Comprendre le sarkozysme

Actualités et informations diverses sur Spinoza, la philosophie en général ou regards spinozistes sur l'actualité.
Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 28 avr. 2007, 17:41

Petite variation sur le thème ...

Je suis un peu étonnée de constater que pour l'instant, le débat (très intéressant) dans ce forum se concentre sur la question de qui va le mieux assembler-diviser. Certes, Spinoza conçoit la puissance d'un Etat comme résultat de la mesure dans laquelle celui-ci se comporte 'una veluti menti', comme par un seul Esprit. Mais le 'veluti' me semble être tout de même crucial dans l'affaire. Je m'explique.

Quand Spinoza dans le TP 9/4 dit comment arriver à 'composer un seul Etat', il écrit:

"Quant aux liens par lesquels elles doivent être rattachées pour composer un seul Etat, ce sont d'abord le Sénat et la Cour de justice."

Ce qui signifie, il me semble, que le 'vinculum', le lien qui rassemble les différents membre du corps civil, ne peut jamais être 'incarné' par un seul homme, fût-ce le président de la république. La mesure dans laquelle une société vit 'una veluti mente' dépend principalement des fondements de l'Etat, c'est-à-dire de la constitution, de la qualité de ses lois.

Ainsi, le président qui pourra le plus 'rassembler' son pays, c'est celui qui peut avoir un effet positif non pas en tant que personne (donc non pas dans sa capacité de susciter des passions dans la foule), mais en tant qu'il fortifie les lois de son pays, c'est-à-dire les fait respecter et en crée de nouvelles de telle sorte que la conséquence finale soit que les membres de la société vivent plus en paix et en sécurité.

Il me semble donc que si l'on veut discuter de qui des deux, Royal ou Sarkozy, est le plus capable de 'rassembler' le pays, il faudrait se demander lequel des deux a le plus le projet de créer des lois qui, en tant que lois, permettent au plus grand nombre d'améliorer leurs conditions de vie, d'augmenter leur puissance d'agir (c'est-à-dire quelles lois vont produire le maximum d'augmentation de puissance d'agir des citoyens). On sait bien que chez Spinoza, cela passe par la Force de l'Âme, c'est-à-dire la Générosité (le Désir par lequel chacun, sous la seule dictée de la raison, s'efforce d'aider tous les autres hommes, et de se les lier d'amitié) et la Fermeté (le Désir par lequel chacun s'efforce de conserver son être sous la seule dictée de la raison, E3P59 scolie). C'est pourquoi il me semble que la question n'est pas de savoir qui est le plus capable de créer des IMAGES d'unité nationale, ou des sentiments nationalistes, mais bien de savoir qui va concrètement créer des lois qui permettront à ceux qui vivent déjà assez bien d'essayer de se lier d'amitié à TOUS, et à ceux qui pour l'instant sont assez impuissants (ont donc un Désir de conserver leur Être qui n'est pas très grand) d'augmenter leur Désir de se conserver (je pense à toute la 'racaille' qui pour l'instant visiblement n'est pas très capable de vivre 'sous la dictée de la raison', ET à tous ceux qui effectivement, comme le disait zarathoustra, sombrent dans le nihilisme).

Autrement dit, pour obtenir un Etat fort, il ne faut pas créer des PASSIONS 'nationales', car comme toute passion celles-ci sont instables et peuvent virer très facilement à la Haine. Il s'agit de créer une vraie NATION, une unité ACTIVE, un endroit où la loi ordonne la société d'une telle façon que de plus en plus de gens peuvent augmenter réellement leur puissance d'agir.

Dans ce sens, j'ai l'impression qu'avec Ségolène Royal on va vers un genre de status quo qui risque fort de ne pas améliorer les conditions de vie d'une façon spectaculaire. Mais il me semble clair aussi que ce que Sarkozy propose pour augmenter la puissance d'agir de tout un chacun, risque d'avoir pas mal d'effets tout à fait négatifs sur la puissance de l'Etat. Exemple: j'ai entendu aujourd'hui qu'il songe à créer de nouvelles possibilités de formation pour les jeunes défavorisés des banlieues. Cela a l'air d'être très bien, mais est-ce qu'il va coupler le droit d'une allocation au fait de suivre ou non cette formation? Si oui (ce que je suppose), je suis assez certaine que tous ceux, parmi ces jeunes, qui sont entièrement dégoûtés de l'enseignement parce que pour l'instant celui-ci a surtout eu comme effet principal de baisser systématiquement leur puissance d'agir, ne pourront que sentir diminuer encore une fois leur puissance d'agir, et donc leur Force d'Âme. Ainsi, ils deviendront encore moins qu'avant capables de trouver une 'acquiescentia in se ipso' et de pouvoir remédier à leurs affects. Ils se mettront en colère encore un peu plus vite, ils haïrons les autres encore un peu plus, etc. Avec comme résu!ltat qu'ils mettront encore plus en danger la sécurité des autres que pour l'instant.

