Le sentiment même de soi II

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar Enegoid » 20 nov. 2008, 10:37

A Louisa

J'espère qu'ainsi j'étais plus clair ... ?


Oui vous êtes plus claire : exit Spinoza, bonjour Spinoza 1(CT) et Spinoza 2 (Ethique). Nous parlons donc de Spi2.
(Je suppose que votre assertion se discute, mais je passe).

Si je vous ai bien compris vous refusez l’essence de genre. Comment interprétez-vous les formules de Spînoza2 telles que « essence de l’homme » (ou du cheval etc.) ?
Pour moi l’essence de l’homme est ce que tous les hommes ont en commun et qui ne concerne que les hommes. Chez Spi2 toujours. Pour vous, c’est quoi ?
(Je suis curieux de voir quel lapin vous allez sortir de votre chapeau cette fois-ci. Mais je vous fais confiance)

Concernant l'opinion etc.
Je pense que nous serions d’accord avec la formulation suivante : Spinoza2 considère que plusieurs choses poussent à admette que l’essence d’un corps peut changer dans le courant de sa vie. Cependant il ne va pas jusqu’à l’affirmer positivement.
Vous imaginez qu’il ne l’a pas affirmé à cause des superstitions. C’est possible.
Il n’en reste pas moins que, quelle qu’ en soit la raison, il ne l’a pas affirmé. Ce que je me suis contenté de dire.
« Rien ne permet d’affirmer que l’on se trompe en disant que l’essence ne change pas… »
Mêmes les doutes de Spi2 ne permettent pas de l’affirmer. « Je n’ose nier » n’est pas équivalent à « j’affirme ».
Cependant je reconnais que "rien" est un peu exagéré. J'aurais mieux fait d'écrire : "On ne peut affirmer absolument...".

Il y a aussi l’hypothèse d’Hokousai sur l’autre fil : et Spi2 a peut-être eu l’intuition qu’admettre un changement d’essence allait le conduire dans des questionnements sans fin sur la possibilité même d’existence d’une « chose »…autre débat

Mais ce que je voulais surtout faire remarquer, c’est qu’il y a des choses qui changent et qui sont diverses dans les essences de genre. Et que donc le changement n’est pas un argument suffisant. Mais il faut pour cela admettre l’essence de genre. Ce que vous ne faites pas. Donc, impasse.

Cordialement.

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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 20 nov. 2008, 19:31

Bonjour Louisa,

Je vais la faire courte car votre longue démonstration ne m'a pas fait avancer (sous réserve que je sais dorénavant ce que vous entendiez par déterminisme génétique).
En matière scientifique, comme en d'autres (il n'est que de prendre connaissance des empoignades entre les sachants illustres, lesquelles relèvent certainement, partiellement de E3,E4), j'essaie de me construire une connaissance faisant "abstraction" de la pointe de la recherche (sur le fond de son argumentaire) et reposant sur le consensus "opérationnel" et accessible à mon intelligence du moment (quand on essaie de balayer le maximum de domaines, cela relève déjà du tour de force). Sur cette base (étant admis que la mise en commun, justement, permet d'augmenter sa force individuelle, démonstration spinoziste s'il en est), je ne vois pas dans vos longues citations matière à répondre à la question simple que je posais, à savoir l'accouplement d'une femme et d'un taureau. Premier élément taxonomique donc, l'interfécondité, qui n'est pas une fiction de l'imagination mais le concept d'une relation aboutissant à de la réalité.
Que vous insistiez pour que nous réservions le terme d'essence aux seules choses singulières, je l'ai admis, ne pouvant pas ne pas accepter ce qui est écrit en E2P37, mais il faut bien alors que nous cherchions si l'utilisation de propriété commune, dans l'acception que lui donne Spinoza, ou d'essence de l'homme ou du cheval, permet de répondre (ce qui n'est pas le cas si c'est une fiction) à la problématique fondée qui nous faisait utiliser "l'essence de genre", sauf à penser que Spinoza s'est planté, ce qui ne me paraît pas de bonne méthode.
Ainsi donc, dans la pensée de Spinoza elle-même, il y a tous les éléments d'une taxonomie, car il ne pouvait en être autrement, au regard de l'importance de la notion structurante et constitutive de rapports spécifiques de mouvements et de repos.
Si toute essence (singulière) enveloppe un certain nombre de rapports de mouvements et de repos spécifiques (plus la chose a de réalité et de complexité, plus le nombre de ces rapports est grand), il est bien évident (et si Spinoza n'en dit rien c'est qu'il s'agit alors, dans son esprit, d'une telle évidence qu'elle relève des notions communes, donc de la connaissance adéquate) qu'un certain nombre de ces rapports sont identiques entre l'individu A et l'individu B, faute de quoi (au minimum sur la base de E1P3) ils n'auraient aucune chose en commun. Ces choses en commun sont bien évidemment un certain nombre de rapports de mouvements et de repos.
Si donc, pour reprendre mon raisonnement ensembliste, entre l'essence singulière de Pierre et l'essence singulière de Claudette, enveloppantes chacune d'un nombre "infini" de rapports de mouvements et de repos, j'extrais, par l'entendement (idée vraie = idée en Dieu), l'ensemble des rapports de mouvements et de repos identiques entre eux et qui permettent, par exemple, l'interfécondation, mais aussi l'échange par la parole et la promenade main dans la main, je conçois bien un "ensemble de rapports spécifiques" constitutif d'un classement vrai (donc en Dieu) que j'appelle X, Y ou Z. (nous sommes donc bien devant une définition de mots et Durtal a raison d'insister sur le caractère vrai de "l'essence de genre", le débat devant alors se focaliser sur le mot qu'emploie Spinoza dans l'Ethique pour définir exactement le même concept, donc relève d'une définition de mot).
Dans ces conditions, en reprenant une partie de votre message précédent, dans lequel vous disiez :
"Sinon je suis en gros tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez ici. Je dis "en gros" parce que je crois que Sescho par exemple (et si je l'ai bien compris) a tout de même envie d'aller plus loin, pour dire:
1) d'une part que nous n'avons pas de connaissance adéquate des essences singulières là où Spinoza à mon sens dit que nous avons tous au moins la connaissance adéquate de l'éternité de notre propre essence singulière (E5P33 scolie, E5P34 scolie) et pouvons augmenter le nombre de ces idées adéquates des essences singulières, et
2) d'autre part que connaître les propriétés communes des choses c'est déjà "d'une certaine manière" connaître leur essences singulières, ce qui me semble être impossible lorsqu'on sait que l'essence dans l'Ethique est toujours singulière."
Je conclus donc avec Sescho, si vous l'avez bien cité, que connaître les propriétés communes c'est déjà connaître 90% (par exemple) de leur essence singulière, étant précisé là qu'il s'agit d'une connaissance du 2ème genre, donc adéquate, donc vraie, donc en Dieu.
Pour le 1/, je suis entièrement d'accord sur le fait que nous ne pouvons avoir de connaissance adéquate des essences singulières, seule la connaissance du 3ème genre nous permet de les contempler, pas de les connaître (nous arriverons peut-être à revenir enfin sur les phénomènes de conscience sur ce fil).
Amicalement

