D'une Substance, deux physiques?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 17 mars 2009, 19:48

texte intéressant certes . Kantien convaincu pas forcément convaincant . J ’ en reste à Poincaré (qu'il cite) .


""""""""""une propriété physique comme une self-interaction de bosons de jauge soit reliée au fait que le groupe des symétries globales internes est non commutatif, est, pour moi, un exemple typique de synthétique a priori."""""""""""""""

la propriété est soit une élucubration soit une théorie vérifiable expérimentalement . A ce niveau c’est synthétique disons que c’est complexe, on ne sort pas analytiquement du concept de boson de jauge quoi que ce soit . A priori certes, on est dans le modélisation c’est à dire le pragmatisme. Comme le dit Poincaré on recherche le commode .Si on le recherche c’est que tout n’ est pas aussi commode , qu’il y a donc une réalité qui résiste et impose le choix de certaines commodités .

Enegoid
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Messagepar Enegoid » 31 mars 2009, 17:43

Mon sentiment est que tu sembles juger qu'il faut choisir entre les sciences et Spinoza, que si son Etendue ne suit pas les critères de tel ou tel domaine de la physique actuelle alors elle est "falsifiée" (au sens de Popper). C'est pour ça que je te demandais ce que tu attendais d'une confrontation des sciences à Spinoza vu que ça me semblait essentiellement négatif.


En relisant ton post je suis retombé sur cet élément de ta phrase citée ci-dessus : "semblait essentiellement négatif".

Je ne comprends pas. Je reprécise ma position : oui j'estime qu'une philosophie basée sur le déterminisme et sur la causalité peut être concernée (cad éventuellement à revoir) par les découvertes des physiciens dans ce domaine.
Cette position te parait-elle vraiment "négative" "(cad "inamicale" ?) ?
Pourrais-tu m'expliquer, si tes autres fonctions t'en laissent le temps!

Deux exemples de phrases que tu as du lire déjà (tirées de "Le monde quantique" ouvrage collectif):

"La catégorie de substance et de propriété essentielle parait donc subsister (NB en Mécanique Quantique).Mais la localisation n'en fait plus partie. C'est à Leibnitz, ce n'est ni à Spinoza ni à Newton qu'il faut revenir"

(L' information apportée par certaines expériences...) "nous renseigne sur ce que la réalité n'est pas, ce qui déjà est extrêmemnt important car des philosophies très populaires (telles celles de Démocrite et de ses successeurs) s'en trouvent pa là éliminées"

"On accordera volontiers ...que cette leçon de physique a une portée philosophique et même une portée qui dépasse les modifications d'ailleurs radicales qui s'imposent à la pensée réaliste"
(Je cite ces phrases, non pour leur contenu précis, mais pour montrer le type de questionnement auquel on peut apparemment aboutir. Elles sont l'une de B d'Espagnat, les autres de J Vuillemin, philosophe)


PSJe continue à réfléchir et à me documenter sur le sujet.

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bardamu
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Messagepar bardamu » 02 avr. 2009, 23:53

Enegoid a écrit :(...)

En relisant ton post je suis retombé sur cet élément de ta phrase citée ci-dessus : "semblait essentiellement négatif".

Je ne comprends pas. Je reprécise ma position : oui j'estime qu'une philosophie basée sur le déterminisme et sur la causalité peut être concernée (cad éventuellement à revoir) par les découvertes des physiciens dans ce domaine.
Cette position te parait-elle vraiment "négative" "(cad "inamicale" ?) ?
Pourrais-tu m'expliquer, si tes autres fonctions t'en laissent le temps!
(...)

Bonjour Enegoid,
par négatif, je n'entendais pas inamical.
Négatif : se demander en quoi la physique actuelle disqualifie la pensée de Spinoza (ou de Démocrite ou autre) ;
Positif : se demander en quoi Spinoza peut avoir un intérêt pour penser la physique d'aujourd'hui.

