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PhiPhilo
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Messagepar PhiPhilo » 29 mars 2009, 18:22

Louisa a écrit :Vous basez votre développement sur une conception de la pensée inspirée de Hegel et de Ricoeur, là où moi-même je privilégerais plutôt celle de Spinoza, ce qui à mon sens devrait me permettre d'obtenir les arguments susceptibles de défendre la thèse inverse (telle que j'ai déjà commencé à l'esquisser dans le fil de discussion consacrée à la modération, où cette discussion a pris son origine)
Si l'on veut comprendre en quoi consiste la spécificité de l'échange verbal sur un forum de discussion philosophique, il faut se donner un outil conceptuel qui permette de conclure si la manière dont on "pense" sur ce forum est une manière "philosophique" de penser ou non. Or, vous conviendrez avec moi que les propositions spinoziennes selon lesquelles "cogitatio attributum Dei est, sive Deus res cogitans est"(Ethique, II, 1), "per ideam intelligo mentis conceptum quem mens format, propterea quod res est cogitans" (Ethique, II, def.3), et "homo cogitat"(Ethique, II, ax.2), ne nous sont pas d'une grande utilité. Sinon pour conclure trivialement que, dans la mesure où l'intellect humain participe de la Pensée comme attribut de la substance divine, et dans la mesure où l'homme, en tant qu'on le considère sous cet attribut, manifeste nécessairement des pensées singulières comme modes finis dudit attribut, tous les délires, tous les borborygmes, toutes les éructations, toutes les logomachies, tous les bavardages, etc. qui polluent ce site sont donc des pensées ! Auquel cas, comme vous le dites, vous possédez a priori l'argument indifférentiste imparable ("tout se vaut") pour défendre la thèse inverse de la mienne. Sauf que, dans ce cas, vous ne démontreriez rien, car vous procéderiez par pétition de principe. Cela dit, je montrerai plus loin que Spinoza, néanmoins, peut nous aider à comprendre le problème que j'essaie d'analyser.

Par la suite, je n'ai pas d'objection à vous faire jusqu'au passage suivant :
Louisa a écrit :1. Disons que je ne vois pas en quoi le fait de communiquer ses propos par l'écriture briserait d'office l'identité subjective du locuteur.
Je ne dis pas du tout que "le fait de communiquer ses propos par l'écriture briserait d'office l'identité subjective du locuteur" mais que c'est l'Internet, et non pas l'écriture en général, qui y incite sans toutefois "la briser d'office".

L'Internet encourage la perte d'identité. Faisons appel à Pascal pour illustrer le problème :
Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable. [...] Grande marque du néant de notre propre être, de n'être pas satisfait de l'un sans l'autre, et d'échanger souvent l’un pour l'autre ! (Pascal, Pensées, B147)
Développons. Un certain nombre de vicissitudes sociétales qui ne datent pas d'hier (bien, que, manifestement, la bien-nommée "dépression" économique les exacerbe) rendent le lien social problématique. Plus précisément, elles tendent à produire ce que Hannah Arendt appelle de la loneliness (que Ricoeur traduit par "désolation"), et qui exprime le fait paradoxal que nous nous sentons seuls, abandonnés, désemparés au milieu de la foule de nos semblables. Quoi de plus naturel alors, nous dit Pascal de nous réfugier dans le "divertissement" qui a pour fonction de substituer à l'absence de lien social satisfaisant que le Moi réel ne peut pas ou ne peut plus établir un lien social fantasmé sur la base d'un Moi imaginaire et flatteur. Or, le grand problème que pose l'imagination, et là Spinoza nous est du plus grand secours, n'est pas, en soi, le recours à l'imagination (en l'occurrence d'un Moi idéal différent du Moi réel), mais plutôt le fait que nous adhérions pleinement à l'existence de ce que nous imaginons :
Mentis imaginationes in se spectatas, nihil erroris continere, sive Mentem ex eo, quòd imaginatur, non errare ; sed tantùm, quatenus consideratur, carere ideâ, quae existentiam illarum rerum, quas sibi praesentes imaginatur, secludat.(Spinoza, Ethique, II, 17, schol.)
Bref, si Pascal ou Spinoza nous étaient contemporains, ils prendraient acte de ce que l'évolution de nos conditions matérielles d'existence poussent le plus grand nombre à se forger, à peu de frais, un Moi imaginaire par media techniques interposés, à commencer par l'Internet. Ils constateraient même, l'un et l'autre quoique en des termes un peu différents, qu'il y a nécessité à le faire. Toutefois, l'un et l'autre seraient catégoriques pour admettre que ce phénomène, pour nécessaire qu'il soit, constitue un obstacle insurmontable s'il s'agit d'accéder à la pensée vraie. Or, si la philosophie à quoi que ce soit à voir avec la pensée vraie, il faut alors en déduire que l'imagination d'un Moi idéal est, en particulier, catastrophique lorsqu'il s'agit de philosopher.