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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 20:21

Enegoid a écrit :Oui vous êtes plus claire : exit Spinoza, bonjour Spinoza 1(CT) et Spinoza 2 (Ethique). Nous parlons donc de Spi2.
(Je suppose que votre assertion se discute, mais je passe).


Cher Enegoid,

disons qu'à mon sens chacune de mes assertions (et d'ailleurs chaque assertion tout court) se discutent. Si donc vous avez l'impression que la distinction que je viens de faire au sujet de la définition de l'essence entre le CT et l'Ethique n'est pas tout à fait correcte, toute critique est la bienvenue.

Enegoid a écrit :Si je vous ai bien compris vous refusez l’essence de genre.


je crois effectivement que chez Spinoza toute essence est singulière, et que le genre n'est qu'une abstraction, qui ne réfère à rien de réel hors de l'Esprit humain. Je viens d'expliciter les raisons pour lesquelles je pense cela, j'espère que maintenant ceux qui défendent l'idée d'une essence de genre chez Spinoza vont montrer en quoi je me trompe, c'est-à-dire en quoi ces raisons ne sont pas valables.

Enegoid a écrit : Comment interprétez-vous les formules de Spînoza2 telles que « essence de l’homme » (ou du cheval etc.) ?


c'est bien que vous posez la question, car justement, pour autant que je l'aie compris, ceux qui défendent l'idée que dans le spinozisme il y aurait réellement des essence de genre ne se basent que sur cet argument seul: le fait que dans l'Ethique Spinoza parle à de nombreux endroits de l'essence de l'homme.

Or un nominalisme n'interdit absolument pas de parler de genres ou d'espèces (après tout, le livre de Darwin s'intitule bel et bien De l'origine des ESPECES). Il souligne simplement que ces idées ne sont que des abstractions, des idées dans l'Esprit humain, auxquelles rien de réel ne correspond en dehors de cet Esprit. Cependant, un nominalisme ne nie absolument pas que l'homme a besoin de ces abstractions pour pouvoir vivre, pour pouvoir acquérir une connaissance (toujours humaine) de la nature etc. La seule erreur, pour un nominaliste, consiste dans le fait de prendre les idées ou les mots pour les choses.

Enegoid a écrit :Pour moi l’essence de l’homme est ce que tous les hommes ont en commun et qui ne concerne que les hommes. Chez Spi2 toujours. Pour vous, c’est quoi ?
(Je suis curieux de voir quel lapin vous allez sortir de votre chapeau cette fois-ci. Mais je vous fais confiance)


merci de votre confiance (hélas un peu "relativisée" par le fait que vous présupposez déjà que personne ne peut sérieusement penser différemment que vous, ou que cela ne peut que relever d'une pensée "magique" :) ... mais passons).

D'abord, moi-même je n'en pense rien. Je ne suis ni nominaliste, ni réaliste. Je sais que pour l'instant il y a pas mal de gens sur ce forum pour qui cela semble être impossible, chacun "devrait" avoir "sa propre philosophie". Pour moi, en tout respect de cette position, cela est absurde. Or Sinusix a à mon sens très bien formulé cette position il y a quelques jours, et dès que j'ai un peu le temps de systématiser ce que son message me fait penser, je soumettrai le résultat à vos critiques (vu que la question revient sans cesse, faire cela est un peu urgent, je sais ..).

Quant à Spinoza, pour moi c'est clair: la définition même que l'Ethique donne de l'essence le rend impossible de croire que l'essence spinoziste est une essence de genre et non pas une essence singulière. La preuve en est notamment qu'il n'a besoin que de cette définition pour dire dans l'E2P37 que ce qui est commun ne peut constituer une essence.

Or je viens d'expliquer pourquoi à mon avis Spinoza peut tirer l'E2P37 directement de cette définition seule. Puisque vous (ni quelqu'un d'autre qui défend l'idée d'essence de genre chez Spinoza) n'avez toujours pas dit en quoi selon vous cette explication serait erronée, je suppose que je ne me suis pas exprimée très clairement. Autre tentative donc.

Voici encore une fois la définition (E2 Déf.2):

"Je dis appartenir à l'essence d'une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose, et dont la suppression supprime nécessairement la chose; ou encore, ce sans quoi la chose, et inversement ce qui sans la chose, ne peut être ni se concevoir."

