La liberté - le déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Bruno31415
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La liberté - le déterminisme

Messagepar Bruno31415 » 09 nov. 2008, 18:33

Bonjour,

J'ai lu l'article sur la liberté proposé sur le site, ainsi que le topic sur le libre-arbitre mais j'avoue que j'ai toujours bien du mal à comprendre ce qu'est la liberté selon Spinoza...

Je débute dans ma lecture de l'Ethique et ce qu'il m'a semblé comprendre c'est que, selon Spinoza, seul Dieu est libre au sens où nous l'entendons couramment, c'est-à-dire : non déterminé par autre chose que soi-même :

Ethique, I

Def. VII. Une chose est libre quand elle existe par la seule nécessité de sa nature et n'est déterminée à agir que par soi-même ; une chose est nécessaire ou plutôt contrainte quand elle est déterminée par une autre chose à exister et à agir suivant une certaine loi déterminée.

Prop. XVII Dieu agit par les seules lois de la nature et sans être contraint par personne.



Or, concernant l'homme, ce que j'ai compris m'incite à penser qu'il est absolument déterminé : par exemple, supposons que je prépare mes vacances et que, d'après mon budget, je puisse soit passer une semaine à Rome, soit une semaine à Londres. Disons que je choisisse d'aller à Londres parce que la ville me séduit plus. D'après Spinoza, ce choix ne résulte pas de mon libre-arbitre, mais il est déterminé par x raisons dont je n'ai pas conscience... Ainsi, tout ce que je fais dans ma vie est déterminé, je ne suis libre de rien.

Je trouve cela très angoissant et pas du tout réjouissant : dans cette perspective déterministe, je me sens être juste un rouage dans une immense machine.

Pourtant, dans tout ce que j'ai lu sur le sujet, il semble bien que Spinoza parle de liberté relativement à l'homme ; j'ai même lu que son but (ou un de ses buts) était de nous permettre de nous libérer de la servitude.

Je ne comprends donc pas : dans un univers déterministe, que signifie le mot "liberté", appliqué à l'homme, pour Spinoza ??

Merci d'avance pour vos réponses.

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sescho
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Messagepar sescho » 09 nov. 2008, 19:48

Le sujet est très important, et c'est pour cette raison un grand classique.

Des extraits sont disponibles ici.

Par ailleurs plusieurs fils portent sur le sujet (il suffit de parcourir les rubriques à partir du lien Forums en haut ou à gauche ; on peut aussi serrer une recherche sur Google - par exemple spinozaetnous et un mot clef - et demander les pages similaires ignorées - il faut des fois travailler un peu la liste de recherche pour obtenir le résultat.) Par exemple :

http://www.spinozaetnous.org/ftopic-773 ... asc-0.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-713.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-711.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-707.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-23.html

Mon exemple favori : est-ce que quand j'exprime la Logique (mettons avec aisance) par des exercices ou jeux, j'ai l'impression d'être contraint ? Non ? Très libre au contraire ? Pourtant il n'y a rien de plus universel et déterminé que la Logique...

Ma question favorite : ce serait quoi la liberté indéterminée ?


Serge

En prime, je remets ici un passage de la préface d'André Comte-Sponville au livre II de correspondance de Swami Prajnanpad, Les yeux ouverts :


... Il faudrait confronter cet enseignement de Prajnânpad, tel que je l'esquisse ici, avec celui des sages occidentaux. Bien souvent, Svâmiji fait penser à Spinoza, par son acceptation joyeuse de la nécessité, par son sens de l'infini et de l'unité de tout, par la perception qu'il a de l'éternité du présent, par l'importance qu'il accorde à la connaissance et par son refus de tout moralisme (« Non pas "bien ou mal" mais "connaissance ou ignorance" »), par son amour sans illusions ni petitesses, par sa lucidité (« Tout sujet, toujours, sous quelque forme que ce soit, n'agit que dans son propre intérêt... »"), par sa miséricorde infinie...

