La liberté - le déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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sescho
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Messagepar sescho » 06 janv. 2009, 20:50

Encore une fois, notre bon Durtal m'ôte les mots de la bouche (ce qui est tout profit pour moi...) :-)

Là, il faut être en forme (et le premier jour de reprise c'est bon, ensuite plus dur...) car nous atteignons sérieusement le lourd. Je vais aussi prendre le temps de la réflexion.

Sinon, j'ai beau être ultra-convaincu par un dense faisceau concordant de raisons mûrement réfléchies, cela fait quand-même du bien de constater une convergence sur des points fondamentaux... :-) 2ème.


Amicalement


Serge
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Louisa
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Messagepar Louisa » 07 janv. 2009, 02:11

Sinusix a écrit :
louisa a écrit :en ce qui me concerne, je n'ai pas encore bien compris l'avant-dernière phrase de cette démonstration. Dans la traduction de Pautrat: "Que si nous supposons que l'homme conçoit son impuissance de ce qu'il comprend quelque chose de plus puissant que lui, par la connaissance de quoi il détermine sa puissance d'agir, alors c'est que nous concevons que l'homme se comprend distinctement lui-même, autrement dit (par la Prop. 26 de cette p.) que sa puissance d'agir se trouve aidée." Est-ce qu'ici Spinoza parle de quelque chose de positif ou non? Ce qui me fait penser que non, c'est la phrase juste après, qui dit la Tristesse causée par le fait de contempler son impuissance est une passion. Ce qui me fait penser que oui: Spinoza distingue ici éventuellement deux façons de concevoir l'impuissance: la première cherche de l'impuissance en nous-même, et là nous sommes dans les idées inadéquates donc la passion, la deuxième détermine positivement notre propre puissance en la comparant avec une puissance plus grande et en constatant l'écart. Est-ce que là on est encore dans l'Humilité ou non? Et si non, qu'est-ce qu'on fait plus précisément? Y aurait-il une satisfaction de soi-même dans la détermination de sa propre impuissance comparée à une puissance plus grande, et si oui, comment cela pourrait-il être possible?


Bonjour Louisa,

Si je peux me permettre, sur ce seul passage de votre intéressant échange avec Bardamu, j'y vois une application de certains de mes propos, version imagée du marathonien.

Je cours le marathon depuis des années. Par ma connaissance adéquate de mes capacités physiologiques (test VO2 par exemple), par la technique d'entraînement bien conseillée que j'applique, par mon expérience comparative, etc., je comprends quelque chose de plus puissant que moi en la personne de tel champion, ou tel camarade, qui courre régulièrement en 2h20. Par cette connaissance, je détermine ma puissance d'agir, donc je me comprends distinctement et ma puissance d'agir se trouve aidée.
En effet, au lieu de courir des chimères, j'adapte tout mon entraînement à mes capacités, j'adapte mon régime alimentaire en accord cohérent avec les performances qui sont les miennes, je ne fais pas de "sacrifices" inutiles, bref je juge ma performance le jour venu à l'aune de tout ce savoir et du genre de vie que j'ai adopté en conséquence. Le jour de la course, aucune tristesse ne peut venir du fait que j'aurai réalisé 2h50 ; mes propos ne seront entachés d'aucune humilité, au sens employé en E4P53, parce que je n'ai aucune impuissance à contempler. Il s'agit donc bien d'une acception positive et je la comprends comme telle chez Spinoza.

Au contraire, malgré tout le travail préparatoire, et les ambitions affichées ici ou là, le jour venu, pour des raisons que j'ignore, ou que je connais (telles que autres soucis, manque de sommeil, embarras gastrique, etc.), je fais une contreperformance, je la vis bien comme une puissance d'agir contrariée, vais en éprouver de la Tristesse, laquelle va s'extérioriser de manières diverses.

Donc, la connaissance par chacun de sa puissance personnelle, dans le sens d'une acceptation comparative de l'existence de puissances supérieures à la sienne, autrement dit, à un moment et dans des conditions données, l'acceptation de soi est un élément fondamental permettant de ne pas verser exagérément dans la tristesse, les causes "extérieures" à moi étant suffisamment nombreuses pour cela pour que je n'ajoute pas celles, intérieures, inhérentes à la méconnaissance de moi-même.

En ce sens, E4P53 est limpide.


Bonjour Sinusix,
merci beaucoup pour ces précisions! Il va de soi que je suis tout à fait d'accord pour dire que votre description d'une part correspond bel et bien à ce que nous "expérimentons" tous tôt ou tard, et d'autre part semble être une façon tout à fait cohérente d'interpréter le passage que j'ai cité.

Or mon problème était légèrement différent: pour moi, la difficulté réside dans la cohérence non pas de ce passage avec ce qu'on pense tous déjà, mais avec ce que Spinoza écrit juste avant et juste après, ainsi qu'avec d'autres passages.

D'abord on a la définition même de l'Humilité: elle est "une Tristesse, qui naît de ce que l'homme contemple sa propre impuissance", comme le dit la première phrase de la démo de l'E4P53, qui à son tour réfère à la définition 26 des Affects. On dirait donc que contempler sa propre impuissance ne peut qu'être cause d'une Tristesse. Car "l'homme, en tant qu'il se connaît par la vraie raison, est supposé comprendre son essence, c'est-à-dire sa puissance". On a ici une ré-affirmation du même principe: connaître par la vraie raison, c'est connaître sa puissance, et donc non pas son impuissance. Pour qui hésiterait encore, Spinoza y ajoute: "Et donc si l'homme, tandis qu'il se contemple, perçoit en soi quelque impuissance, cela ne provient pas de ce qu'il se comprend, mais de ce que sa puissance d'agir se trouve contrariée". Spinoza dit bien ici qu'il s'agit d'une perception de aliquam suam impotentiam, donc de n'importe quelle impuissance (on dirait: qu'on la perçoit immédiatement ou par le biais d'une comparaison avec ce qui est plus puissant que nous).

Puis vient le passage étrange où il semble dire exactement l'inverse: on conçoit toujours son impuissance, mais ici d'une manière précise: en comparant avec ce qui est plus puissant que nous. Or il est bien clair que cette comparaison a toujours le même effet: contemplation de son impuissance, et donc, en vertu de ce qui précède, contemplation qui n'est pas une connaissance par la vraie raison. Pourtant, dit-il, dans ce cas sa puissance d'agir se trouve aidée. Car alors il se comprend "distinctement" lui-même. Et il conclut en répétant que la Tristesse qui naît de ce que l'homme contemple son impuissance ne naît pas de la raison.

On pourrait interpréter l'ensemble de cette démo comme suit: Spinoza n'y dit pas que toute contemplation de l'impuissance fait naître en nous une Tristesse, car la "vraie" contemplation de notre impuissance augmente notre puissance d'agir, et elle n'est possible qu'en comparant notre puissance avec quelque chose de plus puissant. On peut donc contempler l'impuissance de deux façons: ou bien par la vraie raison (en comparant), et alors de cette contemplation naît une Joie (augmentation de notre puissance), ou bien autrement, et alors de cette même contemplation (qui n'est pas une "vraie contemplation") naît une Tristesse. Ainsi compris, on obtient quelque chose qui reste tout à fait cohérent avec votre exemple ci-dessus.