Bref, à mon avis, si l'on veut raisonner de façon spinoziste, il faudrait non pas mesurer la capacité de rassembler à la capacité de susciter des passions collectives, et cela avant tout parce que jamais une sécurité et stabilité ne peut être construites sur des passions, il faut pour cela des affects-actions.

C'est donc pourquoi voter Sarkozy dans l'espoir d'obtenir un mouvement anti-sarkozyste fort, donc voter Sarkozy pour créer une réelle révolte populaire, me semble être tout sauf spinoziste. Car à quoi cette révolte pourrait-elle mener, en l'absence de tout projet réellement novateur de gauche, si ce n'est qu'au chaos et à la division totale? Il faut être hégelien, je crains (ce que beaucoup de néoconservateurs sont, pour autant que je sache), pour attendre de quelque chose de négatif et de destructeur un effet positif. Une population révoltée ou indignée est une population qui certes éprouve des passions collectives fortes, mais nulle part Spinoza ne dit que pour changer l'Etat vers un Etat meilleur, il FAUT d'abord passer par des passions fortes. A mon avis il dit l'inverse: on ne peut le faire qu'en augmentant le nombre d'affects-actions. Car ce qu'il faut éviter à tout prix, c'est la dissolution de l'Etat (TP 10/1), c'est la révolte populaire.

Si donc il faudrait voter d'une part Sarkozy parce qu'il sait susciter des passions nationalistes fortes chez une majorité de gens, et d'autre part parce qu'il susciterait ensuite une révolte nationale, je crains qu'il faille en conclure qu'il s'agit d'un vote PRO la déstabilisation de la société. Cela peut avoir beaucoup de sens pour un hégelien, mais je ne vois pas très bien comment on pourrait y voir une conviction d'inspiration spinoziste.

Ceci étant dit, j'ai également l'impression, comme zarathoustra, que notre société occidentale actuelle souffre d'un nihilisme assez répandu, et bien dangereux. Or cela, Spinoza le semble avoir prévu. TP 10/4:

"Les hommes en effet, en temps de paix, leurs craintes remisées, de barbares et de féroces deviennent peu à peu civils ou humains, puis d'humains deviennent mous et veules; et chacun s'appliquant à surpasser autrui non par la vertu mais par le faste et le luxe, ils commencent alors à se lasser des us et coutumes de leur patrie et à en adopter d'autres: autrement dit, ils entrent dans la servitude."

Il me semble que si Spinoza pourrait faire un petit tour dans le monde occidental actuel, il ne pourrait que constater qu'après un demi-siècle de paix, le goût pour le luxe a effectivement de plus en plus remplacé celui pour la vertu. Dans ce sens, Ségolène Royal me donne l'impression d'avoir un projet politique qui vise à donner à un maximum de gens la possibilité de 'accroître leur fortune', c'est-à-dire qui vise à élarger la base de cette société de luxe. C'est donc pourquoi je suis d'accord avec zarathoustra quand il signale que voter pour le status quo, dans ces circonstances, et également très risqué.

Que faire dans ce cas, selon Spinoza?

"Pour éviter ces maux, beaucoup se sont efforcés d'instituer des lois somptuaires, mais en vain. Car toutes les règles de droit que l'on peut violer sans léser autrui sont objet de dérision, et sont si loin de refréner les désirs et les appétits sensuels qu'au contraire elles les excitent: toujours en effet nous penchons vers l'interdit et désirons ce qu'on nous refuse. (...) Je conclus donc, à propos de ces vices communs du temps de la paix, (...) qu'il ne faut jamais les interdire directement; il faut le faire indirectement, c'est-à-dire en établissant les fondements de l'Etat de telle sorte que la plupart des hommes, s'ils ne s'appliquent sans doute pas à vivre sagement (cela en effet est impossible), soient cependant conduits par les affects les plus utiles à la République. "