D'abord, remarquons que Spinoza revient sur cette définition déjà dans l'E2P10 (scolie du corollaire, toute dernière phrase (phrase assez longue, qui commence par "Car mon intention ici..."). Il dit qu'il y donne la raison pour laquelle il n'a pas "dit qu'appartient à l'essence d'une chose ce sans quoi la chose ne peut être ni se concevoir". Autrement dit, il donne la raison pour laquelle la définition traditionnelle de l'essence (= la définition aristotélicienne, repris notamment par le thomisme) n'est pas celle qu'il a donné lui-même. En effet, dire que l'homme se définit par "animal rationnel", c'est définir une espèce ou un genre, par les propriétés que tous les individus de cette espèce ont en commun et qui sont telles que si l'on en enlève une, le résultat n'est plus un homme. Supposons par exemple un homme qui ne serait plus un animal: cela est inconcevable. Donc être un animal et être rationnel est ce sans quoi l'homme ne peut ni être ni se concevoir. Pour la définition traditionnelle de l'essence, c'est ce qui permet de dire qu'être rationnel et être un animal doit appartenir à l'essence de tout homme. Mais donc voilà, Spinoza dit ici explicitement que lui il ne dit pas cela, qu'il a donné une autre définition de l'essence.

En effet, on lit dans sa définition un deuxième élément encore: appartient à l'essence d'une chose ce qui sans la chose ne peut être ni se concevoir (la première définition disait l'inverse: ce sans quoi la chose ne peut ni être ni se concevoir).

C'est ici que s'opère le passage d'une essence de genre à une essence singulière. Une propriété qui constitue une essence doit à partir de maintenant être telle que si la chose qui a cette essence périt, la propriété elle-même ne peut plus ni être ni être conçue. C'est cela qui oblige Spinoza à éliminer toutes les propriétés communes de l'essence, puisque justement, si tout homme a en commun le fait d'être un animal, en effet, on ne peut que dire que lorsque moi-même un jour je mourrai, il y aura toujours des animaux sur terre (et même des animaux rationnel). Donc la propriété "être un animal" n'est pas supprimée lorsque une chose qui l'a est supprimée. C'est pourquoi cette propriété ne correspond pas à ce que la deuxième partie de la définition spinoziste de l'essence impose comme condition nécessaire. Et c'est pourquoi toute essence réelle nécessairement doit être singulière, puisque seule cette propriété qui appartient à la chose singulière seule, et à aucune autre chose singulière, sera supprimée définitivement au moment même où la chose est supprimée.

A mon sens, il faudrait dire en quoi ce que je viens d'écrire ici contient une erreur avant de pouvoir dire qu'il est clairement démontré que dans le spinozisme il y a réellement des essences de genre, que le spinozisme n'est pas un nominalisme. Juste dire que Spinoza parle de l'essence de l'homme n'est pas suffisant, parce qu'un nominaliste ne bannit pas l'idée même du genre ou d'espèce de son vocabulaire, il lui donne juste un autre statut, et l'enjeu du nominalisme versus réalisme concerne précisément ce statut. Je peux par exemple parler du film Matrix, et on peut dire plein de choses tout à fait vraies par rapport à ce film. Cela ne nous fera jamais donner à ce film un autre statut qu'une simple fiction, et non pas quelque chose qui correspond à la réalité. Il en va de même avec la position nominaliste concernant les espèces et genres.

Or si vous avez l'impression que ce n'est toujours pas clair, n'hésitez pas à le dire. Si je n'arrive pas à l'expliquer clairement moi-même, je peux toujours essayer de reprendre l'argumentation de l'un ou l'autre commentateur à ce sujet, afin de permettre plus facilement une critique ou des objections par rapport à cette interprétation.

Enegoid a écrit :Concernant l'opinion etc.
Je pense que nous serions d’accord avec la formulation suivante : Spinoza2 considère que plusieurs choses poussent à admette que l’essence d’un corps peut changer dans le courant de sa vie.


je dirais plutôt que "un Corps peut changer d'essence" (c'est sur la différence entre les deux que portait l'échange que j'ai eu avec Durtal à ce sujet, il y a quelques jours).

Enegoid a écrit : Cependant il ne va pas jusqu’à l’affirmer positivement.
Vous imaginez qu’il ne l’a pas affirmé à cause des superstitions. C’est possible.
Il n’en reste pas moins que, quelle qu’ en soit la raison, il ne l’a pas affirmé. Ce que je me suis contenté de dire.
« Rien ne permet d’affirmer que l’on se trompe en disant que l’essence ne change pas… »
Mêmes les doutes de Spi2 ne permettent pas de l’affirmer. « Je n’ose nier » n’est pas équivalent à « j’affirme ».
Cependant je reconnais que "rien" est un peu exagéré. J'aurais mieux fait d'écrire : "On ne peut affirmer absolument...".


ici aussi, j'ai l'impression de ne pas m'être expliqué très clairement. Car nous sommes d'accord pour dire que dans le scolie de l'E4P39, un doute subsiste, il ne va pas jusqu'à l'affirmer positivement. C'est ce que j'ai immédiatement reconnue lorsque vous l'avez très justement remarqué (il s'agissait effectivement d'une rectification importante par rapport à la façon dont je venais de formuler les choses). Or dans le même message (que je viens de recopier hier), j'ai également dit pourquoi selon moi il suffit de tenir compte d'autres passages dans l'Ethique pour pouvoir dire que dans le spinozisme, c'est effectivement le cas qu'un Corps change d'essence. C'est pourquoi juste vous contenter de dire que pour vous dans le scolie de l'E4P39 il ne l'affirme pas explicitement pour moi n'est pas vraiment suffisant, puisque dès le début mon raisonnement se basait sur d'autres passages, vous voyez? Une façon de reformuler ce même raisonnement se trouve dans ce que je viens de répondre à Hokousai aujourd'hui dans le fil qu'il a récemment créé à ce sujet. Si vous avez toujours l'impression que ce raisonnement n'est pas clair, il suffit de le dire et j'essayerai de le dire autrement encore. Mais aussi longtemps que vous ne me dites pas où selon vous se trouve l'erreur dans ce raisonnement, je ne peux que constater qu'à ce sujet nous avons des opinions différentes, sans plus. Ce qui serait peut-être un peu dommage.

