La connaissance du troisième genre

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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sescho
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La connaissance du troisième genre

Messagepar sescho » 26 sept. 2004, 17:27

Comme il y a une tendance à la divergence dans les débats, je relance en particulier un thème apparu dans "Platon et Spinoza" (débat lui-même émané de "Essence de l'homme"...).

bardamu a écrit :
sescho a écrit :(...) Spinoza dit : nous ne pouvons avoir d’idée claire et distincte des choses singulières ; ce que nous pouvons percevoir clairement et distinctement, ce sont « les notions communes mais vues sous la connaissance du troisième genre ».

Il me semble que les notions communes sont les objets du 2nd genre de connaissance. Par le 3e genre de connaissance, on connait les essences singulières. Je n'ai pas souvenir d'une connaissance des notions communes par le 3e genre de connaissance.

Chez Spinoza, chaque chose singulière a un être formel en Dieu et même si on n'en a pas de connaissance claire et distincte, on peut en obtenir une connaissance intuitive par le 3e genre de connaissance.

E5P36 Corollaire scolie : (...) et j'ai pensé qu'il était à propos de faire ici cette remarque, afin de montrer par cet exemple combien la connaissance des choses particulières, que j'ai appelée intuitive ou du troisième genre (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2), est préférable et supérieure à la connaissance des choses universelles que j'ai appeler du second genre

Sur le premier point, ceci n'apparaît pas textuellement. J'ai fait un raccourci rapide (d'où les guillements) de l’exemple de la règle de 3 (E2P40S2) - où Spinoza glisse du raisonnement à la science intuitive sur exactement le même sujet :

Spinoza, traduit par E. Saisset, a écrit :… Outre ces deux genres de connaissances, on verra par ce qui suit qu’il en existe un troisième, que j’appellerai science intuitive. Celui-ci va de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l’essence des choses. J’expliquerai cela par un seul exemple. Trois nombres nous sont donnés, pour en obtenir un quatrième qui soit au troisième comme le second est au premier. Les marchands n’hésitent pas à multiplier le second par le troisième et à diviser le produit par le premier ; et cela par cette raison qu’ils n’ont pas encore oublié ce qui leur a été dit sans preuve par leur maître, ou bien parce qu’ils ont fait plusieurs épreuves de cette opération sur des nombres très simples, et enfin en vertu de la Démonstr. de la Propos. 19 du 7e livre d’Euclide, c’est-à-dire en vertu d’une propriété générale des proportions.— Mais tout cela est inutile si on opère sur des nombres très simples. Soit, par exemple, les trois nombres en question, 1, 2, 3 : il n’y a personne qui ne voie que le quatrième nombre de cette proportion est 6, et cette démonstration est d’une clarté supérieure à toute autre, parce que nous concluons le quatrième terme du rapport qu’une seule intuition nous a montré entre le premier et le second.

Je pense que le troisième genre de connaissance est effectivement nettement supérieur au deuxième et seul véritablement clair et distinct, mais que, eu égard à l'ordre de la Nature, il porte pour Spinoza sur les mêmes "éléments". Ce qui change, c'est la perception : indirecte dans le raisonnement, elle devient directe dans la science intuitive. Par ailleurs, il me semble que Spinoza sous-entend qu'on ne peut avoir d'idée adéquate de l'essence d'aucune chose singulière (c'est explicite dans le Court Traité, mais dans une note dont il est risqué de dire que Spinoza en était lui-même l'auteur). Je ne pense pas que la phrase donnée par Bardamu soit suffisante pour conclure (il est facile de se méprendre sur un extrait de texte traduit de Spinoza, et tout doit être consolidé). Je verse quelques pièces supplémentaires au dossier:

Spinoza, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P25 : L’idée d’une affection quelconque du corps humain n’enveloppe pas la connaissance adéquate du corps extérieur.

E2P26 : L’âme humaine ne perçoit aucun corps comme existant en acte, que par les idées des affections de son corps.
Corollaire : L’âme humaine, en tant qu’elle imagine un corps extérieur, n’en a pas une connaissance adéquate.

E2P29CS : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.

E2P31 : Nous ne pouvons avoir qu’une connaissance fort inadéquate de la durée des choses particulières qui sont hors de nous.
Corollaire : Il suit de là que toutes les choses particulières sont contingentes et corruptibles ; car nous ne pouvons avoir (par la Propos. précédente) qu’une connaissance fort inadéquate de leur durée, et ce n’est pas autre chose que cela même qu’il faut entendre par la contingence et la corruptibilité des choses (voir le Schol. 1 de la Propos. 33, partie 1) ; car, hors de là, il n’est rien de contingent (par la Propos. 29, partie 1).

E2P37 : Ce qui est commun à toutes choses (voir le Lemme ci-dessus), ce qui est également dans le tout et dans la partie, ne constitue l’essence d’aucune chose particulière.

E5P4 : Il n’y a pas d’affection du corps dont nous ne puissions nous former quelque concept clair et distinct.
Démonstration : Ce qui est commun à toutes choses ne se peut concevoir que d’une manière adéquate (par la Propos. 38, part. 2), et conséquemment (par la Propos. 12 et le Lemme 2, placé après le Schol. de la Propos. 13, part. 2), il n’y a aucune affection du corps dont nous ne puissions nous former quelque concept clair et distinct. C. Q. F. D.

E5P12Dm : Les objets que nous concevons clairement et distinctement, ce sont les propriétés générales des choses, ou ce qui se déduit de ces propriétés (voyez la Défin. de la raison dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et conséquemment, ces objets se représentent à notre esprit plus souvent que les autres (par la Propos. précéd.) ; d’où il suit que la perception simultanée de ces objets et du reste des choses devra s’opérer avec une facilité particulière, et par suite que les images des choses se joindront à ces objets plus aisément qu’à tous les autres (par la Propos. 18, part. 2). C. Q. F. D.