Pour ceux qui aujourd'hui n'ont pas trop accès aux biens matériels de notre société, leur faciliter cet accès ne peut que renforcer, dans un premier temps, la paix sociale, à mon sens. C'est pourquoi j'ai l'impression qu'à court terme, ce que propose Royal pourrait tout de même aider à mieux stabiliser une partie de la société. Mais l'intérêt de la théorie politique de Spinoza me semble notamment résider dans le fait qu'immédiatement il nous fait réfléchir au fait que cela en tant que tel ne peut que produire une société d'esclaves, et donc ne peut que résulter en un Etat tout à fait instable.
Seulement, comme Spinoza n'a pa pu achever le TP, nous ne savons pas très bien ce qu'il proposerait comme 'affects utiles' et comme moyens pour y arriver. C'est donc à nous de les inventer, et cela, justement, prend du temps. Comme il est impossible de bien travailler, en tant qu'intellectuels, dans des moments de chaos politique (à part le fait qu'une révolte signifie de toute façon beaucoup de souffrance), il me semble qu'avec Royal, nous avons une chance d'avoir un peu plus de temps pour créer un nouveau projet de société, capable de transformer le goût de luxe en goût de la vertu, et cela tout simplement parce qu'elle ne suscite pas autant de passions d'une part, et ne vise pas à règner par la crainte d'autre part. En aidant les plus défavorisés à avoir accès à la société de luxe, elle pourra peut-être réussir à les calmer encore quelques années/décennies. Entre-temps, ceux qui s'y intéressent pourront essayer de développer une alternative politique, permettant de remédier au nihilisme.

Voici donc ce que je pensais en lisant vos messages à ce sujet. Comme je dois partir d'urgence, j'envoie ce message tel quel, donc désolée déjà pour les fautes et idées confuses ... !
louisa

Avatar du membre
Henrique
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1184
Enregistré le : 06 juin 2002, 00:00
Localisation : France
Contact :

Messagepar Henrique » 29 avr. 2007, 03:42

Bonjour louisa,
Non, c'était très clair dès le premier jet manifestement. 8-) Ton opposition entre néoconservatisme hégélien et ce que pourrait être un progressisme (?) spinoziste me semble très éclairante.

Il est vrai que je me suis surtout concentré dans ma critique sur le style - plus que sur la personnalité - de l'un et de l'autre, car cela en dit long non seulement sur leur façon de gouverner mais aussi sur les lois qu'ils feront passer (n'oublions pas que nous sommes en 5ème république où le président a ce pouvoir). Nul doute qu'une personne qui fait l'éloge d'une autorité fondée sur la seule adhésion, pour ne pas dire séduction, d'une partie de la société au détriment d'une autre fera passer de gré ou de force des lois qui iront dans ce sens. Et que celle qui entend recourir à la négociation et au dialogue social (cf. notamment la démocratie participative, balbutiante certes mais comme tout ce qui est novateur), ne pourra pas selon cette méthode faire passer des lois qui ne rencontreraient pas le consentement (pas forcément l'adhésion) de tous, ou du moins beaucoup plus difficilement.

J'ai parlé cependant au passage de certains projets de loi sarkozystes clairement en faveur des plus riches (suppression des droits de succession, on pourrait ajouter création d'un bouclier fiscal). Ces mesures néolibérales de défiscalisation signifient bien évidemment moins de services publics : difficultés accrues d'accès aux soins médicaux pour les plus modestes, Postes, gendarmeries ou commissariats supprimées, classes plus surchargées : autant de raisons de pousser le public qui le peut à se détourner des services publics pour aller vers des solutions privées, ce qui au final donne une partie du pays qui a les moyens d'accéder à des services de base (santé, éducation...) de qualité tandis que l'autre partie doit au mieux se contenter de services défectueux. Ce n'est pas précisément ce qui s'appelle créer du lien social, de la solidarité.

J'ai parlé aussi de la volonté sarkozienne de revenir sur la loi de 1905, en vue de permettre à l'Etat de financer des lieux de culte : dans un pays qui n'a pas du tout cette culture, il y aura alors nécessairement des dissensions entre les différentes religions qui se disputeront les deniers de l'Etat, certaines non encore reconnues voudront leur part et d'autre part, à moins d'offrir aux athées et agnostiques militants des lieux de réunion, cela créera aussi des conflits sociaux et des discordes de ce côté là.

Enfin, pour ne prendre qu'une des mesures les plus connues, il veut faciliter encore les heures supplémentaires et les défiscaliser (ce qui signifie très précisément ici un moindre financement de la sécurité sociale), cf. le slogan "travailler plus pour gagner plus", ce qui va plus que jamais accroître l'opposition entre ceux qui ont déjà un travail et ceux qui n'en ont pas ou qui n'ont que des temps partiels : il faut croire au père Noël pour imaginer que cela ne va pas accroître le nombre des chômeurs à la moindre période de crise économique, les employeurs ayant possibilité d'embaucher moins en faisant travailler plus. Cela produira logiquement toujours plus d'opposition entre les "assistés", Rmistes, chômeurs ou travailleurs précaires et "la France qui se lève tôt"...

