Comprendre le sarkozysme

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hokousai
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Messagepar hokousai » 28 avr. 2007, 01:12

Le problème ( aussi ) est que Sarkozy semble bien moins consensuel que Ségolène . Il a comme qui dirait un art de faire monter la pression . C’est peut être ce qui lui a valu un apport de voix qui se portaient sur le Pen mais c’est aussi conséquemment ce qui le rend indigeste et beaucoup plus que n’aurait pu l’être de Villepin ou que ne l’était Chirac .

J’ ai voté une première fois pour le plus consensuel et je voterai une seconde fois pour celle qui me semble la plus tempérée .

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Henrique
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Messagepar Henrique » 28 avr. 2007, 03:16

zarathoustra a écrit :Henrique écrit:
Je ne suis pas sûr que ma réponse va clarifier le débat!! Je me triture les neurones depuis un bon moment, à lire, écouter, m'agacer... Royal est à plat dans mon cerveau et dans mon coeur depuis longtemps... Bayrou m'était assez cher, je crains, à suivre son orgueil et l'actualité, de devoir le payer cher... Et à l'heure qu'il est, en vue du second tour, c'est sans aucune fierté que je me situerais, et c'est récent, comme un... "antisarkozyste théorique" et "sarkoziste pratique". J'avoue ne pas savoir si Spinoza y retrouverait ses petits, mais un jour ou l'autre, il faut bien tuer le père!
Cordialement.


Merci de cette réponse. Qu'est-ce que tu aurais à payer si cher si Royal passe ? Tu as l'air de parler de ton intérêt personnel, c'est cela ?

Que peut signifier être antisarkozyste théorique et sarkozyste pratique ? Voilà qui est original. Il paraît effectivement plus facile en politique d'être pour une théorie et ne pas se reconnaître dans certaines de ses applications pratiques. Imagine-t-on quelqu'un qui serait contre le terrorisme ou que sais-je, la chasse par exemple, contre en théorie et pour dans la pratique ? Cela peut s'envisager sur la place publique, par peur d'aller contre l'opinion commune - comme lorsqu'on déclare après bien des actions allant dans le sens contraire qu'on est contre la guerre en Irak - mais j'ose espérer qu'avec ton pseudo tu te sens ici assez libre pour exprimer sans ambages le fond de ta pensée. Car celui qui dénonce le terrorisme en théorie pour le soutenir en pratique y adhère en fait théoriquement.

Revenons au fond : Sarkozy doit son succès au fait qu'il divise, opposant la France des assistés à celle de ceux qui se lèvent tôt etc. C'est très facile de séduire une grande partie de la population en disant de façon à peine implicite (et c'est clairement compris comme tel comme en témoignait Aquarius) : "vous, les honnêtes gens, vous travaillez comme des ânes et il y en a assez de payer des impôts pour tous ces feignants de chômeurs qui ne cherchent pas de travail, ces fonctionnaires qui font tout le temps grève, ces soit-disant français issus de l'immigration qui brûlent nos voitures et ne parlent même pas bien notre langue" etc. De cette façon, Hitler - qui était un homme et non un démon - accéda à la chancellerie allemande en janvier 33, après les élections de novembre 32 avec 33% des voix. Après avoir repris ostensiblement nombre d'idées d'un parti qui jusqu'à présent avait le monopole de la haine érigée en principe politique, Sarkozy suscite à son tour des haines farouches : la haine appelle la haine, "Celui qui imagine qu'il est haï par un autre et ne croit lui avoir donné aucun sujet de haine, le hait à son tour." (E3P40)

Sur le plan de la théorie politique, Spinoza est évidemment aux antipodes de cette démarche : "Tout ce qui tend à réunir les hommes en société, en d'autres termes, tout ce qui les fait vivre dans la concorde, est utile, et au contraire, tout ce qui introduit la discorde dans la cité est mauvais." (E4P40) Comment est-il alors possible d'adhérer néanmoins au sarkozysme sur le plan pratique ? C'est le charisme du personnage qui emporte ton adhésion ? Ou alors sa défense des classes aisées par le biais de la baisse annoncée de certains impôts tandis qu'il a annoncé clairement qu'il augmenterait la TVA que même le plus pauvre paye au même taux que le milliardaire ?