Or je crois qu'il y a une autre interprétation possible, interprétation à laquelle on pense peut-être moins rapidement précisément parce qu'elle est plus éloignée de nos habitudes de pensées actuelles. Alors il faut se dire que de toute manière, contempler notre impuissance c'est contempler ce qui manque donc avoir un Affect de Tristesse (puisque le manque n'est rien de réel; le contempler c'est donc avoir une idée inadéquate). Alors la comparaison avec une chose plus puissante peut donner une "Joie", en tant que nous avons réellement compris la différence, mais cela ne peut qu'être une Joie passive, ou une passion, comme le dit en concluant la démo, puisque nous déterminons ici notre puissance non pas en comprenant notre essence (ce qui revient à connaître par la vraie raison, comme le dit le début de la démo), mais en n'ayant qu'une idée d'une "dénomination extrinsèque", d'une "relation" entre deux essences, relation qui comme on sait jamais dans le spinozisme ne peut dire quelque chose d'adéquate une essence.

En effet, dire que vous ne pourrez jamais courir un marathon à 2h20, qu'est-ce que cela dit de ce que vous pouvez faire? Rien. Vous pourriez dire que vous dites tout de même que vous êtes toujours maximalement à 2h48, mais pour pouvoir savoir cela, vous n'aviez nullement besoin de comparer, vous aviez besoin de tout autre chose: mesurer réellement le temps qu'il vous faut. Vous n'avez pas déterminé ces 2h48 en comparant votre prestation avec celle de votre camarade, vous l'avez déterminé en la mesurant directement. Si vous n'aviez pas eu de chronomètre, vous auriez effectivement pu constater que votre camarade était arrivé avant vous. Mais en quoi est-ce que cela dirait quelque chose sur votre temps réel (et donc sur votre puissance réelle) à vous?

Puis il y a un autre passage, qui se trouve un peu plus loin, et qui semble plutôt confirmer la deuxième interprétation, me semble-t-il (mais si vous n'êtes pas d'accord, je vous remercie déjà de toute explication supplémentaire): c'est le scolie de l'E4P57. La proposition en question dit ceci: "L'orgueilleux aime la présence des parasites, autrement dit des flatteurs, et hait celle des généreux".

Quelques passages remarquables pour ce qui nous concerne:
- "il faudrait définir la Bassesse contraire à cet Orgueil comme une Tristesse qui naît de la fausse opinion qui fait qu'un homme se croît inférieur aux autres" (A)
- "Quoique la Bassesse soit contraire à l'Orgueil, celui qui se rabaisse est cependant tout proche de l'orgueilleux. Car, puisque sa Tristesse naît de ce qu'il juge de son impuissance à partir de la puissance ou vertu des autres, sa Tristesse sera donc allégée, c'est-à-dire qu'il sera joyeux, si son imagination s'occupe à contempler les vices des autres, et de là est né le proverbe: avoir des compagnons de malheur console les malheureux et, au contraire, il sera d'autant plus triste qu'il se croit plus inférieur aux autres; d'où vient que nul n'est plus enclin à l'Envie que ceux qui se rabaissent; et qu'ils s'efforcent au plus haut point d'observer ce que font les hommes plutôt pour les critiquer que pour les corriger, et pour finir ne louent que la Bassesse, et en tirent gloire; mais de manière telle, cependant, qu'ils aient aencore l'air de se rabaisser." (B)

On pourrait se dire, sur base de (A), que la Bassesse naît de ce que l'homme compare sa puissance à celle de quelqu'un d'autre, et croit qu'elle est inférieure à celle de l'autre alors qu'en réalité ce n'est pas le cas. De nouveau, la Tristesse qu'est la Bassesse ne serait alors causée que par ce qui n'est pas une "vraie" contemplation, par une erreur de jugement.

La définition 29 des Affects (E3) pourrait corroborer ceci. Car elle dit que la Bassesse est de faire de soi, par Tristesse, moins d'état qu'il n'est juste.

Mais est-ce bien ainsi que Spinoza conçoit les choses?

Cela aurait été le cas si par exemple il avait dit que l'Humilité (la contemplation de son impuissance) naît de la Bassesse (faire de soi-même moi d'état qu'il n'est juste). Or il se fait que dans l'explication de la définition précédente (celle de l'Orgueil) il dit exactement l'inverse: c'est de l'Humilité que naît la Bassesse. La Tristesse qui naît de ce qu'on contemple son impuissance, en réalité ne naîtrait donc pas du fait même qu'on sous-estime sa propre puissance, au contraire, le fait de sous-estimer sa puissance se déduit directement du fait qu'on contemple son impuissance.

Deuxièmement, on ne peut que constater que le passage (B) que je cite ci-dessus répète littéralement ce qu'avait dit la démo de l'E5P53: dans le cas de la Bassesse, il s'agit de juger son impuissance à partir de la puissance de quelqu'un d'autre, et cela sans que soit précisé dans quelle mesure ce jugement est correcte ou non. On dirait donc que le problème consiste tout de même plutôt dans la comparaison en tant que telle (et que donc, qu'elle soit correcte ou non, elle ne peut que donner lieu à une Passion (Joie ou Tristesse, selon le cas), et non pas à une vertu ou Action).

Enfin, l'explication de l'Orgueil (E3 déf. 28) dit d'emblée qu'à "cet Affect il n'est pas de contraire. Car il n'est personne qui, par Haine de soi, fasse de soi moins d'état qu'il n'est juste; bien plus, il n'est personne qui fasse de soi moins d'état qu'il n'est juste en tant qu'il imagine ne pas pouvoir faire telle ou telle chose. Car tout ce que l'homme imagine ne pas pouvoir faire, il l'imagine nécessairement, et cette imagination le dispose de telle sorte qu'il ne peut pas faire, en vérité, ce qu'il imagine ne pas pouvoir faire. Car aussi longtemps qu'il imagine ne pas pouvoir faire telle ou telle chose, aussi longtemps il n'est pas déterminé à agir, et par conséquent aussi longtemps il lui est impossible de le faire.".

Pour moi, ceci confirme très clairement (je dirais même "de manière limpide" ... :wink: ... si ce n'est qu'il ne m'est pas encore très clair où se trouve la différence entre une telle "limpidité" et ce que Spinoza appelle une "absence de doute" (qui quant à elle est selon lui tout à fait possible par rapport à une idée inadéquate); bref, je préfère m'en tenir à l'idée finale de l'Ethique, qui semble plutôt annoncer que la vérité est une affaire "difficile et rare", et que donc il vaut mieux apprendre à se méfier un peu de ses propres impressions, et donc par exemple de préférence discuter avec ceux qui disent ne pas être d'accord avec les idées qu'on propose soi-même) que toute idée de sa propre impuissance est une idée inadéquate, une passion (Triste ou Joyeuse, selon le cas), relève de l'imagination.