C'est ... avec les stoïciens que la ressemblance est la plus frappante, et pas seulement parce qu'ils réunissent ce qu'ils empruntent à Héraclite et ce que Spinoza leur empruntera. Les convergences sont telles, ici, qu'elles excèdent ce genre de calcul et révèlent plutôt comme une communauté d'inspiration, qui frise parfois, du moins c'est ce que j'ai cru percevoir, l'identité pure et simple. On dira que c'est bien surprenant, à travers tant de siècles et tant de milliers de kilomètres, et je ne prétends certes pas qu'il y eût influence. Pas plus qu'il ne cite Héraclite, Prajnânpad ne cite Zénon, Chrysippe ou Marc-Aurèle. D'ailleurs, si influence il y avait eu, ce serait plutôt, géographiquement, dans l'autre sens : les fondateurs du Portique venaient d'Asie mineure et leur pensée excède, sur bien des points, la tradition grecque ; toute influence indienne, directe ou indirecte, n'est pas forcément à exclure, qui pourrait expliquer en retour ce que Svâmiji semble parfois avoir de stoïcien... Peu importe. Il ne s'agit pas ici d'histoire des idées, mais de l'aventure de l'esprit. Que tous les sages en quelque chose s'accordent, chacun le sait, comme aussi qu'il y a malgré tout différentes écoles de sagesse, qui sont comme autant de voies différentes vers une même réalité, forcément une, puisqu'elle est la réalité même. Nous y voilà. Ce qui rapproche Svâmiji des stoïciens, ce n'est pas seulement l'identité du but, c'est le quasi parallélisme (et pourtant la convergence !) des chemins — au point que Svâmiji nous rend celui des stoïciens plus compréhensible, plus proche, et leur donne, pour ainsi dire de l'intérieur, comme un surcroît de vie ou de modernité. Je ne peux m'y arrêter comme il le faudrait. Prajnânpad partage avec les stoïciens, déjà, l'essentiel de ce que ceux-ci empruntent à Héraclite : le sens du devenir, de l'unité des contraires, de la beauté toujours neuve de tout... Mais on sait trop peu de choses sur Héraclite pour pouvoir affiner beaucoup les comparaisons. Concernant le stoïcisme, au contraire, des rapprochements innombrables s'imposent, dont chacun justifierait un chapitre ou un livre. Comme les stoïciens, Prajnânpad est convaincu de la nécessité de tout, comme eux il y voit une chaîne de causes, qui ne connaît ni hasards ni exceptions : « Ce qui existe est un effet. Il n'y a pas d'effet sans cause. Rien n'arrive fortuitement, par hasard. » Comme eux, il voit bien que cela exclut le libre arbitre et, donc, la responsabilité morale : « Vous êtes vous-même, vous étiez ce que vous étiez, et vous ne pouvez être que ce que vous êtes. Vous n'avez donc à avoir honte de rien, vous n'avez rien à cacher, et par conséquent rien à refouler. Quoi que l'on fasse, c'est juste et correct au moment où on le fait. » Comme eux, il en tire une éthique de la miséricorde et de la sympathie universelle. Chacun fait ce qu'il fait et ne peut faire autre chose : à quoi bon la haine ou la colère ? Ce ne sont que refus et ignorance : « Voir les autres comme ils sont, c'est cela la sagesse. Souhaiter qu'ils soient autrement, c'est cela l'ignorance. …