Ou bien de l'anti-royalisme viscéral ? Si Royal est un mal pire que Sarkozy, alors il faut voter Sarkozy. Mais qu'est-ce qui d'un point de vue spinoziste peut être pire politiquement que la culture de la discorde ? Pour moi, il est clair que Royal est loin d'incarner la figure politique idéale, sa personnalisation du pouvoir, à laquelle Sarkozy n'a rien à envier, ne peut me convenir. Mais entre un rhum carabiné et la grippe aviaire, mon choix est vite fait.

Et à tous ceux qui se plaignent de voir Sarkozy diabolisé, je réponds : diabolos en grec signifie celui qui divise.

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Messagepar zarathoustra » 28 avr. 2007, 08:23

Henrique écrit: Comment est-il alors possible d'adhérer néanmoins au sarkozysme sur le plan pratique ? C'est le charisme du personnage qui emporte ton adhésion ? Ou alors sa défense des classes aisées par le biais de la baisse annoncée de certains impôts tandis qu'il a annoncé clairement qu'il augmenterait la TVA que même le plus pauvre paye au même taux que le milliardaire ?
Ou bien de l'anti-royalisme viscéral ? Si Royal est un mal pire que Sarkozy, alors il faut voter Sarkozy. Mais qu'est-ce qui d'un point de vue spinoziste peut être pire politiquement que la culture de la discorde ? Pour moi, il est clair que Royal est loin d'incarner la figure politique idéale, sa personnalisation du pouvoir, à laquelle Sarkozy n'a rien à envier, ne peut me convenir. Mais entre un rhum carabiné et la grippe aviaire, mon choix est vite fait.
***
***
Merci Henrique. Que répondre? D'abord, mon histoire "d'antisarkozisme théorique - sarkozisme pratique" était une boutade, un peu grossière je l'avoue, se voulant refléter (de loin) la position qu'on pourrait sans doute attribuer à Spinoza, à savoir l'antihumanisme théorique et l'humanisme pratique. En gros, ce que j'ai voulu dire, c'est que je n'adhère pas aux présupposés de Sarkozy (théorie), ça je pense que c'est clair; mais que je finis par penser, après avoir longtemps douté, (et je doute encore), qu'il est le seul (charisme en effet) à pouvoir donner un élan collectif qui seul peut faire évoluer notre société, somme toute assez nihiliste, vers... vers quoi? Le fascisme, la dictature? Je ne le crois pas. D'abord je ne veux pas diaboliser le personnage, Hitler à toutes les sauces, etc. Deuxièmement, l'élan collectif (et qu'est-ce autre qui peut faire avancer une société démocratique qu'un élan collectif?) permettrait de nous mobiliser autour de valeurs choisies par ce collectif, de recréer une volonté (forger une volonté, c'est démocratique, non?), pour s'extraire enfin du nihilisme (que je n'entends pas ici au sens de Nieztsche, mais au sens "simple" de ne croire en rien, et finalement, ne plus rien vouloir du tout). Forger une volonté donc, mais ce qui est important, et c'est pourquoi ma boutade n'était au fond pas si débile, c'est que cette volonté ne serait pas forcément Sarkoziste, au contraire même!
Anti-royalisme viscéral? Oui, certainement. Précisément pour le maintien dans l'avachissement nihiliste que son élection me semble promettre. Je crois que c'est Husserl (pas très spinoziste) qui a écrit "le pire ennemi de l'europe, c'est la fatigue". Et bien il est urgent de recréer un élan contre cette fatigue. En résumé, et outre mes intérêts personnels qu'à vrai dire je ne mesure pas très bien, mon idée, c'est "avec Sarkozy" parce qu'il est celui qui permettrait le mieux l'émergence d'un ... antisarkozysme fort. Mais cette formule "avec sarkozy" dépasse de loin mon degré d'enthousiasme, qui reste très modéré.
Voilà. Il faut que j'aille travailler (la France qui se lève... pas si tôt!!). Je sais que plus j'écris, sans assez avoir le temps de méditer ma prose, plus je donne des bâtons pour me faire battre. Mais enfin, à te lire, Henrique, je savoure comment, à quarante quatre ans, mes maigres certitudes peuvent encore être ébranlées, comme elles l'ont été ce matin au réveil en découvrant ton texte. Oui, je dis bien, "savoure"! (tu vois que tout n'est pas perdu!)
Amicalement.
NB: je ne sais pas comment citer quelqu'un de façon lisible, comme tu le fais. Comment manipule-t-on le "quote"? Merci