Et c'est bien ce que j'ai essayé de vous dire à ce sujet il y a quelques jours. Vous constatez que depuis quelque temps, le temps maximal d'un marathon pour vous c'est 2h48, et par extrapolation vous commencez à vous imaginer que jamais vous ne ferez plus. Cette imagination, en tant que telle, est pour Spinoza la cause du fait que jamais vous ne ferez plus, puisqu'elle vous empêchera de penser concrètement aux moyens aptes à l'augmenter (ce qui bien sûr est assez contre-intuitive, puisqu'on a tous été éduqués dans l'idée qu'il est très important de "connaître ses limites" et d'apprendre à les "assumer" ou accepter, au lieu de toujours vouloir plus; à mon sens, le spinozisme propose de penser différemment, il dit même que notre essence est Désir, désir de conserver notre être, mais plus nous sommes puissants plus nous y réussiront, et donc notre essence ne peut que consister dans le désir même de vouloir toujours augmenter notre puissance).

Enfin, cette même explication poursuit avec un passage qui pourrait peut-être aller dans le sens de l'hypothèse que Bardamu vient de proposer à ce sujet. Voici la suite:

"Mais à la vérité, si nous prêtons attention à ce qui dépend seulement de l'opinion, nous pourrons concevoir qu'il peut se faire qu'un homme fasse de soi moins d'état qu'il n'est juste".

Autrement dit: si on laisse tomber l'ontologie proprement spinoziste, pour adopter le vocabulaire de l'opinion commune, contempler son impuissance est ce qui se fait régulièrement (et c'est alors qu'on peut commencer à penser en termes de "contraintes", par exemple: j'aurais pu faire cela si telle ou telle chose extérieure ne m'avait pas fait ceci ou cela; idée inadéquate puisque de toute éternité il était déterminé que cette chose allait avoir un tel effet sur moi, donc jamais ma puissance n'aurait pu être plus grande que ce qu'elle n'est). Mais je ne dirais pas que Spinoza a adopté ce vocabulaire "du vulgaire" pour "plaire" au vulgaire ou pour courrir moins de "risques". Je crois qu'il l'a fait parce que son remède aux Affects veut réellement partir des opinions des gens, pour pouvoir les amener vers autre chose (des idées adéquates de leurs propres Affects).

Quand, selon l'opinion commune, est-ce qu'on fait moins d'état de soi-même qu'il n'est juste? Spinoza donne une petite liste d'exemples:
- lorsque j'imagine que d'autres me mésestiment alors que ce n'est pas le cas
- lorsque je nie que dans le futur je pourrais faire x alors qu'il n'est pas certain que ce soit impossible (pour reprendre votre exemple: vous ne pouvez pas encore connaître tous les moyens de s'entraîner, donc vous imaginer qu'il n'existe aucun moyen pour améliorer votre prestation alors que peut-être il existe mais vous ne le connaissez pas encore)
- etc.

Autrement dit, Spinoza ne nie pas que de telles imaginations existent, et il veut bien les appeler de la "Bassesse", puisque c'est ainsi que le conçoit l'opinion commune, et que tout son projet éthique consiste précisément à faire évoluer les gens de l'opinion (premier genre de connaissance) à la Béatitude. Il n'en demeure pas moins qu'à mon avis ici il dit clairement que contempler son impuissance, c'est être dans l'imagination, et non pas dans une idée vraie de sa propre puissance. Par conséquent, le remède aux Affects ne consiste pas à apprendre à connaître ses propres "limites", elle consiste avant tout à apprendre à connaître sa propre puissance réelle, à savoir en quoi consiste cette puissance concrètement (comme il le dit aussi au début du TIE), et cela afin de pouvoir passer le plus vite possible à une plus grande puissance (pour le dire dans vos termes: à une plus grande puissance "intensive").

Sinon vous aurez sans doute déjà compris que je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit dans ce fil concernant le troisième genre de connaissance. Je reviendrai là-dessus bientôt.

Sinusix a écrit :Je progresse.


Si ce forum peut avoir ce type d'effet, je crois qu'il a tout à fait atteint l'un de ses objectifs principaux. Inutile de vous dire que vos remarques et critiques ne peuvent qu'avoir le même effet sur moi!
Amicalement,
L.

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Messagepar Sinusix » 07 janv. 2009, 18:29

Chère Louisa, bonsoir

Je me concentre sur l'analyse de E4P53, proposition qui, de mon point de vue, est très rigoureusement écrite et parfaitement logique, mes conclusions, que je maintiens, ayant la même incidence logique sur le reste.

Je passe en gras les mots de votre réponse à ce sujet qui sont fondamentaux et sur lesquels je rebondis.

Louisa a écrit :Bonjour Sinusix,

Or mon problème était légèrement différent: pour moi, la difficulté réside dans la cohérence non pas de ce passage avec ce qu'on pense tous déjà, mais avec ce que Spinoza écrit juste avant et juste après, ainsi qu'avec d'autres passages.

D'abord on a la définition même de l'Humilité: elle est "une Tristesse, qui naît de ce que l'homme contemple sa propre impuissance", comme le dit la première phrase de la démo de l'E4P53, qui à son tour réfère à la définition 26 des Affects. On dirait donc que contempler sa propre impuissance ne peut qu'être cause d'une Tristesse. Car "l'homme, en tant qu'il se connaît par la vraie raison, est supposé comprendre son essence, c'est-à-dire sa puissance". On a ici une ré-affirmation du même principe: connaître par la vraie raison, c'est connaître sa puissance, et donc non pas son impuissance. Pour qui hésiterait encore, Spinoza y ajoute: "Et donc si l'homme, tandis qu'il se contemple, perçoit en soi quelque impuissance, cela ne provient pas de ce qu'il se comprend, mais de ce que sa puissance d'agir se trouve contrariée". Spinoza dit bien ici qu'il s'agit d'une perception de aliquam suam impotentiam, donc de n'importe quelle impuissance (on dirait: qu'on la perçoit immédiatement ou par le biais d'une comparaison avec ce qui est plus puissant que nous)


La conclusion que vous tirez dans cette subordonnée et sa parenthèse, laquelle vous est absolument personnelle, est franchement interprétative et vous conduit à une appréciation erronée du texte clair qui suit votre citation.

Louisa a écrit :Puis vient le passage étrange


Non, il n'a rien d'étrange. C'est votre interprétation précédente qui vous conduit à ce jugement.

Louisa a écrit :où il semble dire exactement l'inverse: on conçoit toujours son impuissance, mais ici d'une manière précise: en comparant avec ce qui est plus puissant que nous


Le texte dit, et c'est fondamental : Que si nous supposons que l'homme conçoit son impuissance de ce qu'il comprend quelque chose de plus puissant que lui. Il ne s'agit pas d'une comparaison, simple constat, effectivement Passion (votre exemple sur la bassesse le montre), génératrice de tristesse, mais d'une démarche de jugement qui nous amène à comprendre, sur la base d'idées adéquates, les raisons de l'écart comparatif. Il ne s'agit donc pas d'un simple constat "phénoménal", mais d'une démarche proactive (raison pour laquelle j'avais, dans mon exemple, parlé de tests VO2, par exemple).

