Comprendre le sarkozysme

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Pej
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Messagepar Pej » 15 oct. 2007, 19:21

Je ne vais pas continuer à chercher la petite bête, car si ça continue comme ça, je vais me retrouver à défendre Nicolas Sarkozy, ce qui serait un comble ! :wink:
J'accorde donc qu'entre "par moments" et "par certains aspects", la différence n'est pas très importante. Par contre, si je reprends l'exemple du discours de Dakar, je fais la distinction entre un discours raciste et un discours prononcé par un homme raciste. Je sais que d'un point de vue spinoziste, on n'est qu'en acte, et donc je suis ce que je fais (si je prononce un discours raciste, je suis donc raciste). Mais je préfère garder une distinction de type structure/conjoncture. Je pense que Nicolas Sarkozy n'est pas raciste (il ne possède pas une "structure" raciste), mais que certaines circonstances (dont je ne connais pas l'entière logique) l'ont amené à un moment donné à prononcer un discours raciste (discours conjoncturel donc).
En disant que Nicolas Sarkozy est raciste, il devient impossible d'apporter des arguments convaincants, et c'est fort logiquement qu'on subira les railleries des UMPistes. En revanche, en disant qu'à Dakar Nicolas Sarkozy a prononcé un discours raciste, on subira peut-être aussi les mêmes railleries, mais là, il est aisé de prouver, par la simple analyse du discours, que tel est bien le cas (après, on ne peut rien contre la mauvaise foi, ou l'admiration aveugle).
Sinon pour le contremaître, je ne vois pas pourquoi tu te refuses à l'idée qu'on puisse parler d'un mauvais chef. Pour moi, et même en reprenant ton analyse, il me paraît plus pertinent de qualifier Nicolas Sarkozy de mauvais chef que de contremaître.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 17 oct. 2007, 16:45

Pej a écrit :
Par contre, si je reprends l'exemple du discours de Dakar, je fais la distinction entre un discours raciste et un discours prononcé par un homme raciste. Je sais que d'un point de vue spinoziste, on n'est qu'en acte, et donc je suis ce que je fais (si je prononce un discours raciste, je suis donc raciste). Mais je préfère garder une distinction de type structure/conjoncture. Je pense que Nicolas Sarkozy n'est pas raciste (il ne possède pas une "structure" raciste), mais que certaines circonstances (dont je ne connais pas l'entière logique) l'ont amené à un moment donné à prononcer un discours raciste (discours conjoncturel donc).


Mais encore une fois, quand je parle ici de Sarkozy, c'est de l'homme politique et de ses actes dans leur cohérence globale, pas de l'essence intime qu'il pourrait y avoir derrière la figure publique.

Aussi, d'un point de vue spinoziste, nous ne sommes que ce que nous faisons, certes, mais globalement. Ainsi un homme qui tue dans un accès de colère n'a pas à être considéré comme un meurtrier par essence, on peut très bien accorder un caractère accidentel à cet homicide du moment qu'il n'a pas été voulu en tant que tel - car heureusement tous les accès de colère ne se terminent pas par la mort - surtout si le reste du temps et dans toutes sortes d'autres circonstances, cette personne agit paisiblement.

Dans le cas de Sarkozy, un discours à teneur raciste, écrit par Henri Guaino mais lu par lui (si on admettait avec BHL que Sarkozy ne comprenait pas ce qu'il lisait et donc ne le faisait pas sien, ce serait encore pire) ne suffit pas à faire de lui un raciste s'il n'a pas agi régulièrement dans ce sens. On pourra trouver dans ses comportements et même ses choix politiques, comme le fait d'être favorable à la participation des étrangers aux élections municipales, des éléments allant dans un autre sens.