Sur Royal, tu as l'air de dire qu'elle veut que les classes moins favorisées puissent plus facilement accéder au "luxe" : tu crois vraiment qu'augmenter une smicarde, mère de famille, de 100 euros, c'est du luxe ?
Je crois que pour pouvoir développer des affects actifs plutôt que passifs, rares sont les hommes qui y parviennent dans l'adversité et la nécessité de craindre en permanence pour ses lendemains. Posséder les moyens matériels de vivre dignement ne suffit pas à développer des affects actifs, loin de là, mais c'en est la condition sine qua non le plus souvent. N'est pas Spinoza qui veut.

Après je suis bien d'accord pour dire que la pensée progressiste s'est beaucoup essouflée ces dernières années, cédant le pas de la recherche de nouvelles formulations et adaptations au monde contemporain à la pensée néo-conservatrice. Le 21 avril 2002 en France n'a pas arrangé les choses dans ce domaine, avec une gauche tétanisée mais persuadée qu'elle pourrait désormais compter à plein sur le vote utile et que le bilan antisocial de la droite suffirait à la faire revenir aux affaires. Si nous échappons ce coup ci à Sarkozy, nul doute qu'il faudra se ressaisir parce qu'il n'est pas prêt de baisser les armes.

Henrique

Enegoid
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 452
Enregistré le : 10 févr. 2007, 00:00

Messagepar Enegoid » 29 avr. 2007, 14:32

Réponse à Pej sans lire les autres textes. Thème à cheval sur les deux fils en cours

Inné acquis :
1. En matière de comportements sexuels, je ne vois pas comment on peut se passer de résoudre un trivial problème de reconnaissances de formes. Comment peut-il se faire (je parle des appétits les plus courants) que les corps d’un sexe soient attirés par l’autre sans la capacité d’associer à des formes visuelles, c’est-à-dire à des caractéristiques formelles des corps de l’autre sexe, des affects de désir. Ces caractéristiques formelles doivent bien être stockées quelque part pour que l’on puisse les reconnaître. Remplacez çà par des questions de phéronomes si vous voulez, le probléme est le même.
2. Je suis un peu surpris que des personnes intéressées, et probablement plus, par la pensée de Spinoza, philosophe du parallélisme qui a dit « Ni le corps ne peut déterminer l’âme à penser, ni l’âme le corps au mouvement ou au repos … » E2,2 tranchent aussi facilement de la question de l’inné et de l’acquis. Dira-t-on que la science moderne a démontré l’erreur de notre philosophe ?

Inégalités
Citation
« Par conséquent, il faut assumer, quand on vote pour Nicolas Sarkozy, la défense d'une société inégalitaire et non solidaire. Nous sommes alors dans un débat sur les valeurs, et là s'arrête l'exercice de la simple raison «

Vous employez les grands mots qui agissent comme la muleta sur le taureau des sentiments !
Je vous répondrai dans le même registre que l’enfer est pavé de bonnes intentions et qu’il ne suffit pas de vouloir une société solidaire pour la réaliser. L’expérience des divers communismes devrait à cet égard nous faire réfléchir.

Plus sérieusement, vous avez raison : en votant à droite on ne donne pas la même place à la solidarité dans ses préférences. On considère qu’il y a, certes, la solidarité nécessaire et aussi le souci de la prospérité, et aussi celui de l’indépendance de notre pays, et aussi la nécessité d’un système de lois respecté et aussi la nécessité d’une bonne administration de la justice, et aussi de la reconnaissance du travail etc.. Il s’agit d’une question de proportion et non de tout ou rien. Mais je dirais plutôt qu’on, se satisfait d’un système inégalitaire pour trois raisons :
1. On ne se considère pas soi-même comme particulièrement victime des inégalités.
2. On ne voit pas les solutions réalistes qui permettraient de les réduire sans mettre en défaut d’autres valeurs jugées aussi nécessaires.
3. On estime que les inégalités des gains sont légitimées par les inégalités des fonctions sociales remplies.

Je n’ai pas encore décidé de mon vote, mais, de toutes façon je n’accorde pas beaucoup d’importance aux motivations personnelles de nos dirigeants.

Avatar du membre
bardamu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1024
Enregistré le : 22 sept. 2002, 00:00

Messagepar bardamu » 29 avr. 2007, 18:21

Enegoid a écrit :Réponse à Pej sans lire les autres textes. Thème à cheval sur les deux fils en cours

Inné acquis :
1. En matière de comportements sexuels, je ne vois pas comment on peut se passer de résoudre un trivial problème de reconnaissances de formes. Comment peut-il se faire (je parle des appétits les plus courants) que les corps d’un sexe soient attirés par l’autre sans la capacité d’associer à des formes visuelles, c’est-à-dire à des caractéristiques formelles des corps de l’autre sexe, des affects de désir. Ces caractéristiques formelles doivent bien être stockées quelque part pour que l’on puisse les reconnaître. Remplacez çà par des questions de phéronomes si vous voulez, le probléme est le même.
2. Je suis un peu surpris que des personnes intéressées, et probablement plus, par la pensée de Spinoza, philosophe du parallélisme qui a dit « Ni le corps ne peut déterminer l’âme à penser, ni l’âme le corps au mouvement ou au repos … » E2,2 tranchent aussi facilement de la question de l’inné et de l’acquis. Dira-t-on que la science moderne a démontré l’erreur de notre philosophe ?

