La liberté - le déterminisme

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar vieordinaire » 09 janv. 2009, 03:33

La reference est Revue de Metaphysique et Morale, Janvier-Mars 1950. Ils ne donnent pas de titre.
Quant a reste, Merci pour l'effort. Spinoza ne dit pas seulement posterieur mais soit posterieur ou simultanee car apres tout il defend plus tard la "spontanéité de l'action divine : Dieu ne réfléchit pas avant d'agir".

La note de Curley suivant sa traduction anglaise: "It must be emphasized that Spinoza does not himself think that either intellect or will shoud be ascribed to the essence of God (cf. 1p31). He is only discussing here what follows from a common view. This has been widely misunderstood. See Gueroult 1, 1:277-282.

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Messagepar Louisa » 09 janv. 2009, 04:37

Vieordinaire a écrit :La reference est Revue de Metaphysique et Morale, Janvier-Mars 1950. Ils ne donnent pas de titre.


merci! Cela suffira bien pour trouver l'article en question.

Vieordinaire a écrit :
Quant a reste, Merci pour l'effort. Spinoza ne dit pas seulement posterieur mais soit posterieur ou simultanee car apres tout il defend plus tard la "spontanéité de l'action divine : Dieu ne réfléchit pas avant d'agir".


en fait, je crois que c'est les deux à la fois: postérieur au sens logique (il faut bien qu'il y ait d'abord une essence divine, logiquement parlant, avant que celle-ci puisse produire des effets et avoir les idées de ces effets), mais simultanée au sens ontologique (puisqu'en Dieu tout se produit à la fois, et non pas de manière "chronologique").

Vieordinaire a écrit :La note de Curley suivant sa traduction anglaise: "It must be emphasized that Spinoza does not himself think that either intellect or will shoud be ascribed to the essence of God (cf. 1p31). He is only discussing here what follows from a common view. This has been widely misunderstood. See Gueroult 1, 1:277-282.


merci!!
Il faudrait que j'achète tout de même la traduction de Curley. Après avoir vu l'entretien qu'il a fait à l'ENS (et qu'on peut consulter sur ce site, si vous ne l'aviez pas encore vu), je n'avais pas une idée très positive de lui, mais il se peut que cela n'est dû qu'à sa maîtrise du français. En tout cas, je vais voir ce que Gueroult en a dit, ce qui m'obligera peut-être déjà de changer d'idée (si c'est le cas je le dirai). Merci encore pour l'info!
L.

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Messagepar hokousai » 09 janv. 2009, 16:41

chère Louisa

moi j'ai envie de tirer le spinozisme vers une substance ayant une multiplicité infinie d'effets finis.


Moi j'ai envi de résoudre mes problèmes par moi même .Si ce que je pense n'est pas spinoziste, vous en faites assez bien la critique du point de vue spinoziste et elle m'intéresse toujours ( Serge n'est pas manchot non plus .Ni aucun des autres qui rectifient sur la doctrine .....tous bienvenus )

Moi j' opte pour une substance ayant une multiplicité infinie d'effets infinis.
En conséquence , il n'y a rien de fini .

Je ne suis pas capable actuellement de bien savoir si cette proposition est spinoziste (à mon avis elle ne l'est pas )

Je ne comprends toujours pas comment les choses particulières surviennent brusquement au corolaire de prop 25 /1

et définies comme choses finies prop 28/1

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Messagepar Louisa » 09 janv. 2009, 17:11

Hokousai a écrit :
Sescho a écrit :Vous me dites : la finitude se conçoit sans le mouvement. Cela semble vrai en première impression, mais déjà je ne vois pas où relever cela chez Spinoza.


Et non il n'a pas dit que sa table immobile lui semblait limitée sur les bords .
Il y a plein de choses qu'il n'a pas dit et sur l'échelle atomique en particulier .

L'impermence ce n'est pas le mouvement .le mouvement suppose des chose stables qui se déplacent . L'impermanence ne suppose pas de chose stables, il n'y a aucune chose qui se déplace puisqu' il n'y a pas de chose stable .
Vous ne pouvez faire aucune physique avec l'impermanence .La physique suppose la permanence (identité à soi durant un temps x) d'un mobile .


Bonjour Hokousai et Sescho,
n'étant pas tout à fait satisfaite de mon commentaire de hier par rapport à ce que vous écrivez ici, voici une tentative de reformuler/approfondir.

D'abord, je dirais donc avec Hokousai qu'en effet chez Spinoza la finitude n'a pas besoin du concept de mouvement. La preuve se trouve dans la définition même du fini:

"Est dite finie en son genre, la chose qui peut être bornée par une autre de même nature. Par ex., un corps est dit fini, parce que nous en concevons toujours un autre plus grand. De même, une pensée est bornée par une autre pensée. Mais un corps n'est pas borné par une pensée, ni une pensée par un corps".

Ce qui détermine la finitude, c'est donc le fait de ne pas être le seul à avoir une nature x (on pourra y voir une raison pour penser qu'il y a des essences de genre, mais je crois qu'il faut distinguer essence et nature; or ceci est un autre débat). Spinoza n'a absolument pas besoin du concept de mouvement pour pouvoir définir la finitude. Et comme déjà dit hier, une idée peut elle aussi être finie, tandis que le mouvement ne se produit pas au niveau des idées, il ne concerne que l'étendue.