Comme eux […] Prajnânpad fait de la liberté le bien suprême (« La perfection ? Pas de dépendance. ») et, comme eux, il ne trouve de liberté que dans l'acceptation de la nécessité. Fatalisme ? Pas au sens où on l'entend, en tout cas, quand on prétend justifier la paresse ou l'inaction. Svâmiji réinvente ici la théorie des confatalia, par laquelle Chrysippe réfutait l'argument paresseux : « Si vous pensez "tout ce qui doit arriver arrivera" et si vous gardez vos livres d'étude fermés, quelle note aurez-vous à l'examen et quelles connaissances aurez-vous tirées de ces livres ?... De l'effort ou de la destinée, lequel est vrai ? Les deux sont vrais, les deux ensemble sont vrais ; les deux ne sont pas séparés... » S'il faut, pour Svâmiji comme pour Epictète, « accepter ce qui arrive simplement parce que cela arrive », c'est d'abord parce qu'on ne peut faire autrement (« Pouvez-vous dire "Non, ce n'est pas arrivé" ? Impossible ! Alors acceptez ») ; c'est ensuite parce qu'on ne saurait sans cela vivre en paix ; c'est enfin parce que c'est la condition d'une action lucide et, par là, efficace. « Vous ne pouvez pas faire autrement que d'accepter ce qui est là. Voir et accepter ce qui est, et ensuite, si besoin est, essayez de le changer. Est-ce du fatalisme ou est-ce un fait ou une vérité à laquelle vous ne pouvez échapper ? Si vous êtes malade, gagnerez-vous quelque chose en vous révoltant, ou en acceptant ; oui la maladie est là ; et alors, si besoin est, essayez de l'éliminer. » De là l'attitude propre au sage, qui le distingue aussi bien de l'agitation vaine des affairés (les occupati de Sénèque) que de la passivité des lâches ou des paresseux. « Non pas tendre vers un idéal, mais se confronter à la réalité telle qu'elle est... Non pas méditer mais agir. » Le sage est un homme d'action (kartâ : celui qui agit) et toute action, par l'acceptation du réel qu'elle suppose, est leçon de sagesse. ...
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Messagepar Bruno31415 » 10 nov. 2008, 17:32

Merci pour ta réponse, Serge. J'ai trouvé plein d'informations dans les liens que tu m'as donnés. Celui qui m'a le plus été utile est notamment celui-ci :

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-711.html (liberté et bonheur)

Dans cette discussion, on peut trouver une étude du déterminisme et du fatalisme. Je me rends compte que je confonds ces deux notions. Malgré le post détaillé d'Henrique, j'avoue avoir toujours du mal à faire la différence.

Je vais essayer d'expliquer ce que je ne comprends pas.

Pour cela, je reprends l'exemple donné par Henrique, à savoir la situation d'un entretien d'embauche. Supposons donc que je doive me rendre à un entretien d'embauche. Deux issues sont possibles pour cet entretien : soit je serai pris, soit non.

Pour un fataliste, l'issue de l'entretien est déjà écrite : donc, quoi que je fasse, il est déjà écrit que je serai pris ou non.

Supposons donc que nous soyons déterministe et non fatalise. Je vais montrer qu'on aboutit à une contradiction :

Comme nous nous situtons dans une perspective déterministe, le fait que je sois pris ou non dépendra de certaines causes : par exemple : les attentes de l'employeur, la façon dont je vais me présenter, mes compétences, etc.

Supposons alors deux situations :

1) Je vais à l'entretien en négligeant ma présentation.

2) Je vais à l'entretien en soignant ma présentation : habit correct, préparation sérieuse de mon CV, etc.

Chacune de ces deux situations sera une cause qui déterminera l'issue de l'entretien.

Attachons nous maintenant au moment précis où je fais le choix d'opter pour la situation 1 ou 2 :

- Soit ce choix est lui-même déterminé par x causes et, donc, tout est déterminé, ce qui signifie finalement qu'il "était écrit" que je ferai ce choix. On se retrouve ainsi dans le fatalisme.

- Soit ce choix est une liberté, quelque chose qui se passe au moment précis où je fais le choix et qui "n'était pas écrit" : c'est donc un élément d'indétermination, ce qui contredit l'hypothèse déterministe.

Est-ce que quelqu'un pourrait ainsi m'expliquer ce paradoxe auquel j'aboutis, me dire ce qui ne va pas dans mon raisonnement ? En effet, à partir de l'hypothèse du déterminisme, j'aboutis au fatalisme : si toute cause produit un effet déterminé par elle, alors toute l'histoire de l'univers est déjà écrite à partir de ses conditions primordiales ; certes, tout n'est pas écrit "dans un livre" qui serait extérieur à la nature, mais ça revient au même : les conditions initiales déterminent l'état futur : il n'y a aucune possibilité que les choses soient différemment de ce qu'elles sont censées être à partir de leurs causes antérieures. C'est bien comme si tout était déjà écrit... Et alors, où est la liberté de l'homme ??