E5P25 : L’effort suprême de l’âme et la suprême vertu, c’est de connaître les choses d’une connaissance du troisième genre.
Démonstration : La connaissance du troisième genre va de l’idée adéquate d’un certain nombre d’attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l’essence des choses (voyez la Déf. renfermée dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l’âme, c’est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c’est de connaître les choses d’une connaissance du troisième genre.

E5P28 : Le désir de connaître les choses d’une connaissance du troisième genre ou l’effort que nous faisons pour cela ne peuvent naître de la connaissance du premier genre, mais ils peuvent naître de celle du second.
Démonstration : Cette proposition est évidente d’elle-même ; car tout ce que nous concevons clairement et distinctement, nous le concevons ou par soi ou par autre chose qui est conçu par soi : en d’autres termes, les idées qui sont en nous claires et distinctes ou qui se rapportent à la connaissance du troisième genre (voy. le Schol. 2 de la propos. 40, part. 2) ne peuvent résulter des idées mutilées et confuses, lesquelles (par le même Schol.) se rapportent à la connaissance du premier genre, mais bien des idées adéquates, c’est-à-dire (par le même Schol.) de la connaissance du second et du troisième genre. Ainsi donc (par la Déf. 1 des passions) le désir de connaître les choses d’une connaissance du troisième genre ne peut naître de la connaissance du premier genre, mais il peut naître de celle du second. C. Q. F. D.

Une question subsidiaire est "en quoi - logiquement - la connaissance du deuxième genre peut-elle déboucher sur celle du troisième".

Amicalement

Serge
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Re: La connaissance du troisième genre

Messagepar bardamu » 26 sept. 2004, 20:45

sescho a écrit :(...)
Je pense que le troisième genre de connaissance est effectivement nettement supérieur au deuxième et seul véritablement clair et distinct, mais que, eu égard à l'ordre de la Nature, il porte pour Spinoza sur les mêmes "éléments". Ce qui change, c'est la perception : indirecte dans le raisonnement, elle devient directe dans la science intuitive. Par ailleurs, il me semble que Spinoza sous-entend qu'on ne peut avoir d'idée adéquate de l'essence d'aucune chose singulière (c'est explicite dans le Court Traité, mais dans une note dont il est risqué de dire que Spinoza en était lui-même l'auteur).

Mon analyse est la suivante :
Le 2nd genre de connaissance permet de découvrir les notions communes à plusieurs choses, d'établir le réseau de correspondance de l'une à l'autre, ce qu'elles partagent.
Le 3e genre de connaissance permet de sentir distinctement en quoi une chose particulière se distingue absolument de toute autre et permet ainsi d'avoir son essence propre.
Par le 2nd genre, on a le lien causal des choses entre-elles, par le 3e on a la singularité qui relie la chose et moi-même directement à la cause globale, Dieu.

Pour qu'il n'y ait pas de doute par rapport à l'original de E5P36Corollaire scolie : (...) quod hic notare operæ pretium duxi ut hoc exemplo ostenderem quantum rerum singularium cognitio quam intuitivam sive tertii generis appellavi (vide II scholium propositionis 40 partis II) polleat potiorque sit cognitione universali quam secundi generis esse dixi.

Autre traduction que celle de Saisset, celle de Appuhn :
J'ai cru qu'il valait la peine de le noter ici pour montrer par cet exemple combien vaut la connaissance des choses singulières que j'ai appelée intuitive ou connaissance du troisième genre (scolie de la proposition 40, p II) et combien elle l'emporte sur la connaissance par les notions communes que j'ai dit être celle du deuxième genre.

Il semblerait que "universali" soit un substantif et que donc on pourrait le traduire par "choses universelles" comme Saisset, "notions communes" comme Appuhn ou peut-être plus simplement par "universaux".

Ceci est renforcé par :
E2P49 Corollaire scolie : (...) Quare hic apprime venit notandum quam facile decipimur quando universalia cum singularibus, et entia rationis et abstracta cum realibus confundimus.
Et c'est bien ici le lieu de remarquer combien il est aisé de se tromper, quand on confond les universaux avec les choses particulières, les êtres de raison et les choses abstraites avec les réalités.

Il y a là, un délicat partage à faire entre les notions communes en tant que choses réellement communes qui nous permettent l'accès réel à d'autres choses que nous-même, et les universaux qu'on abstrait de celles-ci et qu'il faut prendre avec précaution.

Serge, dans les extraits que tu as choisi, une part relève clairement du premier genre de connaissance (EP25, E2P26, E2P29CS).
Pour le reste, j'y reviendrai plus tard, là je n'ai plus le temps.

Un dernier point : la connaissance adéquate des choses singulières par le 3e genre de connaissance est explicitement donnée entre E5P24 et E5P25. La première établit qu'on parle, ou qu'on parle aussi, des choses singulières, la deuxième qu'il y en a une connaissance du troisième genre.

E5P24 Plus nous comprenons les choses particulières (res singulares), et plus nous comprenons Dieu.
E5P25 : L'effort suprême de l'âme et la suprême vertu, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.
Démonstration : La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses (voyez la Déf. renfermée dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l'âme, c'est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.
Modifié en dernier par bardamu le 28 sept. 2004, 21:10, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 27 sept. 2004, 23:33

cher bardamu

je suis assez d' accord sur l'ensemble de votre message mais je tique sur" essence propre" d'une chose .

vous dîtes
"""" Le 3e genre de connaissance permet de sentir distinctement en quoi une chose particulière se distingue absolument de toute autre et permet ainsi d'avoir son essence propre. """""

or Spinoza que vous citez dit"""La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses """""
l' essence des choses ( en général )pas l 'essence de chaque chose particulière .