Louisa a écrit :Or il est bien clair que cette comparaison a toujours le même effet :


Et non, justement. Comparaison n'est pas raison, dit le proverbe.

Louisa a écrit :contemplation de son impuissance


Non : compréhension, non pas de son impuissance, mais de la puissance plus élevée de l'autre. Et la suite du texte est claire : par la connaissance de quoi il détermine sa puissance d'agir, alors c'est que nous concevons que l'homme se comprend distinctement lui-même (alors que la première partie dit que son constat ne provient pas de ce qu'il se comprend

Louisa a écrit :, et donc, en vertu de ce qui précède, contemplation qui n'est pas une connaissance par la vraie raison. Pourtant, dit-il, dans ce cas sa puissance d'agir se trouve aidée. Car alors il se comprend "distinctement" lui-même. Et il conclut en répétant que la Tristesse qui naît de ce que l'homme contemple son impuissance ne naît pas de la raison.


Absolument pas. Dans la 2ème partie du texte, il ne parle plus de contemplation, mais de conception : "Que si nous supposons que l'homme conçoit son impuissance".

Vous trouverez, me semble-t-il, dans les contradictions que vous avancez dans la suite de votre message, à prendre en compte cette distinction fondamentale entre : contempler son impuissance (qui est passion) et concevoir son impuissance (qui est action) et, potentiellement donc, aide à agir encore mieux.

Louisa a écrit :On pourrait interpréter l'ensemble de cette démo comme suit: Spinoza n'y dit pas que toute contemplation de l'impuissance fait naître en nous une Tristesse, car la "vraie" contemplation de notre impuissance augmente notre puissance d'agir, et elle n'est possible qu'en comparant notre puissance avec quelque chose de plus puissant. On peut donc contempler l'impuissance de deux façons


Non. En vous exprimant ainsi, vous vous êtes enfermée dans l'impasse que vous avez ouverte vous-même. Il n'y a pas deux types de contemplation : il y a d'un côté contemplation, donc inadéquation en vue, de l'autre conception/compréhension, donc adéquation en vue.

Louisa a écrit :: ou bien par la vraie raison (en comparant), et alors de cette contemplation naît une Joie (augmentation de notre puissance), ou bien autrement, et alors de cette même contemplation (qui n'est pas une "vraie contemplation") naît une Tristesse. Ainsi compris, on obtient quelque chose qui reste tout à fait cohérent avec votre exemple ci-dessus.


Je laisse le reste qui me paraît devoir être repris sur le même principe conclusif pour moi, à savoir le respect strict des termes employés. Toute contemplation d'impuissance, action passive, entraîne tristesse ; toute compréhension de moindre puissance de soi par rapport à un autre, puisque la démarche raisonnée est comparative, est une aide apportée à notre puissance d'agir.

Amicalement

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Messagepar Louisa » 07 janv. 2009, 18:47

Sinusix a écrit :
Dans la 2ème partie du texte, il ne parle plus de contemplation, mais de conception (... ).

Vous trouverez, me semble-t-il, dans les contradictions que vous avancez dans la suite de votre message, à prendre en compte cette distinction fondamentale entre : contempler son impuissance (qui est passion) et concevoir son impuissance (qui est action) et, potentiellement donc, aide à agir encore mieux.
(...)
En vous exprimant ainsi, vous vous êtes enfermée dans l'impasse que vous avez ouverte vous-même. Il n'y a pas deux types de contemplation : il y a d'un côté contemplation, donc inadéquation en vue, de l'autre conception/compréhension, donc adéquation en vue.


Cher Sinusix,
je réponds bientôt en détail à ce que vous venez d'écrire, pour l'instant je voulais juste remarquer ceci.

La "règle" méthodologique qui stipule un respect stricte de la terminologie utilisée me semble en effet être très important, donc là-dessus nous sommes tout à fait d'accord. Or justement, si dans un premier temps je supposais moi aussi que la "contemplation" est passive et la "conception" active, je crois finalement qu'il s'agit d'une erreur (de nouveau induite par le sens ordinaire des mots ... je sais bien que je répète cela à l'envi, ces derniers temps, mais ce n'est que parce qu'il me semble qu'éviter ce genre d'écueils est extrêmement difficile (d'où l'intérêt d'une discussion collective)).

Car comment Spinoza termine-t-il la démo de l'E4P53? En disant ceci:

"(...) de la vraie contemplation, autrement dit de la raison (...)".

Ne faut-il pas en conclure que pour Spinoza il y a deux types de contemplation, une qui est vraie, et une qui est fausse, et que dans le cas d'une "vraie" contemplation, on a (comme l'indique l'adjectif "vraie") une contemplation rationnelle et donc forcément active?
Amicalement,
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Messagepar sescho » 07 janv. 2009, 22:34

Bonsoir Sinusix,

Je voudrais reprendre ici le « dur » point 1 :

Sinusix a écrit :Tout d'abord, je rappelle la difficulté qui se présentait à moi, suite au feuilleton de nos échanges avec Louisa sur l'essence d'une chose singulière, à savoir la contradiction apparente entre le couple conjugué E2D2 et E2P37, et la phrase de E1P17S selon laquelle : Le causé diffère de sa cause précisément par ce qu'il tient d'elle, et ceci en raison de E1P3.

Le problème se situant au niveau du contenu et du sens de l'ordre causal cause/effet, reprenant donc ma copie mentale, je suis arrivé à la synthèse suivante.
Il faut distinguer deux ordres de causalité distincts, à savoir :

1/ Le premier et véritable ordre causal, que j'appelle logique ou ontologique, lequel apparaît au niveau de la causa sui en premier ordre logique, "puis" (je mets les guillemets puisqu'il ne s'agit que d'un ordre logique) entre la nature naturante et la nature naturée. A ce niveau, nous avons bien incommensurabilité entre Dieu (substance et attributs) et ses modes immédiats infinis. Le causé diffère bien de sa cause, tant au regard de l'existence que de l'essence. C'est ainsi donc, comme le dit M. Guéroult que l'incommensurabilité n'est pas entre l'entendement divin et le nôtre, mais entre Dieu et son entendement infini. C'est, d'une manière certaine, le seul niveau d'incommensurabilité, entre la substance absolument infinie et ses modes immédiats infinis.

Parfaitement d’accord. C’est ce que j’ai appelé le « saut ontologique » (« premier » lorsque j’en introduisais un second entre le Mouvement et les choses singulières, ce sur quoi je me suis ensuite partiellement ravisé.) En revanche, j’avais manqué E1P17S sur le sujet… Par ailleurs, sans préjuger des conclusions finales, ceci se rapproche d’une autre chose que j’avais pensée et indiquée, sur la base de E2P10S, savoir que l’étendue n’appartenait pas en fait à l’essence d’un corps, qui n’était qu’une forme dans l’étendue. Je reviendrai plus tard là-dessus.