L'écriture encourage la perte d'identité. Revenons à la mise en garde de Platon :
Socrate - C’est que l’écriture, Phèdre, a, tout comme la peinture, un grave inconvénient. Les oeuvres picturales paraissent comme vivantes ; mais, si tu les interroges, elles gardent un vénérable silence. Il en est de même des discours écrits. Tu croirais certes qu’ils parlent comme des personnes sensées ; mais, si tu veux leur demander de t’expliquer ce qu’ils disent, ils te répondent toujours la même chose. Une fois écrit, tout discours roule de tous côtés ; il tombe aussi bien chez ceux qui le comprennent que chez ceux pour lesquels il est sans intérêt ; il ne sait point à qui il faut parler, ni avec qui il est bon de se taire. S’il se voit méprisé ou injustement injurié, il a toujours besoin du secours de son père, car il n’est pas par lui-même capable de se défendre ni de se secourir.
Phèdre - Tu dis encore ici les choses les plus justes.
Socrate - Courage donc, et occupons-nous d’une autre espèce de discours, frère germain de celui dont nous avons parlé ; voyons comment il naît, et de combien il surpasse en excellence et en efficacité le discours écrit. Phèdre - Quel est donc ce discours et comment racontes-tu qu’il naît?
Socrate - C’est le discours qui s’écrit avec la science dans l’âme de celui qui étudie ; capable de se défendre lui-même, il sait parler et se taire devant qui il convient.
Phèdre - Tu veux parler du discours de l’homme qui sait, de ce discours vivant et animé, dont le discours écrit, à justement parler, n’est que l’image ? (Platon, Phèdre, 275e-276b)
Que reproche Platon au discours écrit ? Premièrement, de donner, tout comme une peinture, l'illusion de la vie. La comparaison avec la peinture (en grec zôgraphia, littéralement, "représentation de la vie") n'est guère élogieuse : on sait en quelle piètre estime Platon la tenait. Je n'y reviens pas. Aussi craint-il, par analogie, que l'écriture (graphia) soit au discours (logos) ce que la peinture (zôgraphia) est à la vie (zôè), à savoir un ersatz, une sorte de rutabaga qui, certes, satisfasse les besoins d'une population indigente en période de disette, mais surtout, qui s'incruste, qui s'éternise dans la vie quotidienne au point d'apparaître pour ce qu'elle n'est pas, à savoir le nec plus ultra. D'où, deuxième reproche que Platon adresse à l'écriture : étant un discours mort et non pas un discours vivant, l'écriture ne peut pas se défendre. Se défendre contre quoi ? Contre la doxa, l'opinion, le sommeil de la raison. Car, comme Platon est le premier à le pressentir (23 siècles avant Hegel !), la vérité n'est jamais terminée, elle est toujours en devenir. C'est un processus infini. Donc, le plus grand ennemi de l'amour de la vérité hè philosophia, en grec), comme de tout amour d'ailleurs, c'est la routine, c'est l'assoupissement, c'est le sentiment d'en avoir fini avec la découverte de ce continent inexploré. A contrario,
la dialectique est la seule méthode qui, rejetant les suppositions, s’élève jusqu’au principe même pour établir solidement ses conclusions. (Platon, République, VII, 533d)
On ne le répètera jamais assez : on ne peut faire de la philosophie que par et dans une dialectique permanente. C'est pourquoi, je préfère le terme de "dialectique", à connotation conflictuelle, à celui de "dialogue", trop consensuel, trop politically correct.