A mon avis ,l'essence(au sens scolastique )des choses particulères ce sont les notions communes ( à tous les hommes ) c'est la connaisssance du deuxième genre .. cela est conçu adéquatement mais cela ne constitue l 'essence d' aucune chose singulière .(prop 37 parti 2)
...............................................................................................
je cite le scolie 2 de la prop 40 /de l'esprit ( que vous citez aussi )

"""" la connaissance du TROISIEME genre procède de l 'idée adéquate de l 'essence formelle ( formelle !) de certains attributs de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses "" (des choses !)""""""""""

Cette connaissance est intuitive et non démonstrative ou empirique .Spinoza donne l' exemple de la compréhension intuitive de la quatrième proportionnelle .

hokousai
( noubliez pas en me lisant que je suis aussi lecteur de Berkeley , ceci explique sans doute ce qui vous semble un gauchissement du spinozisme et qui en est peut être un ;mais comme vous dîtes c'est délicat ,le sujet est délicat .. nous yreviendrons un de ces jours ..)
:lol:

PS Si vous voulez avoir l'essence de la chose même ( celle ci ,celle là ) ...c'est l'effort pour se conserver soi même , c'est cela l' essence de la chose .(partie 4 prop 26- démonstration )

et je dirais bien :pas plus pas moins .

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Messagepar bardamu » 28 sept. 2004, 21:29

hokousai a écrit : or Spinoza que vous citez dit"""La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses """""
l' essence des choses ( en général )pas l 'essence de chaque chose particulière .

Bis repetita :
E5P24 Plus nous comprenons les choses particulières (res singulares), et plus nous comprenons Dieu.
E5P25 : L'effort suprême de l'âme et la suprême vertu, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.
Démonstration : La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses (voyez la Déf. renfermée dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l'âme, c'est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.

Je crois que ce renvoi à la proposition précédente qui parle de "res singulare" est clairement et indubitablement l'indication qu'il s'agit, aussi, des choses particulières. Il s'agit donc bien de connaitre les choses particulières par le 3e genre de connaissance.
hokousai a écrit : A mon avis ,l'essence(au sens scolastique )des choses particulères ce sont les notions communes ( à tous les hommes ) c'est la connaisssance du deuxième genre .. cela est conçu adéquatement mais cela ne constitue l 'essence d' aucune chose singulière .(prop 37 parti 2)

L'essence au sens scolastique, peut-être. L'essence au sens de Spinoza, non.
hokousai a écrit : Cette connaissance est intuitive et non démonstrative ou empirique .Spinoza donne l' exemple de la compréhension intuitive de la quatrième proportionnelle .

Exact.
hokousai a écrit : PS Si vous voulez avoir l'essence de la chose même ( celle ci ,celle là ) ...c'est l'effort pour se conserver soi même , c'est cela l' essence de la chose .(partie 4 prop 26- démonstration )
et je dirais bien :pas plus pas moins .

Exact.
Et celle-ci a une part d'éternité de par son être formel. L'effort pour se conserver s'exprime dans la durée, la "forme" de cet effort pour se conserver ne se dit pas en terme de durée. Se conserver soi-même, c'est aussi se définir, c'est exprimer sa singularité formelle, son style. Moine, punk, travesti, bureaucrate... en tant que participant à des essences communes, et moi-même en tant que n'affirmant que mon être propre, mon propre style.

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Messagepar hokousai » 28 sept. 2004, 22:42

CherBardamu

S’ il agit de connaître les choses particulières( celle ci et celle là ) intuitivement , dans leur eccéité, sous une espèce d’éternité nous sommes d’ accord .

Ce qui est différent d’ un savoir sur la propriété essentielle de telle ou telle chose, ce qui est du second genre de connaissance , et qui me parait à moi toujours une interprétation et non une connaissance objective ( au sens d 'indiscutable, unique et absolue ).

Je maintiens ce perspectivisme de la connaissance du second genre . Perspectivisme qui fait le fond de la pensée de Nietzsche .D 'où ma question sur l'essence de l'eau pour un poisson .

Je suis aussi assez convaincu des thèses de Berkley sur la matière comme interprétation , d' où chez moi un certain immatérialisme qui aura peut être l'occasion de s 'exprimer .

Sans tomber dans l'éclectisme ,ma philosophie s 'est construite de plusieurs apports ,la dominante dans la philosophie occidentale étant Spinoziste .
( le versant boudhiste est volontairement tenu dans l'ombre .je pense que la tradition occidentale, laquelle nous est commune est d'une richesse qui suffit au débat .)

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Messagepar sescho » 17 oct. 2004, 11:08

Je repasse dans le fil « connaissance du troisième genre » afin de rendre le forum lisible autant que possible. Je vais aussi suivre la recommandation de Hokousai et ne mettre qu’un point à la fois, ce qui évite l’abandon en route de points importants ; ceci même s’il faut faire 20 messages (qui auront leurs propres développements…) pour répondre à un seul.

bardamu a écrit :
sescho a écrit :Pour moi, les extraits fournis plus haut le prouvent clairement. Même si ce n'est pas parfaitement explicité, Spinoza considère selon moi qu'on ne peut avoir d'idée adéquate (vraie, en fait, s'agissant de cela) de l'essence d'une chose singulière.