Sinusix a écrit :2/ Le second ordre causal, que j'appelle volontairement chronologique nous fait quitter l'Etre pour nous faire entrer dans le "développement" de la nature naturée, que nous connaissons au travers du commerce des choses et du commerce des idées. Qu'est-ce à dire à partir de ce "moment" là sinon que nous entrons à l'intérieur de l'ensemble infini et de l'infinité de ses partitions possibles, que nous ne parlons plus d'effets dans le même sens qu'auparavant, mais que nous assistons à une partition incessamment renouvelée du même ensemble, respectant le parallélisme de la distribution attributive. C'est en ce sens, par exemple, que l'entendement humain est commensurable à l'entendement divin infini, qu'il n'en est pas l'effet, mais une partie, raison fondamentale pour laquelle la science est possible. …

C’est là qu’apparaît cette « double causalité » qui en fait n’en est qu’une : la causalité immanente du Mouvement, de ses lois (c’est la vision majeure de l’impermanence dans l’interdépendance du fait de l’éternel Mouvement, qui fait « bouger les lignes », c’est-à-dire les formes, en permanence – avec aussi le repos qui n’en n’est qu’un cas particulier), et la causalité transitive (que je considère semi-imaginaire) qui se réfère aux choses singulières qui semblent s’engendrer et se contraindre mutuellement à agir.

C’est la dominance de cette seconde approche, la plus immédiate et de loin la plus répandue, qui conduit à ne pas comprendre Spinoza, en substantialisant les modes c’est-à-dire en singularisant les essences, la base étant la croyance dans la permanence et surtout la pose de l’existence avant l’essence et (donc) des choses singulières avant Dieu (qui n’est que « rattaché » a posteriori en vérité - même s’il est dit « évidemment » en amont - au lieu d’être mis en tête et le Mouvement après lui, dans toute conception, spécialement de chose singulière) ce qui est totalement opposé à Spinoza.

Il est clair cependant que quoique la considération du Mouvement (dont le repos) soit supérieure et indispensable à la véritable science, elle ne peut nous donner quoi que ce soit sur la réalité en tant que modifiée. Nous sommes au contraire des choses singulières confrontées / associées à d’autres choses singulières, et c’est la base de nous connaissant et de notre connaissance. Pas moyen d’y couper (heureusement d’ailleurs…) Nous devons donc garder en conscience deux causalités, alors qu’il n’y en a qu’une. La vraie, c’est l’immanente ; en pratique, c’est encore l’immanente (par les lois), mais aussi la transitive qui part des sensations et est semi-imaginaire (imaginaire au sens de Spinoza.) La causalité transitive est une connaissance du premier genre…, sauf E1P28 et ses suivantes… ;-)

Sinusix a écrit :… J'observe d'ailleurs qu'il est difficile d'envisager les choses autrement dans la mesure où seule la "fiction" inhérente à notre "conscience temporelle" nous fait prendre des vessies pour des lanternes et que, si le temps n'existe pas dans l'absolu, c'est bien que les changement s dont nous avons conscience se font sur fond d'invariant substantiel, ce qui n'est pas une mince difficulté métaphysique (écouter à ce sujet l'intéressante conférence de Francis Wolff du 10 juin 2006 - les lundis de l'ENS - intitulée Ordre et Devenir).

Tout à fait.

Sinusix a écrit :Reste une difficulté pour moi : comprendre ce qu'est l'essence éternelle Spinoziste de chaque chose singulière, "restée en Dieu" dans le processus décrit, que Dieu ne peut pas connaître avant qu'elle existe du fait de la parfaite coïncidence de la connaissance et de l'existence,.........

Ceci relève de la même difficulté, selon moi. Si les choses singulières (disons les corps) sont le pur effet du Mouvement dans l’Etendue, il n’y a aucune différence d’essence entre le Mouvement (ou l’Etendue en Mouvement) et toute les choses particulières (modes finis, qu’ils existent – chose singulière – ou non ; autrement dit tout ce qui arrive à l’existence dans l’infinité du temps.) Comme le Mouvement est éternel, son essence est éternelle et donc toutes les essences des choses particulières – qui ne se distinguent du Mouvement que par une distinction de Raison, donc – sont éternelles.

C’est ce qu’on ne comprend pas quand on place l’existence des choses singulières en tête. Pour les choses singulières l’essence se distingue de l’existence ; la première est éternelle, la seconde non. Il n’y a aucun lien entre l’essence et l’existence pour les choses singulières (c’est pourquoi « elles peuvent en changer » ; je mets les guillemets car cette formulation part aussi de la fausse prémisse que « chose singulière » désigne un être en soi qui est permanent, ce qui est faux) si ce n’est qu’une chose singulière incarne forcément une essence à tout moment (autrement dit, elle est quelque chose et non pas rien.)

L’essence de la chose particulière est toujours, l’existence de la chose singulière qui acte la précédente est passagère. La consistance des choses singulières est aussi imaginaire que la causalité transitive. Elles vont ensemble.

Une autre façon de dire la même chose c’est que c’est le Mouvement qui crée le temps (Spinoza dit bien qu’il apparaît avec les choses singulières), mais le Mouvement n’est pas lui-même soumis au temps.

Enfin, Spinoza dit textuellement et en plusieurs endroits que l’entendement divin et l’entendement humain sont très différents (voire n’ayant qu’une convenance nominale), que Dieu ne comprend rien comme nous, savoir ni par le commerce avec les choses extérieures, ni par les notions générales, ni par raisonnement. Il voit les choses et lui-même telles qu’elles sont sans aucun changement (de manière identique que les choses particulières existent ou pas, donc), ce qui est au contraire impossible à l’Homme, qui peut parvenir à voir clairement, mais seulement avec ses moyens « propres » qui viennent d’être listés, et seulement dans la mesure où il s’écarte rapidement de la simple sensation pour user de son entendement.


Amicalement


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Messagepar hokousai » 07 janv. 2009, 23:23

A Sescho

Si les choses singulières (disons les corps) sont le pur effet du Mouvement dans l’Etendue, il n’y a aucune différence d’essence entre le Mouvement (ou l’Etendue en Mouvement) et toute les choses particulières (modes finis, qu’ils existent – chose singulière – ou non ; autrement dit tout ce qui arrive à l’existence dans l’infinité du temps.) Comme le Mouvement est éternel, son essence est éternelle et donc toutes les essences des choses particulières – qui ne se distinguent du Mouvement que par une distinction de Raison, donc – sont éternelles.