Deuxièmement: qu'est-ce que le mouvement? Spinoza ne le précise pas, il ne le définit nulle part. Traditionnellement, on dit que le mouvement ce n'est rien d'autre qu'un changement de lieu (voir les 10 catégories d'Aristote). Et en effet, pour qu'il y ait changement de lieu, il faut bel et bien qu'il y ait d'abord des choses capables de changer de lieu, d'aller d'un endroit dans l'étendue à un autre endroit dans l'étendue (raison pour laquelle on peut schématiser le mouvement à l'aide d'un système d'axes et de vecteurs). C'est là qu'à mon avis on voit bien qu'un mouvement sans mobiles, donc sans choses capables de changer de lieu, n'a aucun sens. Et ces mobiles doivent nécessairement être finis, puisque sinon, donc s'ils étaient infinis, ils devraient être seul dans leur genre, et comme ici on parle de l'étendue, la seule chose qui est seule dans ce genre, c'est l'attribut de l'étendue lui-même. C'est pourquoi à mon avis une substance qui produit immédiatement un mode infini qui s'appelle "mouvement et repos", ne peut pas ne pas avoir des modes finis, sinon rien ne serait mis en mouvement, et donc il n'y aurait pas de mouvement du tout. Autrement dit, un monde où il y aurait du mouvement mais pas réellement de modes finis (donc où la singularité n'aurait aucune "consistance", comme l'a dit Sescho) à mon sens est absurde.

Ce qu'il y a, c'est que l'attribut de l'étendue lui-même, considéré en soi, est en amont de tout mouvement et repos, donc ne peut ni se mouvoir (sinon il faudrait qu'il y ait un lieu en dehors de l'attribut de l''étendue, ce qui par le fait même qu'il est infini dans son genre est impossible), ni bien sûr être en repos (car pour être en repos, il faut ne pas changer de lieu; or l'attribut de l'étendue n'est pas dans un lieu précis et déterminé, cela ne vaut que pour les modes finis).

De même, cet attribut, en tant qu'attribut, est non pas un corps (car un corps est toujours un mode, voir l'E2 définition 1), mais une substance, la substance corporelle ou étendue, comme il le dit dans le scolie de l'E1P15. Et toute substance est indivisible. Les corps finis ne sont donc pas à proprement parler des "parties" de la substance corporelle, les modes ne "composent" pas l'attribut comme une suite de wagons compose un train (ou comme il le dit dans le scolie de l'E1P13: "(...) par partie d'une substance, on ne peut entendre rien d'autre qu'une substance finie, ce qui (par la prop. 8) implique une contradiction manifeste"). Un mode est bien plutôt une "modification" de l'attribut, une "affection" de l'attribut. Ce n'est donc qu'en pensant les modes finis comme des "parties" d'un attribut que Sescho peut dire qu'ils seraient imaginaires, qu'ils n'auraient pas de consistance propre. Or Spinoza ne dit pas seulement que l'attribut est indivisible (là-dessus nous sommes donc d'accord), il modifie en même temps le rapport habituel d'un corps à l'étendue: un corps fini n'est plus une partie d'un monde matériel, un corps devient un mode c'est-à-dire quelque chose qui exprime l'étendue tout en la modifiant (mais sans en modifier l'essence même).

Bref, si donc Sescho veut abolir la consistance propre des choses singulières dans le spinozisme, je crois qu'on ne peut le faire que de manière "abstraite", c'est-à-dire en ne considérant que l'attribut seul, sans tenir compte du fait que pour Spinoza si un attribut a une puissance infinie, c'est précisément parce qu'il s'exprime d'une infinité de manières/modes différents. On peut penser l'essence d'un attribut seule, abstraction faite des modes, mais les modes sont les effets nécessaires de cette essence, en suivent nécessairement, et par conséquent ne sont pas du tout des imaginations de notre esprit à nous. L'aspect imaginaire consiste dans l'idée de se représenter les corps comme étant non pas des modes mais des parties de l'attribut. Conclure de cela que donc les modes dans le spinozisme n'existent pas ne me semble pas être correcte.

Enfin, en ce qui concerne la permanence et l'impermanence: nous sommes ici dans une conception spatio-temporelle. Est permanent ce qui, comme le dit Hokousai, demeure pendant un certain temps, est impermanent ce qui après un certain temps disparaît. Cela veut dire que nous ne sommes pas en train de penser les choses d'un point de vue d'éternité, puisque l'éternité ne s'explique pas par le temps. De nouveau, dire que Dieu est "permanent", par exemple, n'est donc pas quelque chose que l'on va trouver dans l'Ethique puisque l'essence de Dieu est caractérisée par l'éternité, qui ne s'explique pas par une durée infinie.

Ce qu'en revanche Spinoza attribue à Dieu, c'est non pas la permanence mais l'immuabilité. Et être immuable signifie ne pas pouvoir changer "sous le rapport de l'essence" (E1P20 corollaire II). Ici on regarde en effet, comme le dit Hokousai, à l'intérieur même du "mobile" sauf que Dieu n'est pas un mobile, bien sûr), pour constater que ce qui le définit n'a pas de contraire, ne peut pas être détruit. On ne voit pas très bien en quoi on pourrait identifier cela à une absence de mouvement au sens de repos. Autrement dit, à mon avis dans le spinozisme une "modification" ou "affection" n'est pas la même chose qu'un "mouvement". Les modes sont des affections de l'essence de Dieu, mais ils ne mettent pas cette essence "en mouvement". De même, une idée est une affection de l'attribut de la Pensée, mais cela ne signifie pas que cet attribut d'une position en repos va commencer à adopter un "trajet", comme le ferait n'importe quel mobile qui est affecté par le mouvement d'un autre mobile.