Comme on risque d'avoir du mal à s'en sortir si on ne se met pas au point sur certaines bases, voilà comment je vois la série de questions à aborder (et c'est pas gagné...) :

1- comment fonctionnent les sciences expérimentales, quel type de connaissance lui revient : rapports entre l'empirique (expérience) et le théorique (modèles, théories), types de preuve/vérité/arguments utilisés pour convaincre. Le phénomène tel que le traite Kant me semble une base toujours valide pour les sciences mais vu qu'on est en territoire spinozien, on peut aussi voir la position de Spinoza par rapport à la connaissance des sciences expérimentales (les lettres sur les travaux de Boyle me semblent éclairantes sur le sujet).

2- qu'entend-on par "réalité" dans le cadre de la physique ?
Là faudra que j'aille rechercher les catégories de réalisme que distingue d'Espagnat dans son Traité de Physique et de Philosophie. Il en fait pas mal mais elles sont réductibles à 3 ou 4.

Ces 2 points devraient mener à savoir de quoi on parle quand on dit qu'une chose est réelle, à savoir à quel type de réalité on adhère quand on prend au sérieux le discours scientifique et des physiciens plus particulièrement. En gros, je dirais qu'on aura 3 options :
a. la physique décrit le réel : sciences physiques = "réalité vraie"
b. la physique modélise la connaissance accessible par nos sens (et leurs extensions instrumentales) : sciences physique = mise en forme des perceptions d'un observateur neutre ;
c. la physique modélise le résultat de notre action dans le monde : sciences physiques = mise en forme des résultats d'une gamme d'actions produisant des phénomènes, scientifique engagé dans l'expérience.

Je vote pour l'option c. J'argumenterais si ce choix n'apparaît pas évident mais j'aimerais avoir ton avis sur la question.

3- quels sont les problèmes épistémologiques ou plus généralement philosophiques posés par la quantique ?
En vrac : distinction entre les problèmes de physique et les problèmes philosophiques (interprétation, logique, ontologie...), objet sur lequel porte la théorie (objets physiques, objets formels), rapport entre description et prédiction (la quantique est-elle descriptive ou seulement prédictive ?), caractéristiques fondamentales (au moins contextualité et non-séparabilité), problème corps-esprit, rapports entre langage abstrait du formalisme et langage concret de l'expérience etc.

4- sur quels problèmes Spinoza est pertinent ?
Mon sentiment là-dessus : le rapport corps-esprit et la logique des attributs (distincts mais portant sur la même chose), la question du déterminé et de l'indéterminé (connaître / ne pas connaître ?), l'adhésion aux connaissances (empirie, théorie, a posteriori, a priori), la logique du Tout et de la partie, de l'"éternité", de l'essence "non-locale" (lettre à Balling), c'est-à-dire tout ce qui traduit une non-séparabilité spatio-temporelle, et puis peut-être d'autres qui m'apparaîtront en réfléchissant un peu plus.

C'est en gros le cheminement qui me semble nécessaire et je risque de renvoyer sans cesse la discussion aux points qui ne me sembleront pas éclaircis avant de passer au suivant.
C'est d'ailleurs pour cela que commenter les citations que tu as donné me semblerait peu productif en l'état, puisqu'il ne s'agirait que de faire opinion contre opinion sans que les raisons n'apparaissent clairement.

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Messagepar Enegoid » 07 avr. 2009, 18:28

Bardamu a écrit :Négatif : se demander en quoi la physique actuelle disqualifie la pensée de Spinoza (ou de Démocrite ou autre) ;
Positif : se demander en quoi Spinoza peut avoir un intérêt pour penser la physique d'aujourd'hui



Je me vois mal discuter sereinement avec quelqu'un qui trouve mon attitude (qui est bien celle que tu dis) "négative"!

(Je réfléchis à ta série de questions...)

