Sinusix a écrit :L'enchaînement logique de la fusée à trois étages est le suivant :
...
- 3ème étage - Modes infinis médiats : Spinoza devrait développer son argumentaire sur deux plans, mais ne le fait bizarrement que concernant les corps - la facies totius universi (rien sur les idées existantes). C'est l'étage de l'existence et des existences. A ce niveau, chaque chose singulière est produite par l'attribut (dans le respect de l'interconnexion des attributs dans l'unité substantielle, rappelons-le) en tant qu'il cause en même temps la chaîne infinie des choses singulières. L'existence de chacune dépend donc de l'action de toutes les autres. A cet étage, chaque attribut peut se développer et agir en son genre, ce qui explique que pourront, par exemple, se développer les idées inadéquates
Pour moi, il est acquis que les "modes infinis médiats" n'existent pas chez Spinoza, malgré E1P22-23. Tout ceci n'est qu'une extrapolation hasardeuse selon moi. Un des premiers éléments est que E2L7S ne fait aucune référence à ces propositions. Mais il y a bien d'autres éléments qui me le confirment, comme cela a été discuté ici et dans le fil sur le long... Je suis prêt à en rediscuter avec vous, si cela vous intéresse.
Sinusix a écrit :Bizarrement, comme je le dis plus haut et le note M. Guéroult, nous constatons un déséquilibre d'exposition de la part de Spinoza, lequel contribue peut-être à la difficulté de reconstitution de sa pensée. En effet, au 3ème étage, le monde des idées existantes (mode infini médiat de la Pensée) est, en apparence, laissé vide (il semble répugner à mettre expressément en corrélation le total des existences psychiques et le total des existences corporelles - dixit M. Guéroult) ; en revanche, au 2ème étage, c'est le concept Mouvement et le repos qui reste "obscur" par rapport aux développements sur l'entendement infini.
Je ne trouve pour ma part aucun manque dans l'expression de Spinoza : la face de l'univers entier vaut tant pour la Pensée que pour l'Etendue, puisqu'il y a parallélisme entre les corps et les idées en acte en Dieu. Idem pour l'entendement infini : celui-ci recouvre tout ce que le Mouvement peut produire, soit tous les corps possibles.
Sinusix a écrit :... j'ai peine à comprendre, conformément à ce que je rappelais à Louisa de ma lecture de E2P8, que les essences individuelles (les sécantes E et D spécifiques) soient données et qu'il ne suffit pas de l'essence dont elles découlent génétiquement (celle du cercle). Par ailleurs, en quoi pose et supprime sont-ils des termes liés au fonctionnement de l'intellect puisque la définition porte sur toutes les essences (de corps et d'idées).
Les sécantes ne se réfèrent pas aux essences (il n'y a pas de différence entre l'essence du cercle et l'essence de tout ce qui en suit immédiatement) mais aux idées en acte. Tant qu'un corps n'existe pas en acte, sauf en ce qu'il est contenu dans l'Etendue (difficulté là...), son idée n'existe pas en acte, sauf en ce qu'elle est contenue dans l'entendement infini ou idée de Dieu, mais si le corps vient à exister (sous cette forme qu'on dit durer) alors l'idée de ce corps existe parallèlement dans la Pensée sous cette même forme.
Pour les "pose" et "supprime", il ne s'agit pas de naissance ou de mort de choses en acte, mais d'opérations de l'entendement (qui disent que si l'on pose A on a B, et si l'on supprime A on supprime B, autrement dit que A et B s'impliquent mutuellement, ou encore qu'il y a équivalence entre A et B, le tout dans l'entendement), ce qui seul est compatible avec des essences.
Sinusix a écrit :Là je préfère dire que je ne comprends pas ce paragraphe puisque l'objet la démonstration est de montrer au contraire qu'à l'essence de l'homme n'appartient pas l'être la substance ?
J'ai bien précisé que l'équivalence que je cherche (qui est positive en elle-même) se situe dans une démonstration par l'absurde (dont au moins une prémisse est fausse, donc.)
Sinusix a écrit :... on voit bien que, dans le fonctionnement du 3ème étage, les idées ne sont pas l'effet absolu de l'attribut Pensée, mais sont produites en tant que l'attribut est cause de l'ensemble infini des idées existantes nécessaires pour les déterminer, l'existence de chacune dépendant de l'action de toutes les autres (autrement dit, la connaissance ne vient que de la compréhension de l'enchaînement infini des choses).
Je ne suis pas sûr de suivre. Je vois que vous assimilez les (prétendus selon moi) "modes infinis médiats" aux canevas de choses singulières existant à un instant donné, et sous cet angle, je vois peu à y contester (ce n'est pas éternel, l'infinité appartient en fait à la substance elle-même, et de fait c'est donc la plus grande des choses singulières.) Si ce n'est par le raisonnement et l'imagination, l'enchainement des idées est assez difficile à percevoir. Sauf en faisant appel au parallélisme, qui lie l'enchaînement des idées à l'enchaînement des corps (et c'est sans doute pour cela que Spinoza fait autant d'aller et retour des corps aux idées.)
Sinusix a écrit :Par là, les choses se compliquent, mais ce n'est pas le lieu d'en parler, à partir du moment où, contrairement à ce que pouvait penser Spinoza à son époque, la chaîne de la Nature naturée ne part pas d'un premier niveau d'essences identifiées constituées dans l'absolu, mais qu'elle est susceptible de remonter jusqu'aux éléments de base de la soupe substantielle "primitive" (ce qui prouve que la clarification de l'incidence déformante du temps, abordée par Bardamu, est complexe, pour ne pas dire plus).
Je ne suis pas sûr de suivre non plus. Spinoza prend les choses en général, ce qui est peu susceptible d'être limité par quoi que ce soit. Il n'y a aucune limitation de nature posées aux essences a priori (et en aucun cas selon moi l'essence de Dieu n'est constituée d'une "penderie" d'essences particulières, mais d'un continuum d'essence duquel peuvent se manifester la particularité sous forme de telle ou telle chose singulière, à un instant donné ; c'est l'esprit des segments dans le cercle, qui appartiennent à l'essence du cercle et ne se distinguent que quand ils viennent à être manifestés - ce qui n'est pas loin de la lapalissade d'ailleurs.)
Sinusix a écrit :... tout corps a les propriétés de sa cause absolue, à savoir celles des essences éternelles et des lois qui font partie des modes infinis immédiats qui le concernent (par exemple le genre homme et toutes les lois associées, notamment de reproduction sexuée ; la faculté de penser)
Oui. Ce n'est pas aisé à percevoir, mais on sent que c'est fort...
Amicalement
Serge