Conclusion: je dirais que ce n'est que lorsqu'on ne tient pas compte de la portée des termes "attribut" et "modes" ou "affections" que l'on peut obtenir une doctrine où les choses singulières ou modes finis perdent tout consistance. Il faut penser les choses en termes de mouvements et de parties, puis y ajouter l'idée que l'étendue infinie n'a pas de parties pour enlever des choses singulières toute réalité. Et comme on a pu le voir, selon qu'on pense d'une manière ou d'une autre, la notion même de Liberté reçoit elle aussi un tout autre sens. Amour et Joie suprême éprouvés lors de la compréhension de l'éternité de telle ou telle chose singulière dans sa singularité d'une part, application "froide" (ou dans les mots de Sescho: "calme") d'une loi à ce qui devient un "cas", cas particulier, d'autre part (ici les modes finis ne sont plus que des "moyens" (imaginaires) pour avoir accès à la seule chose qui aurait une réalité: les lois de la nature (qui en réalité se contenteraient d'exister, sans s'exercer sur des corps finis; les lois ne règleraient plus les rapports entre choses finies, elles seraient là comme des decrets affichés par un roi au coin d'une rue dans une ville complètement déserte, lus par personne)).

Enfin, comme toujours, je n'aurai sans doute pas entièrement compris l'idée que Sescho veut proposer, donc on ne peut qu'espérer qu'il corrigera là où il est nécessaire. En tout cas, en ce qui me concerne je commence de mieux en mieux à voir en quoi les deux interprétations (celle défendue par Sescho versus celle que je propose moi-même), au-delà d'un accord très clair sur pas mal de choses d'ordre général, sont quasiment diamétralement opposées sur l'essentiel. Ce que Spinoza d'après l'une interprétation veut absolument combattre, est précisément ce qu'il propose dans l'autre, et inversement. Or il va de soi que Spinoza ne peut pas avoir dit tout et son contraire. L'avantage d'avoir ces deux interprétations, en ce qui me concerne, c'est que cela oblige chacun à préciser et fonder maximalement, ce qui ne peut que nous faire avancer.
L.

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Messagepar Enegoid » 09 janv. 2009, 19:26

Bonjour à tous et meilleurs voeux

    1 Je ne vais pas m'insérer dans une discussion complexe qui dure depuis plusieurs jours, et dont je salue, en passant, la "haute qualité des échanges(HQE)" qui tranche par rapport à ce qui se passait à la fin de l'année dernière

    2 Mais je partage avec Louisa l'intérêt pour une clarification de ce qui apparait, de façon persistante (conatus), comme deux interprétations différentes, pour ne pas dire plus, de la pensée de Spinoza, celle de Louisa et celle de Seischo (Hohousai me semblant tenir la position d'un Socrate bon enfant, un peu détaché, et les autres intervenants, dont moi, n'ayant pas pris de position synthétique sur un désaccord dont il reste d'ailleurs à préciser le contenu).

    3 Je ne peux me retenir de penser que Spinoza était bien optimiste, lui qui pensait que nous avons de Dieu une idée adéquate ! Les discussions de ce forum, verre d'eau ajouté à l'immensité des commentaires "autorisés" (ie publiés) sur la question montrent qu'il n'en est rien, alors que pour lui Dieu est une sorte de "notion commune" (E2p46). Le diable est dans les détails : les attributs ne posent pas de problème, mais les modes en posent.

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Messagepar hokousai » 09 janv. 2009, 21:50

Chère louisa
Bref, si donc Sescho veut abolir la consistance propre des choses singulières dans le spinozisme,
Hokousai veut abolir …Sescho peut -être !!?


La première partie de votre message est claire , je suis d’accord .
Jusqu à : un corps fini n'est plus une partie d'un monde matériel, un corps devient un mode c'est-à-dire quelque chose qui exprime l'étendue tout en la modifiant (mais sans en modifier l'essence même).
je suis bien d’accord , ce sont les mots de Spinoza , mais cette idée d’expression n’est justement pas expliquée . La substance indivisible s’ exprime en choses finies . C’est incompréhensible .
Sauf si les choses finies sont infinies, mais ça c’est contradictoire .
Ou bien il n’y a pas de choses finies !!

…………………………………………………………………………………….
.........................................................................


Je lis la lettre 12 à Meyer ( lettre d une importance capitale ).

Sur les modes, je résume

Spinoza y dit bien que la définition des modes ne peut envelopper l’existence .
« bien que les modes existent nous pouvons les concevoir comme non, existant ..
Ils existent mais peuvent ne pas exister ? Spinoza va distinguer entre durée et éternité . On comprend .
Mai cela ne concerne pas la finitude des modes quand ils existent.
…………………………

Quelques lignes plus bas Spinoza dit que ceux là tiennent de vains propos pour ne pas dire qu’ils déraisonnent , qui pensent que la substance étendue est composée de parties c’est à dire de corps réellement distincts les uns des autres « « .
Voila ,ça , ça concerne la finitude ( les parties )

Suivent qq paragraphes sur la grandeur et sur l’imagination quant à la division en partie .

Et cela se termine par l’évocation de la manière dont les modes découlent de l’éternité ie des conditions sans lesquelles ces modes ne peuvent être droitement connus .
…………………………………..

Puis un exemple à partir de cercles concentriques .
La conclusion que je vous ai déjà pointé est qu’il n’y a que des choses infinies .

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Messagepar Louisa » 09 janv. 2009, 22:15

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :Bref, si donc Sescho veut abolir la consistance propre des choses singulières dans le spinozisme,


Hokousai veut abolir …Sescho peut -être !!?


cher Hokousai,
juste pour le moment une réponse rapide à ceci, je reviens tout à l'heure pour la suite de votre message.

Ce n'est peut-être pas exactement ce que Sescho a voulu dire, mais à la pg. 17 de cette discussion il a en tout cas écrit:

Sescho a écrit :La consistance des choses singulières est aussi imaginaire que la causalité transitive. Elles vont ensemble.


Il s'agit du passage où il dit que selon lui il n'y a qu'une distinction de raison entre l'essence de ce qu'il appelle "le Mouvement" (il y ajoute "(dont le repos)", mais pourquoi Spinoza écrirait-il dans l'Ethique systématiquement "mouvement et repos" si par "repos" il comprenait simplement une vitesse zéro de mouvement donc du mouvement?) et par quoi il veut désigner le mode infini immédiat de l'Etendue, et les essences des choses singulières.

