Continuer de comprendre le sarkozysme (écho à Miam et Faun)

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AUgustindercrois
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Continuer de comprendre le sarkozysme (écho à Miam et Faun)

Messagepar AUgustindercrois » 13 nov. 2007, 16:53

Badiou, dans un livre intéressant, tente de situer le sarkozysme, mais aussi de penser le communisme générique. J e retranscris ici le débat avec Taddéi pour ceux qui ne vivent pas en France eou ont manqué l'émission (Coucou aux Belges et au presque Américain).

"Transcription libre de l'entretien avec Taddéi (Ce soir ou jamais, France 3, jeudi 25 octobre)

Badiou, Robespierre ou Saint Just : le dernier penseur révolutionnaire ?

Je n’ai quand même fait couper aucune tête… C’est une comparaison qui est à certains égards honorable. Redoutable ? Tant mieux, peut-être, je développe ma pensée, je dis ce que je crois être vrai… Je n’ai pas l’impression qu’en lisant mes écrits, on ait la pulsion immédiate de couper des têtes… Je suis dans la tradition, plutôt de Platon ou de Descartes, de Hegel…

La vérité est redoutable : c’est peut-être elle qui fait peur, plutôt que moi.

L’annonciation de la violence : un souhait ?

Je dis que la violence est au présent : ce n’est pas la même chose. Contrairement à ce qui est dit, notre société est de violence. Je suis lié quotidiennement à des ouvriers sans papiers des foyers, à des gens qui sont des basses classes de la société… Ils vivent dans le climat permanent de la violence qui leur est faite. Notre société n’est pas pacifique ; le monde l’est encore moins. Des guerres extrêmement sanglantes et violentes se déroulent sur le continent africain, en Irak, en Afghanistan etc. Je constate donc simplement que la violence est là : on ne peut pas faire comme si elle n’était pas là…

Faut-il répondre à cette violence par une violence encore plus grande ?

Les opprimés, de façon générale, n’ont qu’une seule arme : c’est leur discipline. Ils n’ont rien, ils n’ont pas l’argent, ils n’ont pas les armes, ils n’ont pas le pouvoir. La seule force qu’ils puissent avoir est celle de leur organisation et de leur discipline. Ce n’est pas tant à la violence que j’appelle, qu’à l’organisation, la cohésion, l’unité.

De l’antisémitisme : le fameux séminaire sur le mot Juif

Il s’agit d’une calomnie absolument insupportable… Il s’agit d’une insulte.

(A propos de son dernier livre, De quoi Sarkozy est-il le nom ?) Sarkozy est le nom de la peur et de la guerre

Sarkozy est le nom d’une société qui a peur et qui demande qu’on la protège. Je sens dans cette société la demande d’un maître protecteur qui sera capable d’user de violence contre ceux qui sont à l’origine de la peur. Cette peur provient de ce que la France, après une longue histoire glorieuse, est aujourd’hui une puissance moyenne, dotée de privilèges et de richesses considérables, dans un monde dominé par des colosses émergents, comme la Chine ou l’Inde, ou des puissances considérablement plus fortes comme les Etats-Unis. Et par conséquent l’avenir de la France est incertain. Le peuple français ne sait pas où va ce pays. Il sait qu’il a un grand passé, il doute qu’il a un grand avenir… Le vote pour Sarkozy est une demande de protection.

Il y a une double guerre, l’une menée à l’extérieur - Sarkozy, c’est aussi le ralliement progressif aux guerres qui sont menées dans le monde, l’engagement dans l’Afghanistan, la soumission progressive aux Américains dans les guerres qu’ils ont entreprises notamment en Irak-, l’autre menée à l’intérieur, de manière renforcée, contre les plus faibles -ceux qui n’ont pas de papiers, ceux qui n’ont pas d’argent, ceux dont le travail est dur et ingrat, ceux qui viennent d’ailleurs parce qu’ils ne peuvent vivre là où ils sont. Tous ceux-là, on les fiche, on leur demande des règlements nouveaux, on les soumet à des lois oppressives. La loi CESEDA sur la condition du séjour des étrangers est une loi que je n’hésite pas à qualifier de scélérate ; c’est une loi de ségrégation, c’est une loi de persécution : il faut en demander l’abrogation. Sarkozy est le nom de tout cela. Avant d’être le candidat à l’élection présidentielle, il a été longuement le chef général de la police.

Or, la peur et la guerre, c’est le pétainisme

Le pétainisme est une donnée fondamentale de la France depuis la Restauration de 1815. Ce sont des gens qui préfèrent la vassalisation aux troubles intérieurs : la réaction de gens qui ont peur de ce qui se passe à l’intérieur du pays et qui pour parer à cette peur acceptent des contraintes, des ségrégations, des persécutions nouvelles. Le cas de Pétain incarne de manière prononcée ce mouvement général : les gens qui avaient eu une peur terrible du Front Populaire qui ont finalement préféré l’occupation allemande à la continuation de la lutte. Au fond, le pétainisme, c’est la politique de la peur. Sarkozy en est un représentant soft.