Dans les extraits que j'ai cité, il est indubitable, je crois, que Spinoza affirme qu'on peut avoir une connaissance du 3e genre des choses singulières, et que celle-ci est connaissance de leur essence.
J'en re-donne deux :
E5P36Scolie : combien vaut la connaissance des choses singulières que j'ai appelée intuitive ou connaissance du troisième genre E5P25Démonstration : le 3e genre de connaissance va de l'idée adéquate de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses.

Comment comprends-tu ces textes si il ne s'agit pas de connaitre adéquatement l'essence des choses singulières ?


Je rappelle les citations plus complètes que tu as faites antérieurement :

bardamu a écrit :E5P24 Plus nous comprenons les choses particulières (res singulares), et plus nous comprenons Dieu.

E5P25 : L'effort suprême de l'âme et la suprême vertu, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.
Démonstration : La connaissance du troisième genre va de l'idée adéquate d'un certain nombre d'attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses (voyez la Déf. renfermée dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l'âme, c'est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.

E5P36 Corollaire scolie : (...) et j'ai pensé qu'il était à propos de faire ici cette remarque, afin de montrer par cet exemple combien la connaissance des choses particulières, que j'ai appelée intuitive ou du troisième genre (voyez le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2), est préférable et supérieure à la connaissance des choses universelles que j'ai appeler du second genre.


Ces extraits ne me semblent pas suffisants pour soutenir ta thèse. Premièrement - et le doute existe aussi en lisant Platon -, quand il n’y a pas « singulières », on n’a pas, pour moi, le droit de l’ajouter. Il ne reste donc que E5P24 et E5P36.

S’agissant de E5P24, Spinoza dit bien – et je suis en phase avec lui – que plus on connaît de choses particulières plus on connaît Dieu, mais ceci ne suppose pas automatiquement, pour moi, qu’on puisse connaître adéquatement les essences des choses particulières.

De la même manière, s’agissant de E5P36, la suite de la démonstration est :

Spinoza, Éthique, traduit par E. Saisset, a écrit :E5P36Dm … ; car, bien que j’aie montré dans la première partie d’une manière générale que toutes choses (et par conséquent aussi l’âme humaine) dépendent de Dieu dans leur essence et dans leur existence, cette démonstration, si solide et si parfaitement certaine qu’elle soit, frappe cependant notre âme beaucoup moins qu’une preuve tirée de l’essence de chaque chose particulière et aboutissant pour chacune en particulier à la même conclusion.


« Preuve tirée de l’essence » n’est pas pour moi « connaissance totale de l’essence » et la preuve en question est bien celle d’une « dépendance à Dieu dans leur essence et leur existence », laquelle a été antérieurement l’objet d’une proposition (loi) tirée du raisonnement. Qu'en penses-tu ? Mais j’admets néanmoins que, sur ce seul passage, le doute est permis.

Si je considère l’ensemble de ce que dit Spinoza, cependant, le doute s’amenuise. Je rappelle deux extraits que j’ai donnés précédemment, en te demandant de bien vouloir fournir aussi ton sentiment à ce sujet (comme j’en ai déjà produit beaucoup, et que j’en trouve d’autres dès que je poursuis la recherche, il y en aura sans doute pour quelques temps… ;-) ) – Rappel : Spinoza associe bien « clair et distinct » et « adéquat » à la connaissance du troisième genre, comme à celle du deuxième :

Spinoza, Éthique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P29CS : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.

E5P12Dm : Les objets que nous concevons clairement et distinctement, ce sont les propriétés générales des choses, ou ce qui se déduit de ces propriétés (voyez la Défin. de la raison dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et conséquemment, ces objets se représentent à notre esprit plus souvent que les autres (par la Propos. précéd.) ; d’où il suit que la perception simultanée de ces objets et du reste des choses devra s’opérer avec une facilité particulière, et par suite que les images des choses se joindront à ces objets plus aisément qu’à tous les autres (par la Propos. 18, part. 2). C. Q. F. D.


Je souligne intégralement ce deuxième passage.

Amicalement

Serge

P.S. Hors commentaire, ce passage du TRE (très platonicien, en passant), qui pose déjà le problème tel que nous venons de la faire :

Spinoza, Traité de la Réforme de l’Entendement, traduit par E. Saisset, a écrit : (57) Quant à l'ordre de nos perceptions, il faut, pour les ordonner et les lier, rechercher, autant que cela se peut et que la raison le demande, s'il y a quelque être (et en même temps quel il est) qui soit cause de toutes choses, de telle sorte que son essence objective soit aussi la cause de toutes nos idées ; et alors notre esprit, comme nous l'avons dit, reproduira le plus exactement possible la nature, car il en contiendra objectivement l'essence, l'ordre et l'union. D'où nous pouvons voir qu'il nous est tout à fait nécessaire de tirer toutes nos idées des choses physiques, c'est-à-dire des êtres réels, en allant, suivant la série des causes, d'un être réel à un autre être réel, sans passer aux choses abstraites et universelles, ni pour en conclure rien de réel, ni pour les conclure de quelque être réel ; car l'un et l'autre interrompent la marche véritable de l'entendement. Mais il faut remarquer que par la série des causes et des êtres réels je n'entends point ici la série des choses particulières et changeantes, mais seulement la série des choses fixes et éternelles. Car pour la série des choses particulières sujettes au changement, il serait impossible à la faiblesse humaine de l'atteindre, tant à cause de leur multitude innombrable qu'à cause des circonstances infinies qui se rencontrent dans une seule et même chose et peuvent être cause qu'elle existe ou n'existe pas ; puisque l'existence de ces choses n'a aucune connexion avec leur essence, ou, comme nous l'avons déjà dit, puisqu'elle n'est pas une vérité éternelle. Mais, après tout, il n'est pas besoin que nous en comprenions la série, l'essence des choses sujettes au changement ne se tirant pas de leur ordre d'existence, lequel ne nous représente que des dénominations extrinsèques, des relations ou tout au plus des circonstances, toutes choses bien éloignées de l'essence intime. Celle-ci ne peut être demandée qu'aux choses fixes et éternelles, et aux lois qui y sont inscrites comme dans leurs véritables codes et selon lesquelles toutes les choses particulières se produisent et s'ordonnent. Bien plus, les choses particulières et changeantes dépendent de ces choses fixes si intimement, et pour ainsi parler, si essentiellement, qu'elles ne peuvent sans elles ni exister ni être conçues. D'où il résulte que ces choses fixes et éternelles, quoique particulières, seront pour nous, à cause de leur présence en tout l'univers et de l'étendue de leur puissance, comme des universaux, c'est-à-dire comme les genres des définitions des choses particulières et changeantes, et comme les causes immédiates de toutes choses.