Pour moi, il fait cette erreur parce qu'il ne raisonne que sur base d'un seul type d'existence actuelle, celui dans le temps (de ce point de vue, donc du point de vue de la durée, toute chose singulière est effectivement "périssable" et donc n'a qu'un temps d'existence limité, tandis que le temps relève de l'imagination).

Or justement, comme Spinoza le dit notamment dans l'E5P29 scolie:

"Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières, selon que nous les concevons soit en tant qu'elles existent en relation à un temps et un lieu précis, soit en tant qu'elles sont contenues en Dieu, et suivent de la nécessité de la nature divine. Et celles qui sont conçues de cette deuxième manière comme vraies, autrement dit réelles, nous les concevons sous l'aspect de l'éternité, et leurs idées enveloppent l'essence éternelle et infinie de Dieu, comme nous l'avons montré par la Proposition 45 de la deuxième Partie, dont on verra également le Scolie."

Il parle ici de choses en général, donc forcément aussi des choses singulières. Et il oppose la conception sub specie durationis à la conception sub specie aeternitatis. Dans le premier cas, on considère effectivement les choses par l'imagination (mais cela n'enlève pas à la chose toute consistance, ou en tout cas pour l'instant je ne vois pas pourquoi ce serait le cas), mais dans le deuxième cas, on les considère "réellement", et alors on conçoit, comme il le dit ailleurs, leur essence non pas en tant qu'elle existe dans le temps mais en tant qu'elle existe de toute éternité en Dieu. C'est l'essence même, essence toujours singulière en vertu de l'E2D2, donc propre à telle ou telle chose singulière, qui existe éternellement et en tant que telle en Dieu.

C'est quand on ne tient pas compte de cela et qu'on croit que les choses singulières, en tant que singulières, sont "condamnées" au royaume de l'imagination sans pouvoir avoir accès à un autre type d'existence, qu'on arrive à mon sens à un saut ontologique: on a d'une part la seule chose qui serait réelle, les attributs, puis d'autres part une multitude de choses imaginaires et sans consistance propre, les choses singulières, qui sont néanmoins les "cas" particuliers des lois éternelles qui suivent des attributs, qui sont ce sur quoi s'exercent les lois. Tandis qu'à mon sens c'est parce que les essences singulières en "réalité" existent éternellement en Dieu que non seulement elles ont une consistance, mais que leur puissance singulière est elle-même éternelle.

Mais bon, encore une fois, il faudrait savoir ce que Sescho pense de cette manière de rendre son point de vue à lui avant de pouvoir savoir dans quelle mesure ce que je viens d'écrire est pertinent.
L.

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Messagepar Sinusix » 10 janv. 2009, 18:55

Chère Louisa,

Après deux jours d'interruption pour cause d'autres travaux professionnels, j'ai pris connaissance de l'ensemble de vos interventions de cette même période, et de celles bien entendu de vos contradicteurs, dans l'esprit constructif du progrès collectif qui m'anime toujours. J'avoue jeter l'éponge pour deux raisons renouvelées :
1/ Votre interventionnisme généralisé vous conduit à faire des allers retours sur votre propre pensée écrite (j'essaierai, si j'en ai le temps, de regrouper ce que vous avez dit sur E1P17 pour aboutir, finalement, à une position avec laquelle je suis globalement d'accord, jusqu'à votre prochaine version peut-être) et, par excès de générosité langagière, à diluer ce qui devient pour moi, in fine, souvent incompréhensible. Je sais que concision et rigueur de raisonnement ne sont pas aisés à atteindre, mais il me semble que vous avez vocation professionnelle à les exiger des autres, ou à les leur recommander.
2/ Ne vous en déplaise, vous faîtes de graves contresens (qualification que je ne permettrais pas d'attribuer à ma propre lecture divergente de la vôtre, mais au fait que j'avance pas à pas, en m'appuyant sur un éventail de lectures "autorisées" des textes et bien entendu sur les fortes et brillantes personnalités de ce forum), que vous glissez parfois sous la forme d'évidences connues de tous, dont il est difficile de se dépêtrer car vos connaissances sont profondes et manifestes, et que nul ne peut percevoir s'il n'a déjà longuement travaillé.

Quelles que soient vos motivations profondes, de toute façon respectables puisque ce sont les vôtres, chacun vous sait gré de votre générosité pour la vie de ce site, mais, à franchement parler, il serait peut-être plus profitable pour le progrès commun, si telle est votre préoccupation, que cette générosité fût mieux encadrée et ciblât alors davantage ses manifestations.

Ceci dit amicalement, je note donc ici au passage.

Louisa a écrit :Pour moi, il fait cette erreur parce qu'il ne raisonne que sur base d'un seul type d'existence actuelle, celui dans le temps (de ce point de vue, donc du point de vue de la durée, toute chose singulière est effectivement "périssable" et donc n'a qu'un temps d'existence limité, tandis que le temps relève de l'imagination).


S'agissant de Sescho, n'est-il pas plus approprié de commencer, par exemple, comme ceci : De mon point de vue au contraire...........

Louisa a écrit :C'est l'essence même, essence toujours singulière en vertu de l'E2D2, donc propre à telle ou telle chose singulière, qui existe éternellement et en tant que telle en Dieu.

C'est quand on ne tient pas compte de cela et qu'on croit que les choses singulières, en tant que singulières, sont "condamnées" au royaume de l'imagination sans pouvoir avoir accès à un autre type d'existence, qu'on arrive à mon sens à un saut ontologique: on a d'une part la seule chose qui serait réelle, les attributs, puis d'autres part une multitude de choses imaginaires et sans consistance propre, les choses singulières, qui sont néanmoins les "cas" particuliers des lois éternelles qui suivent des attributs, qui sont ce sur quoi s'exercent les lois. Tandis qu'à mon sens c'est parce que les essences singulières en "réalité" existent éternellement en Dieu que non seulement elles ont une consistance, mais que leur puissance singulière est elle-même éternelle.