Le mouvement ne suffit pas à vous faire percevoir un corps . La preuve en est que vous percevez encore mieux des corps immobiles .Le mouvement c’est le mouvement des choses, le mouvement en soi est une abstraction .
Il y a des choses en mouvement , sans mouvement il y aurait encore des choses posées , immobiles , il y aurait plus en revanche de temps .(cas de figure improbable )

Ce qui est sempiternel ce n’est pas le mouvement mais l’impermanence des choses comme éléments solubles d’événements fluctuants .( pour tout dire les positions changent et les choses in fine se dissolvent ,les positions changent mais d’une place à une autre la chose elle même a changé ).
Mais sur ce constat vous ne pouvez pas du tout dégager des essences éternelles des choses particulières . Bien au contraire vous les annihilez .


hokousai

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Messagepar Louisa » 08 janv. 2009, 01:50

Sescho a écrit :
Sinusix a écrit :2/ Le second ordre causal, que j'appelle volontairement chronologique nous fait quitter l'Etre pour nous faire entrer dans le "développement" de la nature naturée, que nous connaissons au travers du commerce des choses et du commerce des idées. Qu'est-ce à dire à partir de ce "moment" là sinon que nous entrons à l'intérieur de l'ensemble infini et de l'infinité de ses partitions possibles, que nous ne parlons plus d'effets dans le même sens qu'auparavant, mais que nous assistons à une partition incessamment renouvelée du même ensemble, respectant le parallélisme de la distribution attributive. C'est en ce sens, par exemple, que l'entendement humain est commensurable à l'entendement divin infini, qu'il n'en est pas l'effet, mais une partie, raison fondamentale pour laquelle la science est possible. …


C’est là qu’apparaît cette « double causalité » qui en fait n’en est qu’une : la causalité immanente du Mouvement, de ses lois (c’est la vision majeure de l’impermanence dans l’interdépendance du fait de l’éternel Mouvement, qui fait « bouger les lignes », c’est-à-dire les formes, en permanence – avec aussi le repos qui n’en n’est qu’un cas particulier), et la causalité transitive (que je considère semi-imaginaire) qui se réfère aux choses singulières qui semblent s’engendrer et se contraindre mutuellement à agir.

C’est la dominance de cette seconde approche, la plus immédiate et de loin la plus répandue, qui conduit à ne pas comprendre Spinoza, en substantialisant les modes c’est-à-dire en singularisant les essences, la base étant la croyance dans la permanence et surtout la pose de l’existence avant l’essence et (donc) des choses singulières avant Dieu (qui n’est que « rattaché » a posteriori en vérité - même s’il est dit « évidemment » en amont - au lieu d’être mis en tête et le Mouvement après lui, dans toute conception, spécialement de chose singulière) ce qui est totalement opposé à Spinoza.

Il est clair cependant que quoique la considération du Mouvement (dont le repos) soit supérieure et indispensable à la véritable science, elle ne peut nous donner quoi que ce soit sur la réalité en tant que modifiée. Nous sommes au contraire des choses singulières confrontées / associées à d’autres choses singulières, et c’est la base de nous connaissant et de notre connaissance. Pas moyen d’y couper (heureusement d’ailleurs…) Nous devons donc garder en conscience deux causalités, alors qu’il n’y en a qu’une. La vraie, c’est l’immanente ; en pratique, c’est encore l’immanente (par les lois), mais aussi la transitive qui part des sensations et est semi-imaginaire (imaginaire au sens de Spinoza.) La causalité transitive est une connaissance du premier genre…, sauf E1P28 et ses suivantes…

Sinusix a écrit :… J'observe d'ailleurs qu'il est difficile d'envisager les choses autrement dans la mesure où seule la "fiction" inhérente à notre "conscience temporelle" nous fait prendre des vessies pour des lanternes et que, si le temps n'existe pas dans l'absolu, c'est bien que les changement s dont nous avons conscience se font sur fond d'invariant substantiel, ce qui n'est pas une mince difficulté métaphysique (écouter à ce sujet l'intéressante conférence de Francis Wolff du 10 juin 2006 - les lundis de l'ENS - intitulée Ordre et Devenir).


Tout à fait.

Sinusix a écrit :
Reste une difficulté pour moi : comprendre ce qu'est l'essence éternelle Spinoziste de chaque chose singulière, "restée en Dieu" dans le processus décrit, que Dieu ne peut pas connaître avant qu'elle existe du fait de la parfaite coïncidence de la connaissance et de l'existence,.........


Ceci relève de la même difficulté, selon moi. Si les choses singulières (disons les corps) sont le pur effet du Mouvement dans l’Etendue, il n’y a aucune différence d’essence entre le Mouvement (ou l’Etendue en Mouvement) et toute les choses particulières (modes finis, qu’ils existent – chose singulière – ou non ; autrement dit tout ce qui arrive à l’existence dans l’infinité du temps.) Comme le Mouvement est éternel, son essence est éternelle et donc toutes les essences des choses particulières – qui ne se distinguent du Mouvement que par une distinction de Raison, donc – sont éternelles.

C’est ce qu’on ne comprend pas quand on place l’existence des choses singulières en tête. Pour les choses singulières l’essence se distingue de l’existence ; la première est éternelle, la seconde non. Il n’y a aucun lien entre l’essence et l’existence pour les choses singulières (c’est pourquoi « elles peuvent en changer » ; je mets les guillemets car cette formulation part aussi de la fausse prémisse que « chose singulière » désigne un être en soi qui est permanent, ce qui est faux) si ce n’est qu’une chose singulière incarne forcément une essence à tout moment (autrement dit, elle est quelque chose et non pas rien.)

L’essence de la chose particulière est toujours, l’existence de la chose singulière qui acte la précédente est passagère. La consistance des choses singulières est aussi imaginaire que la causalité transitive. Elles vont ensemble.

Une autre façon de dire la même chose c’est que c’est le Mouvement qui crée le temps (Spinoza dit bien qu’il apparaît avec les choses singulières), mais le Mouvement n’est pas lui-même soumis au temps.


Bonjour Sinusix et Sescho,

sans prétendre pouvoir résoudre toutes les difficultés que ce sujet comporte, je voulais juste, si vous permettez, indiquer quelques endroits qui me semblent être problématiques dans certaines choses proposées ci-dessus.

1. La cause des choses singulières.

Si j'ai bien compris, Sescho avance l'hypothèse suivante: l'existence des choses singulières est causée par d'autres choses singulières (causalité transitivé, opérant dans le temps), donc par des modes finis, l'essence des choses singulières en revanche est causé par ce qu'il appelle "le Mouvement", et que je traduis pour mon compte par le mode infini que Spinoza appelle "mouvement et repos" (je ne crois pas que chez Spinoza le repos est relatif au mouvement (comme étant une sorte de "mouvement à vitesse zéro"); à mon avis c'est plutôt l'inverse, mais passons).

Pourquoi à mon sens cela est-il difficilement concevable? C'est-à-dire, en quoi est-ce problématique de supposer que l'existence d'un mode fini est causée par une autre mode fini tandis que l'essence d'un mode fini serait causée par un mode infini?

D'abord, dans le scolie de l'E1P17 Spinoza dit littéralement ceci (je préfère citer lorsque je dis "littéralement/textuellement", simplement parce que cela permet à tous de vérifier): "Or l'intellect de Dieu est cause de notre intellect, tant de son essence que de son existence".

