Utilité du karaté et de Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Utilité du karaté et de Spinoza

Messagepar Pourquoipas » 26 oct. 2009, 21:08

Image


En haut de la page de droite est écrit : Homo liber de nulla re minus quam de morte cogitat, et ejus sapientia non mortis sed vitae meditatio est (Ethica, IV, prop. 67).

Avatar du membre
Durtal
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 527
Enregistré le : 17 oct. 2006, 00:00

Messagepar Durtal » 26 oct. 2009, 22:38

pourquoi pas?! 8-)

mais je ne sais pas si je suis convaincu par ce disposif finalement, lutter contre la mort est une chose absurde, personne ne peut espèrer vaincre la mort, d'un autre coté passer sa vie à méditer la vie est en effet une victoire définitive sur la mort, mais une victoire qui ne passe pas par une lutte. Au fond c'est le contraire: cesser de lutter contre ce que personne ne peut vaincre, aimer la vie purement et simplement, c'est ça la victoire. ( et non sans doute la résurrection du Paul de "ô mort où est ta victoire?).


D.

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 27 oct. 2009, 23:43

Durtal a écrit :pourquoi pas?! 8-)

mais je ne sais pas si je suis convaincu par ce disposif finalement, lutter contre la mort est une chose absurde, personne ne peut espèrer vaincre la mort, d'un autre coté passer sa vie à méditer la vie est en effet une victoire définitive sur la mort, mais une victoire qui ne passe pas par une lutte. Au fond c'est le contraire: cesser de lutter contre ce que personne ne peut vaincre, aimer la vie purement et simplement, c'est ça la victoire. ( et non sans doute la résurrection du Paul de "ô mort où est ta victoire?).


D.



Cher Durtal,

Je ne suis pas sûr du tout que, en ce qui concerne Spinoza, il place la mort parmi les choses inéluctables, en droit. Dans le TRE, il met l'opinion selon laquelle je sais que je dois mourir parmi les connaissances du premier genre, sues par expérience ou ouï-dire (ou par "lu-écrit") (tout comme je "sais" que le chien aboie, que l'huile attise le feu et que l'eau l'éteint, etc.). (Je ne peux dire où exactement, n'ayant pas le texte sous les yeux.)
De même, considėre bien l'axiome de Éthique IV : il emploie l'expression potest destrui ("peut être détruite") et non destruetur ("sera détruite")... [Ah, chère Louisa, en reviendrions- nous à ce foutu problème de la possibilité chez Spinoza ? :-D]

D'autre part, que penses-tu de l'existence même de la médecine quand tu dis "lutter contre la mort est une chose absurde", même si "personne ne peut espérer vaincre la mort" ? Cela demanderait une longue réflexion que je n'ai pas le temps (ni peut-être l'envie) d'entamer aujourd'hui.

Quant au combat, il s'agissait du combat "à mort" (?) contre la passion qui s'appelle la trouille (timor), notamment de la mort... Vivre, c'est aussi lutter durement contre lesdites passions...

Du moins pour ma pomme, mais, à en croire certains d'entre vous, vous en seriez déjà à la plénitude de la beatitudo...

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 29 oct. 2009, 14:57

Pourquoipas a écrit :Je ne suis pas sûr du tout que, en ce qui concerne Spinoza, il place la mort parmi les choses inéluctables, en droit. Dans le TRE, il met l'opinion selon laquelle je sais que je dois mourir parmi les connaissances du premier genre, sues par expérience ou ouï-dire (ou par "lu-écrit") (tout comme je "sais" que le chien aboie, que l'huile attise le feu et que l'eau l'éteint, etc.). (Je ne peux dire où exactement, n'ayant pas le texte sous les yeux.)
De même, considėre bien l'axiome de Éthique IV : il emploie l'expression potest destrui ("peut être détruite") et non destruetur ("sera détruite")... [Ah, chère Louisa, en reviendrions- nous à ce foutu problème de la possibilité chez Spinoza ? ]


Bonjour Pourquoipas,

voici d'abord le passage concerné, TIE G10/11-B20:

Spinoza a écrit :C'est à partir du ouï-dire seulement que je sais mon jour de naissance et que j'ai eu tels parents, et choses semblables dont je n'ai jamais douté. C'est par expérience vague que je sais que je mourrai: en effet, je l'affirme parce que j'ai vu d'autres, semblables à moi, avoir trouvé la mort, bien que tous n'aient pas vécu le même espace de temps et ne l'aient pas trouvée à la suite de la même maladie. Ensuite, c'est par expérience vague, aussi, que je sais que l'huile est un aliment apte à nourrir la flamme et que l'eau est apte à l'éteindre: je sais aussi que le chien est un animal aboyant et l'homme un animal rationnel, et ainsi ai-je connaissance de presque toutes les choses qui contribuent à l'usage de la vie.