Mais bon, encore une fois, il faudrait savoir ce que Sescho pense de cette manière de rendre son point de vue à lui avant de pouvoir savoir dans quelle mesure ce que je viens d'écrire est pertinent.
L.


Je n'ai pas à répondre pour Sescho, qui contemple peut-être de lassitude les neiges éternelles, mais, j'observe :
1/ Que la méthode consistant à déformer, pas à pas, au fil des interventions auprès d'autres intervenants (comme vous le faîtes également subrepticement de certaines passages de mes interventions) certaines formulations très porteuses de sens, et très précisément employées, n'est pas honnête intellectuellement. Quoique vous disiez ici, la notion de saut ontologique, que j'avais personnellement appelé Rubicon métaphysique, est non seulement pertinente, mais essentielle. J'observe que nombre de vos interventions, qui jonglent avec les transitions Dieu/Attributs/Modes seraient bien inspirées d'en comprendre le sens profond, notamment au regard de cette difficulté fondamentale, comme nous avons essayé de l'imager, d'explication du passage de l'indivisible au divisible, de la relation cause/effet versus l'incommensurable, etc. Ce n'est pas mon objet de tout recommencer.
De la même manière pour ce qui me concerne, je vous mets au défi de trouver une quelconque possibilité de me prouver que chez Spinoza il y aurait quelque part une antériorité de la connaissance sur l'existence. Si vous la trouviez, je me sauverais immédiatement de cette philosophie.

2/ Vous persister à vouloir que les essences singulières "en réalité" existent éternellement en Dieu. Nous nous sommes pourtant, après tant d'autres, longuement penchés sur E2P8.

Ne vous en déplaise, avant qu'elle vienne à l'existence, dans le contexte modal du commerce parallèle des choses et des idées, l'essence de Louisa n'existait pas en Dieu, au sens que vous voulez lui attribuer. De la même manière que, tant que deux sécantes perpendiculaires E et D, nommément désignées, ne sont pas tracées, il n'y en a pas l'idée en Dieu autre qu'appartenant génétiquement à celle du cercle (une chose est le cercle, autre chose l'idée du cercle), de la même manière l'idée de l'essence de Louisa (dans l'attribut indivisible Pensée, sous sa forme modale divisible Entendement Infini), tout comme l'essence formelle de Louisa (dans l'attribut indivisible Etendue sous sa forme modale divisible Mouvement et repos) appartient génétiquement à l'essence de genre "homo sapiens", concrétisée par la "collectivisation" des essences jusqu'ici développées et passées par l'existence, donc ayant contribué à la dynamique des recompostions de formes inhérentes à la nature sempiternellement changeante (pas éternellement, puisque nous sommes dans le divisible).
Je fais observer que la dynamique des venues à l'existence (le "déclenchement" successif dans le temps) est certes assujettie à des essences singulières ; mais nous avons vu que le "contenu" de propriétés distinctives de ces dernières était minime (la puissance distinctive singulière de Louisa) par rapport à l'ensemble (d'idées dans l'attribut Pensée, de rapports de mouvements et de repos dans l'attribut Etendue)nécessaire pour la "construire" en tant qu'être humain et que, partant, il fallait bien s'appuyer sur "l'idée de l'homme" (merci la notion commune, apparentée en l'occurrence au cercle pour imager le raisonnement) pour prétendre faire venir Louisa à l'existence.
Tout cela est d'une logique implacable et superbe, et fonctionne suivant les mêmes bases logiques de partition/recombinaison en matière de puissance. Car dire que A agit, c'est dire que tout le reste, c'est-à-dire le complémentaire de A dans l'Univers pâtit de cette action, ou est indifférent, et réciproquement A pâtit de l'ensemble des actions de l'Univers, ou est indifférent, de telle sorte que l'Action globale est constamment totalement équivalente à la Passion globale, ce qui est logique puisque Dieu ne pâtit pas.
Ne cherchons donc pas à être "individuellement" éternels autrement que dans cette compréhension de notre sempiternité en tant que parties de l'ensemble des essences éternelles divisible, de notre éternité en tant qu'est présente en nous la substance indivisible qui a causé tout cela.

Si ce n'est pas cela, autant retourner à l'Eglise, et retrouver la Création.

Amicalement

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Messagepar sescho » 10 janv. 2009, 19:36

Je reviens sur les conséquences de E2D2. Comme le point est délicat, je reprends les extraits (étendus pour l’occasion) en traduction Pautrat :

Spinoza a écrit :E1P17S : … le causé diffère de sa cause précisément par ce qu'il tient d'elle. Par ex., un homme est cause de l'existence et non de l'essence d'un autre homme ; car celle-ci est une vérité éternelle : et c'est pourquoi selon l'essence ils peuvent tout à fait convenir ; mais, dans l'exister, ils doivent différer ; et c'est la raison pour laquelle, vienne à périr l'existence de l'un, celle de l'autre n'en périra pas pour autant ; mais, si l'essence de l'un pouvait être détruite et devenir fausse, se trouverait détruite aussi l'essence de l'autre. C'est pourquoi une chose qui est cause d'un effet, tant de son essence que de son existence, doit différer d'un tel effet sous le rapport tant de l'essence que de l'existence. Or l'intellect de Dieu est cause de notre intellect, tant de son essence que de son existence : donc l'intellect de Dieu, en tant qu'on le conçoit constituer l'essence divine, diffère de notre intellect sous le rapport tant de l'essence que de l'existence, et ne peut avoir avec lui d'autre convenance que de nom, comme nous le voulions. …

E1P24 : Des choses produites par Dieu l'essence n'enveloppe pas l'existence.