Voilà pourquoi je confirme ce que j'écrivais supra
PhiPhilo a écrit :C'est la raison pour laquelle les philosophes de l'antiquité grecque (Platon, mais surtout Socrate) se méfiaient beaucoup de la philosophie écrite qui, selon eux, avaient le tort de mutiler le discours en ce que, d'une part, elle le soustrait au dialogue, au mouvement dialectique d'universalisation donc de purification du logos, et d'autre part en ce qu'elle se désincarne, défaisant la synthèse du subjectif et de l'objectif en ne laissant subsister que celui-ci au détriment de celle-là. Bref, les Grecs ont été les premiers à poser comme une règle intangible l'exigence dialogique de la pensée philosophique et ils ont été les premiers à pressentir le danger qu'il y aurait (qu'il y aura) à dissocier la pensée du Moi qui pense.
Bien entendu, Platon a eu tort, objectivement, de placer ses craintes dans l'écriture. Car ce n'est pas l'écriture qui a tué la philosophie. Bien au contraire. C'est l'écriture qui a permis, d'une part, aux philosophes et aux savants de correspondre entre eux. Et ce n'est pas sans raison que les chercheurs en philosophie s'intéressent, au premier chef, à la correspondance des auteurs. Il est probable que Spinoza n'aurait pas eu l'occasion de pousser aussi loin sa réflexion sur sa distinction conceptuelle fondamentale entre une morale et une éthique s'il n'avait eu, entre le 12 décembre 1664 et le 27 mars 1665, le violent échange épistolaire que l'on sait avec celui à qui il donne du "Très savant Guillaume de Blyenbergh". Bref, comme vous le soulignez,
Louisa a écrit :tout grand philosophe nous communique sa pensée par l'écriture. Si cela briserait d'office l'identité narrative, et si cette identité est une conditio sine qua non de la pensée, il faudrait en conclure que tous ces grands philosophes ne pensent pas, ce qui serait absurde.
Le problème, c'est que vous ne vous demandez pas ce que signifie "nous communiquer sa pensée par l'écriture". On ne "communique" pas une pensée comme on communique un bulletin météorologique. En philosophie, communiquer, c'est transmettre, non un contenu, mais une méthode, une série d'exigences. Communiquer la pensée de Spinoza, par exemple, n'est-ce pas faire assumer, à travers les ouvrages de Spinoza, la démarche intellectuelle de Spinoza lui-même en relation avec le contexte socio-historico-intellectuel de son temps ? N'est-ce pas lire le texte original de l'auteur, lire les interlocuteurs de l'auteur, lire les commentateurs de l'auteur, non pas pour que nous nous prosternions religieusement (la religion, ce n'est pas Spinoza qui nous démentira, n'ayant pas grand chose à voir avec la recherche de la vérité) devant un texte sacré, c'est-à-dire, étymologiquement, "détaché, séparé, inaccessible", bref, un texte mort, mais au contraire pour que nous l'enrichissions de notre propre critique, c'est-à-dire, toujours selon l'étymologie, de notre propre "jugement". Finalement, contrairement aux craintes de Platon, l'écriture, non seulement n'empêche pas, mais favorise même, l'exercice de la pensée philosophique :
La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées. (Descartes, Discours de la Méthode, i, 7)
Comme j'essaie de l'enseigner à mes élèves et étudiants, disserter n'est rien si ce n'est dialoguer (au sens dialectique restreint) avec les philosophes.

Mais alors, si comprendre un auteur, si auctorem intelligere, c'est assumer une pensée vivante, encore faut-il pouvoir la faire sienne, c'est-à-dire l'intégrer à sa propre identité pour la faire vivre. Et c'est là que j'ai recours à ce que Ricoeur nomme "l'identité narrative". L'identité narrative, dit-il dans la sixième étude de Soi-même comme un Autre, c'est la synthèse dialectique, donc conflictuelle, de l'identité-idem ou identité objective et de l'identité-ipse ou identité subjective. Conflictuelle parce que ce que je suis pour autrui ne correspond pas nécessairement à ce que je me sens être pour moi-même (tout le monde sait, par exemple, que les anorexiques se perçoivent subjectivement comme gros et gras alors qu'ils sont perçus objectivement comme minces et maigres). D'où le problème de l'identité narrative : lorsque je dis "Je", je suis obligé de faire la synthèse entre mon idem-tité et mon ipse-ité. Or, comment réaliser cette synthèse lorsque ces deux composantes de mon identité sont inconciliables (e.g. l'anorexique objectivement mince et subjectivement gros ne se "racontera" pas comme étant de corpulence moyenne) ? C'est impossible et on est confronté à ce que les psychanalystes appellent die Ichspaltung, littéralement "la décomposition du Moi", laquelle peut dégénérer en psychose schizophrénique. Quelle conséquence cela a-t-il sur le fait de penser philosophiquement sur un forum Internet ? Eh bien je soutiens que celui qui se sent subjectivement spécialiste de Spinoza alors que, par exemple, il n'a jamais lu l'Ethique en latin, ou qu'il ne connaît pas les grandes thèses du cartésianisme desquelles Spinoza n'a de cesse de se démarquer, ou qu'il ne connaît pas le contexte politico-religieux de la Hollande de la fin du XVII°, celui-là, n'est pas perçu objectivement comme un spécialiste de Spinoza, et, par conséquent, n'a pas d'identité narrative cohérente lorsqu'il se prétend tel. Et avec celui-là, on pourra discuter de tas de choses, mais certainement pas de la philosophie de Spinoza, puisque toute objection à l'une quelconque de ses affirmations au sujet de la philosophie de Spinoza entrera en opposition indépassable avec l'idée qu'il se fait de lui-même-comme-spécialiste-de-Spinoza. Cet individu se sentira injustement persécuté par les arguments ad hominem selon lesquels sa maîtrise de Spinoza est sujette à caution (précisons au passage que l'argument ad hominem consiste à mettre en doute la justesse de l'affirmation de l'interlocuteur en prenant argument de son identité objective, comme lorsque Spinoza traite Blyenbergh de "théologien" dans la Lettre XXI, et non pas à l'insulter !) et il réagira de telle façon qu'il ne sera plus question de la pensée de Spinoza mais de l'individu en question. Je n'ai pas besoin de montrer les dégâts que cela occasionne : il suffit pour cela de cliquer au hasard sur n'importe quel fil de discussion de ce forum, pour avoir une probabibilité significative de tomber sur un argument ab homine, si vous me permettez cette assonance tout à la fois avec ad hominem et avec "abominable" ! C'est-à-dire un argument dont la fonction est de tenter de donner à celui qui dit "Je" une identité narrative qu'il n'a pas par des contorsions diverses et variées qui n'ont que peu de rapport avec le sujet traité et qui, en tout état de cause, ne font progresser la pensée philosophique de personne. Voilà pourquoi vous faites fausse route lorsque vous dites :
Louisa a écrit :ou bien un forum de discussion n'a que des propos désincarnés, et alors on ne devrait avoir aucun propos réellement ad hominem, ou bien les propos n'y sont pas désincarnés, et alors on peut se sentir personnellement attaqué ou insulté, mais dans ce cas il faut reconnaître qu'il y a bel et bien des propos incarnés et donc de la pensée.
Les propos insultants, délirants, schizomorphes sont désincarnés non pas dans le sens, trivial, qu'ils ne seraient prononcés par personne, mais dans le sens où ils ne contribuent pas à faire vivre une pensée philosophique en n'étant pas incarnés dans une identité narrative cohérente.