De l’événement : Mai 1968 et la révolution

En France, le dernier événement interne a été mai 1968. J’ignore si un grand événement se prépare de façon immédiate. Avant de préparer les événements à venir, il faut être fidèle à ceux du passé, par exemple à Mai 1968 et s’opposer à l’une des thèses fondamentales de Sarkozy selon laquelle il faut en finir avec Mai 1968 une fois pour toutes. [Je n’étais pas de la tendance libérale-libertaire, plutôt bourgeoise, mais de la tendance marxiste léniniste, maoïste :] celle qui recherchait une unité entre les intellectuels, les étudiants et les ouvriers et les gens du peuple. De cette unité possible dépendent les événements véritables. Les événements véritables constituent de nouveaux trajets dans la société elle-même : la rencontre entre des gens qui d’habitude ne se rencontrent pas. Mai 68 a été cela à grande échelle. Cette rencontre fait événement. Tout événement est une rencontre. L’événement amoureux, pour commencer, est une rencontre. L’événement historique est une rencontre. L’événement actuel aurait lieu dans la rencontre entre une partie de la jeunesse, les intellectuels, les petits salariés, et les persécutés premiers : gens de provenance étrangère, ceux qui n’ont aucun travail. J’ignore si la prochaine révolution aura des sans - culottes : rien ne se répète comme tel. C’est ceux qui n’ont rien, qui souffrent qui sont le plus capables de devenir tout. N’être rien, devenir tout : voilà l’événement. Quant à ceux qui n’apparaissaient pas, on constate qu’ils occupent une position essentielle.

L’avenir est le communisme

[Il ne s’agit pas du communisme de Mao ou de Lénine]. Il s’agit d’un communisme général et invariant. J’appelle communisme, sens que Marx lui donnait au début, une société délivrée de la règle des intérêts. Ce qu’on cherche, ce qu’on veut, n’est pas réglé par les intérêts individuels ou de groupe : la société où tout le monde est polyvalent, où il n’y pas de division du travail organisée entre ceux qui sont intellectuels, riches et ceux qui sont en bas, une société où tout le monde fait un peu toutes choses. Cela existe depuis longtemps : la révolte des esclaves contre les Romains, avec Spartacus, contenait déjà la revendication selon laquelle il faut compter tout le monde, il faut que tout le monde existe dans une figure égalitaire. Sans cette idée, la vie politique n’a aucun intérêt.

La critique du suffrage universel

Le suffrage universel est comme toutes choses : il faut le juger, non du point de vue de la forme, mais du point de vue de son contenu. Une assemblée absolument régulière a investi le Maréchal Pétain en 1940. Une assemblée régulière a désigné Hitler dans l’Allemagne de Weimar. Le suffrage universel peut avoir des résultats désastreux ; je juge sur pièces.

Juger le communisme sur pièces

(Taddéi : Ce qu’on a jugé sur pièces dans le communisme, c’est la hauteur des cadavres, des prisonniers, des goulags)

Le communisme léniniste a proposé une formule de l’Etat, et qu’un parti unique domine l’Etat.. Si vous prenez la formule en elle-même d’un parti unique, il s’agit d’un moyen de la victoire de l’insurrection de 1917. Nous sommes délivrés de cette figure du communisme et pouvons revenir au communisme générique, comme idée régulatrice de l’action. (Clignement d’yeux énervés de Badiou).

(Taddéi : Le communisme a pensé l’homme nouveau. C’est ainsi que l’on explique le génocide des Khmers Rouges).

Je pense qu’il fait faire avec les hommes tels qu’ils sont : avec la capacité des hommes tels qu’ils sont. S’opposent deux visions de ce que l’homme est capable : dans le capitalisme modernisé, la conviction est que l’homme est principalement capable de poursuivre ses intérêts. Le communisme est l’idée que l’homme est principalement capable d’autres choses : d’actions collectives, de désintéressement, d’une organisation sociale qui a d’autres buts que celui d’une perpétuation de sa puissance."

Peut - on penser avec Badiou dans le cadre du TP ou du TTP?

Spinoza, pour certains Anglo- saxosn, est considéré comme le précurseur du libéralisme (auriez - vous des renseignements à ce sujet)?

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Messagepar DGsu » 13 nov. 2007, 22:48

Merci auguste Augustin!

Pour ceux que cela intéresse, voici un entretien avec le même Badiou dans l'Humanité le 6/11/2007:

Alain Badiou « L’hypothèse de l’émancipation reste l’hypothèse communiste »

(Aaaah, Spinoza et nous, devenu un repaire de méchants vilains gauchisants ?)
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Re: Continuer de comprendre le sarkozysme (écho à Miam et Fa

Messagepar Korto » 14 nov. 2007, 05:05

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Modifié en dernier par Korto le 03 févr. 2008, 02:24, modifié 1 fois.

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Messagepar Enegoid » 14 nov. 2007, 19:05

dgsu a écrit :(Aaaah, Spinoza et nous, devenu un repaire de méchants vilains gauchisants ?)


Ca vous plait tant que çà, cette idée ?