DÉMONSTRATION : C'est évident à partir de la Définition 1. En effet, ce dont la nature (considérée en soi) enveloppe l'existence est cause de soi, et existe par la seule nécessité de sa nature.

COROLLAIRE : De là suit que Dieu n'est pas seulement la cause que les choses commencent d'exister ; mais aussi qu'elles persévèrent dans l'exister, autrement dit (pour user d'un terme Scolastique) Dieu est causa essendi des choses. Car, que les choses existent ou qu'elles n'existent pas, chaque fois que nous prêtons attention à leur essence, nous trouvons qu'elle n'enveloppe ni existence ni durée, et par suite leur essence ne peut être la cause de leur existence ni de leur durée, mais seulement Dieu, à la seule nature de qui appartient d'exister (par le Coroll. 1 Prop. 14).

E1P25S : Cette Proposition suit plus clairement de la Proposition 16. Il suit d'elle en effet qu'étant donnée la nature divine, tant l'essence des choses que leur existence doivent s'en conclure nécessairement ; et, pour le dire d'un mot, au sens où Dieu est dit cause de soi, il faut le dire aussi cause de toutes choses, ce que va établir plus clairement encore le Corollaire suivant.

COROLLAIRE : Les choses particulières ne sont rien que des affections des attributs de Dieu, autrement dit des manières par lesquelles les attributs de Dieu s'expriment de manière précise et déterminée. La démonstration est évidente à partir de la Proposition 15, et de la Définition 5.

E1P28S : Comme certaines choses ont dû être produites immédiatement par Dieu, j'entends celles qui suivent nécessairement de sa nature absolue, et, moyennant ces premières, d'autres qui ne peuvent pourtant ni être ni se concevoir sans Dieu ; de là suit (I) que Dieu, des choses produites immédiatement par lui, est la cause absolument prochaine ; et non en son genre, comme ils disent. Car les effets de Dieu ne peuvent ni être ni se concevoir sans leur cause (par la Prop. 15 et le Coroll. Prop. 24). Il suit (II) que Dieu ne peut être proprement dit cause lointaine des choses singulières, sinon peut-être pour nous permettre de les distinguer de celles qu'il a produites immédiatement, ou plutôt qui suivent de sa nature absolue. Car par cause lointaine nous entendons une cause telle qu'elle n'est d'aucune manière conjointe à son effet. Or tout ce qui est est en Dieu, et dépend tellement de Dieu que rien ne peut sans lui ni être ni se concevoir.

E2D1 : Par corps, j'entends une manière qui exprime, de manière précise et déterminée, l'essence de Dieu en tant qu'on le considère comme chose étendue ; voir le Coroll. Prop. 25 p. 1.

E2D2 : Je dis appartenir à l'essence d'une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose, et dont la suppression supprime nécessairement la chose ; ou encore, ce sans quoi la chose, et inversement ce qui sans la chose, ne peut ni être ni se concevoir.

E2A1 : L’essence de l’homme n’enveloppe pas l’existence nécessaire, c’est-à-dire, selon l’ordre de la nature il peut aussi bien se faire que tel ou tel homme existe, ou bien qu’il n’existe pas.

E2P10 : A l'essence de l'homme n'appartient pas l'être de la substance, autrement dit, la substance ne constitue pas la forme de l'homme.

DÉMONSTRATION : En effet l'être de la substance enveloppe l'existence nécessaire (par la Prop. 7 p. 1). Si donc à l'essence de l'homme appartenait l'être de la substance, une fois donc présente la substance il y aurait nécessairement l’homme (par la Défin. 2 de cette p.), et par conséquent l'homme existerait nécessairement, ce qui (par l’Axiome 1 de cette p.) est absurde. Donc, etc. CQFD.

COROLLAIRE : De là suit que l'essence de l'homme est constituée par des modifications précises des attributs de Dieu.

DÉMONSTRATION : Car l'être de la substance (par la Prop. précéd.) n'appartient pas à l'essence de l'homme. Celle-ci est donc (par la Prop. 15 p. 1) quelque chose qui est en Dieu, et qui sans Dieu ne peut ni être ni se concevoir, autrement dit (par le Coroll. Prop. 25 p. 1) une affection, autrement dit une manière, qui exprime la nature de Dieu de manière précise et déterminée.

SCOLIE : Tous, à coup sûr, doivent concéder que sans Dieu rien ne peut être ni se concevoir. Car tous reconnaissent que Dieu, de toutes choses, tant de leur essence que de leur existence, est la cause unique, c'est-à-dire que Dieu non seulement est la cause des choses selon l'être-fait, comme ils disent, mais aussi selon l'être. Or dans le même temps la plupart d'entre eux disent qu'appartient à l'essence d'une chose ce sans quoi la chose ne peut ni être ni se concevoir ; et par suite ils croient, ou bien que la nature de Dieu appartient à l'essence des choses créées, ou bien que les choses créées peuvent sans Dieu ou être ou se concevoir, ou bien, ce qui est plus certain, ils ne sont pas assez d'accord avec eux-mêmes. Ce dont la cause, je crois, fut qu'ils n'observèrent pas l'ordre du Philosopher. Car la nature divine, qu'ils devaient contempler avant toute chose, parce qu'elle est antérieure tant pour la connaissance que de nature, ils l'ont crue venir en dernier dans l'ordre de la connaissance, et que les choses qu'on appelle objets des sens étaient antérieures aux autres ; d'où vint que, tant qu'ils contemplèrent les choses naturelles, il n’y eut rien à quoi ils pensèrent moins qu'à la nature divine, et quand ensuite ils poussèrent leur esprit à contempler la nature divine, il n'y eut rien à quoi ils purent moins penser qu'à leurs premières fictions, sur lesquelles ils avaient échafaudé leur connaissance des choses naturelles, pour la raison que ces fictions ne pouvaient en rien les aider à connaître la nature divine ; et par suite il ne faut pas s'étonner s'ils se sont un peu partout contredits. Mais je laisse cela. Car mon intention ici a été seulement de donner la raison pour laquelle je n'ai pas dit qu'appartient à l'essence d'une chose ce sans quoi la chose ne peut ni être ni se concevoir ; c'est parce que les choses singulières ne peuvent sans Dieu ni être ni se concevoir, et pourtant Dieu n'appartient pas à leur essence ; mais j'ai dit que nécessairement, constitue l'essence d'une chose ce dont la présence pose la chose, et dont la suppression supprime la chose : ou encore, ce sans quoi la chose, et inversement ce qui sans la chose, ne peut ni être ni se concevoir.