On sait que l'entendement divin est le mode infini immédiatement produit par l'attribut de la Pensée, l'équivalent du mode infini immédiatement produit par l'attribut de l'Etendue et que Spinoza appelle le "mouvement et le repos". Si l'existence des choses singulières est produite par d'autres choses singulières donc par définition finies, alors l'existence de notre intellect devrait être produite non pas par l'entendement divin mais par un autre entendement fini (l'entendement d'un autre homme singulier). Seule l'essence de notre entendement devrait être produite par l'entendement divin, et non pas son existence. Ce qui est démenti par ce que je viens de citer de l'E1P17.

L'embêtant, c'est que ce que Spinoza dit ici littéralement, semble être réfuté par ce qu'il dit seulement quelques pages plus loin:

"Tout singulier, autrement dit toute chose qui est finie, et a une existence déterminée, ne peut exister, ni être déterminé à opérer, à moins d'être déterminée à exister et à opérer par une autre chose, qui elle aussi est finie et a une existence déterminée: et à son tour cette cause ne peut pas non plus exister, ni être déterminée à opérer, à moins d'y être déterminée par une autre qui elle aussi est finie et a une existence déterminée, et ainsi à l'infini." (E1P28).

Dans la démo Spinoza dit effectivement que ce qui est fini ne peut pas "suivre non plus de Dieu, ou d'un attribut de Dieu, en tant qu'il est affecté d'une modification qui est éternelle et infinie". Par conséquent, il dit ici explicitement que les modes finis ne peuvent pas suivrent de modes infinis. Conclusion: un mode fini ne peut pas être produit par un mode infini, et donc ... pas non plus par l'entendement divin (qui est un mode infini). On peut toujours se dire qu'ici Spinoza ne parle que de l'existence et non pas des essences des modes finis (ce qui littérallement est vrai, or il ne parle tout de même pas uniquement de l'existence, mais aussi du fait d'être déterminé à opérer, ce qui relève précisement de l'essence, comme il le dira par la suite; mais laissons cela un instant ce côté). Le problème reste tout aussi important, car le scolie de l'E1P17 dit que l'entendement divin, donc le mode infini, est la cause non seulement de l'essence mais aussi de l'existence des modes finis. Nous voici donc dans une impasse. Comment s'en sortir?

Une première suggestion: lorsque Spinoza parle ici de l'entendement divin, il parle clairement, comme il le dit juste avant dans le même scolie, de quelque chose qu'on "conçoit constituer l'essence de Dieu". Or qu'est-ce qui peut être conçu constituer l'essence de Dieu? En vertu de l'E1 Définition 4, cela ne peut qu'être l'attribut, et non pas un mode, les modes ayant besoin des attributs pour être et être conçus. Un mode jamais ne peut constituer l'essence même de Dieu. Par conséquent, l'entendement divin dont il est question ici n'est pas encore le mode infini immédiat, il n'est pas encore "l'idée de Dieu dans la pensée", comme il appelle déjà l'entendement divin dans la démo de l'E1P21, il est ici l'attribut de la Pensée lui-même (ce qui pourrait effectivement être ce qu'un lecteur du XVIIe pense lorsqu'il lit le mot "entendement divin", puisque généralement on attribue une pensée infinie à Dieu).

Par conséquent, dans le scolie de l'E1P17 ce que Spinoza dit, c'est que c'est l'attribut qui est la cause aussi bien de l'existence que de l'essence des choses singulières, et non pas que ce serait le mode infini. A partir de ce moment-là, le paradoxe entre ce scolie et l'E1P28 semble être résolu: si ce n'est qu'un mode fini qui peut causer l'existence (et à mon avis l'essence; contrairement donc à ce que j'ai dit il y a quelques semaines à Sinusix, mais il faudrait davantage vérifier), c'est en effet toujours l'attribut, mais non plus l'attribut dans sa nature absolue (qui ne peut que causes des modes infinis) ni l'attribut en tant qu'il est exprimé par un mode infini (immédiat ou médiat). Ce qui cause l'existence et l'essence d'un mode fini, c'est l'attribut en tant qu'il s'exprime en tel ou tel mode fini.

Bien sûr, on peut toujours se demander ce qui a causé le "premier" mode fini. Y aurait-il un "saut ontologique"? Je ne le crois pas. Il est propre à une substance d'avoir des modes. Se demander quel était le premier mode fini, celui qui a lancé la chaîne infinie des modes finis, c'est faire comme si le fait même qu'il y ait des modes finis serait un événement qui se produit dans le temps, alors que Dieu a de toute éternité une essence et une infinité de modes finis. La question dès lors ne se pose pas, puisqu'une substance toujours produit des modes, tout comme elle a toujours une essence. Il n'y a pas de saut ontologique entre une substance et le mode d'une substance, précisément parce que le mode est entièrement lié à la substance, il est "en" la substance. Dire qu'il y aurait un saut ontologique (ou logique) entre une substance et l'un de ses modes, c'est comme dire qu'il y aurait un saut ontologique entre mon Corps et le fait que mon Corps est affecté lorsque mes doigts tapent sur le clavier de mon ordinateur. Une modification finie d'une substance ne change pas l'essence de la substance, mais cela n'empêche en rien que cette modification soit elle aussi "de la substance", c'est-à-dire appartient à la substance.

2. Un saut ontologique? Le statut ontologique des choses singulières.

Autrement dit, à mon avis la question du saut ontologique (et donc inévitablement d'une certaine transcendance de l'essence divine par rapport à ses modes finis) ne se pose que lorsqu'on enlève toute réalité à la singularité. Si je l'ai bien compris, c'est ce que propose Sescho. Les choses singulières "en réalité" n'auraient rien de singulier, puisque la seule chose qui existe véritablement, c'est "le Mouvement", ce sont les attributs et leurs essences, autrement dit c'est l'essence de Dieu (car il est d'accord pour dire que les "essences de genre" ne sont que des êtres de raison). La singularité serait une pure "illusion modale", crée par la conception dans le temps. Sinon, dit-il (toujours sous réserve de l'avoir bien compris), on met "les choses singulières en premier", pour en déduire Dieu.

D'abord, je ne crois pas que la thèse qu'il attribue à ceux qui pour l'instant défendent une autre théorie de la singularité soit réellement adoptée par ceux-ci. En ce qui me concerne (et je l'ai déjà dit quelques fois), il est évident que dans le spinozisme une connaissance adéquate des choses singulières n'est possible que lorsqu'on la déduit d'une connaissance adéquate de l'essence divine. Là-dessus, nous sommes donc d'accord.

La divergence ne commence que lorsqu'il s'agit de se demander quel statut la singularité a dans le spinozisme. Et là pour l'instant je n'arrive pas tout à fait à comprendre l'interprétation proposée par Sescho, au sens où il semble reconnaître l'existence réelle des essences singulières et donc de la singularité (il dit même que d'autres essences, sauf peut-être celle de Dieu, sont des "êtres de raison"), tandis qu'il dit en même temps que seul le mode infini immédiat (dans ses termes, le "Mouvement") aurait une essence réelle (la différence entre l'essence singulière d'une chose particulière et celle du mode infini immédiat ne serait plus qu'une "distinction de raison").