Repaire = Lieu qui sert de refuge à une bête sauvage (Petit Robert)

Je constate que lorsqu'on parle politique sur ce forum, on est bien loin de chercher à comprendre les choses, bien loin de Spinoza, donc...

On est bien loin de chercher à comprendre pourquoi le libéralisme (économique) insiste tant dans la réalité, et pourquoi il y a un tel "conatus" du capital. Chercher les méchants, toujours : Sarkozy, par exemple...c'est NUL.

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Messagepar Enegoid » 14 nov. 2007, 19:10

...et pour Faun (en souvenir d'un échange) : les vilains marchands.

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Messagepar Pej » 14 nov. 2007, 19:43

Enegoid a écrit :Je constate que lorsqu'on parle politique sur ce forum, on est bien loin de chercher à comprendre les choses, bien loin de Spinoza, donc...


Quand on parle de politique, de donc de valeurs, il y a forcément de la subjectivité qui entre en jeu. Mais je trouve que les discussions politiques sur ce forum restent de bonne tenue, et que la réflexion philosophique y a réellement sa place.

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Messagepar DGsu » 14 nov. 2007, 22:46

Enegoid a écrit :
dgsu a écrit :(Aaaah, Spinoza et nous, devenu un repaire de méchants vilains gauchisants ?)


Ca vous plait tant que çà, cette idée ?

Repaire = Lieu qui sert de refuge à une bête sauvage (Petit Robert)


L'humour est-il encore de mise ici ? Je me le demande.
Quant à la définition du Robert, elle est tout ce qu'il y a de plus anthropomorphique... bête sauvage, mais pour qui donc ?
Bonne soirée! :wink:
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Messagepar AUgustindercrois » 14 nov. 2007, 22:53

DGSU: l'humour et l'ironie sont le propre de Baruch.. Il suffit de relire les scolies ou les intro aux parties de l'Ethique pour s'ne persuader: toujours une pointe d'ironie, parfois appuyée, souvent vigoureuse...

L'ironie est le propre du style philosophique (cf le boss, Socrate)!

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Messagepar Enegoid » 15 nov. 2007, 00:29

Bon, bon, si c'est de l'humour, ok!

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Messagepar Enegoid » 15 nov. 2007, 13:46

pej a écrit :Quand on parle de politique, de donc de valeurs, il y a forcément de la subjectivité qui entre en jeu. Mais je trouve que les discussions politiques sur ce forum restent de bonne tenue, et que la réflexion philosophique y a réellement sa place.


D’accord. De plus ce n’est pas désagréable de se laisser aller. Et je pense que ce forum est effectivement de bonne tenue.

Mais …

...je rêve de discussions politiques dans lesquelles on se rapprocherait plus de la voie que recommande Spinoza dans l’introduction à ET3 :

« …par suite, la voie droite pour connaître la nature des choses, quelles qu’elles soient, doit être aussi une et la même ; c’est toujours par le moyen des lois et règles universelles de la Nature . »


Ainsi :

1. Quand Badiou dit « Il faut dire que l’hypothèse de l’émancipation, fondamentalement, reste l’hypothèse communiste. » Il a des raisons. Dire que l’organisation des hommes est irrémédiablement condamnée à produire des faibles écrasés dans leur dignité et dans la satisfaction de leurs besoins élémentaires est une position qu’il est difficile de tenir explicitement. Mais, penser que l’on peut changer cela ou bien penser que l’on ne peut pas changer cela sont deux manières de voir la réalité qui doivent pouvoir se critiquer sur le plan de le connaissance et pas uniquement au niveau de l’invective (naguère facho contre coco).

2. Le libéralisme n’est pas un plan machiavélique conçu par une organisation humaine structurée (Il a été théorisé, ce qui n'est pas la même chose). Il donne plutôt l’impression de s’imposer. Certains en profitent, d’autres pas. Mais les arguments de ceux qui trouvent que c’est plutôt pas mal (espérance de vie qui augmente, richesse globale et progrès technique, etc.) ne sont pas fondés totalement sur l’erreur ou la peur de perdre des privilèges. De même que les arguments de ceux qui estiment que la situation qui leur est faite est intolérable sont parfaitement compréhensibles.

3. Quand on trouve que Sarkozy « donne au riches » (ce qui n’est pas faux, mais c'est un peu court : les raisons pour lesquelles il le fait ne sont pas fondées uniquement sur un copinage des nantis, mais aussi sur la reconnaissance de la puissance du capital, puissance qu’il est bon de reconnaître si l’on veut éviter l’angélisme), on se situe inévitablement dans le domaine de l’envie, on ne peut pas faire autrement. Je dis cela, car je pense que les participants de ce forum n’en sont pas véritablement au stade où ils estiment sincèrement qu’ils sont en situation de vouloir retourner au droit naturel qu’évoque Spinoza.

On l’aura peut-être compris : je suis libéral, non pas favorable au libéralisme mais le reconnaissant comme fondé (oui !) sur quelque chose de la réalité qu’il importe de comprendre, avant de se cogner la tête contre ses murs.


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