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Messagepar bardamu » 07 avr. 2009, 23:09

Enegoid a écrit :Je me vois mal discuter sereinement avec quelqu'un qui trouve mon attitude (qui est bien celle que tu dis) "négative"!
)

T'inquiètes pas pour ça.
C'est juste que je n'aurais pas grand chose à dire sur ce genre de chose puisque ça dépend essentiellement de la valeur philosophique qu'on donne aux sciences. Si déjà on considère que penser notre rapport au corporel, à ce qu'on a l'habitude d'appeler "matière", passe par l'adhésion aux théories des sciences actuelles, on va tout de suite être en décalage. Dans les lettres à Boyle, on voit assez bien que Spinoza ne prend pas l'observation expérimentale comme critère de vérité. L'expérience ne fait que corroborer la théorie.
Donc, si on juge que les sciences expérimentales peuvent disqualifier Spinoza, c'est déjà qu'on se place en dehors de sa manière de philosopher. Spinoza y répondrait sans doute comme il répond à Boyle.

Extrait de la lettre XIII :
Spinoza a écrit :J'en viens aux expériences que j'ai rapportées à l'appui de mon explication, non qu'elles en établissent entièrement la vérité à mes yeux, mais, je l'ai dit expressément, elles les confirment dans une certaine mesure. (1)
(...)
J'avoue volontiers que cette régénération du salpêtre est une belle expérience pour rechercher la nature même du salpêtre, lorsqu'on connaît déjà les principes mécaniques de la philosophie et qu'on sait que tous les changements se font dans les corps suivant des lois mécaniques (2) ; mais je nie que ces vérités découlent plus clairement et plus évidemment de cette expérience que de beaucoup d'autres qui se présentent d'elles-mêmes et qui ne peuvent cependant servir à les établir de façon décisive.
(...)
M. Boyle dit ensuite qu'il y a une grande différence entre les expériences banales et douteuses que j'ai rapportées, expériences dans lesquelles nous ignorons quelles conditions se trouvent naturellement réunies et quelles circonstances s'y ajoutent, et les expériences dont au contraire les conditions nous sont connues avec certitude. Mais je ne vois pas du tout que M. Boyle nous ait expliqué la nature des corps qu'il emploie, dans son expérience : celle de la chaux de salpêtre et celle de l'esprit de nitre ; de sorte que ces deux matières ne sont pas moins obscures que celles dont j'ai parlé : la chaux commune et l'eau. Pour le bois, je reconnais que c'est un corps plus complexe que le salpêtre ; mais qu'importe, aussi longtemps que j'ignore la nature tant de l'un que de l'autre et de quelle façon l'échauffement se produit dans l'un et dans l'autre, quel intérêt cela peut-il avoir, je le demande ? (3)

Je ne sais pas non plus ce qui donne à M. Boyle le droit d'affirmer qu'il connaît, dans le cas dont il s'agit, les conditions réunies. Comment pourra-t-il, je le demande, nous montrer que cet échauffement ne provient pas de quelque matière très subtile. (4) Dira-t-il que cela résulte de ce que le poids ne subit qu'une très petite diminution ? Alors même qu'il n'en subirait aucune, on n'en pourrait à mon avis rien conclure ; nous voyons, en effet, avec quelle facilité les choses peuvent être colorées par la pénétration d'une très petite quantité de matière et sans que leur poids en soit augmenté ou diminué d'une manière appréciable pour nos sens.

Commentaire sur les points que j'ai indiqué (chiffres entre parenthèse) :
1. l'expérience corrobore dans une certaine mesure les expériences
2. formellement, la physique quantique n'est plus une mécanique. Par contre, la Relativité Générale en reste une.
3. une vérité "absolue" par la méthode des sciences expérimentales demanderait un processus infini. Pour Spinoza, on obtient là que des vérités partielles (cf à ce sujet le problème de l'induction). Je pense qu'il pu aurait accepter qu'on appelle "vérité" une proposition sur des constats expérimentaux qui intègre la mention "dans une certaine mesure", c'est-à-dire "pour autant que notre expérience nous permette d'en juger".
4. il n'aurait sans doute rien contre les théories spéculatives, notamment à variables cachées, du moment qu'elles expliquent les mêmes expériences.

