Comprendre le sarkozysme

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Korto
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Messagepar Korto » 10 oct. 2007, 08:35

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Pej
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Messagepar Pej » 10 oct. 2007, 10:25

KORTO a écrit :Plus de chef de famille, plus de famille. Plus de chef de la gauche, plus de gauche. Plus de chef d'établissement, plus d'enseignement.


Je ne vois pas ce qui permet d'affirmer de telles choses. Heureusement que la famille ne se résume pas au chef de famille, ou le fonctionnement d'un établissement d'enseignement à son chef d'établissement...

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Messagepar Korto » 10 oct. 2007, 11:16

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Henrique
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Messagepar Henrique » 10 oct. 2007, 17:01

Sur la personnalité de Sarkozy d'abord : elle peut nous intéresser dans la mesure où l'homme politique en fait une partie de sa publicité, à titre donc d'acte et de mise en scène politique. Et si on sait s'en tenir à cela, on évitera les spéculations hors de propos pour juger de l'homme politique, spéculations du type "mais c'est un type qui au fond de lui est un grand malade" ou encore "dans son coeur Nicolas ne peut pas être un raciste"...

Cela n'empêche pas cependant de juger, voire de conjecturer au sujet de ce que peut cacher cette action politique, en bien ou en mal : ses intentions, motivations, plans etc. mais conjecturer, induire à partir de ses actes - volontaires ou non. Après ce n'est qu'une affaire de raisonnement, de ce qui tient le mieux la route et alors ou bien on accepte ici le débat argumenté ou bien on va là où il n'y a pas de contradicteurs pour pouvoir se contenter d'affirmations gratuites. Enfin, tout cela n'empêche nullement de dire son sentiment sur les motivations profondes de tel ou tel homme politique mais cela n'a pas valeur d'argument en tant que tel.

Sur la notion de chef, il me semble bien que Korto a fait un usage habile du premier stratagème de l'Art d'avoir toujours raison : élargir la thèse de l'adversaire pour lui porter plus facilement des coups. Pej a d'abord dit qu'un certain nombre de comportements connus de Sarkozy pourraient clairement être subsumés sous la figure du chef totalitaire décrit par Arendt. N'ayant rien à répondre à une telle subsomption, Korto ne répond ni sur le comportement de Sarkozy, ni sur l'analyse d'Arendt mais sur le fait que sans chef, c'est la chienlit de mai 68. Pej a beau rappeler la distinction rousseauiste entre chef et maître, Korto revient de plus belle : "Plus de chef de famille, plus de famille. Plus de chef de la gauche, plus de gauche. Plus de chef d'établissement, plus d'enseignement." et donc sans chef de l'Etat, plus de droits politiques etc. Et cette fois Pej se laisse prendre au jeu en suivant Korto sur le terrain où il a voulu l'entraîner : une famille, un établissement peuvent exister sans chef...

Reprenons cependant la distinction de Rousseau. Un chef est un homme en osmose avec le peuple qu'il perçoit comme une partie du corps politique dont il n'est qu'une partie, il a conscience de ne pouvoir exister que par et pour l'ensemble de ce corps, il est la tête qui se charge de prendre les meilleures décisions pour la sauvegarde de l'ensemble du corps, il ne peut alors prendre de décision dont il saurait qu'elles vont clairement contre l'intérêt de son propre corps. Un maître se perçoit comme un corps différent du corps de ses serviteurs : ils sont là pour servir ses intérêts propres, il n'y a pas de corps politique commun et donc le maître n'a aucune idée adéquate de ce que pourrait être un intérêt général véritable. Seulement, et c'est là qu'il peut y avoir facilement confusion, le maître n'a pas intérêt à ce que ses serviteurs souffrent trop ou meurent, sans quoi il ne serait plus servi, il veille donc dans une certaine mesure à la sauvegarde de ses serviteurs, mais seulement comme on s'efforce d'entretenir sa voiture tant qu'elle nous est utile. Mais le maître pourra prétendre à partir de là viser l'intérêt général en oeuvrant à la conservation de la hiérarchie du dominant et des dominés, puisque chacun pourrait y trouver un certain intérêt : le maître pour les services qu'il reçoit, les serviteurs pour la protection relative qu'il leur apporte.

Dans le cas du chef totalitaire d'Arendt, il y a en fait une telle identification du chef à son corps politique qu'il n'y a plus aucun espace d'expression et de liberté pour les autres organes : les bras et les jambes ne s'agitent que parce que la tête le veut, les poumons ne se remplissent d'air que parce que le chef l'a décidé, le coeur ne bat que parce que le chef l'a ordonné... C'est un fantasme de toute puissance sur soi qui vient en fait d'une ignorance du fonctionnement naturel de tout corps, qu'il soit physique ou social et qui finit toujours par donner lieu à des catastrophes. Et cet excès d'identification aux autres parties du corps en vient finalement, comme dans le cas du maître, à faire de ces autres parties de simples moyens au service de la tête et son fantasme de toute-puissance. C'est en cela qu'il y a totalitarisme : une partie se prend pour le tout.