La question qui se pose alors d'un point de vue spinoziste serait "quelle est la cohérence politique de ces paroles et actes apparemment contradictoires ?" Et à première vue je dirais que ce qui intéresse politiquement Sarkozy, ce n'est pas en fait les immigrés ou populations d'Afrique, c'est le suffrage de ceux qui y voient une menace grave d'un côté et celui des libéraux sociaux, voire sociaux libéraux de l'autre, qui raisonnent différemment. D'où le dosage auquel on assiste un carambar pour le petit noir et un coup de matraque policière pour son grand frère : en fait, politiquement, il n'a cure ni de l'un ni de l'autre, ce qui l'intéresse, c'est d'envoyer des signes suffisants pour obtenir les suffrages des racistes tout en évitant d'aller uniquement dans leur sens, de façon à pouvoir éviter de paraître épouvantable. Ainsi Sarkozy - en tant qu'homme politique, je ne le précise pas à chaque fois - n'est ni raciste, ni anti-raciste, il est indifférent à la question de l'intégration sociale des populations émigrées en tant que telles, autrement il y aurait une autre cohérence dans ses discours et choix politique, mais par contre c'est essentiellement un stratège.

Sinon pour le contremaître, je ne vois pas pourquoi tu te refuses à l'idée qu'on puisse parler d'un mauvais chef. Pour moi, et même en reprenant ton analyse, il me paraît plus pertinent de qualifier Nicolas Sarkozy de mauvais chef que de contremaître.


Parce qu'un mauvais chef ne peut être un chef : si ma tête me permet de guider mon corps dans le sens de son intérêt global, même avec des accidents, des étourderies de temps en temps, c'est une bonne tête tant que c'est en fait une tête. Si ma tête n'agissait plus sur le reste du corps que contre l'intérêt global de celui-ci, ce ne serait même plus une tête mais un organe rapporté, extérieur au reste du corps. D'où tout ce que dit Rousseau sur la loi et la volonté générale. En apparence, ce serait une tête, mais sur le plan de l'essence ce n'en serait pas une. En apparence, Sarkozy est bien le chef de l'Etat français, mais il ne l'est pas pour autant réellement si l'essentiel de son action politique, au delà des concessions nécessaires pour préserver les apparences, sert des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général.

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Messagepar Pej » 18 oct. 2007, 13:01

Je ne suis pas un adepte de la métaphore organiciste. Mais je ne vois pas malgré tout pourquoi une tête ne pourrait pas être une tête si elle ne remplit plus sa fonction. Quand on a coupé la tête de Louis XVI, c'est bien sa tête qu'on a montré au peuple, même si elle ne remplissait plus sa fonction.

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Messagepar Henrique » 18 oct. 2007, 15:34

Tu ne le vois pas à mon avis parce que tu confonds une définition par l'apparence et une définition par l'essence. Ce qu'on a exhibé au peuple était la preuve que Louis XVI ne pouvait plus régner : un cadavre de tête et non une tête. Coupe un tas de sable en deux, tu as deux tas de sables, coupe un homme de sa tête, tu n'as pas deux individus mais un homme mort. Si tu définis une tête comme un corps avec des yeux, un nez, un cerveau etc. il semble bien que tu aies une tête en apparence quand tu exhibes celle de Louis xvi mais tous ces organes n'avaient de cohérence les uns vis-à-vis des autres que vis-à-vis du corps global qui la portait, de sorte que coupés du reste du corps, ils ne sont plus qu'un amas de chair en décomposition. Un individu est une composition d'organes qui n'ont de cohésion que les uns vis-à-vis des autres :

"Si plusieurs individus concourent à une certaine action de telle façon qu'ils soient tous ensemble la cause d'un même effet, je les considère, sous ce point de vue, comme une seule chose singulière." (E2D7) et "Lorsqu'un certain nombre de corps de même grandeur ou de grandeur différente sont ainsi pressés qu'ils s'appuient les uns sur les autres, ou lorsque, se mouvant d'ailleurs avec des degrés semblables ou divers de rapidité, ils se communiquent leurs mouvements suivant des rapports déterminés, nous disons qu'entre de tels corps il y a union réciproque, et qu'ils constituent dans leur ensemble un seul corps, un individu, qui, par cette union même, se distingue de tous les autres." : lorsqu'il n'y a plus de communication de mouvement possible, il n'y a plus d'individu et alors chaque partie perd son essence d'organe de l'individu et devient un amas de corps sans principe de cohésion interne, autrement dit de la chair en décomposition.