De l'esprit général de la lettre, on peut voir aussi que sa méthode critique consiste à proposer des explications concurrentes et, à mon sens, on comprend que pour sa "petite physique" dans l'Ethique (EIIp13) il ait adopté une méthode plus "axiomatique".
Le "mais qu'importe, aussi longtemps que j'ignore la nature tant de l'un que de l'autre" est dépassé par la proposition de définitions et de postulats. On peut toujours les refuser mais au moins on part de choses claires permettant de poursuivre vers le but que Spinoza s'est fixé : montrer une voie vers la béatitude.
On peut aussi argumenter en faveur d'autres principes mais il est préférable de savoir quelles conséquences on en tirera et si in fine on jugera cela satisfaisant.
Et on peut aussi refuser tout principe, tout fondement du réel et se satisfaire du discours scientifique tel qu'il est. Après tout, les physiciens ne se demandent pas tous les jours ce que peut bien signifier le mot "matière"...

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Messagepar Enegoid » 08 avr. 2009, 12:51

Bardamu a écrit :Si déjà on considère que penser notre rapport au corporel, à ce qu'on a l'habitude d'appeler "matière", passe par l'adhésion aux théories des sciences actuelles, on va tout de suite être en décalage.

Voyons ce décalage donc.

De façon générale, effectivement, je ne peux pas penser le corporel sans tenir compte de ce que je connais des théories scientifiques (p.e la terre qui tourne autour du soleil et non l’inverse). Et, surtout, je ne peux pas penser contre.
Je doute que tu aies une position différente. Aussi je ne comprends pas bien ta réticence.
De façon plus pratique mon « rapport au corporel » est tellement, comme le tien, dépendant des conséquences technologiques des théories scientifiques, qu’il me paraît difficile de ne pas impliquer quelque chose de ces théories dans ce rapport.

Je trouve que la terminologie que tu emploies (« adhésion aux théories ») fausse le jeu. Je n’adhère pas aux théories comme j’adhèrerais à une religion, ni comme j’adhèrerais à une philosophie. Ces théories s’imposent absolument : personne ne peut nier que la lumière a une « nature » ondulatoire et une « nature » corpusculaire, ce qui n’empêche évidemment pas de se poser la question sur ce que « çà veut dire ».

Bien sûr, je peux penser la matière sans connaître ces théories : mais je m’expose à penser plus de bêtises.
Spinoza lui-même s’est bien investi dans une réflexion scientifique : sa petite physique, sa discussion avec Boyle….

Alors, ce décalage ?


Donc, si on juge que les sciences expérimentales peuvent disqualifier Spinoza, c'est déjà qu'on se place en dehors de sa manière de philosopher


"ainsi c’est Lavoisier qui aurait en quelque sorte donné raison à Boyle contre Spinoza, mais en prêtant à la conception d’une chimie des éléments esquissée par Boyle une tout autre orientation théorique que celle qu’il lui avait lui-même conférée, et qui est celle avec laquelle Spinoza a eu effectivement à débattre."(article de P Macherey sur le sujet).

Si Macherey a raison, Spinoza, qui a eu tort sur le fonds, a eu aussi raison sur un autre plan (l’orientation théorique de la chimie).
Mais il a eu tort. Ce qui en français veut dire qu’il s’est trompé.
Je trouve aussi intéressant de me demander en quoi il a eu raison que de me demander en quoi il a eu tort (ou l’inverse).

(J’étais un peu réticent à aborder cette histoire de nitre entre Boyle et Spi. Mais puisque tu en fais un passage important de la réflexion, je vais creuser un peu).

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Messagepar Enegoid » 08 avr. 2009, 19:45

PS En ces temps de réflexions sur les "digressions", je n'oublie pas que ce fil s'appelle "d'une substance, deux physiques". Le chemin peut être long et tortueux !


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