Enegoid a écrit :Mais ce que je voulais surtout faire remarquer, c’est qu’il y a des choses qui changent et qui sont diverses dans les essences de genre. Et que donc le changement n’est pas un argument suffisant. Mais il faut pour cela admettre l’essence de genre. Ce que vous ne faites pas. Donc, impasse.


à mon sens l'impasse est plutôt dû au fait que ce que je dis ne semble pas être très clair, pour l'instant. Car il est évident que dès qu'on travaille avec la notion d'essence de genre, on doit admettre une certaine forme de changement (en effet, dans cette optique l'homme ou individu A est une autre variation sur l'essence de l'Homme que l'homme B). La notion d'essence de genre est même faite pour pouvoir subsumer différents cas particulier sous une seule et même notion. Le problème se situe pour moi en amont de tout cela: y a-t-il réellement des essences de genre chez Spinoza ou non? Pour le savoir, il me semble qu'il faut commencer par analyser la définition d'essence de Spinoza. C'est pour ça que j'espère que ceux qui défendent l'idée d'une existence réelle des essences de genre dans le spinozisme vont me dire en quoi l'analyse que je propose de cette définition serait erronée.
Cordialement,
L.

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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 20:38

Sinusix a écrit :je ne vois pas dans vos longues citations matière à répondre à la question simple que je posais, à savoir l'accouplement d'une femme et d'un taureau. Premier élément taxonomique donc, l'interfécondité, qui n'est pas une fiction de l'imagination mais le concept d'une relation aboutissant à de la réalité.


Bonjour Sinusix,
juste pour le moment une réponse à ceci.

L'interfécondité est effectivement un fait, à partir du moment où l'on prend nos impressions spontanées et sur le court terme pour des faits (sur le long temps, il faut constater qu'il y a un large éventail d'êtres "intermédiaires" déjà répertoriés par Darwin et qui n'appartiennent à aucune espèce clairement définissable).

La question est de savoir si ce fait même suffit pour pouvoir parler de l'existence réelle des espèces et des genres, voire d'une "essence" de genre ou d'espèce. Personnellement, je ne vois pas comment cela pourrait être le cas. Il faut d'abord définir l'espèce par l'interfécondité avant que ce mot réfère à quelque chose de réel. C'est donc bel et bien une décision humaine qui retraduit un fait "grossier" comme l'interfécondité en une thèse métaphysique, qui affirme l'existence réelle de frontières bien établies entre les êtres vivants, frontières qui permettraient de définir l'essence même de ces choses.

Pourquoi serait-ce nécessaire de définir l'essence d'une chose par le critère de l'interfécondité, et non pas par sa singularité? C'est là à mon avis que se trouve la question qui permet d'opter ou bien pour un nominalisme (seul ce qui est singulier est réel) ou un réalisme (les espèces existent réellement, et seul ce que les individus d'une espèce ont en commun définit ce qu'ils sont réellement). Pour moi il s'agit clairement d'un choix tout à fait philosophique, je ne vois pas ce qui dans la réalité "en soi" pourrait nous obliger à opter pour l'un plutôt que l'autre. Si donc vous dites que vous préférez appeler "essence" ce qui correspond au critère de l'interfécondité, vous adopter l'une des grandes positions historiques à ce sujet, position que je respecte, bien sûr. Mais l'autre position est tout aussi respectable, et tout aussi ancrée historiquement.

Ce que j'ai voulu montrer par la longue citation de hier, ce sont deux choses:
1. on ne peut pas dire que la science est anti-nominaliste, car même les seuls réalistes qu'il y avait encore (la génération précédente des généticiens) sont aujourd'hui confronté à des objections venant de l'intérieur même de leur discipline. Dans les autres sciences, on a déjà opté pour le nominalisme.
2. puisqu'il s'agit d'un choix philosophique, il faut bel et bien étudier les textes de Spinoza lui-même pour savoir si le spinozisme est un nominalisme ou non. On ne peut pas se contenter de dire qu'on est soi-même réaliste et que donc Spinoza devrait l'être aussi. Si l'on croit que le spinozisme est un réalisme, il faudrait pouvoir le montrer sur base des textes.
Amicalement,
L.

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Messagepar Enegoid » 20 nov. 2008, 21:32

Chère Louisa

1

Admettez-vous, au moins, que Spinoza(2) parle d'essence de genre quand il parle d'essence de l'homme ?
(Et s'il ne parle pas d'essence de genre, de quoi parle-t-il?)

2
Louisa a écrit :...le fait que vous présupposez déjà que personne ne peut sérieusement penser différemment que vous

Le fait !!!???
Qu'en savez-vous ?

Je n'ai même pas lu la suite de votre message : il me faut au moins un ou deux points d'accord ou de désaccord clair pour avancer.

A la prochaine

cordialement

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Messagepar Durtal » 20 nov. 2008, 22:18

Je connais une excellente recette de tomates farcies (avec un peu de jambon cru et de menthe dans la farce).

Déroutant à première vue mais succulent...

D.

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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 22:50

Bardamu a écrit :
louisa a écrit :(...)
Bref, tout ceci pour dire que mon opinion à ce sujet, c'est que le spinozisme pourrait éventuellement offrir les concepts dont ont besoin aujourd'hui les biologistes pour penser "l'homme" dans sa singularité, et cela précisément parce qu'on commence à reconnaître que notre idée commune du génome n'est pas correcte. Or, cette opinion ne pourra accéder à un statut de vérité un peu plus solide que si on approfondit la question, si j'essaie d'argumenter etc, bien sûr. En même temps, ce type d'exercice peut toujours tout aussi bien donner lieu au résultat inverse (que mon opinion s'avère être fausse). (...)