Imaginons maintenant un corps humain H1 à qui on aurait coupé la tête mais qu'on parviendrait à maintenir en vie en le guidant depuis un ordinateur (l'armée en rêverait) : dirais tu que l'ordinateur constitue la nouvelle tête de ce corps ? A l'évidence le corps ne pourrait plus obéir à lui-même en tant qu'individu global, mais seulement à cet ordinateur, ordinateur qui lui même n'est qu'une machine obéissant exclusivement à l'intérêt d'un autre corps humain H2, qui lui a toute sa tête. Diras-tu alors qu'H2 est devenu la tête d'H1 ? Bien sûr, H1 ne serait plus qu'un moyen au service d'H2, inutile à lui-même, tandis qu'H2 pourrait se considérer comme une fin en soi. Celui qui guide un autre pour son propre intérêt - comme un despote guide le corps social - n'est pas la "tête" de l'autre mais seulement son maître. Ce que je reproche au maître ou au contremaître du corps social, ce n'est pas de ne pas avoir de tête mais de ne guider le corps social qu'en vue du service d'un autre corps - celui du maître - se concevant lui-même comme étranger, fonctionnant en somme comme un parasite.

Et le corps social est bien un individu au sens défini ci-dessus, ce n'est pas une métaphore : les membres de la société, qu'on appelle hommes s'appuient les uns sur les autres pour exister, par un lien de dépendance réciproque et ils le font d'autant plus que d'autres sociétés ou simplement d'autres corps alentours les empêchent de se disperser ; ensuite ces composants du corps social se maintiennent dans un état de coexistence par les mouvements qu'ils se communiquent : physiques, économiques, culturels...

Pour autant un corps social n'a pas nécessairement les mêmes propriétés qu'un corps humain : le corps social a des propriétés dont ses composants sont privés et n'a pas certaines des propriétés de ses composants. Le corps social n'est évidemment pas une sorte de grand humain pour lequel il y aurait à appliquer tout ce qui vaut pour un homme. De même, le corps humain est capable de certaines choses dont un globule blanc est incapable tandis que le globule blanc est capable de choses impossibles au reste du corps humain global. Mais il existe certaines propriétés communes à tous les corps singuliers (les notions communes) sur la base desquelles on peut comprendre le corps social (dépendance à l'extérieur, survie dans sa forme aux corps particuliers qui le compose...) dans ce qu'il a de spécifique : vie beaucoup plus longue que celle de ses individus et donc absurdité de toute comparaison entre le budget de l'Etat et celui d'un ménage, quand la tête du corps social est coupée, une autre peut repousser à la place presque aussitôt mais aussi possibilité pour certains membres de ce corps d'utiliser le reste du corps à leur service exclusif et donc d'oeuvrer à ce que le corps se donne une apparence de tête qui n'est en fait qu'un corps extérieur se servant du corps social pour un intérêt qui n'est pas le sien.

A cet égard, le principal travail de tout chef politique, c'est de faire en sorte que les différentes composantes du corps social ne soient pas étrangères les unes aux autres mais solidaires : éviter le modèle parasitaire (les bénéficiaires étant le plus souvent les premiers à y croire, par le mépris qu'ils affichent pour tout ce qui n'est pas de leur communauté ou classe sociale, et la haine qu'ils manifestent dès qu'il y a refus de se soumettre), promouvoir le modèle symbiotique dans lequel en fait et pas seulement en parole tout le monde est également gagnant. En augmentant discrètement les privilèges réels des ceux qui se perçoivent comme faits d'une autre étoffe que ceux de la base sociale (paquet fiscal, possibilités de faire travailler et de jeter le travailleur quand il ne sert plus) et tapant systématiquement sur ceux parmi les plus faibles qui avaient quelques avantages "exhorbitants" par rapport aux plus faibles, au nom d'une idée confuse de l'égalité, on ne va clairement pas dans ce sens. Mais l'erreur ici serait d'y voir une simple erreur de jugement : ces mesures obéissent à une logique tout à fait cohérente - de même qu'en substituant à une véritable éducation un simple dressage, par exemple, un maître sait très bien ce qu'il fait et pour qui il le fait (lui-même bien sûr, tout en convainquant ses esclaves qu'il ne veut pas les fatiguer inutilement avec des connaissances qui ne leur serviraient à rien et qu'il agit ainsi pour leur intérêt...).