E2L2 : Tous les corps conviennent en certaines choses.

DÉMONSTRATION : En effet tous les corps conviennent en ceci, qu’ils enveloppent le concept d’un seul et même attribut (par la Défin. 1 de cette p.) Ensuite, en ce qu’il peuvent se mouvoir tantôt plus lentement tantôt plus rapidement, et, absolument parlant, tantôt se mouvoir et tantôt être en repos.

E2P37 : Ce qui est commun à tout (là-dessus, voir plus haut le Lemme 2), et est autant dans la partie que dans le tout, ne constitue l'essence d'aucune chose singulière.

DÉMONSTRATION : Si tu le nies, conçois, si c'est possible, que cela constitue l'essence d'une chose singulière; disons, l'essence de B. C'est donc (par la Défin. 2 de cette p.) que sans B cela ne pourra ni être, ni se concevoir; or cela est contre l'Hypothèse : Donc cela n'appartient pas à l'essence de B, et ne constitue pas l'essence d'une autre chose singulière. CQFD.

E2P49Dm : … Concevons donc une volition singulière, à savoir une manière de penser, par laquelle l'Esprit affirme que les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits. Cette affirmation enveloppe le concept ou idée du triangle, c'est-à-dire ne peut se concevoir sans l'idée du triangle. Car c'est la même chose de dire que A doit envelopper le concept de B, ou que A ne peut se concevoir sans B. Ensuite, cette affirmation (par l'Axiome 3 de cette p.) ne peut non plus être sans l'idée du triangle. Donc cette affirmation, sans l'idée du triangle, ne peut ni être ni se concevoir. En outre, cette idée du triangle doit envelopper cette même affirmation, à savoir, que ses trois angles sont égaux à deux droits. Et donc inversement aussi cette idée du triangle, sans cette affirmation, ne peut ni être ni se concevoir, et par suite (par la Défin. 2 de cette p.) cette affirmation appartient à l'essence de l'idée du triangle, et n'est rien d'autre que cette essence. ...

Je voudrais ensuite rappeler que :

- L’entendement infini est immuable et recouvre en particulier tous les modes finis (dans l’essence, donc), sans égard à leur existence en acte.

- Il est le parallèle du Mouvement, qui lui-même porte l’essence de tous les corps (n’étant pas lui-même soumis au temps qui vient avec les choses singulières – en acte, donc – comme son effet.) Il n’y a donc aucune antériorité de l’Entendement infini sur le Mouvement (la seule difficulté - irréductible à mon avis - que nous avons c’est que l’on conçoit l’entendement infini comme existant à chaque instant, mais pas la totalité des corps ; la différence vient de notre propre soumission au temps, en tant que chose singulière nous-mêmes.)

- Qu’à partir du moment ou Spinoza parle d’intellect divin, celui-ci faisant partie de la nature naturée (c’est un mode, donc), il faut concéder que Spinoza parle successivement de Dieu comme Substance (nature naturante) puis comme tout ce qui est (en particulier modifié par les deux modes infinis connus : Mouvement et Entendement infini.)

Développement :

- La traduction Pautrat de E2D2 ne fait pas référence à l’existence, ce qui est beaucoup plus clair (mais il est entendu qu’à un moment ou à un autre dans la sempiternité toute chose dans la nature de Dieu viendra à l’existence.) J’en reviens à ce que j’ai déjà dit : nous sommes dans la définition pure (non génétique) : la chose étant donnée (qu’elle existe ou pas en acte), son essence (son être, sa nature) est donnée par la même occasion, et inversement ; « pose » et « supprime » sont des termes liés au fonctionnement de l’intellect et nullement des références à l’existence en acte.

- Pour démontrer E2P10, on peut se demander pourquoi Spinoza ne fait pas simplement référence à E1P24. Il semble manifeste que c’est parce qu’il ne veut pas poser d’emblée que l’homme est un mode, mais le démontrer (pour bien enfoncer le clou ?), à partir de E2A1.

Le début de E2P10Dm indique logiquement qu’ « être de la substance » veut dire « essence impliquant l’existence. » Il est évident aussi que ceci a de l’importance dans la démonstration. En outre la substance est (selon l’essence, et donc, pour ce qui la concerne, selon l’existence.)

Spinoza pose ensuite (selon l’hypothèse ad absurdum) : A l’essence de l’homme appartient l’être de la substance, combiné selon toute vraisemblance à « appartient à l'essence d'une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose » de E2D2.

La démonstration est donc articulée comme suit : à l’essence de l’homme appartient l’être de la substance = la présence de l’être de la substance pose nécessairement l’homme dans son existence (et pas seulement dans son essence, ceci venant de l’être de la substance). Et c’est seulement cela (l’existence) qui est contraire à E2A1. Il n’y a donc aucune contradiction avec ce que E2D2 porte seulement sur l’essence (et pas du tout sur l’existence.)

