ayant pour rôle d'assurer le bien commun, n'y parvient pas (même si tel est réellement son but, auquel cas, il sera tout bonnement incompétent).
Pour le moment, Nicolas Sarkozy n'a pas prouvé qu'il parvenait à assurer le bien commun. Preuve en est, comme souligné par Henrique, que les mesures phares prises jusque là sont en faveur d'une minorité, et non de l'ensemble de la population.


Je pense que les précisions précédentes sur la nature de la loi montrent assez l'erreur qu'il y a croire qu'il puisse y avoir de mauvais chefs. "Un peuple ne peut être injuste envers lui-même" dit Rousseau, si donc des règlements iniques sont décidés et appliqués par un "chef", c'est que ce ne sont pas des émanations de la volonté générale bien comprise, c'est que ce ne sont pas des lois ni un véritable chef, mais soit un maître, soit comme je l'ai suggéré un contremaître.

En l'occurrence, le fait de se placer au dessus des lois est le propre d'un dictateur mais pas forcément d'un maître ou d'un contremaître (qui se faisant passer pour un chef, abuse de l'autorité qui est conférée à ce statut de chef et peut donc être qualifié de despote) si ces "lois" ne sont en fait que des règlements qui privilégient les intérêts du maître et par voie de conséquence de ses contremaîtres. Et cela est tout à fait possible en s'arrangeant par ailleurs à respecter, au moins dans la lettre, les lois authentiques en vigueur avant lui ! Ici, ou bien un homme incarne la volonté générale et les lois qui en découlent et c'est un chef, ou bien il ne le fait pas et ce n'est pas un chef. Mais que peut-il être alors ? On parle ici de quelqu'un qui a du pouvoir au sein de la cité. Du point de vue de la raison, rien n'advient sans cause positive. Qu'est-ce qui peut alors s'opposer à l'incarnation de la volonté générale ? Uniquement la volonté particulière, d'où la valorisation de certain intérêts au détriment des autres.

L'incompétence à incarner la volonté générale n'est pas en soi une cause, c'est un effet : si je n'ai pas compris ce que peut signifier cette volonté générale et en quoi sa valeur peut primer sur tout autre valeur particulière, je ne peux le vouloir vraiment ni savoir comment y parvenir, j'aurai beau éprouver de grands élans d'amour pour les gens d'un pays (tout en espérant être aimé en retour, dans le style "la France m'a tout donné, je veux maintenant tout lui donner"), je ne pourrai l'incarner. On ne peut donc concevoir quelqu'un qui voudrait le bien commun mais ne saurait s'y prendre. Ce serait supposer une distinction entre la volonté et l'entendement. Je renvoie au corollaire d'E2P42 à ce sujet.

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Messagepar Pej » 14 oct. 2007, 20:57

N'étant ni spécialiste de Rousseau, ni spécialiste de Spinoza, je ne me sens pas capable de répondre précisément sur tous les points que tu soulèves. De toute façon, nous discutons en premier lieu sur des définitions, ce qui implique par nature une part d'arbitraire.


Henrique a écrit :Rien dans cette définition n'indique que le chef totalitaire soit nécessairement un effet de l'Etat totalitaire. Et pour cause, un Etat devient totalitaire, le plus souvent sans que la majorité ne s'en aperçoive, parce que la société s'est laissée conduire dans ce sens par un chef totalitaire. Bien sûr, le chef totalitaire lui-même n'est pas causa sui, il n'est possible que comme le produit d'un certain nombre de conditions pré-totalitaires qu'Arendt a essayé de définir mais sur lesquelles on n'a pas à être d'accord a priori. Quoiqu'il en soit, rien ne prouve que même si ces conditions pré-totalitaires sont rassemblées et qu'un chef totalitaire émerge, on aille nécessairement vers un Etat totalitaire : d'autres déterminations socio-politiques peuvent toujours intervenir et contrecarrer cette pente. Pour autant, cela n'empêche pas de dénoncer une tendance totalitaire s'il y a lieu. Pour l'heure, les institutions de la 5ème république demeurent un frein important contre un tel risque, malgré le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral. Mais toute institution peut être réformée et l'hyperprésidentialisation en cours devrait éveiller le jugement critique.


Evidemment, puisque je ne cite qu'un extrait, la définition, sortie de son contexte, n'implique pas la nécessité d'un Etat totalitaire. Mais le chef totalitaire n'intéresse pas Arendt en tant que tel. Elle analyse le fonctionnement du système totalitaire et, à l'intérieur de celui-ci, elle en vient notamment à étudier le rôle joué par le chef totalitaire. Et contrairement à ce que tu dis (mais je n'ai pas l'ensemble du texte de Arendt en tête) le chef totalitaire n'a de sens pour Arendt qu'à l'intérieur du système totalitaire. De même que le totalitarisme se distingue de la simple tyrannie ou dictature, le chef totalitaire ce distingue du tyran ou dictateur.
En revanche, et c'est l'objectif de mon propos, on peut retrouver des "aspects" totalitaires aussi bien dans certains formes de gouvernance non totalitaires ou dans le comportement de certains dirigeants politiques (dont Nicolas Sarkozy).