Et je prétends en effet que, contrairement à l'écriture physique, l'écriture sur l'Internet encourage cette Ichspaltung inconciliable avec le fait d'assumer une pensée philosophique. La raison en est fort simple : à moins de vous répandre en propos antisémites ou de promouvoir la pédophilie, l'irresponsabilité de tout intervenant sur un forum Internet est a peu près assurée. Or, comme le fait remarquer Paul Ricoeur qui reprend là une idée chère à Hannah Arendt, on ne peut pas avoir d'identité narrative sans être responsable de ses propos devant le monde commun, c'est-à-dire sans risquer de se faire sanctionner, fût-ce de manière extrêmement symbolique (par exemple par le blâme de ses pairs), pour la teneur de ses propos. Or, sur Internet, il n'y a pas de monde commun, il n'y a que du monde virtuel, donc pas de sanction, jamais de condamnation. Et quand même y en aurait-il (ce qui, comme je l'ai dit, ne serait pas commercialement très pertinent, remarque qui ne vise pas Spinozaetnous, mais les sites à visée commerciale qui sont, de facto majoritaires), il existerait toujours une échappatoire pour le Moi décomposé : le blâme viserait non pas l'être réel, mais l'être fictif désigné par le pseudo. Sur ce point, je réaffirme avec force :
PhiPhilo a écrit :Chacun est invité à prendre un "pseudo". Or faut-il rappeler, premièrement que ho pseudos, en grec, signifie, "le mensonge", et deuxièmement que le nom est une marque objective qui, dans toutes les civilisations, est attribuée à l'individu par la société pour qu'elle puisse le reconnaître. Il suit que le fait de choisir un pseudonyme, un "faux-nom", manifeste l'intention de rompre avec ce que Ricoeur appelle la mêmeté, c'est-à-dire la traçabilité sociale que mon nom m'imposait. En choisissant un pseudo, je ne suis, objectivement, plus le même : je me donne une contenance, des connotations, voire une apparence (via mon avatar) que je n'ai pas forcément dans la réalité.
Le Moi décomposé est, sur l'Internet, une tentation. Et comme we can resist anything, but temptation, comme le disait Oscar Wilde, la probabilité pour que l'on ait un véritable et durable échange philosophique entre contributeurs qui assument leur identité narrative sur l'Internet tend asymptotiquement vers zéro. Bref, on ne peut penser philosophiquement sur l'Internet. Quod erat demonstrandum

Est-ce à dire que
Enegoid a écrit :la conclusion de votre post est que seul peut penser le professeur devant sa classe.
? Evidemment non. Ne serait-ce que parce que la position de l'élève, du disciple, de l'épigone, de l'étudiant, comme on voudra est aussi envieuse à ce point de vue, à condition toutefois que les conditions tout à la fois d'une identité narrative de chacun et d'une vraie dialectique conflictuelle soient réunies, ce qui, j'en conviendrai volontiers, est loin d'être toujours le cas. D'une manière générale, la présence physique, par opposition à la présence virtuelle caractéristique de la relation sur l'Internet, n'est pas une garantie d'identité narrative de la part des participants. Et vous avez raison d'objecter que
Enegoid a écrit :dans les cafés du commerce, de nombreuses pensées à vocation universelle s’échangent entre interlocuteurs dont l’identité narrative est parfaitement établie. Diriez-vous que ces lieux constituent votre idéal de matrice pour engendrer de la pensée ?
Ce n'est pas une condition suffisante parce que, comme le dit encore une fois Hannah Arendt, il ne suffit pas de se montrer à autrui, voire d'échanger quelques propos, pour assumer le monde commun, ce qui est la conditio sine qua non de toute identité narrative telle que ce que je dis est en accord tout à la fois avec ma mêmeté et avec mon ipséité. Assomption du monde commun dont, précise Arendt, le statut social des intervenants, le fait que les uns assument leur position d'apprenant, les autres leur position d'enseignant, est un puissant facilitateur. Ce que l'Internet a en horreur, préférant surfer sur l'illusion désastreuse d'une indistinction virtuelle, au point que celui qui enfreint ce tabou, qui brise l'omertà en dévoilant et en assumant son statut social est immédiatement voué aux gémonies par les chiens de garde patentés de l'universelle bêtise. Mais je m'énerve. Aussi est-il temps de conclure avec ce passage où Spinoza montre que le problème de l'identité narrative est indissolublement lié à celui de la possibilité de penser philosophiquement :
Ignarus enim, praeterquam quod à causis externis, multis modis agitatur, nec unquam verâ animi acquiescentiâ potitur, vivit praeterea sui, et Dei, et rerum quasi inscius, et simulac pati desinit, simul etiam esse desinit. (Spinoza, Ethique, V, 42, schol.)