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Messagepar zarathoustra » 28 avr. 2007, 08:32

PS: on dira que les Français ne sont pas si avachis que ça, au vu du taux de participation au premier tour, par exemple. Mais je reste persuadé (même si, comme dirait Bayrou, je n'ai pas de preuve), que si ce taux fut si élevé, c'est aussi parce qu'il se présentait comme un "pour ou contre Sarkozy". Ainsi le personnage, qu'on aime ou qu'on déteste, serait selon moi pour partie à l'origine d'un regain démocratique.

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Messagepar Pej » 28 avr. 2007, 10:29

Je trouve étrange qu'on puisse penser que Nicolas Sarkozy est l'homme idéal pour donner un élan collectif à la France (on pourrait d'ailleurs discuter la nécessité d'un tel élan). Comme l'a bien montré Henrique, Sarkozy est d'abord un homme de division, et pas seulement autour de sa personne (que certains admirent et d'autres détestent), mais aussi et surtout dans ses paroles. Comment pourrait-il dès lors insuffler un "élan collectif"?
A titre personnel, et je connais un certain nombre de personnes autour de moi qui sont dans ce cas, je m'opposerai de façon virulente à toute réforme sarkozienne que je trouverais dangereuse, inutile ou injuste, alors que ma paresse naturelle m'a dans le passé empêché de défendre activement certaines de mes convictions.
Avec Sarkozy le risque est de se retrouver avec une France coupée en deux, non pas avec les "bons Français" d'un côté et les mauvais casseurs de l'autre, mais bel et bien avec la moitié des français d'un côté, et la moitié des français de l'autre (rappelons que Nicolas Sarkozy ne devrait pas être élu avec plus de 54% des voix c'est-à-dire avec moins de 20 millions de votes sur 66 millions de Français).

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Messagepar zarathoustra » 28 avr. 2007, 10:38

Pej a écrit :Je trouve étrange qu'on puisse penser que Nicolas Sarkozy est l'homme idéal pour donner un élan collectif à la France (on pourrait d'ailleurs discuter la nécessité d'un tel élan). Comme l'a bien montré Henrique, Sarkozy est d'abord un homme de division, et pas seulement autour de sa personne (que certains admirent et d'autres détestent), mais aussi et surtout dans ses paroles. Comment pourrait-il dès lors insuffler un "élan collectif"?
.

A pej: Je comprends tout à fait ta réponse, Pej... Je suis moi-même perplexe et si j'ai argumenté dans le sens inverse du tien, ce n'est sous le joug d'aucune certitude! Je ne suis pas convaincu que Sarkozy ne fasse que diviser. Je ne suis pas certain non plus qu'il rassemble, je ne fais que l'espérer. Je redoute, dans cette affaire, que nous ne devions choisir qu'entre l'espoir (ma position) et la crainte (la tienne ou celle d'Henrique), toutes deux mauvaises en bon spinoziste...
Bien à toi.

