Relativité du mal et morale

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Messagepar Durtal » 13 janv. 2009, 23:08

bardamu a écrit :Pour prendre un exemple plus frappant que les abeilles (je ne sais pas trop d'où Spinoza tire l'idée qu'elles se font des guerres...)



Je me suis demandé aussi pour les abeilles :D en fait je pense qu'il fait allusion aux frelons qui sont effectivement de redoutables prédateurs pour les abeilles, ils les bouffent, piquent les larves et détruisent leurs ruches. Et celles ci naturellement se défendent (de façon parfois étonnantes d'ailleurs) Les frelons sont bien des "sortes d'abeilles" en ce que ce sont des insectes sociaux ailés qu'ils construisent des nids qui ressemblent à des ruches qu'ils ont des dards venimeux etc...

c'était la séquence histoire naturelle.

D.

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Messagepar hokousai » 14 janv. 2009, 00:21

j' ai fait ce soir quelques recherches (sur le web) , sur l'agressivité intraspécifique des abeilles ( j' ai été apiculteur le sujet m'intéresse )

Sur les abeilles communes il n y a guère d exemples d'agression entre colonies .
Maintenant la question des abeilles africaines ( peu de renseignements scientifiques )

j'ai relève une observation ( si ça intéresse )

""""Mais le véritable danger, pour le sud des Etats-Unis est surtout économique. Pour les apiculteurs, bien sûr, dont les ruches colonisées (par mariage génétique ou pure invasion) sont beaucoup plus difficiles à exploiter en raison de l'agressivité ambiante : on estime que les africaines réagissent trois plus vite à l'intervention humaine, et piquent dix fois plus, tout en se calmant très difficilement (elles peuvent rester excitées trente minutes, contre trois en moyenne pour une abeille tranquille)."""""""""

( à compléter si quelqu'un trouve autre chose )

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Messagepar PhiPhilo » 14 janv. 2009, 08:57

hokousai a écrit :
une éthique établira entre les êtres des différences quantitatives de puissance
:

ah bon et vous mesurez avec quoi ? dans quelle unité ?
le mètre- deleuzien sans doute !

Pour un philosophe très peu porté sur les mathématiques c'est un comble .

c'est le sentier lumineux (de Vincennes ).


Hum ... Deleuze semble s'être intéressé à l'histoire ... et à l'actualité !

Durtal a écrit :OUI chaque chose a exactement autant de perfection qu'elle a de réalité, mais NON toutes n'ont pas pour autant la même perfection ou la même quantité de réalité.


C'est exactement ce que nous disons. Le problème de l'éthique n'est pas la distinction entre le mieux et le pire mais entre le plus et le moins (de puissance ou de réalité).

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Messagepar Durtal » 14 janv. 2009, 09:57

PhiPhilo a écrit :C'est exactement ce que nous disons. Le problème de l'éthique n'est pas la distinction entre le mieux et le pire mais entre le plus et le moins (de puissance ou de réalité).


Spinoza a écrit :D'ou il appert combien le sage est fort et vaut mieux que l'ignorant, qui agit par le seul appétit lubrique
(E5XLII scol.)

La différence entre le plus et le moins entraîne une différence entre le meilleur et le pire.

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Messagepar Durtal » 14 janv. 2009, 16:09

hokousai a écrit :
une éthique établira entre les êtres des différences quantitatives de puissance
:

ah bon et vous mesurez avec quoi ? dans quelle unité ?
le mètre- deleuzien sans doute !

Pour un philosophe très peu porté sur les mathématiques c'est un comble .

c'est le sentier lumineux (de Vincennes ).



Détrompez-vous, il y a quelques "perles" de Deleuze&Guattari dans le sottisier de Sokal et Bricmont qui valent leur pesant de cacahuète concernant les mathématiques. Non parce qu'ils ne s'y intéressent pas: c'est malheureusement le contraire!

Je précise que cela ne veut pas dire que les Cours de Deleuze sur Spinoza ou ses ouvrages sur lui sont sans intérêt. Je pense au contraire qu'ils sont très intéressants et ils ont eu sur moi aussi un effet très stimulant en leur temps.

D.