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Messagepar Henrique » 29 mars 2009, 19:37

Cher Phiphilo,
Il faut tout de même bien "s'accrocher" pour suivre votre propos. N'est-ce pas justement une façon de penser au sens d'intégrer une donnée différente à l'unité déjà existante des connaissances d'un moi ? Dans la Propédeutique philosophique, Hegel définit la pensée comme "la saisie et la compréhension du varié dans l'unité" et ici ce n'est pas de l'unité d'un moi qu'il s'agit, mais d'un concept par rapport à la masse des informations sensibles ou verbales qu'il rassemble. Certes c'est l'esprit chez Hegel qui procède à une telle unification du divers, mais vous savez bien qu'ici, l'esprit n'est pas la personne physique qui n'est qu'une détermination diverse parmi d'autres.

Et vous qui vous exprimez ici sous un pseudonyme, est-ce à dire qu'il n'y a aucune oeuvre de pensée philosophique quand vous écrivez ? Quand vous ramenez la communication sur Internet à un certain type d'échange que vous opposez à la définition de la pensée comme "discours que l'âme se tient à elle-même", que faites vous d'autre que du concept ?

Mais est-ce que j'interprète correctement votre raisonnement en le résumant de la façon suivante ?
1) Penser philosophiquement, c'est s'engager dans une dialectique qui suppose d'une part l'affirmation d'une pensée propre du monde, propre à un moi et à son "identité narrative", et d'autre part la négation assumée de la pensée de l'autre (ne serait-ce que parce qu'elle est assimilée).
2) Or il ne peut y avoir de pensée propre du monde ni donc de dialectique sur Internet, du fait que chacun n'y existe qu'à travers un pseudonyme qui le déresponsabilise et dissout toute identité narrative.
3) Il ne peut donc y avoir de pensée philosophique sur Internet.

Une dernière question : que pensez vous du fait que Spinoza ait publié son Traité théologico-politique sous un pseudonyme et qu'il ait souhaité que son Ethique soit publiée après sa mort anonymement ?
Modifié en dernier par Henrique le 29 mars 2009, 20:22, modifié 1 fois.

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Messagepar aurobindo » 29 mars 2009, 23:18

Je n'apprécie que moyennement que le nom de famille de ce contributeur soit ainsi dévoilé....


Cela étant dit, "on ne peut pas penser sur internet" est une thèse qui bien que je ne la partage pas, à le mérite de faire penser.


D'une manière plus générale, en reprenant votre référence au Phèdre de Platon, le dialogue oral serait plus fructueux a la formation d'une pensée philosophique et à son apprentissage ( la pensée n'est alors plus tant dialogue de l'âme avec elle même qu'acte de réminiscence, c'est à dire d'accès et de formulation d'un savoir , ce type de pensée serait certainement satisfaisant pour vous je crois, en se distinguant de l'opinion et de la logorrhée)

Nous pourrions avancer une thèse plus nuancé; on pourrait penser mieux hors d'un forum, sans que la réflexion philosophique sur un site tel que celui-ci soit catégoriquement hors de portée. En sorte que dans l'échange sur internet il soit beaucoup plus facile de ne pas pas penser alors même que l'on croit le faire, mais que cela n'interdise pour autant pas la possibilité de le faire effectivement, ou, tout du moins, d'une façon légèrement plus qu'infime et négligeable. La rareté relative contribuerait alors à l'intensité. ( hypothèse encore non argumenté mais que je me permets de suggérer)

Cela fait un moment que je n'ai pas posté mais j'ai le souvenir, en tous cas il y a quelques années il est vrai, de posts et d'échanges de qualité, notamment du sieur Henrique .