Bruno.

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Messagepar sescho » 10 nov. 2008, 19:01

Bruno31415 a écrit :Merci pour ta réponse, Serge. J'ai trouvé plein d'informations dans les liens que tu m'as donnés. Celui qui m'a le plus été utile est notamment celui-ci :

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-711.html (liberté et bonheur)

Eh oui, plusieurs posts d'Henrique...

... dont les derniers, d'ailleurs, sont d'une profondeur et d'une clarté exceptionnelles selon moi (ce n'est pas de la vénération : je juge sur pièce... avec mes moyens...)

Pour le reste, je dirais que tout se fait effectivement par l'action des lois de la Nature et il n'y a pas d'échappatoire à cela. Donc aucune "autodétermination." Mais premièrement ce qu'il faut voir c'est que sans détermination il n'y a pas d'enjeu, et sans enjeu il n'y a rien qui vaille. S'il y a des choses qui valent, et il y a de fait, c'est grâce à, par, la détermination. Je ne décide ni de battre du cœur, ni d'avoir faim, ni de ressentir l'amour, ni de ma béatitude (cela se saurait...) mais tout cela est dans la nature humaine par détermination même. Et dans cette détermination il y a que la puissance, de perception claire et distincte tout particulièrement, est toujours recherchée et toujours gratifiante lorsqu'elle est effectivement atteinte.

Quand je donne l'exemple de l'exercice de la Logique, c'est parce que cela montre qu'on se sent réellement libre d'exercer (sa puissance) avec quelque chose de manifestement parfaitement déterminé (la Logique est commune à tous les hommes.)

On ne peut pas opposer liberté et détermination, puisque c'est le contraire qui est vrai : la seconde est la cause de la première (sinon c'est le chaos, et donc nullement la liberté, d'où ma question favorite.) La liberté ce n'est pas l'autodétermination, c'est l'expression pure de la puissance qui ne dépend que de soi en tant même que déterminé.

La confatalia (voir extrait ci-dessus) c'est de dire que tout acte est à la fois volontaire et déterminé. Par exemple, si je ne me soigne pas, je souffrirai plus. L'argument paresseux qui consiste à dire "puisque tout est déterminé autant ne rien faire" est idiot, puisque, que je fasse quelque chose ou non, ce sera toujours en vertu des lois de la Nature, de manière déterminée. Il sera juste dit que la perception confuse de la nécessité m'a coupé les pattes, trop attaché que j'étais à l'idée de mon libre-arbitre. En fait, cela n'a strictement rien à voir.

Qu'est-ce qu'il reste alors ? A agir selon la loi de la puissance maximale. Me poser la question de ce vers quoi la Nature me porte, au lieu de me la jouer comme si j'avais un pouvoir d'auto-détermination divin. Bénéfice ? 100%.

Cela dit, les choses ne sont pas vraiment "écrites", elles s'écrivent en direct (mais selon les lois imprescriptibles de la Nature, communes à tous les hommes, c'est vrai.) Lorsque j'atteins la connaissance claire et distincte, j'atteins l'essence même de Dieu - en partie -, l'absolue liberté divine même, qui se confond avec son action.

Pour moi le fatalisme c'est l'argument paresseux lui-même, en acte. Dans tous les cas le fait est la vérité et doit être parfaitement accepté, parce que tel, mais il n'y a aucune résignation là-dedans. Pour le reste, Spinoza parle lui-même de prédestination divine. Tout se fait bien suivant les lois de la Nature. Mais Dieu n'est pas un marionnettiste ; serait-ce une honte d'être une manifestation de la Nature, parfaite en tout, du Dieu infiniment puissant et parfait lui-même ? N'est-ce pas un bien plus grand Moi (Soi) que le petit moi ?