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Messagepar PhiPhilo » 14 janv. 2009, 16:23

Durtal a écrit :
PhiPhilo a écrit :C'est exactement ce que nous disons. Le problème de l'éthique n'est pas la distinction entre le mieux et le pire mais entre le plus et le moins (de puissance ou de réalité).


Spinoza a écrit :D'ou il appert combien le sage est fort et vaut mieux que l'ignorant, qui agit par le seul appétit lubrique
(E5XLII scol.)
Eh non. Ca, c'est, précisément, un concentré de traduction moralisante ! Spinoza dit tout autre chose :
Ex quibus apparet, quantum Sapiens polleat, potiorque sit ignaro, qui solâ libidine agitur.(Spinoza, Ethique, V, 42, scol.)
Ce qui veut dire exactement :
Il suit de tout cela combien le sage est très puissant (polleat est la 3° pers. sing. de l'ind. présent de polleo, "avoir beaucoup de pouvoir", "être très puissant"), et plus puissant (potior est le comparatif de supériorité de potis, "puissant") que l'ignorant qui est poussé (agitur est la forme passive de ago, "agir", d'où "être agi par", "être poussé par") par son bon plaisir (libidine est l'adverbe correspondant à libidinosus, "qui suit son caprice, son bon plaisir", traduire par "qui suit son appétit lubrique", cela relève carrément de la psychanalyse !!!).(Spinoza, Ethique, V, 42, scol.)
"Traduttore, traditore !", comme on dit chez nous (le seul intérêt de la traduction Pautrat, c'est qu'elle donne le texte latin en regard). En tout cas, vous voyez bien que dans le texte originel il n'est question que de puissance, jamais de morale !

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Messagepar Durtal » 14 janv. 2009, 17:11

Ok.

J'ai compris à quel client j'avais affaire.

cette esbroufe! :D


"potior, potius, gén. potioris (compar. de potis) : - 1 - meilleur, préférable. - 2 - de plus de prix, supérieur."

ref:

http://collatinus.fltr.ucl.ac.be/jano/Dico-p09.html

http://www.collatinus.org/

D.

Ps: Ou le "Gaffiot" si ça traîne dans ta bibliothèque.
Modifié en dernier par Durtal le 15 janv. 2009, 01:20, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 14 janv. 2009, 17:49

cher phiphilo

non mais d'accord
on aura toujours besoin d'un bon latiniste

mais que ce soit dit en latin en hollandais ou en français que signifie "puissant"" pour Spinoza
non seulement ""puissant "",mais ""plus puissant ""

Ex quibus apparet, quantum Sapiens polleat, potiorque sit ignaro,
.....................................

le vocabulaire de la puissance peut très bien être celui d'un contexte moralisant (sauf si vous ne considérez pas StThomas comme relevant de la morale)

thomas d Aquin

Rien n’empêche que des puissances de l’âme ou des habitus de rang inférieur soient diversifiés par rapport à des matières qui se trouvent unifiées en face d’une puissance(potentia) ou d’un habitus de rang supérieur, car une puissance de l’âme ou un habitus, s’il est d’un ordre plus élevé, considère son objet sous une raison formelle plus universelle.

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Messagepar bardamu » 14 janv. 2009, 20:33

PhiPhilo a écrit :(...) En d'autres termes, il n'y a pas de morale, il n'y a pas de bien ou de mal parce qu'il n'y a pas d'essence générale de l'homme, et il n'y a pas d'essence générale de l'homme parce qu'il n'y a pas en l'homme de substance spirituelle transcendante pour concevoir une telle essence, et donc pour décider de réaliser une telle essence. Dit d'une autre manière encore, il n'y a pas de morale, il n'y a pas de bien ou de mal parce que le corps ne peut pas être déterminé au mouvement ou au repos par l'esprit, un corps ou un esprit singuliers n'étant rien autre que la même chose singulière tantôt conçue sous un attribut, tantôt sous un autre.

Bonjour PhiPhilo,
il y a quand même quelque chose de bizarre pour moi, c'est le sentiment qu'au nom de Deleuze on en vienne presque à ériger des tribunaux de morale pour interdire l'usage des mots "bien" et "mal"...
Qu'est-ce qui pousse à vouloir remplacer "bien-mal" par "bon-mauvais" ou "plus puissant-moins puissant" ? Le fait que la vision des mots "bien" ou "mal" provoque immédiatement l'idée d'un moralisme classique quelle que soit l'idée qui est réellement exprimée par ces mots ?