En d'autres termes, il s'agirait un peu d'un contre-exemple par le fait, tout comme la thèse de phiphilo semble , outre ses fondements philosophiques, avoir sa source dans le fait d'un constat et d'une indignation répétée devant des posts décevants. (et sans doute justifié, mais nous aurions tout de même affaire à une réaction s'apparentant a la misologie que platon évoque dans le Phédon ( si nous n'avions pas placés nos espérances aussi haut au départ nous n'aurions pas ensuite donné un rejet aussi excessif, mais ce n'est pas tant le logos que nous qui sommes en cause ) )

Dés lors, cette thèse aurait-elle pu être formulé dans un forum a l'accès réservé a des spécialistes ou a des protagonistes qui auraient stimulé intellectuellement le contributeur? ( je sors un peu du champ philosophique vers une orientation plus ad hominem, en espérant que ce ne soit pas ab homine pour autant mon cher phiphilo )

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Messagepar bardamu » 30 mars 2009, 15:34

aurobindo a écrit :Je n'apprécie que moyennement que le nom de famille de ce contributeur soit ainsi dévoilé....

Bonjour Aurobindo,
effectivement, ça ne se fait pas même si le mail est en bas de chaque message.
Le procédé peut sembler violent, avec un petit côté "corbeau", c'est en tout cas contraire aux usages d'internet, mais c'est une expérience pour voir si un malaise est généré, si ça change quelque chose d'avoir un nom propre sur internet.
Comme je l'ai dit plus haut : premier phénomène prévisible, la constitution d'une idée imaginaire de la personne à partir de ce qu'on voit d'elle sur le web. Pas plus de proximité qu'il n'y en aurait avec quelqu'un arrivant en disant "Bonjour, moi c'est Dupond", mais un plus grand risque de préjugés que ceux générés par des moustaches et un chapeau melon.

Je ne parle pas des problèmes concrets que peuvent poser l'usage de son identité réelle sur le web puisque a priori le propos de PhiPhilo est plus conceptuel que pragmatique, mais il y en a aussi. Caute...

Ceci étant, il y a toutes les chances que je supprime le message assez vite (Henrique m'a aussi demandé ce que je faisais...).

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Messagepar Louisa » 30 mars 2009, 18:03

Bardamu a écrit :Le procédé peut sembler violent, avec un petit côté "corbeau", c'est en tout cas contraire aux usages d'internet, mais c'est une expérience pour voir si un malaise est généré, si ça change quelque chose d'avoir un nom propre sur internet.


Bonjour Bardamu,
ne faudrait-il pas dire qu'il s'agit d'une expérience qui met à l'épreuve une autre idée que celle proposée par Phiphilo? C'est que pour autant que je l'aie compris, son propos c'est de dénoncer un élément "structurel" d'un forum électronique, et qui est que les interlocuteurs ne dévoilent pas leur statut social. Si l'on voulait non pas argumenter contre cette idée mais la tester en pratique, il faudrait ouvrir un forum où tous les intervenants parlent sans pseudo et en précisant leur statut social. Ce n'est que là que l'on pourrait voir la différence entre un forum avec ou sans pseudos.

Dévoiler le nom d'un seul interlocuteur ne peut en aucun cas remédier au problème structurel que veut signaler Phiphilo. Par conséquent, il me semble que faire cela ne permet pas de réellement "vérifier" in real time l'idée qu'il nous soumet. La seule manière dont on peut le faire, c'est en acceptant "l'expérience de pensée" qui consiste à s'imaginer ce que cela changerait si nous tous, on laissait tomber l'usage du pseudo et on explicitait notre statut social (remarquons que pour Phiphilo il s'agit bel et bien de ces deux aspects de l'identité, et que d'ailleurs en ce qui concerne le deuxième il a joué cartes sur table dès son tout premier message sur ce forum, et cela malgré le fait qu'il savait pertinemment que cela n'allait pas être bien reçu par certains, et qu'il était déjà plus ou moins le seul à le faire).

Bref, disons que je suis parmi ceux qui préféreraient laisser à chaque intervenant le choix de dévoiler son nom ou non, sans exception. Si donc tu étais encore à la recherche d'arguments pro la suppression de ton message ci-dessus, voici que j'espère en avoir donné quelques-uns .. .
Cordialement,
L.

(PS: il va de soi que si tu décides d'effacer le message en question, celui-ci perd également tout intérêt et peut être supprimé aussi)
Modifié en dernier par Louisa le 30 mars 2009, 18:06, modifié 1 fois.

Enegoid
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Messagepar Enegoid » 30 mars 2009, 18:56

A phiphilo

1 Il vous reste selon moi à répondre à la question : "Quel est le statut de votre intervention du point de vue de la pensée (philosophique)"?
Si c'est de la pensée, votre conclusion est fausse. Si ce n'est pas de la pensée, votre "quod erat demonstrandum" est au moins sujet à caution !

2 Je suis frappé par l'accent mis par vous sur la situation enseignant/enseigné. Je la comprends, bien sûr, puisqu'enseigner est votre métier.
Mais moi, je ne suis pas enseignant ni retraité de l'enseignement, et je m'intéresse à la possibilité d'un dialogue philosophique entre "hommes libres". Pensez-vous possible un dialogue philosophique entre, par exemple un enseignant, un ingénieur (c'était ma profession), un ouvrier, un policier, etc. ?