Bonjour,
on ne peut pas trancher facilement par rapport au règne animal dont une grande partie est fortement programmée dans ses comportements sexuels (ex. : lignées de mouches devenant "homosexuelles" lorsque la température augmente), mais le mode de maturation du cerveau humain est tel que l'environnement y devient essentiel sans parler de sa capacité d'"auto-programmation".

Mais au niveau politique, des lobbies homosexuels ont défendu l'idée d'une causalité génétique pour pouvoir dire "vous voyez, on est comme ça, c'est tout, pas la peine d'essayer de nous changer". A choisir entre des programmes à la soviétique pour les ré-éduquer et un "biologisme", ils ont opté pour ce dernier, en espérant qu'on ne vienne pas leur proposer quelque substance chimique pour les "soigner".
Mais bon, quand on connaît un peu de biologie, on se demande bien comment un comportement complexe pourrait être corrélé sérieusement à des gènes. Cela fait quelques millions d'années que notre lignée animale ne déclenche pas ses comportements sexuels avec une phéromone qui passe par là.
Il y a forcément un correspondant physique à un comportement mais chez l'homme ce correspondant se construit dans une ouverture à l'environnement. C'est d'ailleurs pour ça que je suis réservé lorsque des neurobiologistes tendent à identifier esprit et cerveau, le cerveau n'étant qu'un lieu de synthèse pour des idées qui se construisent dans le rapport à d'autres corps et idées. L'image de l'enfant comme objet de désir est dans le cerveau du pédophile, mais cette image implique des idées venues du corps social. Si la chaine causale peut être interrompue au niveau du cerveau (détruire l'engramme dans le cerveau du pédophile), elle n'est pas pour autant limitée à lui.

De ce que je lis de la littérature scientifique, l'état d'esprit de réductionnisme biologique est assez fort aux Etats-Unis alors qu'en Europe on a parfois des réductionnismes psycho-culturalistes.
La position de Sarkozy est sans doute effectivement inspirée par des conceptions américaines et tout cela va de plus en plus poser des problèmes de bio-éthique. Des chercheurs ont par exemple effacé un "traumatisme" chez des rats (conditionnement à la peur d'un son) par injection d'une substance chimique (j'ai oublié le nom...) au moment d'un rappel de ce "traumatisme". Ils considèrent que c'est une première piste pour le traitement de syndromes post-traumatique. Le psycho-chimique risque d'être de plus en plus présent dans le siècle à venir, et il ne faudra pas s'étonner qu'on nous propose un jour d'effacer une peur avec une petite pilule...
D'ailleurs, ça me rappelle un bouquin de Philip K. Dick où on a les aventures du dernier psychanalyste face à l'industrie pharmaceutique.

Ceci étant, mon sentiment est que les différences entre mentalité de droite et de gauche portent moins sur le déterminisme naturel que sur les conditions de ce déterminisme. Spinoza n'est pas loin d'un "providentialisme" lorsqu'il dit que certains vases sont fait pour l'honneur et d'autres non. Mais autant l'esprit "sarkozyste" va affirmer une sorte de liberté inconditionnelle de l'individu et se focaliser sur leur contrôle, autant un esprit "de gauche" va ouvrir l'individu à son environnement, notamment social, et se poser la question des chaines causales complètes. L'esprit "de droite" cloture les choses, l'identité nationale, l'individu, le destin socio-économique, l'esprit "de gauche" les ouvre, s'attache à forger un contexte de développement où chacun peut sortir de lui-même pour aller plus loin.

Dans son abécédaire, Deleuze définit l'esprit de gauche comme celui qui commence par l'horizon. A contrario, celui de droite commencerait par son nombril...
Spinoza commence par l'horizon infini, Dieu c'est-à-dire la Nature. Et pour moi, dans sa pensée, la liberté ne s'obtient pas par le conflit des forces où être libre signifierait dominer, mais par l'infinité de choses infiniment modifiée, infinité des chemins ouverts à chacun où être libre signifie s'affranchir de l'esprit de conflit (combat des images, des influences) pour devenir soi-même. On définit son propre chemin plutôt qu'on ne se bat pour gagner ceci ou cela, plutôt qu'on essaie de pousser l'autre du chemin qui aurait été prescrit comme "bon pour tous" (argent, travail, famille, patrie, TF1 ou encore pauvreté, loisir, révolution mondiale, ARTE etc.)