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Messagepar Enegoid » 28 avr. 2007, 11:59

Merci de me donner l'occasion de continuer à réfléchir sur ces thèmes. Je répondrai plus tard par manque de temps aujourd'hui.

Mais, SVP, mettez ce que je dis plutôt sur le compte d'un "caute" spinoziste (sans doute excessif pour vous) que sur celui d'une pensée créationniste masquée. Je ne partage assurément pas ces idées!

Je persiste à trouver que, dans les débats sur ce forum, la réflexion sur la connaissance (recherche des causes) est trop exclusivement fondée sur des arguments politiques (inévitablement confus et passionnés). Il est vrai que ça crépite un peu plus que d'habitude, ce n'est pas forcément un mal...

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Messagepar Enegoid » 28 avr. 2007, 12:00

(oubli) le message précédent s'adresse à Pej...

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Messagepar Pej » 28 avr. 2007, 15:03

Enegoid a écrit :Mais, SVP, mettez ce que je dis plutôt sur le compte d'un "caute" spinoziste (sans doute excessif pour vous) que sur celui d'une pensée créationniste masquée. Je ne partage assurément pas ces idées!


Je ne vous taxais absolument pas de créationniste. Je faisais juste un parallèle pour pointer le fait qu'il faut parfois se méfier des discours sceptiques apparemment de bon sens, quand les enjeux sont graves et surtout que la science a déjà objectivement tranché.
Mais j'en reviens à l'un de mes chevaux de bataille. Que pensez-vous en tant que spinozistes(et là je m'adresse à tous les membres du site), de quelqu'un qui aspire à la présidence de la République et affirme que l'expression de la liberté se fait dans la transgression ?

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Messagepar Henrique » 28 avr. 2007, 16:34

zarathoustra a écrit :D'abord, mon histoire "d'antisarkozisme théorique - sarkozisme pratique" était une boutade, un peu grossière je l'avoue, se voulant refléter (de loin) la position qu'on pourrait sans doute attribuer à Spinoza, à savoir l'antihumanisme théorique et l'humanisme pratique.



Si sur le plan ontologique et épistémologique, Spinoza est un naturaliste, il me semble exagéré de suivre certains commentateurs qui en font un anti-humaniste théorique : l'homme fait partie de la nature et le désir qui le constitue joue un rôle essentiel dans la constitution de la connaissance. Etre anti, c'est exclure radicalement. Par exemple, Spinoza exclut radicalement qu'un Etat puisse exercer une autorité politique de façon stable et durable s'il nie clairement la liberté d'expression.

Puisque Spinoza inclut l'homme dans l'ordre naturel, au lieu d'en faire un empire dans un empire, il n'y a pas de contradiction à ce que dans les questions qui concernent le rapport de l'homme avec lui-même, il soit humaniste, c'est-à-dire fasse prévaloir l'humain sur toute autre considération (naturelle, religieuse, économique...). Mais là encore, il n'y a pas un humanisme pratique qui s'appuierait sur un anti-humanisme théorique : définir le bien individuel et collectif exclusivement en fonction du désir humain est rendu nécessaire par le conatus qui est universel et dérive immédiatement de la substance même : la morale ou la politique (humanistes) ne sauraient être séparées de la nature, au contraire, c'est parce que la nature est cause du conatus humain que l'humanisme est nécessaire en matière pratique.

Il ne faut pas oublier que si chez Spinoza, la démocratie est préférée à la monarchie et à l'aristocratie (qui historiquement peuvent se présenter sous forme républicaine, on en sait quelque chose dans la 5°), c'est que pour assurer le vivre ensemble de façon à éviter le plus durablement les discordes, la démocratie demeure la forme de gouvernement "la plus naturelle et la plus rapprochée de la liberté que la nature donne à tous les hommes" - bien plus que la monarchie et l'aristocratie qui en apparence semblent pourtant plus proche de l'ordre naturel dans lequel domine le droit du plus fort et dérivent dès lors facilement vers la tyrannie (usurpation de la puissance souveraine en vue de l'utiliser non à des fins communes mais particulières).

