Éternité et choses singulières en Physique

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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sescho
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Éternité et choses singulières en Physique

Messagepar sescho » 06 sept. 2009, 16:33

C’est un exemple (mais c’est en fait beaucoup plus qu’un exemple chez Spinoza, me semble-t-il) qui m’est venu il y a bien longtemps, et que j’ai eu l’occasion d’exposer en quelques endroits sur le forum dans le passé. Je pense intéressant aujourd’hui de lui consacrer un fil, comptant en cela sur l’acuité d’esprit des membres de spinozaetnous.

S’agissant de grands concepts comme Dieu, essence, singularité, etc., l’esprit peut se sentir noyé par l’enjeu, ce qui amenuise son sens critique. Mais l’exemple « plus terre à terre » (encore que…) de la Physique me semble pouvoir faire l’office sans cet inconvénient :

Pour une simulation en Physique (qu’on supposera ici parfaitement conforme à l’expérience à quelque distance temporelle que ce soit) je n’ai besoin que des :

- Conditions initiales (c’est la situation de fait d’où je démarre la simulation.)

- Conditions aux limites (c’est l’influence extérieure sur le système fini dont je veux prédire le comportement.)

- Lois de mouvement. Celles-ci sont éternelles, partout les mêmes (et à ce titre infinies chacune dans son genre.)

Ajoutons, même si ce n’est généralement pas explicité, que la réalité de la situation est éternellement contenue dans le substrat, qui ne change en aucune façon :

- L’Etendue.

Il est en outre entendu qu’avec le mouvement, et accessoirement les conditions initiales et les conditions aux limites, est comprise l’existence de fini dans l’infini de l’Étendue.

Cela est totalement suffisant pour prédire tous les évènements, c’est à dire les naissances, transformations et disparitions des divers phénomènes.

Mais quand j’emploie ces termes, déjà, je fais une approximation : je particularise tel mouvement parce que je note qu’il dure en quelque chose ; par exemple, un tourbillon en mécanique des fluides. Ce quelque chose en quoi il dure je l’appelle d’un certain nom, auquel je rattache tous les phénomènes similaires : les tourbillons. Je relève les lois qui s’appliquent plus nettement à ce commun : les propriétés des tourbillons.

J’en vise un plus particulièrement, et je l’appelle Charybde. Je m’aperçois, malgré les propriétés / lois communes qui me fait les appeler tous « tourbillons », qu’aucun tourbillon n’est strictement identique à l’autre. Je les particularise donc tous en leur donnant chacun un nom. Si je les particularise absolument (« il n’existe que des tourbillons singuliers ») je ne peux en fait même plus logiquement leur donner ce qualificatif de « tourbillon » : ce sont des phénomènes individuels, point. Plus de lois communes des tourbillons à relever. De même, il n’y a plus d’individus humains, il n’y a que des individus qui n’ont aucun genre (« pierre » ou « homme », mais ces genres n’existent donc plus du tout…) : cela.

Je m’aperçois aussi qu’aucun tourbillon ne reste le même : il a certes une inertie qui s’oppose à ce qui le déforme, mais de fait, pressant et pressé de toute part, il change tout le temps, tout en gardant – entre naissance et mort – les propriétés communes des tourbillons. Sauf si je particularise à nouveau absolument… ; alors c’est en toute logique l’effondrement : aucune chose singulière ne restant la même ne serait-ce qu’un instant, et étant totalement distincte de toute autre chose singulière, il ne reste rien de constant, de consistant dans « cette chose singulière ». Rien (à part le fini en général – autrement dit le Mouvement – ; mais même ce « fini » est une notion universelle en regard de choses singulières prises dans une singularité absolue). La connaissance n’existe pas dans ce cadre : c’est le sens même de « cette chose singulière » qui vient de tomber…

En face de cela il y a tout l’opposé, qui en essence est pourtant la même chose, puisqu’on peut tout déduire avec : l’éternité. Celle (de l’Etendue et) du Mouvement dans l’Etendue (avec ses lois, la finitude et la durée.) Voilà qui est étonnant : quelque chose qui en essence est identique aux choses singulières (ou phénomènes), et qui est éternel quand celles-ci sont fugaces et insaisissables.

Et cela au sein de notre bonne vieille Physique bien terrienne…

… en ayant fait abstraction des conditions initiales et des conditions aux limites… Mais en Dieu Nature, il n’y a pas de conditions initiales (le Mouvement existe de toute éternité) et pas de conditions aux limites (il est infini.) Il reste donc bien l’Etendue et le Mouvement (et la Pensée et les autres attributs inconnus en miroir.)

Si on doit abandonner quelque chose pour défaut de cohérence, c’est forcément ce qui a le moins de consistance. Manifestement ce ne seraient ni l’Etendue, ni les lois éternelles du mouvement-repos. « Chose singulière » par contre… (bien plus que l’exister lui-même.) Mais dans tous les cas, il s'agit de la même essence divine.

Cela ne serait-il finalement pas exactement la vue de Spinoza sur le Monde ?

Spinoza a écrit :E1P32C2 : … la volonté et l’entendement ont le même rapport à la nature de Dieu que le mouvement et le repos, et absolument parlant, que toutes les choses naturelles qui ont besoin, pour exister et pour agir d’une certaine façon, que Dieu les y détermine ; car la volonté, comme tout le reste, demande une cause qui la détermine à exister et à agir d’une manière donnée, et bien que, d’une volonté ou d’un entendement donnés, il résulte une infinité de choses, on ne dit pas toutefois que Dieu agisse en vertu d’une libre volonté, pas plus qu’on ne dit que les choses (en nombre infini) qui résultent du mouvement et du repos agissent avec la liberté du mouvement et du repos. Par conséquent, la volonté n’appartient pas davantage à la nature de Dieu que toutes les autres choses naturelles ; mais elle a avec l’essence divine le même rapport que le mouvement, ou le repos, et en général tout ce qui résulte, comme nous l’avons montré, de la nécessité de la nature divine, et est déterminé par elle à exister et à agir d’une manière donnée.

E3P2S : … la décision de l’âme et l’appétit ou détermination du corps sont choses naturellement simultanées, ou, pour mieux dire, sont une seule et même chose, que nous appelons décision quand nous la considérons sous le point de vue de la pensée et l’expliquons par cet attribut, et détermination quand nous la considérons sous le point de vue de l’étendue et l’expliquons par les lois du mouvement et du repos


Extraits sur les Lois de la Nature


Serge
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