Bonjour Louisa et Enegoid,
juste un mot en passant : à mon avis, vous êtes dans un faux débat.

Spinoza part d'une idée, l'esprit de l'homme, pour ensuite en chercher l'objet qui sera un mode de l'Etendue, un corps.
Si on prend les définitions de biologistes qui partent de certaines idées sur le corps pour ensuite en extraire des idées sur l'esprit (généralement le fonctionnement du cerveau dans ce matérialisme), on prend le chemin inverse de Spinoza. Si on prend les définitions d'autres biologistes, éthologues (ou éthologistes ?), neuropsychologues..., on se rapproche déjà un peu plus du raisonnement de Spinoza puisqu'ils partent d'éléments plus proches de la notion d'esprit.


Bonjour Bardamu,
j'avoue que e ne suis pas certaine que la voie spinoziste soit d'aller de l'esprit vers le corps. Certes, il dit bel et bien qu'on ne sait pas ce que peut un corps (E3P2 scolie). Et le deuxième livre s'intitule bel et bien "De l'Esprit". Or comme il le dit déjà immédiatement après, le but de cette partie, c'est d'arriver à une connaissance de l'Esprit, en étudiant tout ce qui suit de l'essence divine et qui pourrait avoir trait à cette connaissance. Qu'est-ce qu'il faut étudier plus précisément parmi les choses qui suivent de l'essence divine avant de pouvoir aboutir à une connaissance de l'Esprit? Je crois que Spinoza répond à cette question dans le scolie de l'E2P13:

"Mais nul ne pourra comprendre l'Esprit humain lui-même de manière adéquate, autrement dit distincte, s'il ne connaît pas d'abord de manière adéquate la nature de notre Corps. (...) et c'est pourquoi, pour déterminer en quoi l'Esprit humain diffère des autres, et l'emporte sur les autres, il nous est nécessaire de connaître, comme nous l'avons dit, la nature de son objet, c'est-à-dire du Corps humain. (...) Et pour ça il est nécessaire de poser quelques prémisses concernant la nature des corps."

Après avoir commencé le livre deux non pas par la définition d'un esprit, mais par celle d'un corps, Spinoza passe au début même de l'E2 directement à une "petite physique", suivie par une série de postulats sur le corps. Ensuite, il n'y a quasiment pas de proposition qui ne mentionne pas le corps ou qui ne se base pas sur un processus corporel pour en déduire quelque chose par rapport à l'idée. Il est vrai que les propositions qui portent sur l'erreur ne parlent plus du Corps (mais lorsqu'ils en parlent c'est pour signaler que l'erreur ne concerne que l'Esprit et jamais le Corps).

Ensuite, on continue dans la même veine: les postulats de l'E3 ne concernent que le corps. Il est vrai que beaucoup des propositions qui s'ensuivent parlent de l'imagination et de l'Esprit, mais il me semble que très régulièrement, la démonstration commence par référer à l'image, qui est une affection du Corps. Un exemple parmi d'autres: E3P14:

"Si l'Esprit a une fois été affecté par deux affects à la fois, lorsque plus tard l'un des deux l'affectera, l'autre l'affectera aussi.

DEMO
Si l'Corps humain a une fois été affectée par deux corps à la fois, (...)
".

Si en revanche tu voulais plutôt dire que partir de telle ou telle théorie biologiste pour en déduire des idées concernant l'Esprit souvent revient à des déductions qui n'en sont pas, et qui sont plutôt de simples injections de positions philosophiques dans ce qui a l'air d'être une théorie scientifique de l'Esprit, je suis tout à fait d'accord. Un bel exemple me semble être le matérialisme: selon certains scientifiques, il ne s'agirait pas d'une position philosophique mais d'une théorie prouvée, alors que justement, ils n'étudient que la matière et non pas l'Esprit, donc ne peuvent rien conclure de manière scientifique de leur recherche concernant l'existence même d'un Esprit ou non.

Bardamu a écrit :A vrai dire, actuellement, ce sont les approches entre le cognitif et le psychologique qui me semblent les plus proches de Spinoza (cf par exemple, ce questionnement sur le statut des sciences cognitives).


merci pour l'article.

Bardamu a écrit :Mais de même qu'on peut donner plusieurs définition du cercle, on peut donner plusieurs définitions de l'homme, parler d'un "homme génétique", d'un "homme physiologique", d'un "homme cognitif" etc. selon le point de vue qui nous intéresse.


on peut le faire, bien sûr .. mais dès qu'on dit qu'une définition dit quelque chose sur l'essence même de ce qui est définie, je ne suis pas certaine que tout point de vue se vaut. Car justement, d'un point de vue spinoziste la science ou le deuxième genre de connaissance n'étudie que les propriétés communes, pas les essences. Les résultats de la recherche scientifique ainsi ne peuvent nous renseigner sur les "définitions", puisqu'ils ne donnent que des propriétés communes. Alors on peut en effet aller voir quelles propriétés les hommes ont en commun dans le domaine de la génétique, la physiologie, etc. Mais ce faisant on n'obtiendra jamais une définition, on ne touchera jamais à l'essence.

Bardamu a écrit : Il est clair que dans une approche phylogénétique, un biologiste pourra se concentrer sur l'"homme génétique" alors que dans une approche ontogénétique il fera notamment la part entre le génétique et les facteurs environnementaux du développement.


(en passant: c'est précisément cela que des généticiens comme Sonigo et autres contestent. Pour eux, la "scission" entre le phylogénétique et l'ontogénétique est totalement arbitraire et conduit à de multiples contradictions, raison pour laquelle ils parlent d'une "ontophylogenèse". Comme le dit le quart de couverture de L'origine des individus": "L'ontogenèse et la phylogenèse sont deux aspects inséparables d'une même réalité ne constituant qu'un seul processus d'hétéro-organisation. Au cours de cette ontophylogenèse, les êtres vivants individuels et les espèces se forment de manière identique. L'environnement n'est pas seulement ici ce qui est extérieur à l'organisme, il se prolonge dans son milieu intérieur, où agit la sélection naturelle. L'ontophylogenèse détruit la conception d'un individu qui n'existerait que par sa détermination interne et lui substitue celle d'un individu existant par la relation à ce qui lui est extérieur. L'Autre est présent dans les fondements biologique de notre identité.")