Henrique a écrit :Pour ma part, j'ai défini le totalitarisme non par ses conséquences (recherche de contrôle total des individus, négation de tout groupement intermédiaire entre les membres de la société et l'Etat (partis, associations, classes...) en les transformant en masses, fusion des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires, volonté d'hégémonie mondiale) mais par sa cause prochaine : confusion d'une partie des valeurs d'une société avec la totalité et partant négation de toute partie ou parti n'entrant pas dans le cadre d'une telle mutilation. Dans une dictature classique, les opposants sont identifiés comme tels, de sorte qu'ils sont affirmés tout en étant combattus. C'est avec les progrès de la logistique et des techniques en général au xxème siècle que le totalitarisme devient possible, c'est-à-dire que les multiples outils de contrôle des mentalités permettent quasiment d'empêcher toute opposition dès la racine et ainsi de faire disparaître toute opposition de la scène publique apparente.


Comme je le disais plus haut, nos désaccords proviennent pour partie de définitions qui divergent. Tu donnes ta propre définition du totalitarisme, différente de celle de Arendt (que je reprends pour ma part telle quelle), ce qui explique ensuite la différence d'analyse.

Henrique a écrit :En l'occurrence, le fait de se placer au dessus des lois est le propre d'un dictateur mais pas forcément d'un maître.


Ce n'est pas ce me semble ce que dit Rousseau, qui définit le maître comme justement celui qui se place au-dessus des lois.

Pour conclure, je trouve que tu es trop radical dans tes conclusions. Tes analysantes sont toujours éclairantes, et très souvent pertinentes, mais comme le soulignait Korto, à être excessif on est contre-productif.
Je prendrai un autre exemple : on lit ou entend des gens qui traitent Nicolas Sarkozy de raciste. Ce à quoi les partisans du président ont beau jeu de répondre par le dédain. Pourtant, le discours prononcé par Sarkozy à Dakar est explicitement un discours raciste (je rejoins Bernard-Henri Lévy sur ce point, une fois n'est pas coutume). Autrement dit, on focalise l'attention sur des attaques outrancières et qui deviennent ridicules, attaques contre lesquelles il est extrêmement facile de se défendre ; et on évite ainsi de répondre sur le fond.
De même, en traitant Nicolas Sarkozy de chef totalitaire, on risque de ne plus pouvoir réfléchir sereinement sur les aspects totalitaires de sa gouvernance.

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Messagepar Henrique » 15 oct. 2007, 00:44

Pej a écrit :N'étant ni spécialiste de Rousseau, ni spécialiste de Spinoza, je ne me sens pas capable de répondre précisément sur tous les points que tu soulèves. De toute façon, nous discutons en premier lieu sur des définitions, ce qui implique par nature une part d'arbitraire.


En tant qu'elle est composée de mots, une définition a toujours une dimension arbitraire. Quand Spinoza définit la substance, il ne parle plus de ce qu'envisageait Aristote par là. Mais cet arbitraire concerne l'aspect nominal de la définition. Ce qui importe, c'est que l'idée qu'expriment ces mots soit elle-même suffisante, cohérente et féconde.

Evidemment, puisque je ne cite qu'un extrait, la définition, sortie de son contexte, n'implique pas la nécessité d'un Etat totalitaire. Mais le chef totalitaire n'intéresse pas Arendt en tant que tel. Elle analyse le fonctionnement du système totalitaire et, à l'intérieur de celui-ci, elle en vient notamment à étudier le rôle joué par le chef totalitaire. Et contrairement à ce que tu dis (mais je n'ai pas l'ensemble du texte de Arendt en tête) le chef totalitaire n'a de sens pour Arendt qu'à l'intérieur du système totalitaire. De même que le totalitarisme se distingue de la simple tyrannie ou dictature, le chef totalitaire ce distingue du tyran ou dictateur.

Je ne suis pas non plus spécialiste d'Arendt mais historiquement il serait difficile de soutenir que la République de Weimar fût déjà totalitaire avant qu'Hitler ne prenne le pouvoir, par voie légale, même si cet homme a été pris dans un processus qui le dépassait à bien des égards.

En revanche, et c'est l'objectif de mon propos, on peut retrouver des "aspects" totalitaires aussi bien dans certains formes de gouvernance non totalitaires ou dans le comportement de certains dirigeants politiques (dont Nicolas Sarkozy).

C'est bien ce que je voulais dire aussi en disant "par moments" : la nuance entre être chef totalitaire sous certains aspects ou à certains moments est pour le moins assez fine.


Comme je le disais plus haut, nos désaccords proviennent pour partie de définitions qui divergent. Tu donnes ta propre définition du totalitarisme, différente de celle de Arendt (que je reprends pour ma part telle quelle), ce qui explique ensuite la différence d'analyse.

Ma définition du totalitarisme n'est pas contradictoire avec celle d'Arendt, elle se veut seulement, dans une optique spinoziste, plus génétique, c'est pourquoi elle l'implique au même titre que celle d'autres auteurs comme Waldemar Gurian.