3 Ne peut-on pas aussi dire que le forum internet est ce qui se rapproche le plus possible d'un véritabble dialogue ?
Parceque, si on vous suit, aucune condtion concrète connue ne rend possible ce dialogue.
Lecture des grands textes : pas d'oralité, ni dialectique
Classe de philo : limitée à l' apprentissage des jeunes générations
Café du commerce : il manque un critère selon vous, mais il faut préciser ce qui manque ("assumer le monde commun" dites-vous. Mais qu'est-ce que çà veut dire ? Pour moi, tout homme vivant assume le monde, du fait qu'il est vivant. Quelque chose comme çà...)

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hokousai
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Messagepar hokousai » 30 mars 2009, 19:00

en substance phiphilo nous explique pourquoi les femmes fardent leur visage et vont chez le coiffeur .

et pourquoi les hommes achètent de belles voitures ...ou portent des Ray- ban .

encore que même les femmes

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quel monde !! ""nous nous y sentons seuls, abandonnés, désemparés au milieu de la foule de nos semblables"".

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Messagepar bardamu » 30 mars 2009, 19:27

bardamu a écrit :
aurobindo a écrit :Je n'apprécie que moyennement que le nom de famille de ce contributeur soit ainsi dévoilé....

Bonjour Aurobindo,
effectivement, ça ne se fait pas même si le mail est en bas de chaque message.(...)

Aïe, faute professionnelle...
Il n'y a que les administrateurs qui voient les mails de ceux qui n'ont pas coché "Afficher mon adresse e-mail" dans leurs paramètres de compte. Mea maxima culpa, la peine est de 30 coups de fouet, je me les administrerais ce soir.
Mes humbles et plates excuses à PhiPhilo.

Edit : J'ai supprimé le message et les bons conseils d'Hokousai que j'ai suivi illico.

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Messagepar bardamu » 31 mars 2009, 00:41

Louisa a écrit :
Bonjour Bardamu,
ne faudrait-il pas dire qu'il s'agit d'une expérience qui met à l'épreuve une autre idée que celle proposée par Phiphilo? C'est que pour autant que je l'aie compris, son propos c'est de dénoncer un élément "structurel" d'un forum électronique, et qui est que les interlocuteurs ne dévoilent pas leur statut social.
(...)
il va de soi que si tu décides d'effacer le message en question, celui-ci perd également tout intérêt et peut être supprimé aussi

Bonjour Louisa,
non, non, ton message ne perd pas son intérêt vu qu'il replace le problème.

J'avoue que l'"attentat" perpétré avait pour but de provoquer un choc, notamment celui de montrer des effets néfastes à la publicité des noms. Un forum où tout le monde a son nom en clair ne change pour moi rien au problème, celui-ci étant de savoir si on entend référer une idée à un nom propre, ce qu'on met sous ce nom propre, et comment ça se passe concrètement dans ces échanges "épistolaires" que sont un forum.

Dans son propos PhiPhilo me semble partir de l'idée que l'"identité narrative" s'exprimerait mieux dans la "vraie vie", qu'il n'y aurait pas de masques, de jeux de rôle. Pourtant, les garçons de café bougent comme des garçons de café, des professeurs jouent au professeur, des étudiants jouent à l'élève modèle etc.
C'est sûr que c'est plus simple quand les rôles sociaux sont définis d'avance, qu'on ne mélange pas les professeurs, les poètes, les gens en recherche existentielle, les lycéens qui ont une dissert' à faire etc. (d'où l'idée d'une partie "académique").

Ceci étant, la sincérité de l'engagement dans une communication me semble indépendante du médium. Je suis d'accord avec PhiPhilo que le pseudonyme et l'avatar permettent de faire jouer un personnage mais il faudrait considérer que ce n'est pas le cas ailleurs pour juger qu'internet nuit aux échanges. Notre esprit est extrêmement composé dirait Spinoza, et entre le Spinoza buvant une bière avec ses logeurs, le Spinoza de la béatitude et celui tenté par les placards contre les "ultimi barbarorum", on découvre différentes pensées, des "personnages" qu'un écrivain penserait peut-être à distinguer pour leur donner plus d'intensité.

Si se construit une "identité narrative", alors autant prendre chaque expression sur un forum comme une identité narrative propre, une "ligne de vie", de pensée, qui passe dans une discussion, avec parfois ses masques, ses comédies, mais aussi la positivité brute d'un effet et des écrits dont on peut suivre le fil pour voir ce que ça fait.
A comparer mes expériences, je dirais que j'ai vu autant sinon plus d'engagement, de sincérité dans les "personnages" de forum que dans les "personnages" hors internet.