Bref, comment les essences "générales" (telle que celle du mode infini du mouvement et du repos) peuvent ils n'avoir qu'une "distinction de raison" avec les essences singulières, et à la fois elles-mêmes n'être que des êtres de raison? C'est ceci que je ne comprends pas très bien.

Inversement, à mon avis dire que "le temps aussi, nous l'imaginons" (E2P44 scolie), cela ne veut pas dire que tout ce qui est perçu dans le temps n'aurait "aucune existence", ni que la singularité n'est concevable/perceptible que dans le temps. D'abord parce que les essences sont éternelles, et l'E2D2 oblige à n'accepter que des essences singulières, donc une essence singulière doit elle aussi être éternelle (et donc avoir une existence "hors temps", c'est-à-dire "en Dieu"). Puis parce que la perception dans le temps, donc la perception par la faculté de l'imagination, n'est pas en elle-même dans le faux, elle n'est que la cause du faux (et cela parce qu'elle n'est pas libre, c'est-à-dire enchaîne les idées selon un ordre autre que celui de la raison). Elle est surtout une perception "partielle", jugeant des choses sur base de l'effet qu'elles produisent et non pas en commençant par leur essence, comme le dit le TIE. Or commencer à comprendre les effets des choses singulières en les déduisant de leur essence, cela ne veut pas dire "mettre les choses singulière en tête", cela veut dire, puisque seules les essences singulières existent, former d'abord une idée adéquate de leur essence, ce qui n'est possible que lorsque nous déduisent l'essence singulière de la nature divine même, c'est-à-dire la considérons comme un mode (réel!) de la Substance, et non pas comme étant une substance lui-même. Raison pour laquelle cela me semble être si crucial de bien tenir compte une distinction rappelées quasiment dans chaque partie de l'Ethique, celle de l'existence actuelle éternelle et de l'existence actuelle dans le temps, les deux types d'existence caractérisant la seule et même essence singulière (il s'agit donc de deux points de vue, deux "genres de connaissances" de la seule et même chose singulière, de la seule et même essence singulière). C'est aussi la raison pour laquelle cela n'a pas de sens de dire que Dieu ne connaît pas une essence singulière avant que la chose singulière n'existe dans le temps, puisque justement, cette essence singulière existe de toute éternité, donc Dieu la connaît de toute éternité, il ne doit pas "attendre" le moment où elle existe aussi dans le temps.

Enfin voilà, il est évident que tout ceci est à vérifier, et que j'espère que vous allez lire ce que je viens d'écrire avec autant d'"esprit critique" (donc amicale) que ce que j'ai essayé de faire moi-même,
En vous remerciant de ces messages riches d'idées,
L.

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Messagepar vieordinaire » 08 janv. 2009, 02:21

Je sais qu'il y a eu certaines controverses a propos de la deuxieme scholie de 1p17
Mais est-ce que l'idee que "Or l'intellect de Dieu est cause de notre intellect, tant de son essence que de son existence" est une consequence d'identifier l'entendement de Dieu avec son essence? La position dont Spinoza veut demontrer l'absurdite? Ne dit-il pas
Spinoza a écrit :"Par conséquent, l'intelligence de Dieu, en tant qu'elle est conçue comme constituant l'essence de Dieu, est véritablement la cause des choses, tant de leur essence que de leur existence ... "

C'est toute l'idee d'un contrefactuel afin d'en demontrer l'absurdite. Cette lecture est beaucoup plus simple (et consistente avec le reste de l'Ethique) que de nous imaginer comme lecteur du 17eme siecle -- une speculation des plus perieuse et commode (on peut faire dire a peu pres n'importque quoi a ce lecteur comme Louisa l'a bien illustre) ...

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Messagepar Louisa » 08 janv. 2009, 02:48

Vieordinaire a écrit :Je sais qu'il y a eu certaines controverses a propos de la deuxieme scholie de 1p17
Mais est-ce que l'idee que "Or l'intellect de Dieu est cause de notre intellect, tant de son essence que de son existence" est une consequence d'identifier l'entendement de Dieu avec son essence? La position dont Spinoza veut demontrer l'absurdite? Ne dit-il pas
Spinoza a écrit:

"Par conséquent, l'intelligence de Dieu, en tant qu'elle est conçue comme constituant l'essence de Dieu, est véritablement la cause des choses, tant de leur essence que de leur existence ... "


C'est toute l'idee d'un contrefactuel afin d'en demontrer l'absurdite. Cette lecture est beaucoup plus simple (et consistente avec le reste de l'Ethique) que de nous imaginer comme lecteur du 17eme siecle -- une speculation des plus perieuse et commode (on peut faire dire a peu pres n'importque quoi a ce lecteur comme Louisa l'a bien illustre) ...


Bonjour Vieordinaire,
je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que vous voulez dire. D'abord de quelle idée est-ce que selon vous Spinoza montre l'absurdité ici, et pourquoi serait-ce ce qu'il est en train de faire?

Puis qu'est-ce qui vous fait penser que l'idée qu'un philosophe ou théologien du XVIIe en règle général lorsqu'il s'agit de l'entendement divin pense à un attribut (au sens philosophique courant, et non pas au sens spinoziste, c'est-à-dire au sens de "un des caractéristiques" de Dieu) de Dieu (au lieu de penser à un "mode infini produit par la Substance divine", comme le proposera par la suite Spinoza) ne serait pas très plausible?
Merci par avance,
L.

PS: je réponds bientôt à votre post concernant la béatitude.

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Messagepar vieordinaire » 08 janv. 2009, 03:13

Louisa a écrit :je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que vous voulez dire. D'abord de quelle idée est-ce que selon vous Spinoza montre l'absurdité ici, et pourquoi serait-ce ce qu'il est en train de faire?


Spinoza a écrit :si l'intelligence et la volonté appartiennent à l'essence éternelle de Dieu, il faut alors entendre par chacun de ces attributs tout autre chose que ce que les hommes entendent d'ordinaire, car l'intelligence et la volonté qui, dans cette hypothèse, constitueraient l'essence de Dieu, devraient différer de tout point de notre intelligence et de notre volonté, et ne pourraient leur ressembler que d'une façon toute nominale, absolument comme se ressemblent entre eux le chien, signe céleste, et le chien, animal aboyant. C'est ce que je démontre ainsi qu'il suit.

...

Donc, l'intelligence de Dieu, en tant qu'elle est conçue comme constituant l'essence divine, diffère de notre intelligence tant sous le rapport de l'essence que sous le rapport de l'existence, et ne lui ressemble que d'une façon toute nominale, comme il s'agissait de le démontrer. Or chacun voit aisément qu'on ferait la même démonstration pour la volonté de Dieu.


Il veut demontrer l'absurdite que " l'intelligence et la volonté (qui, dans cette hypothèse,) constitueraient l'essence de Dieu," ?
Car, en autre, sous cette hypothese Dieu ne pourrait etre a "cause libre" (1p17c2)


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