En gros, ce que j'ai voulu dire, c'est que je n'adhère pas aux présupposés de Sarkozy (théorie), ça je pense que c'est clair; mais que je finis par penser, après avoir longtemps douté, (et je doute encore), qu'il est le seul (charisme en effet) à pouvoir donner un élan collectif qui seul peut faire évoluer notre société, somme toute assez nihiliste, vers... vers quoi? Le fascisme, la dictature? Je ne le crois pas.



Mais à quoi tu n'adhères pas comme présupposés ? Le néolibéralisme ? L'autoritarisme ? L'idée de droite selon laquelle ceux qui naissent dans des milieux privilégiés sont en même temps ceux qui méritent les privilèges sociaux ? Comment dès lors ne pas adhérer à ces "présupposés" sur le plan théorique et vouloir cependant qu'ils soient mis en application dans la pratique ?

Quant aux termes de dictature et de fascisme, je ne les ai pas employés à l'endroit de Sarkozy. J'ai parlé de despotisme, c'est-à-dire l'exercice autoritaire d'un pouvoir arbitraire. Un dictateur est par définition un homme qui est appelé à avoir tout pouvoir pour régler les problèmes d'un pays pour une période donnée. Sarkozy n'a pas besoin pour exercer son emprise d'une autorité absolue en tout domaine, il lui suffit de continuer de contrôler les médias de masse et d'avoir pour cela le pouvoir économique de son côté. Laisser la justice relativement indépendante, ne pas toucher à l'armée, laisser au parlement une apparence d'indépendance par rapport au gouvernement lui permettra de désigner des boucs-émissaires en temps utiles et de conserver l'image d'un républicain. J'avais parlé de nouvelle forme de despotisme dans le sens où il construit l'adhésion autour de lui sur son charisme personnel, celui-ci étant scénarisé, mis en scène et protégé par les médias qu'il contrôle. Mais à partir du moment où l'essentiel de l'adhésion qu'il génère s'appuie en dernière analyse sur la désignation de boucs-émissaires faisant partie de la société et qu'il va soit-disant falloir empêcher de nuire, il ne peut y avoir aucune légitimité dans cette adhésion : quand bien même une majorité serait pour la discrimination contre les roux à lunette, cela ne pourrait fonder aucune légitimité à un pouvoir qui se construit sur l'exclusion d'une partie de la société civile.

D'abord je ne veux pas diaboliser le personnage, Hitler à toutes les sauces, etc.



Comme je l'avais dit, Sarkozy, pas plus que Bush, Berlusconi, les frères Kaczynski, n'est un dictateur du type hitlerien. Les notions de démocratie et de certaines libertés publiques sont désormais un acquis relatif mais irréversible sur quelques générations au moins du génome conservateur, il faut composer avec. Mais le fond idéologique de la droite demeure : certains sont naturellement plus aptes à commander que d'autres, ceux que la nature a privilégié en les faisant naître dans des familles privilégiées (naturellement plus intelligentes, fortes, courageuses...) et aller contre cela - par des mesures fiscales telles que l'interdiction de toute discrimination, l'ISF, les droits de succession, c'est aller contre ce qu'ils pensent être l'ordre naturel et donc, pour eux, l'intérêt collectif. Que ces familles naturellement "privilégiées" soient ceux appartenant à telle ou telle race ou bien simplement ceux qui sont nés dans des familles riches, voilà ce qui fait qu'on ne peut pas mettre sur le même plan idéologique toutes les droites.