Pour l'anecdote, j'ai souvenir d'une prof de physiologie animale qui jouait parfaitement son rôle d'universitaire rationnelle et puis qui, un jour, s'est trahie :
"on ne peut expliquer la "vitesse" de l'Evolution" + "vous êtes de la famille de l'évêque machin ?" = intelligent design, coup de pouce divin à la nature.
Je crois que sur un forum internet, sous la protection du pseudonyme, elle n'aurait pas caché ces pensées alors que le dispositif universitaire le lui interdisait. Est-ce qu'un prof de philo de l'école laïque et républicaine peut faire mention de ses opinions politiques ? Pourra-t-il y dire ""Al-`adâla li-falistîn". Justice pour la Palestine" ?
Quel dispositif de parole favorise l'expression d'une synthèse identitaire, d'une "identité narrative" (pour autant qu'on croit à sa valeur) ?

Et si le souci de l'indexation des idées à une identité sociale ou "egotique" disparaît, alors internet et un forum apparaissent comme un réseau d'idées, des fils à prendre tels qu'ils sont, comme des êtres en eux-mêmes.
Et quand je parle de "faire communauté", il s'agit aussi de s'accorder aux codes d'une discussion, de se demander si une parole va s'intégrer à un fil de pensée, se demander si on va le briser, dissoudre sa consistance ou le renforcer, si on va soutenir le "conatus" du fil ou le réduire. Et, miracle, quand on le fait, il semble que quelque chose derrière un clavier en soit satisfait, les idées vont plus loin, s'approfondissent.

D'ailleurs, à mon sens, c'est parce qu'on indexe une pensée à un autre être, à un Moi ou un Autre, parce qu'on pense "c'est l'idée de Machin", "c'est mon idée", "c'est moi qu'on vise", que l'ad hominem devient douloureux.
"La haine, c'est la tristesse avec l'idée de sa cause extérieure." et mieux vaut que la cause extérieure s'arrête à des mots lus, mieux vaut qu'on ne cherche pas "quelqu'un", ce qui pousserait à entretenir un esprit de haine par la permanence de ce "quelqu'un" auquel on associera spontanément les propos précédent. Machin + insultes et puis chaque fois qu'on voit Machin l'idée d'insultes resurgit.

Le "penser" dans un échange, c'est pour moi rapporter une idée à un fil de discussion, d'abord à cette réalité brute de ce qui se passe là, de ce qui s'y enchaine, sans se faire un théâtre d'ombres où on imagine des "personnes" derrière un clavier. Il n'y a pas besoin d'autres "identités narratives" que celles qu'on découvre dans une lecture, il n'y a pas besoin de chercher autre chose que l'esprit d'une parole.

Donc, pour moi, outre qu'il faudrait montrer qu'internet gène l'expression de l'"identité narrative" d'un être derrière le clavier, il faudrait aussi montrer l'intérêt de ce concept et que s'y attacher est la bonne attitude pour que ça puisse penser sur un forum.

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Messagepar Durtal » 31 mars 2009, 13:26

J'avoue avoir beau chercher je ne vois toujours aucun rapport entre la question de l'authenticité de la pensée ou entre le fait de fournir un effort de pensée authentique et la question de l'"alias" et de l'identité personnelle.

On peut parfaitement mener une réflexion de type dialectique selon laquelle l'universel est repris dans le singulier et ne s'exprime concrètement, réellement, que dans la singularité (thème du "bon infini") sans qu'il soit pour autant question d'identité personnelle. Et il est franchement douteux inversement que les traits que l'on estime constitutifs de l'identité personnelle exprime de la singularité. Je suis monsieur Y, exerçant la profession X de nationalité Z. x, y et z sont ici des classes, ce qui me délimite est une intersection de propriétés générales, cette intersection n'exprime jamais ce qui fait que je suis singulier c'est à dire unique (et si on pense qu'il y a un lien entre l'unicité d'une chose et sa réalité, alors dans ce sens, les choses précédentes n'expriment pas ma "réalité").

Ce qui caractérise (quoiqu'on veuille dire exactement par là) l'authenticité, ou la singularité d'une pensée, est avant tout un trait de son contenu . Si je suis face à un individu dont je trouve qu'il dit des sottises et qu'on m'annonce par après qu'il est un "philosophe", je serais bien inconséquent et il y aurait même quelque chose de servile de ma part à modifier mon appréciation de ce seul fait "après coup". Il se peut aussi que je n'ai tout simplement pas compris les propos en question mais là encore, c'est toujours le contenu du discours qui est en cause et non son auteur. Je ne nie pas qu'il n'y ait pas de pensée sans penseur hein... C'est juste que la question de l'évaluation d'une pensée (i.e de son contenu) est distincte conceptuellement de la question de l'identification de son auteur.
C'est grosso modo cette idée qui est derrière le rejet de ce que l'on appelle les arguments d'autorité. C'est aussi pourquoi les copies de bac ou de concours sont anonymes (en sont-elles plus "irresponsables" pour autant ?)

D.
Modifié en dernier par Durtal le 31 mars 2009, 15:12, modifié 2 fois.


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