Dans une compréhension raisonnée du corps, la tête sait que les bras et les jambes ne s'agitent correctement que s'ils ont été bien nourris, exercés et si la tête les a laissé se reposer voire s'exprimer d'eux-mêmes (par la danse par exemple). La tête sait ainsi que chaque organe doit conserver une certaine autonomie et responsabilité par rapport à l'ensemble - c'est ce qui fait qu'un bras n'existe pas que comme moyen au service du reste du corps vivant, mais qu'il faut le ménager comme un être vivant. Le "bon chef" est celui qui ne se perçoit que comme une partie du tout sans lequel il ne peut ni être, ni agir et sans qui le tout ne peut ni être, ni agir assez intelligemment pour préserver et/ou augmenter la puissance de sa complexion propre.

Dans le cas de Sarkozy, nous avons affaire à une situation historique globale de l'humanité, et du pays qui en fait partie, dont la puissance fait que même si Royal avait été élue, il n'y aurait guère eu de différences, et dont la complexité fait qu'on ne peut ni parler de chef au sens républicain rousseauiste, ni de maître pré ou contre révolutionnaire, ni de chef totalitaire.

Voici une esquisse d'analyse cependant : la démocratie de l'image conduit à une telle atomisation des membres de la société qu'il n'y a plus de perception d'icelle comme d'un corps global, que ce soit de la part des gouvernés ou de la part des gouvernants. En même temps, cette atomisation conduit les individus à chercher l'entre-soi, à s'assembler avec ceux qui leur ressemblent plutôt qu'à former avec tous les autres membres de la société un corps intégrant chaque différences en un tout organique. C'est ce qu'on appelle le communautarisme. Ainsi se comprend entre autres la volonté de supprimer la carte scolaire qui forçait encore un tant soit peu à un peu de mixité sociale.

Les communautés ainsi formées sur la base de différences érigées en essences identitaires sont d'autant plus fortes qu'elles dépassent désormais beaucoup plus facilement les limites nationales, par Internet entre autres. Des corps sociaux de type nouveau en viennent à se former, sous la pression des autres corps/communautés environnants, qui en tant que corps perçus comme altérités ne peuvent être justifiés dans leur existence que comme moyens au service de la communauté ainsi formée.

Ces communautés se forment sur des critères vécus comme principes d'identité : il n'y a pas ainsi , par exemple, de communauté "francophone" et encore moins "anglophone" dans le monde. Le caractère linguistique commun n'est pas ou plus vécu par ceux qu'il concerne comme essentiel, en raison même de la mondialisation des communautés. Est vécu, dans une société généralisée du spectacle comme essentiel ce qui me singularise par rapport à mon environnement, non ce qui me rapproche de la majorité mais ce qui m'en éloigne. Ainsi l'appartenance à une minorité quelconque devient en soi un critère identitaire : faire partie de telle mouvance religieuse, être homosexuel, faire partie des gens qui font de la télé, avoir telle couleur de peau, posséder un capital permettant de décider du sort d'autres personnes...

Chaque communauté, se considère comme un corps au service duquel les autres corps doivent exister, mais toutes n'en ont pas les moyens dans une société où le capital reste la force de domination principale. Seulement il n'y a plus de classe ouvrière, constituée en tant que telle par et pour la classe bourgeoise, l'ancienne classe prolétaire ayant éclaté en de multiples communautés qui se modèlent mutuellement, ce qui donne lieu à un ensemble social beaucoup plus complexe. Dans ce cadre, ce qu'on appelle encore la classe supérieure mais qui se vit en fait comme une communauté, est le maître, au sens défini ci-dessus, tout en faisant tout ce qu'il faut pour que sa domination sur les autres communautés soit vécue par les serviteurs comme servant l'intérêt de tous. Pour cela, la communauté des gens qui font de la télé, comme autrefois le clergé, se met volontairement au service de la communauté dominante, afin de se garantir une vie confortable, à titre de moyens essentiels pour asseoir cette domination, dans une société où les autres communautés et membres de ces communautés ne sont que des moyens indéfiniment remplaçables. Mais, innovation majeure de la société du spectacle, ces autres communautés sont tellement occupées à se regarder le nombril, par exemple dans des émissions dites de télé-réalité, qu'elles ne s'élèvent même plus à la conscience globale des rapports sociaux, conscience qui leur permettrait de voir qu'elles sont réduites à l'état de simples instruments au service d'une communauté dominante. Et alors, si les ouvriers d'une usine ou employés d'une entreprise sont jetés en masse parce qu'il y a plus de bénéfice à faire ailleurs, cela ne concerne même plus profondément les autres ouvriers d'autres usines ou employés d'autres entreprises.

Quant à la communauté des gens qui font de la politique "de gouvernement", elle est à peu près au même rang que celle de ceux qui font de la télé, c'est devenu une servante volontaire, s'étant notamment défaite depuis le milieu des années 80 de quasiment tous les instruments budgétaires, légaux, politiques qui lui permettaient de s'élever au dessus des forces du capital et de celles du travail pour arbitrer et servir de chef pour l'ensemble du corps social ; tout cela bien sûr au nom de la libération des forces vives de la société, c'est-à-dire des détenteurs de capital. Aujourd'hui, les politiques aux responsabilités n'ont plus de fonction d'arbitrage, ils sont là seulement pour jouer la comédie de l'autorité afin de permettre à la communauté possédante d'exercer son autorité réelle et rassurer les autres communautés contre toutes les autres.