(58 ) Mais s'il en est ainsi, c'est encore, à ce qu'il semble, une assez grande difficulté de parvenir à la connaissance des choses singulières, car de les concevoir toutes en même temps, cela est bien au-dessus des forces de l'entendement humain. L'ordre qui fait qu'une chose doit être comprise avant une autre ne se tire pas, comme nous l'avons dit, de leur série dans l'existence, ni même des choses éternelles ; car là tout est naturellement simultané. Il nous faut donc chercher d'autres secours que ceux dont nous nous servons pour comprendre les choses éternelles et leurs lois. Toutefois ce n'est point ici le lieu d'en parler : cela ne sera nécessaire que quand nous aurons acquis une connaissance suffisante des choses éternelles et de leurs lois infaillibles, et que la nature de nos sens nous sera devenue manifeste.

(59) Avant de nous disposer à prendre connaissance des choses particulières, il sera convenable de parler de ces secours qui tous tendent à nous enseigner le moyen de faire usage de nos sens, l'ordre et les lois des expériences qui doivent suffire à déterminer la chose que l'on recherche, enfin, à nous faire conclure selon quelles lois éternelles elle a été produite et quelle en est la nature intime, comme je le montrerai en son lieu. Ici, pour en revenir au but que je me propose, je tâcherai seulement d'exposer ce qui me semble nécessaire pour parvenir à la connaissance des choses éternelles, et pour en former les définitions suivant les conditions précédemment indiquées.
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Messagepar bardamu » 17 oct. 2004, 15:40

sescho a écrit :(...)
Ces extraits ne me semblent pas suffisants pour soutenir ta thèse. Premièrement - et le doute existe aussi en lisant Platon -, quand il n’y a pas « singulières », on n’a pas, pour moi, le droit de l’ajouter. Il ne reste donc que E5P24 et E5P36.

J'insiste sur un détail essentiel.

E5P25 Démonstration : (...)et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu (par la Propos. précéd.) ; par conséquent (par la Propos. 28, part. 4), la vertu suprême de l'âme, c'est-à-dire (par la Déf. 8, part. 4) sa puissance ou sa nature, ou enfin (par la propos. 7, part. 3) son suprême effort, c'est de connaître les choses d'une connaissance du troisième genre.

Or, la proposition précédente est : Plus nous comprenons les choses particulières, et plus nous comprenons Dieu.

Donc, lorsqu'il dit "les choses" il s'agit bien aussi dans E5P25 des choses singulières puisqu'il y a une induction à partir de E5P24.

Dans E5P27D, il y a, cette fois j'espère de manière absolument indubitable, le même type d'indication comme quoi une connaissance du 3e genre des choses singulières est possible et souhaitable :
Spinoza, E5P27, trad. Appuhn a écrit :La suprême vertu de l'Ame est de connaitre Dieu (Prop 28, p. IV), c'est-à-dire de connaître les choses par le troisième genre de connaissance (Prop. 25) ; et cette vertu est d'autant plus grande que l'Ame connaît plus les choses par ce genre de connaissance (Prop. 24)

Si je rajoute la proposition 24, ça nous donne : cette vertu est d'autant plus grande que l'Ame connaît plus les choses par le 3e genre de connaissance étant donné que plus nous connaissons les choses singulières, plus nous connaissons Dieu.

Non ?
sescho a écrit :S’agissant de E5P24, Spinoza dit bien – et je suis en phase avec lui – que plus on connaît de choses particulières plus on connaît Dieu, mais ceci ne suppose pas automatiquement, pour moi, qu’on puisse connaître adéquatement les essences des choses particulières.

Comment une connaissance non-essentielle des choses singulières aiderait-elle à connaitre adéquatement Dieu ?
sescho a écrit :« Preuve tirée de l’essence » n’est pas pour moi « connaissance totale de l’essence » et la preuve en question est bien celle d’une « dépendance à Dieu dans leur essence et leur existence », laquelle a été antérieurement l’objet d’une proposition (loi) tirée du raisonnement. Qu'en penses-tu ?