Faut-il en conclure que d'un point de vue spinoziste la mort n'est pas inéluctable en droit? Je n'en suis pas certaine. Spinoza n'est-il pas plutôt en train de donner des exemples du premier genre de connaissance, ce qui en tant que tel n'exclut en rien que l'on forme ensuite des mêmes choses des idées du deuxième genre de connaissance, ou du troisième?

On sait que dans l'Ethique (E5P34 scolie) Spinoza distingue l'éternité de l'Esprit d'une continuation dans la durée, autrement dit d'une quelconque "immortalité" (à moins que tu penses que le scolie dit autre chose...?). Ne faudrait-il donc pas dire qu'une connaissance vraie et non pas confuse de la/ma mort est possible (en effet, il nous faudrait revenir sur ce sujet; en ce qui me concerne j'aimerais bien comprendre davantage les arguments de ceux qui pensent qu'il y a du potentiel dans le spinozisme ... mais passons), à condition de tenir compte de tout ceci:
- je ne pourrai jamais savoir à l'avance la date de ma mort (ou la durée de ma vie)
- la vie étant la force par laquelle une chose persévère dans l'être (on voit bien ici que le conatus est moins une "potentialité" ou "tendance à" que d'être une véritable force), la mort doit nécessairement être le moment où cette force disparaît, se dissout en d'autres choses (force de nourrir des vers, par exemple ...)
- or les deux phénomènes (vie, mort) sont essentiellement (pour ainsi dire) liés au temps, et en ce sens ne se produisent que dans l'imagination, sachant qu'en réalité, c'est-à-dire du point de vue de l'éternité, l'essence singulière qu'exprime la force n'a pas de durée (même pas une durée indéfinie), donc ni commencement ni fin (autrement dit, il n'y a pas de "vie éternelle" dans le spinozisme).

Quant au "peut être détruite": sans vouloir relancer ici la discussion, je crois qu'on "peut" l'interpréter sur base de ce qu'en le TIE G19/20-B53:

Spinoza a écrit :J'appelle impossible, une chose dont la nature implique contradiction; nécessaire, celle dont la nature implique contradiction à ce qu'elle n'existe pas; possible, celle dont l'existence, dans sa nature, n'implique certes pas contradiction à ce qu'elle existe ou n'existe pas, mais dont la nécessité, ou l'impossibilité d'existence dépend de causes ignorées de nous aussi longtemps que nous feignons son existence; et, our cela, si sa nécessité ou son impossibilité, qui dépend de causes externes, était connue de nous, nous ne pourrions plus rien en feindre. De là suit que, s'il y avait un Dieu ou quelque chose d'omniscient, il ne pourrait plus rien feindre du tout.


Si donc Spinoza dit qu'il y a dans la nature quelque chose de plus puissant qui "peut" détruire mon Corps, ne réfère-t-il pas à la fois à la nécessité de la mort (tôt ou tard, cette destruction arrivera, il faut juste qu'il y ait rencontre entre moi-même et cette chose d'une telle façon qu'elle me détruit) et au fait que nous soyons ignorants des causes externes qui détermineront cette destruction, bref de la date de notre mort?

Ou plutôt: puisque la mort dépend de causes externes, et puisque "on ne sait pas ce que peut un corps", la date de notre destruction ne dépend-elle pas aussi en partie de notre puissance à nous et de la mesure dans laquelle on l'augmente? Car si par exemple j'ai mieux compris telle ou telle cause externe, je pourrai agir en en tenant compte c'est-à-dire en l'évitant ou en la détruisant moi avant qu'elle ne me détruise. Si c'est le cas, alors on peut effectivement dire que telle ou telle chose plus puissante "peut" me détruire, au sens où elle ne me détruira qu'à condition de ne pas avoir réussi à "négocier" avec elle, de ne pas avoir réussi à créer une quelconque convenance (car dans ce cas ma puissance en sera augmentée, ou lieu d'être réduite à zéro). Ce qui en tant que tel n'enlève rien au fait que tôt ou tard je rencontrerai bel et bien une chose qui me détruirera?