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Messagepar Pej » 21 oct. 2007, 20:55

Tu défends l'idée que la fonction crée l'organe, et que donc si une tête ne remplit pas sa fonction de tête, alors elle n'est tout simplement pas une tête. Or, c'est faire disparaître la différence entre le normal et le pathologique. La fonction des reins, par exemple, est de filtrer le sang (si je fais simple) et un rein malade, qui ne parvient plus à assurer sa fonction n'en reste pas moins un rein. Mais d'un rein sain (ou normal), on est passé à un rein malade (pathologique).
De la même façon, il y a ce que normalement un chef doit faire (sa fonction normale qui fait de lui un bon chef) et ce qu'il fait effectivement (qui peut être pathologique, ce qui fait de lui un mauvais chef).

J'en profite pour prolonger le débat sur cette compréhension du sarkozysme par une remarque que j'ai lue, selon laquelle on retrouverait dans le discours de Dakar évoqué plus haut les propos tenus par Hegel dans La raison dans l'histoire. Après vérification, c'est assez impressionnant. En fait, on dirait que Guaino a fait un copier-coller du passage consacré à l'Afrique au chapitre IV du livre de Hegel (certaines phrases sont quasi identiques et la teneur générale du propos ne laisse aucun doute).

Un seul exemple (mais tous ceux que ça intéresse peuvent aller voir les deux textes et faire la comparaison par eux-mêmes. Les passages en gras sont soulignés par moi) :

Discours de Dakar : "Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. [...] Le défi de l'Afrique, c'est d'apprendre à regarder son accession à l'universel non comme un reniement de ce qu'elle est mais comme un accomplissement."
Hegel, La raison dans l'histoire : "Dans cette partie principale de l'Afrique, il ne peut y avoir d'histoire proprement dite. [...] Les Africains ne sont pas parvenus à cette reconnaissance de l'universel. [...] Dans l'ensemble, nous trouvons ainsi, en Afrique, l'état d'innocence, l'unité de l'homme avec Dieu et avec la nature."

On savait donc que Nicolas Sarkozy n'était pas spinoziste (autrement dit que le sarkozysme n'était pas un spinozisme), mais je me demande s'il ne s'agit pas d'une forme de néo-hegelianisme. On retrouve notamment ce mélange de libéralisme cher à Hegel (la liberté comme fin de l'histoire) et d'étatisme (l'Etat comme outil de réalisation de cette liberté).

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Messagepar Vagabond » 22 oct. 2007, 03:57

C'est quoi cette censure sur ce forum?
Pourquoi ne puis-je pas poster le message sans avoir une page noire indiquant que j'attaque ce forum, etc.?

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Messagepar Henrique » 22 oct. 2007, 14:51

Vagabond a écrit :C'est quoi cette censure sur ce forum?
Pourquoi ne puis-je pas poster le message sans avoir une page noire indiquant que j'attaque ce forum, etc.?

Aucune volonté de t'empêcher de poster ici, cela doit être un nouveau bug du système de protection anti-pirate. Pourrais-tu m'envoyer par mail perso le contenu du message qui apparaît lorsque tu es bloqué ? Désolé pour cet embêtement...

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Messagepar Korto » 26 oct. 2007, 11:24

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Modifié en dernier par Korto le 03 févr. 2008, 00:51, modifié 1 fois.