Henrique a écrit :En l'occurrence, le fait de se placer au dessus des lois est le propre d'un dictateur mais pas forcément d'un maître.


Ce n'est pas ce me semble ce que dit Rousseau, qui définit le maître comme justement celui qui se place au-dessus des lois.

D'abord, si le maître compose avec les lois authentiques, il ne se met pas à leur service, voilà ce que j'ai dit. Mais il peut exister un régime de décrets, abusivement appelé lois, que le maître comme le dictateur peuvent prétendre servir puisque ces lois les servent en réalité. Ensuite, dans le cadre de ce "comprendre le sarkozysme", on ne fait pas d'histoire de la philosophie mais de la philosophie, les auteurs ne sont alors que des outils de réflexion, non des autorités pour déterminer de quelle façon nous pouvons ou devons analyser les faits. Et là aussi, il serait difficile de nier in concreto que des maîtres existent ou aient pu exister dans des "états de droits" au sens où tu le disais, comme ce fût le cas à l'époque de l'esclavage en amérique par exemple, les maîtres respectant les lois de leur temps tout en donnant des coups de fouets aux ramasseurs de coton. C'est pourquoi, pour finir, Rousseau dit quant à lui qu'un peuple libre n'obéit qu'aux lois, ce qui sous-entend qu'un peuple non libre pourrait être celui qui n'obéit qu'à la volonté du maître, mais historiquement c'est très rare, ce qui est sous-entendu c'est surtout qu'un peuple servile peut aussi se reconnaître au fait que tout en obéissant aussi en partie à des lois, il se soumet par ailleurs à la volonté particulière d'un maître. Si donc un peuple peut obéir à un maître tout en obéissant partiellement à des lois, c'est qu'un maître peut lui même exercer sa domination tout en respectant en partie certaines lois.

Pour conclure, je trouve que tu es trop radical dans tes conclusions. Tes analysantes sont toujours éclairantes, et très souvent pertinentes, mais comme le soulignait Korto, à être excessif on est contre-productif.


Je pense avoir donné quelques arguments ci-dessus pour faire voir que mes analyses n'avaient rien d'excessif. A moins d'appeler "radicale" toute tentative d'appeler un chat un chat, au nom d'une modération intellectuelle dont la belle productivité à gauche a conduit une Ségolène Royal à finir par droitiser radicalement son discours pour se donner un peu de piment, ce qui a eu l'efficacité que l'on connaît. En complexant l'analyse à gauche, on décomplexe la droite.

Je prendrai un autre exemple : on lit ou entend des gens qui traitent Nicolas Sarkozy de raciste. Ce à quoi les partisans du président ont beau jeu de répondre par le dédain. Pourtant, le discours prononcé par Sarkozy à Dakar est explicitement un discours raciste (je rejoins Bernard-Henri Lévy sur ce point, une fois n'est pas coutume). Autrement dit, on focalise l'attention sur des attaques outrancières et qui deviennent ridicules, attaques contre lesquelles il est extrêmement facile de se défendre ; et on évite ainsi de répondre sur le fond.
De même, en traitant Nicolas Sarkozy de chef totalitaire, on risque de ne plus pouvoir réfléchir sereinement sur les aspects totalitaires de sa gouvernance.


Moui, enfin il faudrait savoir : toi, tu dis qu'il est raciste ou qu'il est pas raciste Sarkozy ? Là encore, peu importe ce que pense Nicolas dans le fond de son coeur : il a prononcé un discours dont le contenu est pour le moins insultant vis-à-vis de la capacité des africains à se prendre en charge par eux-mêmes. C'est ce discours qui a été prononcé en notre nom, pas ce qu'il y a dans les boyaux de Nicolas qui nous importe. Et là, ou bien on dénonce radicalement ou bien on fait la fine bouche de la gauche complexée dont l'efficacité a fait des ravages. Ou alors je sais pas, dis moi quoi d'autre...

D'autre part, si tu vas dire à un militant UMP qu'il y a, en toute modération intellectuelle, "des aspects totalitaires dans la gouvernance de Nicolas Sarkozy", tu ne seras pas moins accueilli avec force sarcasmes... Quoique tu dises contre l'idole, tu seras dénoncé à ton tour comme outrancier, vraiment ridicule selon une technique éristique déjà bien rôdée. Alors on tombe dans une dernière petite alternative : ou bien tu te laisses impressionner par ce genre d'argument passe-partout et tu t'écrases ou bien tu argumentes et tu cherches à convaincre autour de toi de ce que tu penses.

Enfin je te rappelle que je n'ai pas surtout argumenté pour ma part sur le côté "chef totalitaire" de Sarkozy, mais sur son côté contremaître du capital. Sur cela, qui était tout de même l'essentiel, j'aimerai bien quelques objections pour voir en quoi mon raisonnement est si excessif que tu le dis. En quoi Sarkozy exprime-t-il la volonté générale en mettant à bas les outils fiscaux de redistribution des richesses, en cassant le code du travail ?


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