Pourquoipas a écrit :D'autre part, que penses-tu de l'existence même de la médecine quand tu dis "lutter contre la mort est une chose absurde", même si "personne ne peut espérer vaincre la mort" ? Cela demanderait une longue réflexion que je n'ai pas le temps (ni peut-être l'envie) d'entamer aujourd'hui.

Quant au combat, il s'agissait du combat "à mort" (?) contre la passion qui s'appelle la trouille (timor), notamment de la mort... Vivre, c'est aussi lutter durement contre lesdites passions...


en ce qui me concerne, je crois que le spinozisme est très clairement une philosophie "révolutionnaire", et donc une pensée de la lutte. Cela commence déjà par la manière dont il envisage l'essence même d'une chose singulière: elle s'efforce à persévérer dans son être, et donc à augmenter sa puissance. Pour ce faire, elle a besoin d'autres choses, auxquels elle peut s'unir, ou en comprenant toujours davantage, et tout cela ne s'acquiert pas "spontanément", au sens de "sans effort". Il faut même développer toute une stratégie, tout un modèle (exemplar) de l'homme qui nous permet au moins de s'imaginer l'impossible: acquérir une autre nature, une nature meilleure que celle de l'homme.

Cette nature implique une lutte sans cesse contre les Passions Tristes, et donc bien sûr aussi et en premier lieu contre sa propre mort. Mais "lutte" ne veut pas dire nécessairement "guerre", au sens où il ne faut pas nécessairement être "contre" quelque chose pour lutter, il suffit d'être pour quelque chose qui ne s'est pas encore réalisé et que l'on cherche à faire exister (pour plus de "Joie active", par exemple).

Est-ce contradictoire avec l'idée que le sagesse de l'homme libre est une méditation de la vie plutôt que de la mort? On pourrait le penser, mais peut-être faut-il bien tenir compte du mot "méditation" (utilisé rarement par Spinoza). On sait qu'il existe des philosophies ou des manières de vivre où l'on base ses actions sur une "méditation" de notre mort, de notre finitude, de notre supposée "angoisse existentielle". Il me semble qu'à cela Spinoza répond avec Roosevelt: the only thing we have to fear is fear itself.

Autrement dit (et contrairement à ce que j'avais dit il y a quelques mois (année(s)?), lorsque tu soulevais déjà le même problème), je ne crois pas/plus qu'il faut déduire de ce que tu cites ci-dessus que l'homme libre ne "pense" pas à la mort. Je crois qu'il y pense autant qu'il est nécessaire pour lutter contre la mort, ce qui signifie que quelqu'un comme le docteur Rieux y pense beaucoup. Dire l'inverse, ce serait digne de ce que Camus appelle le "bavardage" habituel de la presse ("La presse, si bavarde dans l'affaire des rats, ne parlait plus de rien. C'est que les rats meurent dans la rue et les hommes dans leur chambre. Et les journaux ne s'occupent que de la rue." (La Peste pg. 39). Bref, je ne crois pas que Spinoza s'opposerait à ce que dit un collègue de Rieux:

"Aussi longtemps que chaque médecin n'avait pas eu connaissance de plus de deux ou trois cas, personne n'avait pensé à bouger. Mais, en somme, il suffit que quelqu'un songeât à faire l'addition. L'addition était consternante. En quelques jours à peine, les cas mortels se multiplièrent et il devint évident pour ceux qui se préoccupaient de ce mal curieux qu'il s'agissait d'une véritable épidémie. C'est le moment que choisit Castel, un confrère de Rieux, beaucoup plus âgé que lui, pour venir le voir.
- Naturellement, lui dit-il, vous savez ce que c'est, Rieux?
- J'attends le résultat des analyses.
- Moi, je le sais. Et je n'ai pas besoin d'analyses. J'ai fait une partie de ma carrière en Chine, et j'ai vu quelques cas à Paris, il y a une vingtaine d'années. Seulement, on n'a pas osé leur donner leur nom, sur le moment. L'opinion publique, c'est sacré: pas d'affolement, surtout pas d'affolement. Et puis comme disait un confrère: "C'est impossible, tout le monde sait qu'elle a disparu de l'Occident." Oui, tout le monde le savait, sauf les morts. Allons, Rieux, vous savez aussi bien que moi ce que c'est.
"