Avatar du membre
sescho
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1127
Enregistré le : 30 mai 2002, 00:00
Localisation : Région Centre
Contact :

Messagepar sescho » 29 avr. 2007, 19:26

Je comprends qu'on puisse être déconcerté par son style "free lance" qui l'a conduite parfois à paraître improvisée, mais je ne vois inversement pas bien en quoi S. Royal peut être taxée de préparer une sorte d'immobilisme tiède (surtout entourée par exemple de Montebourg, Dray, Vals, Chevènement.) Elle a à mon avis largement "cassé la baraque" autant que F. Bayrou et autant que possible (cf. par exemple l'article de J. Julliard dans le N.O. disant que le programme socialiste antérieur était marqué de dégénérescence congénitale - nous y revenons... - et ne valait pas plus de 16-17% des votants.) Sixième République, aménagement du territoire, éducation repensée, productivité du service public mise à l'examen, encadrement des jeunes en voie de délinquance, remise à plat des régimes de retraite, etc., etc.

Bon, je ne suis pas là pour faire l'article, et j'ai bien quelques réticences (par exemple, je n'accepte pas - mais alors vraiment vraiment pas ; mais il ne s'agit pas de S. Royal elle-même - d'entendre que des individus qui agressent gratuitement les autres, sans qu'aucune marque d'irrespect réelle ne leur ait été adressée, ne sont que de pauvres victimes qui ne font qu'exprimer leur légitime mécontentement. Au moins que, quand on en vient à excuser cela, on excuse tout, N. Sarkozy en particulier.)

Spinoza, me semble-t-il, considère comme Socrate qu'obéir aux lois que le peuple s'est données en choisissant ses représentants est une règle de base imprescriptible de la société saine. La soi-disant "désobéissance civique", moi j'appelle cela de l'esprit anti-démocratique caractérisé. Force doit rester à la Loi.

Maintenant, d'une part, les forces de l'ordre seules telles que taillées actuellement ne peuvent forcer l'ordre si une grande partie de la population s'y oppose (c'est avant tout l'esprit civique des citoyens qui fait l'ordre), ce qui suppose donc une certaine souplesse pragmatique dans la recherche des solutions ; d'autre part, rien n'est inversement plus contre-productif que les rodomontades. J. Julliard, toujours, a dit en substance qu'il n'avait jamais reproché à N. Sarkozy d'avoir employé le mot "racaille", mais qu'il lui reprochait d'avoir laissé cette racaille (terme qui ne s'adresse nullement à l'ensemble des jeunes des cités on l'aura compris) poursuivre ses méfaits. Je suis parfaitement en accord avec cette appréciation. Ces rodomontades à l'origine du caractère "pyromane-pompier" de N. Sarkozy qu'a souligné Henrique font s'interroger sur sa maturité, sa compétence générale et son côté "révolutionnaire" au-delà des décibels et des mouvements de manche. Je pense qu'après les extrêmes, il est plutôt en tête dans le style rétro, en l'occurrence le style Tatcher / Reagan.

Amicalement
Connais-toi toi-même.

Enegoid
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 452
Enregistré le : 10 févr. 2007, 00:00

Messagepar Enegoid » 29 avr. 2007, 19:33

A Bardamu
mais le mode de maturation du cerveau humain est tel que l'environnement y devient essentiel sans parler de sa capacité d'auto-programmation


Le mot "essentiel" est important puisqu'il parle de l'essence. N'étant pas philosophe j'ai toujours un peu de mal avec ce mot ! Vous parlez de l'essence d'un processus et non de l'essence du cerveau, il me semble.
Si vous dites que notre mode de réponse à l'environnement n'est pas fixe, ni "cablé", c'est à dire que notre mode de réponse peut évoluer, je suis d'accord. Mais ce mode de réponse évolue suivant des lois d'évolution du corps et de l'esprit (les lois physico chimiques des corps et les lois d'évolution des idées qui leur sont associées).


Cela fait quelques millions d'années que notre lignée animale ne déclenche pas ses comportements sexuels avec une phéromone qui passe par là.


...mais cela fait quelques millions d'années que le comportement sexuel du mâle humain peut être déclenché par la vision d'une belle poitrine, d'un regard aimanté, ou de tout autre "objet sexuel partiel" !