Donc, Sarkozy, comme Royal l'aurait été en acceptant comme lui les règles du jeu "démocratique" actuel, c'est-à-dire néo-libéral, n'est ni un chef ni un maître, c'est un contremaître qui sera d'autant plus apprécié de part et d'autre qu'il donne une image d'ordre. Un leurre sur lequel peuvent se concentrer les récriminations en cas de besoin. La démocratie aujourd'hui, ici comme en Iran, c'est de choisir les intendants, non les véritables décisionnaires.

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Messagepar Pej » 10 oct. 2007, 19:02

Henrique a écrit :Et cette fois Pej se laisse prendre au jeu en suivant Korto sur le terrain où il a voulu l'entraîner : une famille, un établissement peuvent exister sans chef...


Je dois encore travailler ma rhétorique. Une relecture de Schopenhauer ne fera pas de mal :wink:

Sinon, une analyse très intéressante (comme toujours avec Henrique me direz-vous :) ).

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Messagepar Korto » 13 oct. 2007, 01:17

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Messagepar Henrique » 13 oct. 2007, 02:03

KORTO a écrit :Mon pauvre PEJ, tu te fais bien malmener et moi bien diaboliser.
Non, aucune stratégie machiavélique et instrumentalisante de ma part.


Le plus souvent, on utilise la technique que j'avais décrite sans s'en rendre compte.

Et je n'aurai besoin d'aucune formulation logorrhéique pour constater simplement :
- qu'une famille sur deux explose en France par défaut d'autorité ou refus allergique de toute autorité avec toutes les souffrances et déséquilibres que cela implique.
- que dans un établissement scolaire français sur deux l'autorité des reponsables et des enseignants est constamment contestée (élèves, parents, syndicats), avec toutes les violences et l'échec scolaire que cela implique.

Et voilà, vous recommencez à enfoncer des portes ouvertes en contestant chez vos interlocuteurs des propos qu'ils n'ont jamais tenus, histoire d'éviter d'avoir à répondre aux arguments critiquant votre "chef" vénéré... Si ce n'est pas volontaire, cela finit par relever de l'obsession votre histoire de chef. Est-ce que votre esprit a été traversé ne serait-ce qu'une seconde par l'idée que ce n'est pas parce qu'il faut des chefs que cela justifie des maîtres au sens défini ci-dessus ? Vous cherchez toujours à noyer le poisson en ignorant les arguments qui vous sont proposés : c'est donc cela l'esprit "d'ouverture" de la droite ?

- que la gauche a échoué aux dernières élections par la constante contestation (litote) de l'autorité du leader S.Royal et par l'absence de charisme magistral de cette dernière, avec toutes les conséquences positives, cette fois, que cela implique pour notre pays.

Royal a été faite artificiellement par une presse dépendante du capital, qui connaissait ses faiblesses et la préférait ainsi largement à tout autre candidat de gauche qui aurait beaucoup mieux tenu la route face à Sarkozy, et elle a été faite, par voie de conséquence, par les sondages, elle a été défaite de la même façon dès qu'il s'est agi pour elle d'avoir autre chose à faire que de jouer les icônes souriantes. Si la gauche a échoué, c'est d'abord d'avoir cédé aux sirènes des sondages pour choisir sa candidate au lieu de chercher quelles idées pouvaient tenir la route. Le manque d'autorité de Royal sur son parti, c'est de n'avoir eu aucune autre idée à proposer que de poursuivre la perte d'identité de la gauche, en se droitisant toujours un peu plus par souci électoraliste (carte scolaire, contrat "première chance", drapeaux, traitement hystérique de la question de la sécurité...). Un chef a de l'autorité, c'est-à-dire le pouvoir de se faire suivre et obéir, à partir du moment où il propose une voie claire qui fait écho aux aspirations profondes de ses premiers partisans, en leur donnant une forme, une objectivité. A cet égard, Sarkozy a su être un vrai chef pour son parti. Pour ce qui est de la société française, je renvoie aux analyses précédentes : ce n'est ni un chef, ni un maître mais un contremaître au service du capital.

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Messagepar Korto » 13 oct. 2007, 02:22

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Messagepar Henrique » 13 oct. 2007, 02:27

KORTO a écrit :
Henrique a écrit : A cet égard, Sarkozy a su être un vrai chef pour son parti.


Non ! Sarko a été un chef pour la France, par pour son parti seulement, pour une grande majorité de la société française, des millions de gens non encartés, non politisés ainsi que une grande masse de gens de gauche (j'en connais !).
Pas un maître (c'est ridicule), un chef.

Savez vous ce que c'est qu'un argument ?

Henrique

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Messagepar Korto » 13 oct. 2007, 02:54

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