Lorsqu'il s'agit de combattre la mort, on ne peut refuser de dire son nom, d'y penser, que par peur, donc par Passion Triste. Or justement, pour pouvoir augmenter la puissance de vie de soi-même et des autres, il faut nécessairement penser à une manière d'éviter la mort, dans certains cas.
Mais dire cela n'est pas du tout dire qu'il faut diriger toute sa vie sur base d'une "méditation" de la mort, c'est-à-dire sur la peur de la mort et sur la contemplation de notre impuissance, car cela ne nous aide en rien de mieux vivre, de vivre davantage. Il ne s'agit donc pas de nier la mort, il s'agit d'une part de l'éviter maximalement (et pour ce faire il faut bien y penser), et d'autre part (c'est-à-dire dès qu'on s'est assuré des choses "vitales" (nourriture, médecine, ...)) de "méditer" maximalement la vie c'est-à-dire d'apprendre à voir ce qui est "bon" en toute chose, ce qui constitue l'essence singulière éternelle de toute chose (essence dont la puissance se traduit en force de persévérer dans son être, bref en "vie").

C'est pourquoi à mon sens la béatitude spinoziste a peu à voir avec la tentative de "voir la vie en rose". Il ne s'agit pas d'homogénéiser la multiplicité des couleurs singulières dont est composé le monde, le sage n'est pas celui qui essaie de ne pas voir tout ce qui va mal dans le monde, pour se laisser éblouir par l'idée/"contemplation" de quelque chose de plus fort que lui et en lequel il pourrait se fondre, perdre sa propre singularité en même temps qu'oublier celle des autres. Le sage spinoziste n'est pas celui qui perd la conscience des choses singulières afin de ne plus voir que du blanc et de s'imaginer que c'est cela "au fond", "le" réel. Il est plutôt celui qui est maximalement "conscient et de soi, et de Dieu, et des choses" (E5P42 scolie). Il ne s'agit pas de "fuir" la complexité du monde réel ou de fuir la misère et la mort en se disant "simplement" que d'un point de vue de l'éternité cela "n'existe pas", il s'agit de devenir toujours plus éternel en apprenant à ne plus avoir peur de la diversité et de ce qui ne va pas dans la vie, en apprenant comment "faire avec", comment faire avec tout cela quelque chose de vraiment créatif donc de révolutionnaire, tel qu'a clairement pu faire Séraphine Louis... .

Avatar du membre
Durtal
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 527
Enregistré le : 17 oct. 2006, 00:00

Messagepar Durtal » 29 oct. 2009, 22:00

Pourquoipas a écrit :
Durtal a écrit :pourquoi pas?! 8-)

mais je ne sais pas si je suis convaincu par ce disposif finalement, lutter contre la mort est une chose absurde, personne ne peut espèrer vaincre la mort, d'un autre coté passer sa vie à méditer la vie est en effet une victoire définitive sur la mort, mais une victoire qui ne passe pas par une lutte. Au fond c'est le contraire: cesser de lutter contre ce que personne ne peut vaincre, aimer la vie purement et simplement, c'est ça la victoire. ( et non sans doute la résurrection du Paul de "ô mort où est ta victoire?).


D.



Cher Durtal,

Je ne suis pas sûr du tout que, en ce qui concerne Spinoza, il place la mort parmi les choses inéluctables, en droit. Dans le TRE, il met l'opinion selon laquelle je sais que je dois mourir parmi les connaissances du premier genre, sues par expérience ou ouï-dire (ou par "lu-écrit") (tout comme je "sais" que le chien aboie, que l'huile attise le feu et que l'eau l'éteint, etc.). (Je ne peux dire où exactement, n'ayant pas le texte sous les yeux.)
De même, considėre bien l'axiome de Éthique IV : il emploie l'expression potest destrui ("peut être détruite") et non destruetur ("sera détruite")... [Ah, chère Louisa, en reviendrions- nous à ce foutu problème de la possibilité chez Spinoza ? :-D]

D'autre part, que penses-tu de l'existence même de la médecine quand tu dis "lutter contre la mort est une chose absurde", même si "personne ne peut espérer vaincre la mort" ? Cela demanderait une longue réflexion que je n'ai pas le temps (ni peut-être l'envie) d'entamer aujourd'hui.