Avatar du membre
bardamu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1024
Enregistré le : 22 sept. 2002, 00:00

Messagepar bardamu » 29 avr. 2007, 20:24

Enegoid a écrit :Le mot "essentiel" est important puisqu'il parle de l'essence. N'étant pas philosophe j'ai toujours un peu de mal avec ce mot ! Vous parlez de l'essence d'un processus et non de l'essence du cerveau, il me semble.
Si vous dites que notre mode de réponse à l'environnement n'est pas fixe, ni "cablé", c'est à dire que notre mode de réponse peut évoluer, je suis d'accord. Mais ce mode de réponse évolue suivant des lois d'évolution du corps et de l'esprit (les lois physico chimiques des corps et les lois d'évolution des idées qui leur sont associées).

...mais cela fait quelques millions d'années que le comportement sexuel du mâle humain peut être déclenché par la vision d'une belle poitrine, d'un regard aimanté, ou de tout autre "objet sexuel partiel" !

Bonjour,
comme disent les biologistes, le cerveau humain est programmé pour apprendre.
Le cerveau d'un reptile est quasiment "cablé" à la naissance, il sort de l'oeuf et peut adopter tous les comportements nécessaires à sa vie et à sa reproduction.
La maturation du cerveau humain prend une vingtaine d'année. Il n'est absolument pas certain que Tarzan, un humain "élevé" par des singes, réagisse à la vue de Jane. Des enfants ayant vécu dans ces conditions ont été incapable de marcher ou de parler correctement, et leur comportement n'était pas vraiment humain.
Si l'émergence du désir sexuel est sans doute conditionné par un développement organique (maturation des zones érogènes à l'adolescence), l'objet de ce désir ne l'est certainement pas comme le montre la variété d'objets de désir dont sont susceptibles les humains (peluches, talons aiguilles, masochisme, zoophilie etc.).
Tout cela se fait dans des interactions entre les centres de plaisir, les stimulations objectives dans des rapports physiques, les imitations et projections induites par le psycho-social.

La part du culturel peut aller loin.
Extrait de http://s147374458.onlinehome.fr/epszone ... cle&sid=38 :
Victor, l’enfant loup de l’Aveyron, quand il est recueilli, ne manifeste ainsi aucune sensation de brûlure, ni de froid : il mange des pommes de terre brûlantes, reste des heures sous la pluie sans exprimer le moindre inconfort. On lui loge du tabac dans la narine sans que cela le fasse éternuer. C’est au fil des années, au contact avec ceux qui ont entrepris de le « civiliser » qu’il va acquérir le sens de la douleur et des variations de température. Corrélativement à cet apprentissage des sensations, il va, également, tomber malade. Il ne s’agit nullement ici de remettre en cause les explications biochimiques des sensations, mais de montrer que celles-ci passent également par un décodage culturel, variable selon les pays : Edward T Hall développe ainsi plusieurs exemples montrant la variabilité de la sensibilité au bruit, aux odeurs, selon la nationalité (Hall, 1971). Le corps, comme une langue, est soumis aux grilles culturelles de chaque pays et de chaque groupe social, selon « un code, secret et compliqué, écrit nulle part, connu de personne, entendu par tous » (Sapir, 1967)

Avatar du membre
Henrique
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1184
Enregistré le : 06 juin 2002, 00:00
Localisation : France
Contact :

Messagepar Henrique » 29 avr. 2007, 20:41

sescho a écrit :Spinoza, me semble-t-il, considère comme Socrate qu'obéir aux lois que le peuple s'est données en choisissant ses représentants est une règle de base imprescriptible de la société saine. La soi-disant "désobéissance civique", moi j'appelle cela de l'esprit anti-démocratique caractérisé. Force doit rester à la Loi.



J'apporterai une nuance. Spinoza est assez légaliste, notamment dans le TTP. Mais en même temps, et en particulier dans le TP, si une loi est absurde, le souverain - qu'il soit monarchique ou démocratique - ne peut la faire accepter qu'à condition d'accepter sa critique rationnelle, et par là même son caractère précaire dans le temps. Si au contraire il refuse toute critique, il s'expose à la désobéissance, du fait que son autorité ne peut plus, par son caractère irrationnel, s'exercer et qu'ainsi la soumission à ses commandements comme la soumission au plus fort à l'état de nature reviennent au même :

Ce qu'est le meilleur régime pour tout Etat, on le connaît facilement en considérant la fin de la société civile : cette fin n'est rien d'autre que la paix et la sécurité de la vie. Par suite, le meilleur Etat est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, et dont le Droit n'est jamais transgressé. En effet, il est certain que les séditions, les guerres et le mépris ou la transgression des lois doivent être imputées non tant à la malignité des sujets qu'au mauvais régime de l'Etat. Les hommes, en effet, ne naissent pas aptes à la vie en société, ils le deviennent. En outre, les passions naturelles des hommes sont partout les mêmes ; si donc, dans un corps politique, la malignité humaine assure mieux son règne que dans un autre, et si on y commet plus de péchés, cela vient certainement de ce qu'un tel corps politique n'a pas assez pourvu à la concorde, n'a pas établi son Droit avec assez de sagesse et, en conséquence, n'a pas acquis le droit absolu qui est celui d'un corps politique. Car une société civile qui n'a pas éliminé les causes de sédition, où il faut toujours redouter une guerre, et où enfin les lois sont presque toujours violées, ne diffère pas beaucoup de l'état naturel, où chacun vit selon ses inclinations, mais avec un grand péril pour sa vie.