Il est à remarquer que Spinoza utilise « substance » et pas « Dieu » ; c’est d’ailleurs la dernière occurrence de « substance, » mise à part l’incise au sujet des corps qui suit E2P13.

E2P10 n’est utilisée que dans son corollaire, lui-même utilisée essentiellement dans E2P11, qui a un usage important.

- E2L2 est très intéressant dans son utilisation par E2P37 : ce qui est commun à tous les corps ce sont dans ce cas l’Etendue et le Mouvement.

E2P37 parle de Dieu, en fait : les attributs (la substance) et ses modes infinis. Ceci, avec E2P38, suivie de son corollaire qui parle de notions communes, montre qu’il y a bien fondement à considérer Dieu (substance / attributs et modes infinis) comme notion commune (au sens large.) Comme l’avait dit Henrique il y a bien longtemps, ce qui est commun à toute chose sans exception est forcément Dieu. Toutefois, les notions communes étant au sens strict des lois, il convient de considérer encore une fois que les lois sont l’essence même de Dieu et ne constituent elles non plus l’essence d’aucune chose particulière.

E2P39 parle de commun avec « certains corps », et E2P40 de l’adéquation de la déduction, du raisonnement. Ce petit groupe de propositions seul définit la Raison (et ce qui précède les causes de l’erreur, pour l’essentiel) : attributs / modes infinis (Mouvement en particulier) / propriétés générales des choses / raisonnement.

C’est ce que résume E2P40S2 au sujet de la Raison, ou deuxième genre de connaissance : « (III) enfin, de ce que nous avons des notions communes, et des idées adéquates des propriétés des choses (voir le Coroll. Prop. 38, la Prop. 39 avec son Coroll. et la Prop. 40 de cette p.) »

- L’usage de E2D2 par E2P37Dm ne pose pas de difficulté (nous sommes toujours strictement dans les essences.)

- L’usage de E2D2 par E2P49Dm non plus, mais elle confirme bien son sens : à partir du moment où la « propriété statique » de la somme des angles ne se conçoit qu’avec le triangle et inversement, elle appartient à son essence, et ne s’en distingue pas (nous sommes bien toujours dans les essences strictement.) J’ai mis « propriété statique » pour distinguer la chose d’une « propriété dynamique », qui a trait à l’affection de l’essence d’une chose singulière.

Pour l'instant, je ne vois pas de raisons de renier, au contraire, ce que j'ai déjà mentionné, et que Sinusix a grandement éclairci : l'Etendue et le Mouvement ne font pas partie de l'essence des corps (j'ai quelque chose à consolider concernant le Mouvement, mais je le laisse quand-même en vertu de E2L2 / E2P37.) Un corps, par exemple, n'est pas étendu par son essence mais par celle de sa cause. Il est une forme dans l'Etendue. Nous retrouvons bien là la seule explication possible de cette phrase très surprenante au premier abord de E1P17S : "le causé diffère de sa cause précisément par ce qu'il tient d'elle."

Quant aux choses singulières, comme je l’ai déjà dit, elles sont tout simplement introduites par les notions générales (ou essences de genre ; E2P39 y fait allusion, selon moi.) Les propositions précédentes n’ont rien à voir là-dedans, et encore moins un mystérieux appel à la connaissance du troisième genre – qui suit totalement la Raison dans l’objet, mais est au-dessus dans la profondeur de perception.


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Messagepar sescho » 10 janv. 2009, 22:52

hokousai a écrit :La substance indivisible s’ exprime en choses finies . C’est incompréhensible .
Sauf si les choses finies sont infinies, mais ça c’est contradictoire .
Ou bien il n’y a pas de choses finies !!

Dans la mesure seulement où vous assimilez "finitude" et "divisibilité"...

Une chose est dite finie quand elle est limitée par une chose de même nature. Un corps est bien limité par d'autres corps ; le fini existe donc bien. L'Etendue n'est pas divisée pour autant, car le néant de l'étendue ("vide" selon Spinoza) n'existe pas. Elle est toujours continue, comme ce que nous appelons l'espace, mais étant vu comme nécessairement matériel (indistinct de la matière, ce que la mécanique quantique tendrait à confirmer avec les fluctuations du "vide" - pas au même sens que Spinoza cette fois, puisque n'étant, de ce fait même, pas un néant.)

Spinoza a écrit :E1P15S : … Puisque donc il n'y a pas de vide dans la nature (là-dessus, voir ailleurs), mais que toutes les parties doivent concourir en sorte qu'il n'y ait pas de vide, il suit aussi de là que ces mêmes parties ne peuvent pas réellement se distinguer, c'est-à-dire, que la substance corporelle, en tant qu'elle est substance, ne peut se diviser. Et si cependant on demande maintenant pourquoi nous avons, de nature, un tel penchant à diviser la quantité ? je réponds que nous concevons la quantité de deux manières : abstraitement, autrement dit superficiellement, dans la mesure où nous l'imaginons, ou bien comme substance, ce qui se fait par le seul intellect. Si donc nous prêtons attention à la quantité telle qu'elle est dans l'imagination, ce que nous faisons souvent et avec plus de facilité, on la trouvera finie, divisible, et composée de parties ; et, si nous lui prêtons attention telle qu'elle est dans l'intellect, et la concevons en tant qu'elle est substance, ce qui se fait très difficilement, alors, comme nous l'avons suffisamment démontré, on la trouvera infinie, unique, et indivisible. Et cela, tous ceux qui auront su faire la distinction entre l'imagination et l'intellect le trouveront assez manifeste : surtout si l'on prête également attention à ceci, que la matière est partout la même, et qu'on n'y distingue de parties qu'à la condition de la concevoir, en tant que matière, affectée de manières diverses, si bien que ses parties ne se distinguent que par la manière, et non en réalité. …



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