Quant au plan de la méthode d'accès au pouvoir et de gouvernement, il ne faut pas oublier qu'Hitler ne serait jamais parvenu au pouvoir sans la droite dite "républicaine" d'alors qui avec Von Papen s'allia avec les 33% d'Hitler pour imposer les nazis au gouvernement au président Hidenburg qui n'en voulait pas. Là nous avons affaire avec Sarkozy à une droite qui n'a pas hésité à reprendre les idées de l'extrême droite, ce qui les légitime puisque son parti passe encore pour républicain. Si je ne crois pas du tout que Sarkozy ait encore besoin d'éliminer physiquement ses boucs-émissaires et ses adversaires politiques de la même façon qu'au temps d'Hitler, l'élimination médiatique et les mesures d'empêchement à un accès équitable aux tribunes publiques de masse suffit désormais amplement. Reste qu'il s'appuie pour cela sur les mêmes collusions avec le pouvoir économique qu'Hitler. Et n'oublions pas comment l'instrument politique peut être utilisé pour éliminer l'opposition, par exemple des fonctionnaires (commencer par en limiter drastiquement le nombre), et le bras armé de l'Etat pour réprimer les manifestations marquant une opposition trop frontale.

Deuxièmement, l'élan collectif (et qu'est-ce autre qui peut faire avancer une société démocratique qu'un élan collectif?) permettrait de nous mobiliser autour de valeurs choisies par ce collectif, de recréer une volonté (forger une volonté, c'est démocratique, non?), pour s'extraire enfin du nihilisme (que je n'entends pas ici au sens de Nieztsche, mais au sens "simple" de ne croire en rien, et finalement, ne plus rien vouloir du tout). Forger une volonté donc, mais ce qui est important, et c'est pourquoi ma boutade n'était au fond pas si débile, c'est que cette volonté ne serait pas forcément Sarkoziste, au contraire même!



Oui c'est important, une volonté collective, mais pas si cela s'appuie et trouve des suffrages sur la base d'un discours construit sur la haine d'une catégorie de la population à l'encontre d'une autre. On construit alors une majorité oppressant une minorité, cela ne peut rien avoir à voir avec le "consentement universel" dont parle Spinoza ou la "volonté générale" de Rousseau. Et dans ses façons d'être, son discours réhabilitant incontestablement les idées d'extrême droite mais aussi ses actes tout au long de la dernière législature, Sarkozy vise clairement à prendre le pouvoir par une partie de la France contre une autre.

Je ne suis pas convaincu que Sarkozy ne fasse que diviser. Je ne suis pas certain non plus qu'il rassemble, je ne fais que l'espérer. Je redoute, dans cette affaire, que nous ne devions choisir qu'entre l'espoir (ma position) et la crainte (la tienne ou celle d'Henrique), toutes deux mauvaises en bon spinoziste...



Il ne peut certes se contenter de chercher uniquement à diviser. Hitler aussi, eh oui, a su rassembler une grande partie du peuple après son accession au pouvoir, et par la suite en lui redonnant du travail. Mais enlève tous les thèmes du Front de la Haine qu'il a repris dans son discours de premier tour, toutes les signes qu'il a lancé à la France qui fût celle de Poujade aux artisans, petits commerçants et TPE, il aurait fait 18%, 19%, Bayrou aurait pu alors se retrouver devant lui, voire Le Pen en face de Royal. On ne combat pas les idées du FN en les adoptant, car soit il les met en application une fois arrivé au pouvoir et alors il n'y a pas de différence entre blanc bonnet et bonnet blanc, soit il ne les met pas en application et alors il renforce de facto et comme jamais le FN aux prochaines grandes élections.

En ce qui concerne la crainte, il faut rappeler que c'est chez Spinoza une "tristesse mal assurée née de l'image d'une chose future ou passée dont l'arrivée est pour nous incertaine". Il n'y a aucune incertitude concernant le fait que Sarkozy appuie son discours, ses actes et la popularité qui s'ensuit sur l'opposition d'une partie de la France contre une autre, jugée faignante, malhonnête, rétrograde etc. fût-elle minoritaire. Et il n'y aucune incertitude non plus à cet égard sur le fait qu'il s'appuie pour construire cette popularité sur une connivence systématique avec les médias de masse qui sont sous le contrôle des puissances économiques au service desquelles il se met.