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Messagepar Henrique » 26 oct. 2007, 16:12

Pej a écrit :Tu défends l'idée que la fonction crée l'organe...


Non au contraire, c'est bien l'organe qui crée la fonction dans ce que je décrivais : une tête coupée n'est plus vraiment la tête du corps puisqu'elle ne lui est plus liée organiquement : la fonction de diriger le corps est donc bien postérieure à l'organe, compris comme matière organique, liée à l'organisme. Et une tête téléguidée de l'extérieur, au service d'un autre corps, serait un organe qui par cette position et sa configuration rendrait possible l'intérêt de l'autre corps au détriment de celui qui est téléguidé : la fonction ici est bien postérieure à l'organe, seulement le lien organique entre une telle tête et le reste du corps ne serait en fait qu'extérieurement apparent.

...et que donc si une tête ne remplit pas sa fonction de tête, alors elle n'est tout simplement pas une tête. Or, c'est faire disparaître la différence entre le normal et le pathologique. La fonction des reins, par exemple, est de filtrer le sang (si je fais simple) et un rein malade, qui ne parvient plus à assurer sa fonction n'en reste pas moins un rein. Mais d'un rein sain (ou normal), on est passé à un rein malade (pathologique).


Cette idée de normal et de pathologique relève malgré son bon sens apparent du finalisme : il y aurait des imperfections apparaissant dans la nature à un moment donné, le but à atteindre étant de réduire ces imperfections. En fait, comme ce que j'indiquais hier dans le post sur le vieillissement, tout ce qui se produit dans la nature se produit nécessairement, de sorte qu'un état physique à un moment m ne peut pas être "imparfait" ou "anormal". De même, lorsqu'un homme se laisse vaincre par une passion, faute d'assez d'idées adéquates de lui-même et de ce qui l'entoure, étant donnée donc la limitation de sa puissance et non une impuissance qui serait positivement au coeur de son essence même, ce n'est pas anormal : son mental est déterminé par autre chose que lui-même, bien compris, mais ce n'est pas parce que le mental est mauvais, anormal ou pathologique, c'est que la puissance des causes extérieures le surpasse. De même, un foie malade n'est pas un foie qui en lui-même serait anormal, imparfait, même seulement devenu tel, c'est un foie dont la puissance de filtration a été vaincue par un excès d'aliments toxiques pour le corps. Et ainsi, s'il ne filtre plus correctement, ce n'est pas qu'il est devenu un mauvais foie mais parce qu'il commence à mourir en tant que foie, autrement dit parce qu'il cesse d'être un foie jusqu'à un certain point de non-retour éventuel.

Et en parlant d'inverser le rapport en organe et fonction, je crois au final que c'est toi qui semble ne pas pouvoir te faire à l'idée que peu importent les intentions conscientes d'un magistrat ou détenteur d'une autorité (chef, contremaître ou maître) - celles de Sarkozy sont très probablement de faire ce qu'il croit le mieux pour tous -, ce qui compte, c'est le rapport de force à l'oeuvre entre ce qui pousse au service des plus forts d'un côté et ce qui pousse à celui de tous de l'autre, de sorte qu'on a mécaniquement selon le degré de ce rapport de force, soit un chef, soit un contremaître, soit un maître.

Mais peut-être qu'on pourrait s'entendre en admettant qu'il peut exister un chef en train de mourir en tant que tel, vaincu par les causes extérieures (par ex. les pressions des lobbys), après avoir pourtant commencé à agir dans l'intérêt de tous. La question est alors de savoir si pour l'essentiel, car il faut bien sûr faire preuve de précaution avec les leurres en politique, et dans les faits, Sarkozy agit pour quelques uns ou pour tous.

De la même façon, il y a ce que normalement un chef doit faire (sa fonction normale qui fait de lui un bon chef) et ce qu'il fait effectivement (qui peut être pathologique, ce qui fait de lui un mauvais chef).