Bardamu a écrit :Pour résumer, la première question que je me poserais est celui du rapport entre l'approche de Spinoza et les diverses sciences actuelles dans la définition de l'espèce homo sapiens sapiens ou de l'individu.
Est-ce que l'homme spinozien doit se définir plutôt par une biologie ou plutôt par une psychologie ? Plutôt par les sciences cognitives, comportementales, neuropsychologiques etc. ou plutôt par le génétique, le physiologique, l'anatomique etc. ?
A priori, c'est plutôt le cognitif-comportemental qui prime dans la définition d'un "homme éthique", quitte à ce qu'une partie du corps au sens biologique soit exclue de cette définition.


Ne faudrait-il pas dire que Spinoza ne donne pas vraiment de définition de l'homme? Ce qui semble le plus aller dans le sens d'une éventuelle définition, à mon avis, c'est le corollaire de l'E2P10: "De là suit que l'essence de l'homme est constituée par des modifications précises des attributs de Dieu". Ce qui définit alors tel ou tel homme, c'est le fait d'être constitué de tel mode singulier de l'attribut de la Pensée, et tel mode singulier de l'attribut de l'Etendue.

Puis si l'on est convaincu que le spinozisme est un nominalisme, encore une fois, la définition de l'homme ne peut jamais coïncider avec ce qu'en disent les sciences, puisque ceux-ci ne s'en tiennent qu'à ce qui est commun, par exemple à ce qu'on désigne par Homo sapiens sapiens. Mais déjà là le problème se pose de savoir ce qu'on veut plus concrètement désigner. Car qui est le Homo sapiens sapiens? Si j'ai bien compris (source: Pascal Picq, maître de conférence à la chaire de paléoanthropologie et préhistoire du Collège de France), ce nom n'est qu'une étiquette pour ce qui en réalité est l'espèce Homo sapiens (à Sinusix: espèce effectivement définie par l'interfécondité).

Il y a seulement 60.000 ans, il y avait sur terre pas moins que quatre espèces du genre homo: Homo neanderthalensis, Homo soloensis, Homo floresiensis, et Homo sapiens. Il se fait que probablement pour des raisons d'origine purement climatique, seul l'une de ces quatre espèces a survécu aujourd'hui (nous), ce qui a suffit pour l'appeler du même coup Homo sapiens sapiens, tandis qu'en réalité il s'agit bel et bien de la seule et même espèce Homo sapiens. A partir de ce moment-là, comment faudrait-il définir l'essence humaine, si l'on préfère une essence de genre sur une essence singulière? Par ce qui caractérise l'espèce Homo sapiens seule (or il se fait qu'on sait déjà que les autres espèces, au moment où elles co-existaient, étaient tous autant capables de "sapere", de savoir, donc ce n'est pas cela qui permet de faire la différence spécifique)? Ou par ce qui caractérise le genre Homo (genre commun à toutes ces quatre espèces; donc dans ce cas ce qui me caractérise moi dans mon essence, c'est exactement ce qui caractérise n'importe quel Néanderthalérien)? Bref, pour l'instant je n'arrive pas à concevoir cette idée de faire coïncider l'essence avec telle ou telle espèce ou genre autrement que comme étant assez arbitraire. Si l'on veut prendre l'interfécondité comme critère, alors trouver la définition consiste à trouver ce qui est la différence spécifique de l'Homo sapiens par rapport aux trois autres espèces d'Homo. Mais pourquoi ce critère serait-il le seul valide, ou le plus valide, lorsqu'il s'agit d'une essence? Il me semble que il s'agit bel et bien d'un choix purement philosophique, qu'aucune science ne peut nous aider à faire, ni une science "matérielle", ni une science "spirituelle" (au sens de Geisteswissenschaften). Dans la philosophie spinoziste, l'essence est en tout cas autant constituée d'un esprit que d'un corps, puis surtout est singulière et non pas spécifique ou générique.

C'est la raison pour laquelle à mon sens la question fondamentale porte tout de même d'abord plutôt sur la différence entre essence de genre et essence singulière, lorsqu'il s'agit de savoir ce que pourrait être le "moi" chez Spinoza, plutôt qu'il faudrait essayer de trouver quel type de science serait la plus adéquate pour pouvoir trouver une réponse spinoziste à la question du "moi" ou de l'essence. Mais bon, ceci n'est qu'une impression, bien sûr, qui est à vérifier.
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Messagepar vieordinaire » 20 nov. 2008, 23:11

Tous ces echanges sont plutot marrants. J'imagine qu'il serait absurde de croire a une toute autre tournure si l'on considere que Spinzoa a identifie d'une facon ou d'une autre l'idee d'essence avec celles de nature, forme, virtue, puissance, perfection, loi, definition, connaissance et meme desire.

Et ce n'est pas sans s'oublier lorsque qu'il parle etrangement et de facon tres vague de l'"essence de la raison" ...

“the essence of reason is nothing but our mind, insofar as it understands clearly and distinctly … 4p67

C'est assez pour alimenter une mer d'opinions divergentes.

:D

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Messagepar Louisa » 20 nov. 2008, 23:20

Enegoid a écrit :Admettez-vous, au moins, que Spinoza(2) parle d'essence de genre quand il parle d'essence de l'homme ?
(Et s'il ne parle pas d'essence de genre, de quoi parle-t-il?)