Je laisse à Henrique le soin de répondre à la suite de son post. Je dirais que dans le cas d'un entretien d'embauche, tu mesures ton intérêt, à court, moyen et long terme et tu agis en conséquence. Autrement dit, tu ne changes rien à ce que tu fais actuellement. Mais si tu as conscience d'être non en toi-même (ce qui ne tient pas un round à l'examen en passant) mais en Dieu, le résultat aura beaucoup plus de probabilité d'être à la hauteur de tes plus grandes espérances (l'ego étant le poison de la conscience claire, qui, elle, voit au contraire la source de tout en Dieu, c'est-à-dire la Nature.)


Serge
Modifié en dernier par sescho le 11 nov. 2008, 16:18, modifié 1 fois.
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Messagepar hokousai » 10 nov. 2008, 19:31

Bruno a écrit

je trouve cela très angoissant et pas du tout réjouissant : dans cette perspective déterministe, je me sens être juste un rouage dans une immense machine.



Il s’agit de jouer comme si j’avais un pouvoir d’ auto détermination .
C’est comme cela que ça se passe pour les actions non automatiques .C’est à dire qu’on ne peut faire autrement que de prévoir ( avoir une intention d’actions) puis d’agir en conséquences ( ou de ne pas agir )
On distingue une idée consciente de ce qu’on veux faire de l’action qui s’en suit .
. On voit apparaître l’intention précise d’ agir mais pas les causes invisibles . Ainsi On ne comprendra pas qu’un autre pense à notre place l’action prévue de notre corps . Les spinozistes ont une causes visible mais la refuse et des causes invisibles qu’ils acceptent .

Cette cause visible il n’est pas question pour chaque homme de la considérer comme divine ni d’ailleurs comme mystérieuse car elle apparaît très clairement, d où la réticence de la plupart des hommes à l’idée de déterminisme quand il s’agit d eux-mêmes .
.
On pourrait même penser que l’idée de déterminisme qu’ils repoussent à l’extérieur d’ eux même (dans la nature ) provient de l’idée de causalité perçue dans l’ expérience quotidienne de l’exercice de leur volonté .

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platoche
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Messagepar platoche » 11 nov. 2008, 12:26

Je partage "l'angoisse" de Bruno et les éléments apportés, quoique très intéressants, me laissent sur ma faim.

Posons les hypothèses suivantes :
- Il n'y a pas d'effets sans cause. Et toutes causes déterminent un effet sans contingence possible.
- Il n'y a pas de volonté transcendante, divine, qui guide arbitrairement les événements (pas d'écrivain du grand livre). On se situe donc là hors de la définition du fatalisme donnée par Henrique, laquelle prend pour hypothèse
...une volonté extérieure à celle des hommes dont la puissance serait infiniment supérieure à celle de l'homme.
Disons que c'est la Nature qui écrit le grand livre.

Je peux faire une première conclusion intermédiaire :
- Tout ce que la Nature écrit en ce moment est l'effet de causes déjà écrites précédemment. Bref, le présent est sans contingence le produit du passé.

Rien ne m'empêche de conclure par transitivité : tout ce que la Nature écrira dans le futur est l'effet de causes présentes, elles-mêmes effets de causes antérieures etc.... Ce qui revient bien à dire que si le grand livre n'est pas écrit d'avance, sa suite est déjà contenue déjà dans les faits actuels en tant qu'ils sont les causes des effets de demain.

On m'objectera que je suis moi-même une cause des effets de demain, et qu'en ce sens je peux agir. Certes. Mais ce qui me fait agir (mon désir) est lui-même effet de causes qui, si l'on remonte la chaîne de causalité suffisament loin, me sont externes.
Pour reprendre l'exemple de l'entretien : si je décide de bien le préparer, c'est par la conjugaison d'une cascades de causes dont aucune n'est issu d'un choix libre : ma naissance, mes gènes, mon éducation, mon milieu social m'ont poussé à avoir tels et tels désirs qui m'ont poussé à faire tels et tels choix qui me poussent aujourd'hui à vouloir bien préparer l'entretien.