Je pense qu'il est de l'essence des choses singulières d'être dépendantes de Dieu dans leur essence et leur existence. Ce que dit le scolie, c'est que par les choses singulières et leur essence on atteint aussi la connaissance de Dieu et on l'atteint avec une force affective que n'a pas le 2nd genre de connaissance.
La Science Intuitive fonctionne dans un rapport entre moi, la chose et Dieu. Si il s'agit de dire qu'il n'y a pas de connaissance de l'essence d'une chose en soi, séparée de moi et de Dieu, je suis tout à fait d'accord. Mais il y a connaissance du troisième genre des choses singulières en tant que leur essence singulière est indissociable de leur rapport à moi et à Dieu.
Si on considère les choses singulières comme séparées du Tout, ça ne marche pas vu qu'elles sont justement de simples affections du Tout.
Mais si on intègre le Tout aux choses, on a leur essence singulière.
Spinoza, Éthique, traduit par E. Saisset, a écrit :E2P29CS : Je dis expressément que l’âme humaine n’a point une connaissance adéquate d’elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu’elle perçoit les choses dans l’ordre commun de la nature ; par où j’entends, toutes les fois qu’elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu’elle est déterminée intérieurement, c’est-à-dire par l’intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu’elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l’heure.

Là, c'est le fondement d'une connaissance possible des choses par ce qu'elles ont de commun avec moi, c'est le fondement du passage du premier au second genre de connaissance.
Spinoza, Éthique, traduit par E. Saisset, a écrit :E5P12Dm : Les objets que nous concevons clairement et distinctement, ce sont les propriétés générales des choses, ou ce qui se déduit de ces propriétés (voyez la Défin. de la raison dans le Schol. 2 de la Propos. 40, part. 2) ; et conséquemment, ces objets se représentent à notre esprit plus souvent que les autres (par la Propos. précéd.) ; d’où il suit que la perception simultanée de ces objets et du reste des choses devra s’opérer avec une facilité particulière, et par suite que les images des choses se joindront à ces objets plus aisément qu’à tous les autres (par la Propos. 18, part. 2). C. Q. F. D.

Il s'agit ici de ce qu'on parvient à faire par la Raison. On va monter par la Raison jusqu'à l'idée Dieu (de E5P10 à E5P14), il y a le sommet où on parle de Dieu (E5P15 à E5P21) et ensuite on aborde l'autre versant par le singulier et le 3e genre, de E5P22 à E5P27.

J'ai trouvé sur un site une explicitation dont j'ai l'impression qu'elle convient à ton point de vue mais peut-être que j'extrapole :

http://www.yrub.com/philo/spinozaconnaissance.htm a écrit :Cette intuition est strictement intellectuelle, ce n'est pas une perception imaginative ou sensible, elle est rationnelle et non de l'ordre de la passivité empirique. C'est donc l'appréhension intellectuelle directe et immédiate d'une relation logique entre une chose et son attribut. C'est donc lorsque l'esprit saisit une relation intellectuelle d'une façon immédiate que l'on peut parler d'intuition. Ainsi, pour reprendre notre exemple mathématique, le mathématicien "voit" immédiatement que 6 est à 3 comme 4 est à 2. C'est aussi la raison qui est en oeuvre dans ce troisième genre de connaissance, mais la raison ayant atteint sa perfection. Spinoza écrit "Ce genre de connaissance procède de l'idée adéquate de l'essence [...] de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses" (Eth. II, 40, sc.II). Ce troisième genre de connaissance est donc la vision rationnelle du lien entre une totalité (l'idée de l'essence d'un attribut) et l'un de ses éléments (l'idée de l'essence d'une chose singulière). Elle est saisie immédiate et globale de la nécessaire intégration de chaque chose dans une totalité du même genre.

J'ai souligné les points où je considère qu'il y a une distortion idéaliste de ce qui est écrit. Il est écrit "la connaissance adéquate" et l'auteur comprend "l'idée de l'essence".
Il parle de connaissance intellectuelle d'une manière très intellectualiste (logique, raison...) alors que E5P39 indique bien le rapport au corps, à une connaissance "psycho-somatique" :
Ethique, E5P39 a écrit :Celui dont le corps est propre à un grand nombre de fonctions a une âme dont la plus grande partie est éternelle.(...)
Scolie :(...) C'est pourquoi notre principal effort dans cette vie, c'est de transformer le corps de l'enfant, autant que sa nature le comporte et y conduit, en un autre corps qui soit propre à un grand nombre de fonctions et corresponde à une âme douée à un haut degré de la conscience de soi et de Dieu et des choses .


Le sport, le yoga, le jardinage... sont aussi des développements de notre puissance, de nos aptitudes, de nos connaissances. Je juge important de ne pas trop intellectualiser l'Ethique, de valoriser le savoir de ceux qui ne font pas de discours, des non-dialecticiens.
Un menuisier pourra avoir une conscience de lui-même, du bois et de dieu par la simple pratique de son métier sans ne rien connaître de l'Ethique et de la structure logique substance-attribut-mode. Celle-ci est immanente et se manifeste qu'on puisse en discourir ou pas.
C'est tout l'enseignement des arts zen et peut-être qu'un traité sur les vertus philosophiques du polissage de lentille par Spinoza nous aurait éclairé sur une mise en application concrète du 3e genre de connaissance...

Spinoza, Traité de la Réforme de l’Entendement, traduit par E. Saisset, a écrit : D'où il résulte que ces choses fixes et éternelles, quoique particulières, seront pour nous, à cause de leur présence en tout l'univers et de l'étendue de leur puissance, comme des universaux, c'est-à-dire comme les genres des définitions des choses particulières et changeantes, et comme les causes immédiates de toutes choses.