écoutez, cela fait déjà quelques jours que j'essaie d'expliquer ce que je pense à ce sujet ... mon dernier message essaie de le reformuler autrement, dans l'espoir qu'ainsi je suis plus claire. Ce qui est à mon sens certain, c'est que jamais je ne me ferai comprendre si je me limite à un "oui" ou "non" à ce type de question, puisque justement, le problème est plus complexe que cela. Par conséquent, je ne peux qu'espérer que vous allez lire l'essentiel de ma réponse précédente, écrit précisément pour essayer de répondre à cette question ... .

Enegoid a écrit :2Louisa a écrit:
...le fait que vous présupposez déjà que personne ne peut sérieusement penser différemment que vous

Le fait !!!???
Qu'en savez-vous ?


Cette phrase était une réponse à votre phrase suivante:

Enegoid a écrit :Pour moi l’essence de l’homme est ce que tous les hommes ont en commun et qui ne concerne que les hommes. Chez Spi2 toujours. Pour vous, c’est quoi ?
(Je suis curieux de voir quel lapin vous allez sortir de votre chapeau cette fois-ci. Mais je vous fais confiance)


Ma réponse entière était:

louisa a écrit :merci de votre confiance (hélas un peu "relativisée" par le fait que vous présupposez déjà que personne ne peut sérieusement penser différemment que vous, ou que cela ne peut que relever d'une pensée "magique" :) ... mais passons).


D'abord, les remerciements étaient sincères (être pris au sérieux par rapport au contenu même de ce qu'on dit ces derniers temps sur ce forum n'est pas d'office garanti).

Puis il est tout à fait possible que j'ai mal compris ce que vous vouliez dire vous-même, mais puisque cela fait quelque temps que j'essaie de démontrer pourquoi selon moi chez Spinoza ce qui est commun à tout ne constitue l'essence de quoi que ce soit (E2P37), j'étais assez étonnée de lire que vous ne réagissez toujours pas à cette démonstration, et semblez suggérer que l'on ne pourrait le démontrer que par l'un ou l'autre coup de magie. Ce qui revient à déjà présupposer que l'inverse de votre thèse est indémontrable par définition. Raison pour laquelle j'ai dis sur un ton qui se voulait humoristique (d'où l'émoticon ...) que je n'ai pas le sentiment qu'on m'accorde une confiance énorme si l'on dit déjà que ce sera impossible de démontrer la position que je défends.

Or encore une fois ... il se peut très bien que j'ai mal compris cette phrase (toute votre phrase était peut-être déjà de l'humour, y compris la confiance? Ou vous vouliez dire autre chose encore?). Si c'est le cas, je m'en excuse, mais voilà, c'était ainsi que je l'avais de prime abord lue (sans doute notamment à cause du fait que ces derniers temps, certains le trouvent nécessaire de n'intervenir dans le débat que pour dire que par définition la "Louisa" de ce forum ne peut qu'avoir tout faux, sans plus ...).

Donc bon, si je l'avais bien comprise, comme déjà dit, en ce qui me concerne ce n'est vraiment pas très grave (si je l'avais pris au sérieux, j'aurais d'abord dû exiger une explication avant de vouloir daigner répondre sur le fond, non ... ?), c'est plutôt drôle. Et si je l'avais mal comprise ... je ne peux que rappeler que les messages sur ce forum ne sont que des signes ... si vous vous attendez à ce que tout se communique directement et sans malentendu avant de vouloir prendre au sérieux l'essentiel même d'un message, bon, alors tant pis pour moi ... .

Dans l'espoir, néanmoins, que vous allez prendre le temps d'au moins lire ce que j'ai essayé de dire, et de partager vos critiques sur le fond même du problème,
L.

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Messagepar Louisa » 21 nov. 2008, 05:53

Sinusix a écrit :En matière scientifique, comme en d'autres (il n'est que de prendre connaissance des empoignades entre les sachants illustres, lesquelles relèvent certainement, partiellement de E3,E4), j'essaie de me construire une connaissance faisant "abstraction" de la pointe de la recherche (sur le fond de son argumentaire) et reposant sur le consensus "opérationnel" et accessible à mon intelligence du moment (quand on essaie de balayer le maximum de domaines, cela relève déjà du tour de force). Sur cette base (étant admis que la mise en commun, justement, permet d'augmenter sa force individuelle, démonstration spinoziste s'il en est), je ne vois pas dans vos longues citations matière à répondre à la question simple que je posais, à savoir l'accouplement d'une femme et d'un taureau. Premier élément taxonomique donc, l'interfécondité, qui n'est pas une fiction de l'imagination mais le concept d'une relation aboutissant à de la réalité.


Bonjour Sinusix,

voici la suite de ma réponse. Quant à essayer d'être au courant du consensus opérationnel dans un maximum de domaines: tout à fait d'accord avec vous, et en effet, cela relève déjà du tour de force. Or en ce qui me concerne, je crois que parfois suivre les derniers résultats dans un domaine qui m'intéresse particulièrement peut permettre de savoir où se trouvent, dans cette discipline, les hypothèses non prouvées et ce qui est déjà bien prouvée. Mais bien sûr, le prix à payer pour ce faire, c'est d'être encore moins au courant du consensus provisoire dans certains autres domaines ... raison pour laquelle en effet, je compte sur mes amis et sur les visiteurs de forums de discussion pour essayer de combler les multiples lacunes.

Quant au critère de l'interfécondité: voir mon message précédent.

Sinusix a écrit :
Que vous insistiez pour que nous réservions le terme d'essence aux seules choses singulières, je l'ai admis, ne pouvant pas ne pas accepter ce qui est écrit en E2P37, mais il faut bien alors que nous cherchions si l'utilisation de propriété commune, dans l'acception que lui donne Spinoza, ou d'essence de l'homme ou du cheval, permet de répondre (ce qui n'est pas le cas si c'est une fiction) à la problématique fondée qui nous faisait utiliser "l'essence de genre", sauf à penser que Spinoza s'est planté, ce qui ne me paraît pas de bonne méthode.


je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que vous vouliez dire ici. Pourriez-vous éventuellement reformuler? Merci.