En revanche espérer que Sarkozy parviendra à rassembler le pays sur de telles bases, avec une grande partie de la population tellement remontée contre lui, relève plus du miracle irrationnel que de l'ordre du possible.

Anti-royalisme viscéral? Oui, certainement. Précisément pour le maintien dans l'avachissement nihiliste que son élection me semble promettre. Je crois que c'est Husserl (pas très spinoziste) qui a écrit "le pire ennemi de l'europe, c'est la fatigue". Et bien il est urgent de recréer un élan contre cette fatigue. En résumé, et outre mes intérêts personnels qu'à vrai dire je ne mesure pas très bien, mon idée, c'est "avec Sarkozy" parce qu'il est celui qui permettrait le mieux l'émergence d'un ... antisarkozysme fort. Mais cette formule "avec sarkozy" dépasse de loin mon degré d'enthousiasme, qui reste très modéré.



Tu n'expliques nullement en quoi Royal amènerait au nihilisme tel que tu le définis ! D'abord parler de "maintien de l'avachissement nihiliste" suppose que ce serait elle qui est au pouvoir depuis 5 ans : il ne faudrait pas oublier que c'est Sarkozy qui y est, et à titre de numéro deux, voire vice-premier ministre du gouvernement depuis deux ans. Ensuite, qu'est-ce qui dans son discours de campagne ou ses actes en tant que présidente du Poitou charentes amènerait à cette fatigue (qu'il faudrait tout de même préciser) dont tu nous parles ?

Ou alors tu penses comme je le faisais remarquer à Aurobindo qu'en gros, il nous faudrait une bonne guerre pour mieux revenir aux fondamentaux ? Que la concorde sociale plutôt que la division prônée par Royal ne peut qu'aboutir à un consensus mou... Mais crois-tu qu'une fois au pouvoir, l'extrême gauche, la droite et l'extrême droite cesseraient d'exister ?

Enfin, ton histoire de dire que l'intérêt de Sarkozy serait de faire émerger un anti-sarkozysme fort, c'est un peu comme ce même qui disait que l'intérêt des lois et des règles étaient d'affirmer sa liberté en pouvant les transgresser ! Belle conception de la liberté en effet. Pour un spinoziste, la loi permet un surcroît de liberté par rapport à la liberté naturelle où aucune règle n'encadre l'action, non parce qu'on s'amuserait alors à créer une possibilité de transgression, car en soi opposer une volonté particulière à une règle n'est en aucun cas une preuve de liberté, mais parce qu'en tant qu'expression du consentement universel, la loi permet une action commune en vue de ce qui relève de l'intérêt de tous, bien mieux qu'à l'état de nature.

Voilà. Il faut que j'aille travailler (la France qui se lève... pas si tôt!!). Je sais que plus j'écris, sans assez avoir le temps de méditer ma prose, plus je donne des bâtons pour me faire battre. Mais enfin, à te lire, Henrique, je savoure comment, à quarante quatre ans, mes maigres certitudes peuvent encore être ébranlées, comme elles l'ont été ce matin au réveil en découvrant ton texte. Oui, je dis bien, "savoure"! (tu vois que tout n'est pas perdu!)



Ah si je pensais que tout était déjà perdu, cela fait longtemps que ce site même n'existerait plus :-) En fait, tout mode doit disparaître, y compris l'humanité, mais mon conatus fait de toutes façon que je ne peux être et laisser être les séductions néo-conservatrices sans rien faire.

NB: je ne sais pas comment citer quelqu'un de façon lisible, comme tu le fais. Comment manipule-t-on le "quote"? Merci



Réponse ici : http://www.spinozaetnous.org/forum-faq-bbcode.html#4


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