N'est-ce pas là l'indication de ce qui deviendra le 3e genre de connaissance ?
Selon Deleuze, le TRE n'est pas achevé parce que Spinoza met en place le concept de "notions communes" et doit reprendre son système de connaissance. Il considère que les "choses fixes et éternelles" sont ce qui sera les notions communes.
Celles-ci sont introduites dans E2P38C et sont distinguées des Transcendantaux dans E2P40S1. C'est là que se conclut la présentation de ce qui sera le 2nd genre de connaissance.
Dans le scolie suivant, Spinoza présente les 3 genres dont seulement les 2 premiers ont été développés.
Le 3e genre ne s'exprimera que plus tard dans la seconde moitié du livre 5. Jusqu'au livre 5, l'essentiel sera donc l'exposition de ce qui découle de la connaissance par les notions communes, par la Raison. Il y a là des vérités communes à chacun, où chacun se retrouvera et qui doivent donc pouvoir profiter à tous.
Même la préface du livre 5 parle encore de la Raison. Si on suit le plan ( http://tempo.phpnet.org/spinoza/ethiq/plan.htm ), le 3e genre de connaissance n'intervient vraiment que pour les vingt dernières propositions.
Tout ça pour dire qu'il me semble qu'il y a très peu de citations concernant directement le sujet et que l'on est contraint à reconstruire voire déconstruire (en mémoire de Derrida...) et développer ce qu'est le troisième genre de connaissance.

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Messagepar hokousai » 17 oct. 2004, 17:19

rep à Bardamu et à Sescho

""""""Comment une connaissance non-essentielle des choses singulières aiderait-elle à connaître adéquatement Dieu ? """"""

Oui ,mais qu'est ce qui est essentiel aux choses dans la connaissance du troisième genre .?
c'est justement d'être connu par cette connaissance . « « « la conscience de soi et de Dieu et des choses avec certaine nécessité éternelle .qui fait le sage » » »

la connaissance du troisième genre confère aux choses une nouvelle essence .
On ne transpose pas l'essence du second genre dans le troisième .
On ne pénètre pas dans le troisième genre avec un savoir de la structure moléculaire de la table (par exemple ) qui est du second genre (à mon avis )on abandonne ce savoir .
……………………………………………………………………………………….. ;;

le texte cité par Sescho me parait de l’intellectualisme mal placé .http://www.yrub.com/philo/spinozaconnaissance.htm .

L'auteur ne cite pas (prop40 scolie 2) on y lit :"""" ce genre de connaître procède (je souligne il procède ie il ne l'est pas encore )de l'idée adéquate de certains attributs de dieu vers ( je souligne vers ) la connaissance adéquate de l'essence des choses ( je remarque :..et non de chaque chose singulière ) """"
L’ auteur assimile et rabat le troisième genre sur ce dont il procède .
Il est évident que sans l’intellection claire et distincte de la Pensée et de L’Etendue la connaissance du troisième genre est impossible mais ne se réduit pas à cela ..

Une contemplation des choses est possible mais ce nest pas une connaissance au sens d' un savoir et d'un savoir de ce savoir, c'est à dire une conscience de .
En ce sens Spinoza reste rationaliste je le concède bien ..
Le sage se dit quelque chose sur ce qu’ il en est des choses ..mais dans la connaissance du troisième genre il ne se dit pas quelque chose sur l’essence des choses particulières mais "seulement "et cela est à la fois immense et suffisante sur leur nécessité éternelle ..
....................................................................................

Bardamu à raison de parler de ce menuisier ou d'un moine zen .certes qui n'aurait pas lu l'Ethique ..encore que le moine zen cherche à mon avis le silence ,en ce sens il n'est pas rationaliste .
Spinoza parle de l'ignorant et c'est pour valoriser celui qui connaît, celui qui est conscient ,qui sait quelque chose . Le moine Zen aspirerait sans doute quelque part à l ignorance .

j'interviens parce que ma position me semble un peu différer des deux vôtres )......et naturellement parce que je les estime à la fois fondées et respectables .( encore que je ne perçoive pas si bien celle de Sescho )

Hokousai

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Messagepar sescho » 17 oct. 2004, 22:34

A Bardamu :

Avant de répondre point par point, j'aimerais, si tu le veux bien, que tu nous dises ton interprétation de l'exemple des proportions (que l'on trouve à la fois dans le CT, le TRE et l'Ethique ; c'est dire si Spinoza y tient) :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit : E2P40S2 : Il résulte clairement de tout ce qui précède que nous tirons un grand nombre de perceptions et toutes nos notions universelles : 1° des choses particulières que les sens représentent à l’intelligence d’une manière confuse, tronquée et sans aucun ordre (voir le Corollaire de la Propos. 29, partie 2) ; et c’est pourquoi je nomme d’ordinaire les perceptions de cette espèce, connaissance fournie par l’expérience vague ; 2° des signes, comme, par exemple, des mots que nous aimons à entendre ou à lire, et qui nous rappellent certaines choses, dont nous formons alors des idées semblables à celles qui ont d’abord représenté ces choses à notre imagination (voir le Schol. de la Propos. 18, partie 2) ; j’appellerai dorénavant ces deux manières d’apercevoir les choses, connaissance du premier genre, opinion ou imagination ; 3° enfin, des notions communes et des idées adéquates que nous avons des propriétés des choses (voir le Corollaire de la Propos. 38, la Propos. 39 et son Corollaire, et la Propos. 40, part. 2). J’appellerai cette manière d’apercevoir les choses, raison ou connaissance du second genre. Outre ces deux genres de connaissances, on verra par ce qui suit qu’il en existe un troisième, que j’appellerai science intuitive. Celui-ci va de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l’essence des choses. J’expliquerai cela par un seul exemple. Trois nombres nous sont donnés, pour en obtenir un quatrième qui soit au troisième comme le second est au premier. Les marchands n’hésitent pas à multiplier le second par le troisième et à diviser le produit par le premier ; et cela par cette raison qu’ils n’ont pas encore oublié ce qui leur a été dit sans preuve par leur maître, ou bien parce qu’ils ont fait plusieurs épreuves de cette opération sur des nombres très simples, et enfin en vertu de la Démonstr. de la Propos. 19 du 7e livre d’Euclide, c’est-à-dire en vertu d’une propriété générale des proportions.— Mais tout cela est inutile si on opère sur des nombres très simples. Soit, par exemple, les trois nombres en question, 1, 2, 3 : il n’y a personne qui ne voie que le quatrième nombre de cette proportion est 6, et cette démonstration est d’une clarté supérieure à toute autre, parce que nous concluons le quatrième terme du rapport qu’une seule intuition nous a montré entre le premier et le second.