Sinusix a écrit :Ainsi donc, dans la pensée de Spinoza elle-même, il y a tous les éléments d'une taxonomie, car il ne pouvait en être autrement, au regard de l'importance de la notion structurante et constitutive de rapports spécifiques de mouvements et de repos.


Spinoza ne parle que rarement de l'espèce humaine ou de l'espèce de quoi que ce soit, mais comme le nominalisme ne porte pas sur le fait même d'en parler ou non, mais sur le statut qu'on donne à cette notion (abstraction ou non), je crois qu'on peut effectivement dire qu'il y a chez lui tous les éléments d'une taxonomie. Il suffit de bien tenir compte du fait qu'il dit que des notions comme Homme, Chien etc. ne sont que des abstractions (idem donc en ce qui concerne la taxonomie en tant que telle).

Sinusix a écrit :Si toute essence (singulière) enveloppe un certain nombre de rapports de mouvements et de repos spécifiques (plus la chose a de réalité et de complexité, plus le nombre de ces rapports est grand),


de prime abord, je dirais que ceci n'est pas la façon dont Spinoza définit l'essence singulière. Il parle plutôt d'un rapport de mouvement et de repos. Chaque chose est caractérisée par un rapport qui lui est propre, et qui ne caractérise que cette chose et aucune autre. Je veux bien essayer de chercher les passages précis si ce que je dis vous semble être incorrecte. En attendant, serait-il possible de préciser pourquoi vous croyez que chez Spinoza, une essence singulière a plus qu'un rapport de mouvement et de repos?

Sinusix a écrit : il est bien évident (et si Spinoza n'en dit rien c'est qu'il s'agit alors, dans son esprit, d'une telle évidence qu'elle relève des notions communes, donc de la connaissance adéquate) qu'un certain nombre de ces rapports sont identiques entre l'individu A et l'individu B, faute de quoi (au minimum sur la base de E1P3) ils n'auraient aucune chose en commun.


je ne crois pas que tout ce que Spinoza ne dit pas est d'office vrai d'un point de vue spinoziste. Le danger quand on lit de la philosophie, il me semble (et à mes yeux cela vaut pour nous tous bien sûr, donc certainement autant pour moi-même), c'est de supposer que ce qu'on trouve être évident est également considéré ainsi par le philosophe qu'on lit, alors que bousculer nos évidences conceptuelles est précisément "l'efficacité propre" de la philosophie (je reviens là-dessus dans le message que j'annonce entre-temps déjà depuis quelques jours ...).

Je crois que ce que deux Individus dans le spinozisme ont toujours déjà en commun, c'est précisément le fait d'être des modes de l'attribut de l'Etendue (ou plutôt d'envelopper le concept de cet attribut). Mais comme à mon sens chaque essence ne se caractérise que par un rapport de mouvement et de repos déterminé et précis, je ne vois pas comment ces rapports pourraient être de l'ordre de la propriété commune.

Sinusix a écrit :Si donc, pour reprendre mon raisonnement ensembliste, entre l'essence singulière de Pierre et l'essence singulière de Claudette, enveloppantes chacune d'un nombre "infini" de rapports de mouvements et de repos, j'extrais, par l'entendement (idée vraie = idée en Dieu), l'ensemble des rapports de mouvements et de repos identiques entre eux et qui permettent, par exemple, l'interfécondation, mais aussi l'échange par la parole et la promenade main dans la main, je conçois bien un "ensemble de rapports spécifiques" constitutif d'un classement vrai (donc en Dieu) que j'appelle X, Y ou Z.


ceci me semble être parfaitement cohérent, mais tout dépend de la réponse à la question "est-ce qu'une essence singulière chez Spinoza se définit par un rapport de mouvement et de repos précis, ou par une infinité de ces rapports?". A mon avis cela n'est clairement pas le cas, mais je chercherai des preuves dans le texte très prochainement (et en attendant, je ne vous demande bien sûr pas de me croire sur parole).

Sinusix a écrit :Dans ces conditions, en reprenant une partie de votre message précédent, dans lequel vous disiez :
"Sinon je suis en gros tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez ici. Je dis "en gros" parce que je crois que Sescho par exemple (et si je l'ai bien compris) a tout de même envie d'aller plus loin, pour dire:
1) d'une part que nous n'avons pas de connaissance adéquate des essences singulières là où Spinoza à mon sens dit que nous avons tous au moins la connaissance adéquate de l'éternité de notre propre essence singulière (E5P33 scolie, E5P34 scolie) et pouvons augmenter le nombre de ces idées adéquates des essences singulières, et
2) d'autre part que connaître les propriétés communes des choses c'est déjà "d'une certaine manière" connaître leur essences singulières, ce qui me semble être impossible lorsqu'on sait que l'essence dans l'Ethique est toujours singulière."
Je conclus donc avec Sescho, si vous l'avez bien cité, que connaître les propriétés communes c'est déjà connaître 90% (par exemple) de leur essence singulière, étant précisé là qu'il s'agit d'une connaissance du 2ème genre, donc adéquate, donc vraie, donc en Dieu.


ok, mais alors vous admettez que ce qui constitue une essence peut être commun à plusieurs choses. Ce qui est contraire à l'E2P37, non?

Sinusix a écrit :Pour le 1/, je suis entièrement d'accord sur le fait que nous ne pouvons avoir de connaissance adéquate des essences singulières, seule la connaissance du 3ème genre nous permet de les contempler, pas de les connaître (nous arriverons peut-être à revenir enfin sur les phénomènes de conscience sur ce fil).


oui si vous voulez. Mais Spinoza appelle bel et bien le troisième genre de connaissance une "connaissance". Seriez-vous d'accord pour dire que refuser le statut de connaissance au troisième genre de connaissance, ce n'est pas spinoziste? Si non, pour quelles raisons?
Amicalement,
L.


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