Je pense rejoindre le point de vue de Bruno. Quelqu'un peut-il m'indiquer où est la faute dans le raisonnement?

merci

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Messagepar sescho » 11 nov. 2008, 16:54

Mon avis sur la question :

platoche a écrit :Posons les hypothèses suivantes :
- Il n'y a pas d'effets sans cause. Et toutes causes déterminent un effet sans contingence possible.
- Il n'y a pas de volonté transcendante, divine, qui guide arbitrairement les événements (pas d'écrivain du grand livre). On se situe donc là hors de la définition du fatalisme donnée par Henrique, laquelle prend pour hypothèse
...une volonté extérieure à celle des hommes dont la puissance serait infiniment supérieure à celle de l'homme.
Disons que c'est la Nature qui écrit le grand livre.

Oui, il n'y a pas de volonté préexistant aux actes en Dieu (choisissant tel ou tel en fonction de son bon plaisir ; cela c'est l'anthropomorphisation de Dieu, c'est indéfendable à plusieurs points de vue, et il faut bien le dire ridicule.) On peut dire aussi comme Spinoza que la volonté de Dieu est sa puissance même, c'est-à-dire ses actes : l'acte et la volition de Dieu ne sont qu'une seule et même chose, ainsi que son essence lorsque pris en général. Dieu n'est pas un marionnettiste.

platoche a écrit :Je peux faire une première conclusion intermédiaire :
- Tout ce que la Nature écrit en ce moment est l'effet de causes déjà écrites précédemment. Bref, le présent est sans contingence le produit du passé.

Non, la véritable causalité est immanente : ce sont les lois de la Nature qui agissent dans leurs attributs et tous leurs modes finis. Cette cause est éternelle (permanente, universelle) et n'a donc aucun rapport au temps, ni à l'espace, ni au nombre. Mais c'est vrai que cela s'exerce dans un contexte précis : conditions initiales (à partir, donc, du facies totius universi en place... ;-) ), conditions aux limites pour une chose singulière, avec le "conatus" partout (et lois, donc.)

platoche a écrit :... ce qui me fait agir (mon désir) est lui-même effet de causes qui, si l'on remonte la chaîne de causalité suffisamment loin, me sont externes.

Externes et internes ; les lois de ma nature sont internes.

platoche a écrit :Pour reprendre l'exemple de l'entretien : si je décide de bien le préparer, c'est par la conjugaison d'une cascades de causes dont aucune n'est issu d'un choix libre : ma naissance, mes gènes, mon éducation, mon milieu social m'ont poussé à avoir tels et tels désirs qui m'ont poussé à faire tels et tels choix qui me poussent aujourd'hui à vouloir bien préparer l'entretien.

Oui, mais pas seulement (et on peut en principe s'affranchir de tout déterminisme culturel, donc la réponse "non" est valable, ceci n'excluant pas que chacun fait obligatoirement face à des circonstances propres à son environnement du moment.) Car les lois de la nature humaine indiquent où est la puissance, et la puissance est aussi le bonheur, et une de ces lois impose que ceux-ci soient recherchés pour eux-mêmes (c'est pourquoi béatitude et souverain bien se confondent.)


Serge

P.S. Tout le monde dispose normalement d'une fonction "Editer" qui permet de reprendre un message existant. Pour ce qui est des quotes, elles sont comme des parenthèses ouvertes([ quote]) et fermées ([ /quote] ; j'ai ajouté là des espaces pour que cela ne soit pas transformé en son effet.) Elles peuvent être imbriquées (trop c'est illisible). Il y a problème si une ouverture ou fermeture manque. Par ailleurs, les espaces doivent être évités en dehors des textes entre guillemets ([quote = "toto de Paris"]).
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Messagepar Bruno31415 » 11 nov. 2008, 19:14

Bonjour à tous,

Merci pour vos réponses et contributions.

Je me rends compte, à force de lire, que le problème de la liberté chez Spinoza est bien plus complexe et surtout subtile que ce que j'avais initialement pensé. Bref, je n'aurai pas le fin mot de l'histoire en deux jours ; il me faudra certainement beaucoup de temps pour assimiler cette notion.