Dans une logique non finaliste, un chef sert le bien commun ou n'est pas un chef, précisément parce que la fonction ne précède pas l'organe : avoir besoin d'une tête au sommet de l'Etat ne suffit pas en soi à ce qu'on en ait effectivement une du moment qu'on en pose une, indépendamment de la question de savoir de qui c'est véritablement la tête. De même l'esprit d'un homme est utile à lui-même ou revient à pas d'esprit du tout s'il se fait esclave d'un autre ou d'autre chose, puisqu'il n'entre plus en ligne de compte dans le comportement, momentanément ou durablement surpassé par les idées des causes extérieures.

Passons maintenant à Korto :
Korto a écrit :Les lourds oripeaux "philosophiques" dont s'habille la thèse multiforme mais en fait unique de cette discussion, "Sarko est un petit salopard trop malin qui nous a pris le pouvoir", cachent mal la crudité de l'hostilité, de l'amertume, du ressentiment et du parti pris des intervenants.

Ce n'est pas parce que vous avez quelques difficultés à saisir les subtilités et les nuances des propos tenus ici que la grossièreté que vous voulez y voir correspond à une réalité.
Mais il n'y a pas que du faux dans ce que vous dites : ce qu'on reproche au sarkozysme, c'est-à-dire au libéralisme, et à la loi du plus fort qu'il incarne, c'est bien de nous avoir pris le pouvoir, à nous peuple français, y compris donc à vous-même, qui n'êtes cependant ni le premier ni le dernier partisan de la servitude volontaire. Mais bien sûr, le premier responsable de cette situation, c'est le peuple français, à commencer par sa partie gauche, dans ses abandons et ses solutions de facilité.

Une telle opposition de principe est tout à fait légitime en politique mais se comprend moins en philosophie.

Répéter des arguments déjà réfutés n'a jamais suffit à faire une réponse aux objections.

Charger Sarko de racisme, de fascisme, de totalitarisme, d'eugénisme etc... c'est un peu gros quand même... Et ça ne révèle que le vide et l'impuissance d'une certaine opposition, politique, syndicale, médiatique et ... intellectuelle.

C'est vous qui faites gros là où il y avait en fait beaucoup plus de nuances que ce que vous voulez en retenir.

Un mauvais chef au motif qu'il ne s'occupe que d'une minorité, d'une aristocratie, non !

OK, ne nous embarrassons pas avec vous d'une distinction trop subtile entre faux ou mauvais chef, puisqu'autrement vous simplifiez et nivelez toute tentative de comprendre la complexité. Donc vous admettez qu'un mauvais ou un faux chef, peu importe donc, est celui qui sert une minorité au détriment du "peuple". Mais qu'entendez vous par ce terme ? L'ensemble des membres de la nation ou seulement une partie, fût-elle majoritaire ? La récurrence de l'expression "c'est pour tous", donne à penser que vous penchez pour la première option. Mais dans tous les cas de mesures que vous avez signalées, diriez vous que c'est bien pour tous les français que ces mesures ont été décidées, y compris les plus démunis, y compris les fonctionnaires, y compris ceux de gauche, y compris ceux qui se permettent encore d'oser critiquer Sarkozy ? Ou alors considérez-vous que tout ou partie de ces catégories ne font pas vraiment partie du peuple français ?

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Messagepar Pej » 07 nov. 2007, 13:41

Il faudra que je prenne un peu de temps (ce qui me manque actuellement) pour répondre sur la question du normal/pathologique.
Je me contente pour l'instant de pointer cette citation de notre cher président qui fait écho à la question de l'omniresponsabilité qui caractérise le chef totalitaire :

"dans un Etat de droit, le président de la République, il est responsable de tous ses concitoyens, même ceux qui ont fait des choses mal." (en réponse à son voyage au Tchad).

Où l'on voit que, non content d'être responsable de l'ensemble des membres de son gouvernement, de sa majorité, des membres de l'UMP, etc. Nicolas Sarkozy se présente comme le responsable de tous les Français. Ceux qui se sentaient majeurs et vaccinés apprécieront :wink: .


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