SPINOZA, Traité Politique, Chapitre 5, § 2.


Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 29 avr. 2007, 21:40

Je tiens à rappeler ceci : j'ai écrit que Sarkozy tenait en l'exemple cité un discours nazi. Je n'ai pas dit qu'il était nazi, ni même fasciste ou raciste. Je ne diabolisais pas là la personne qui du reste importe peu. J'analysais seulement un de ses énoncés. Aussi ne peut-on m'objecter que je diabolise et fait des racourcis. Les racourcis se situent bien plutôt dans le mental de ceux qui confondent une personne et un énoncé... précisément parce qu'ils aspirent à se soumettre à une personne et non à un énoncé rationnel.

Le désert croit. Malheur à qui recèle le désert.
Malheur à qui perd la mémoire.
Malheur à qui bande devant une colonne.
Français, encore un effort et vous serez monarchistes.

Avatar du membre
DGsu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 218
Enregistré le : 14 janv. 2004, 00:00
Localisation : Ici
Contact :

Négation de la pensée

Messagepar DGsu » 29 avr. 2007, 22:01

Merci miam d'avoir soulevé cette question.
L'étonnement n'est pas une vertu spinoziste, mais elle apparaît forcément en ces temps ou l'esprit des gens semble si troublé.

Quelques brèves réflexions ci-après et quelques propositions de lecture, en avouant que je n'ai pas lu tout ce qui précède.

Les français ont manifestement besoin d'un père car ils semblent incapables de s'investir activement dans la politique. Ils préfèrent alors confier cela à quelqu'un qui s'en occupera pour eux. Celui-ci, grand ambitieux et petit nerveux s'active surtout à la dissoudre dans la non-pensée et va se charger après de nombreux discours vides, de ramener l'ordre, de remettre le peuple au travail et la patrie au premier plan. Beau programme. Cela ne vous rappelle rien ? Vraiment ? Voilà un individu qui se voit déjà en grand homme d'état, auto-proclamé révolutionnaire alors que nous avons besoin de révolution permanente et individuelle. Une graine de tyran qui pave la route d'un monde nouveau, d'un ordre nouveau. Ce ne sera pas la première fois que la masse des gens est subjuguée par de belles phrases. Car jusqu'ici, nous n'avons eu que des phrases, et quelles phrases! Je pense qu'il n'est pas bien difficile de lire entre les lignes…

Une belle analyse de quelques unes de ces phrases dans [url=http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2215/articles/a340161-«_Nous_sommes_tous_des_pédophiles_allemands_».html]cet article[/url] de Patrick Declerck.

Ainsi à propos de la montée du nazisme et du choix de la solution finale :
« mieux vaut admettre qu’il y a là une part de mystère irréductible plutôt que de rechercher des causes rationnelles. »

Sans commentaire.

Après avoir dit que la pédophilie ce n'était pas normal (on se demande ce que cela signifie et dans quel contexte…) et pour preuve:
« Ca ne m'a jamais traversé l'esprit. »

Ne s'agissait-il pas plutôt dans notre société de condamner un passage à l'acte considéré comme criminel ? Alors que penser d'un homme qui considère alors que la pensée elle-même est fautive et doit dès lors être contrôlée ? Jusqu'où va le refus du désir ou de la pulsion ? Jusqu'où peut-on lisser la société et en exclure tout ce qui sera considéré comme déviant pour avoir simplement esquissé un geste, fait un signe par exemple ? Que penser de quelqu'un qui propose de débusquer ces déviants à l'école maternelle et un peu plus tard à l'aide de la génétique ? Lisez pour cela 1984 de George Orwell, c'est très bien expliqué et visionnaire.

Que penser de quelqu'un qui cite Jaurès (sans l'avoir lu manifestement) mais utilise la peur comme moteur de son action politique ? Lisez ce texte de Jaurès.

Il y a tout lieu d'être inquiet: lisez Spinoza pour retrouver le chemin de la pensée.

Bonne soirée. :D
"Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes." Rosa Luxemburg


Retourner vers « Actualités »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 39 invités