Actuellement, je suis en L1 de philo. Quelle définition grossière - et provisoire - me conseilleriez vous d'adopter concernant la liberté vue par Spinoza, afin de pouvoir continuer la lecture de mon cours sans rester bloqué toute l'année sur cette question ? Une sorte de définition a minima qui me permette surtout de ne pas faire d'énorme contre sens ? Par exemple, comme l'a dit Serge, voir l'homme dans la nature tel que le vase dans les mains du potier ?


Sinon, à la suite du message de Platoche, je voudrais poser une question sur le mot "transitivité" que je ne comprends pas bien en philosophie :

Ethique Livre I,

Prop. XVIII Dieu est cause immanente mais non transitive, de toutes choses.


Je comprends ce que veut dire immanent, mais que voudrait dire, ici, transitif ?

A bientôt,
Bruno.

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Messagepar sescho » 11 nov. 2008, 19:30

Bruno31415 a écrit :... Quelle définition grossière - et provisoire - me conseilleriez vous d'adopter concernant la liberté vue par Spinoza...

La liberté c'est d'agir sans aucune dépendance extérieure.

Notes : la détermination étant interne, immanente, et non externe, et rien n'étant extérieur à Dieu. C'est aussi définir la puissance (qui néanmoins ajoute un degré d'extension ; il ne s'agit pas de dormir tout le temps...) Le symbole d'une telle action pure est la connaissance claire et distincte intuitive (3ème genre.) Elle ne dépend que de la puissance de l'entendement humain et aucunement de causes extérieures. J'ajoute que selon moi la remémoration est une forme de dépendance extérieure, à effet différé.

Bruno31415 a écrit :Je comprends ce que veut dire immanent, mais que voudrait dire, ici, transitif ?

Tu as donc compris l'essentiel. La cause transitive, je la considère comme imaginaire : c'est par exemple quand on dit que la cause du mouvement d'un corps, c'est un autre corps qui l'a frappé. En fait, on décrit ainsi une séquence d'évènements, et on appelle "cause" (de façon assez abusive, donc) ce qui est juste antérieur. Autre exemple, une femme peut être dite la cause transitive de son enfant à sa naissance.

Cela dit, Spinoza utilise bien la cause transitive, comme cause de l'existence d'un corps (E1P28.) Pour les idées, c'est plus difficile... (E2P9.)


Serge
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Messagepar platoche » 12 nov. 2008, 09:42

Sescho a écrit
Oui, mais pas seulement (et on peut en principe s'affranchir de tout déterminisme culturel, donc la réponse "non" est valable, ceci n'excluant pas que chacun fait obligatoirement face à des circonstances propres à son environnement du moment.) Car les lois de la nature humaine indiquent où est la puissance, et la puissance est aussi le bonheur, et une de ces lois impose que ceux-ci soient recherchés pour eux-mêmes (c'est pourquoi béatitude et souverain bien se confondent.)


Là, je ne comprends plus : le déterminisme serait total, mais on pourrait s'affranchir du déterminisme culturel ?

Quant à la puissance, c'est à dire le conatus : il est aussi déterminé. Donc ça ne change rien au fait que mon attitude face à cet entretien, qu'elle soit positive ou négative, est entièrement déterminée. Sinon, il faut m'expliquer d'où provient la liberté qui, indépendamment de toute cause externe, me ferait faire un choix libre.

On en revient toujours au même problème avec le spinozisme ; certes, mon désir fait partie des causes immanentes et en ce sens j'agis sur le monde. Mais ce désir est déterminé. Et si je souhaite en avoir une idée claire pour pouvoir faire le choix adéquat, ce souhait en lui-même n'échappe pas au déterminisme. Ma volonté d'avoir une perception claire est elle-meêm déterminée : je n'ai donc pas le choix d'opter pour avoir une perception claire : si je l'ai, c'est que j'étais déterminé à l'avoir.

Je ne sais plus où Spinoza fait la comparaison avec un pierre : jetez-là en l'air, elle va monter puis redescendre. Donnez-lui une conscience : elle croira qu'elle souhaite monter puis descendre; elle n'en est pas moins déterminée.


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