Evidemment, c'est le "passage" du deuxième genre de connaissance au troisième sur exactement le même sujet qui m'occupe (et il y a bien là clairement en cause le troisième, comme c'est aussi clairement le cas dans le CT et le TRE).

Amicalement

Serge

P.S. : Si la réponse est brève, je te propose de discuter de ce qui suit (ce qui m'occupe est souligné) :

Spinoza, Ethique, traduit par E. Saisset, a écrit : E2P46 : La connaissance de l’essence éternelle et infinie de Dieu que toute idée enveloppe est adéquate et parfaite.
Démonstration : La démonstration de la précédente proposition est générale ; et soit que l’on considère une chose comme partie ou comme tout, l’idée de cette chose, idée d’une partie ou d’un tout, peu importe, enveloppera l’essence éternelle et infinie de Dieu. Par conséquent, ce qui donne la connaissance de l’infinie et éternelle essence de Dieu est commun à toutes choses, et se trouve également dans la partie et dans le tout : d’où il suit (par la Propos. 38, partie 2) que cette connaissance est adéquate. C. Q. F. D.

E2P47 : L’âme humaine a une connaissance adéquate de l’infinie et éternelle essence de Dieu.
Démonstration : L’âme humaine a des idées (par la Propos. 22, partie 2) par lesquelles (en vertu de la Propos. 23, partie 2) elle se connaît elle-même ainsi que son corps (par la Propos. 19, partie 2), et les corps extérieurs (par le Corollaire de la Propos. 16 et par la Propos. 17, partie 2), le tout comme existant en acte. Donc (par les Propos. 45 et 46, partie 2), elle a une connaissance adéquate de l’infinie et éternelle essence de Dieu.
Scholie : Nous voyons par là que l’essence infinie de Dieu et son éternité sont choses connues de tous les hommes. Or, comme toutes choses sont en Dieu et se conçoivent par Dieu, il s’ensuit que nous pouvons de cette connaissance en déduire beaucoup d’autres qui sont adéquates de leur nature, et former ainsi ce troisième genre de connaissance dont nous avons parlé (dans le Schol. 2 de la Propos. 40, partie 2), et dont vous aurons à montrer dans la partie cinquième la supériorité et l’utilité. Mais comme tous les hommes n’ont pas une connaissance également claire de Dieu et des notions communes, il arrive qu’ils ne peuvent imaginer Dieu comme ils font les corps, et qu’ils ont uni le nom de Dieu aux images des choses que leurs yeux ont coutume de voir, et c’est là une chose que les hommes ne peuvent guère éviter, parce qu’ils sont continuellement affectés par les corps extérieurs.
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 18 oct. 2004, 15:13

rep à Sescho

"""Par ailleurs, il me semble que Spinoza sous-entend qu'on ne peut avoir d'idée adéquate de l'essence d'aucune chose singulière """"

il me semble aussi ,mais ce en quoi il différerait de Platon .Cela dit Bardamu à peut être raison sur l'essence d' une chose ( mais j 'en parle plus bas )
......................................................................................;;

Ce qui est affirmé et connu dans le troisième genre c’est la réalité de la chose, alors je dis sa réalité est son essence et pas plus
Spinoza dit "" donc concevoir les choses sous une espèce d éternité est concevoir les choses en tant qu elle se conçoivent par l’essence de Dieu comme des étants réels ,autrement dit en tant qu’elles enveloppent par l’essence de Dieu l’existence """"( dem de prop 30 partie 5)

Cette essence n’est pas l’essence de la chose qui prédomine dans le second genre .
Sous une espèce d éternité on conçoit le corps ou d'autres chose comme éternel ( hors du temps ) hic et nunc ( existant réel )
L.' essence de la chose c'est d' être réelle
……………………………………………………………………...
la connaissance du troisième genre n'apporte pas un surcroît de connaissances quant à l'universel ,c'est à dire qu'elle ne nous dit rien de plus sur ce qui se rapportent aux genres et aux espèces et toutes connaissances liées à la science .
……………………………………………………………………………
Or le concept d'essence d'une chose est très ambigu il est indissolublement lié à lié à l’universel
En effet l’essence est ce qui perdure au delà (ou en infra ) des changements accidentels . . La chose serait-elle unique , si elle a une essence(ou si on parle d’une essence ), elle est placée dans un espace ou sa singularité ( hic et nunc ) est rattachée une permanence subsumant les accidents donc à une généralisation des événements accidentels, c’est à dire ramenée dans le giron d’ un universel.
L'universel étant ce qui lie les éléments de l’ensemble des accidents particuliers , ensemble constitué dans la temporalité ,d’ ailleurs ,puisque l’opération de liaison pour être permanente est inscrite dans le temps . Conférer une essence cette chose particulière, c’est la faire repénétrer dans la temporalité et ainsi la faire sortir de l éternité ..

L’essence peut ne pas pouvoir être dîtes ou décrite (peu importe ) il y a un centre, fut-il obscur,de référence .
Extrêmement difficile d’ échapper à l’essence ( donc au platonisme comme à son égal l’aristotélisme )
Hokousai .


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