E4 appendice chap. XXIV : "Les autres affects dont l'homme est l'objet, et qui naissent de la tristesse, sont directement contraires à la justice, à l'équité, à l'honnêteté, à la piété et à la religion."

Ce n'est certes pas le vocabulaire d'un Deleuze ou d'un Nietzsche mais Spinoza avait ses raisons de parler de justice, piété et religion.

L'analyse de Deleuze sur l'immoralisme de Spinoza est subtile et il dit lui-même que le langage de Spinoza est très semblable à la lointaine tradition de la morale du jugement (cf ce cours).
Au-delà de la critique des morales du Devoir qui est assez facile, il y a cette analyse à mon sens plus puissante de la différence entre le jugement externe et l'épreuve immanente d'une réalité qu'on trouvera authentique ou pas.
Il y a une justice immanente, le "mauvais" est puni de lui-même par le fait qu'il ne passe pas l'épreuve de la béatitude. Certains peuvent simuler la sagesse, citer des textes, montrer qu'ils les ont compris abstraitement, mais face à des réalités concrètes ça ne marche plus, leur comportement sonne faux, les beaux principes énoncés ne se manifestent ni dans les affects, ni dans les actes, on voit apparaître des tristesses et impuissances, des haines, des colères, des doigts accusateurs... y compris par d'étranges prêtres de l'amoralisme ("je fais ce que je veux !", "il est interdit d'interdire", "parler de mal, c'est Mal"...).

Deux extraits du TTP pour calmer les allergies au langage moral :

TTP Chap IV, de la loi divine a écrit : : Salomon continue (vers. 9) d’enseigner, dans les termes les plus formels, que cette science de Dieu contient la vraie morale et la vraie politique, qui n’en sont qu’une déduction : « C’est alors, dit-il, que vous comprendrez la justice, et le jugement, et les voies droites, (et) tout bon sentier. » Et il ajoute encore pour plus de clarté : « Quand la science entrera dans votre coeur et que la sagesse vous sera douce, alors votre prévoyance veillera sur vous, et votre prudence vous gardera. »

Pergit deinde v. 9 expressissimis verbis docere, hanc scientiam veram Ethicam, et Politicam continere, et ex ea deduci, [heb.] tunc intelliges Justitiam, et Judicium, et rectitudines, (et) omnem bonam semitam, nec his contentus pergit, [heb.] quando intrabit scientia in cor tuum, et sapientia tibi erit suavis ; tum tua [3] providentia tibi vigilabit, et prudentia te custodiet.


TTP Chap V a écrit :Jésus-Christ, je le répète, eut pour mission, non pas de conserver tel ou tel empire ou d’instituer des lois, mais seulement d’enseigner aux hommes la loi universelle.

nam Christus, uti dixi, non ad imperium conservandum, et leges instituendum, sed ad solam legem universalem docendum missus fuit.[/i]


Sinon, il y aurait encore des choses à dire sur l'essence, le genre et le singulier, mais ce serait un n-ième détournement de sujet.
Juste 2 points rapidement :
- dans "Spinoza ou le problème de l'expression", Deleuze dit que ce n'est pas la notion de genre qui dérange Spinoza, c'est seulement le genre conçu abstraitement à partir de traits particuliers issus de l'imagination.
- il ne dit pas que les essences singulières correspondent à "des choses singulières déterminées hic et nunc". Le ici et maintenant, l'instantanéité concerne les affections, la durée concerne les affects (variation de puissance) et les essences en elles-mêmes sont concernées par l'éternité. (cf ce cours, part. 1 et part. 2)

Il faudrait peut-être ouvrir une autre discussion sur la lecture de Spinoza par Deleuze, qui à mon sens intègre son propre projet éthique, son propre projet philosophique (c'est en cela qu'il est philosophe et pas seulement commentateur)

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Messagepar Durtal » 14 janv. 2009, 20:52

Tu parles très sagement Bardamu....


D.


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