Quant au combat, il s'agissait du combat "à mort" (?) contre la passion qui s'appelle la trouille (timor), notamment de la mort... Vivre, c'est aussi lutter durement contre lesdites passions...

Du moins pour ma pomme, mais, à en croire certains d'entre vous, vous en seriez déjà à la plénitude de la beatitudo...



Salut Pourquoipas.

Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec toi sur le sens de AxE4, qui a pour effet d'après moi d'inscrire au contraire toute chose singulière sur le nécessaire horizon de sa finitude ( de sa prochaine destruction) et le "potest" s'entend alors comme qualifiant le pouvoir qu'a la chose dont il est question dans l'énoncé de détruire l'autre, S. affirmant, me semble-t-il, que justement c'est la caractéristique d'une chose finie que si son existence est donnée alors est donnée aussi l'existence de la chose qui a le pouvoir de la détruire et la détruira donc puisque il est supposé que son existence est donnée en même temps que celle de la première...

L'idée générale derrière cela selon mon opinion étant que l'existence d'une chose singulière est toujours un "moment" de l'existence d'un ensemble de choses singulières, qui forment à leur échelle une chose singulière plus vaste que la première et dont les parties, ont vocation à être remplacées par d'autres. Pour que le corps humain individuel vive, il faut qu'il détruise et assimile certaines autres parties de la nature, et il n'y a pas de raison qu'il échappe lui même à cette loi, de la destruction de son individualité par assimilation à des ensembles plus vastes qui alimentent leur existence de sa destruction (peut être par exemple la perséverance dans l'être de l'espèce humaine comme telle, est l'une de ces choses par laquelle je vis et pour laquelle aussi je péris). C'est en bref une loi des choses de la nature ce "grand individu" dont selon E2, Scol. Lemme VII "les parties, c'est à dire tous les corps, varient d'une infinité de manières, sans aucun changement de l'individu total"

Mais ce n'est pas très grave, car je demeure d'accord avec toi qu'il est surtout question en effet de vaincre la crainte de la mort ( mais, tu seras d'accord que "vaincre la crainte de la mort", ce n'est pas tout à fait la même chose que de "vaincre la mort", et celui qui aurait l'espoir irrationnel de vaincre la mort, se préparerait justement une vie de crainte alimentée par le désir irrationnel entre tous: le désir d'immortalité).

Quoiqu'il en soit, concernant le fait de vaincre sa peur, c'est ce que je voulais dire moi aussi en évoquant l'idée d'une victoire qui ne passe par une lutte.

Et à ce propos, tu remarques que la pensée de la mort, fait partie de ces idées que Spinoza appelle "inadéquates", non pas je crois, qu'il estime que peut être elle n'aura pas lieu, et que l'on se trompe en affirmant en général que nous mourrons, mais plutôt qu'elle ne peut par définition être une idée affirmative de ce que nous sommes ( et par conséquent ne peut non plus être une idée claire et dictincte de quoi que ce soit nous concernant).
C'est pourquoi aussi, l'homme sage, quand bien même serait-ce aux fins de "lutter" contre elle ne pense pas du tout à la mort (fut-il très malade lui même: même malade il reste préoccupé de la vie non de la mort, et c'est par cette préoccupation justement qu'il en triomphe).


D.

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 29 oct. 2009, 22:36

Durtal a écrit :Mais ce n'est pas très grave, car je demeure d'accord avec toi qu'il est surtout question en effet de vaincre la crainte de la mort ( mais, tu seras d'accord que "vaincre la crainte de la mort", ce n'est pas tout à fait la même chose que de "vaincre la mort", et celui qui aurait l'espoir irrationnel de vaincre la mort, se préparerait justement une vie de crainte alimentée par le désir irrationnel entre tous: le désir d'immortalité).


étant en général d'accord avec ce que tu dis, je me permets de m'attarder seulement sur ce qui me semble être plus problématique.

Si par "vaincre la mort" on comprend "abolir définitivement la mort", alors il s'agit clairement d'un espoir irrationnel (à moins que Pourquoipas puisse nous montrer que d'un point de vue spinoziste l'homme est bel et bien immortel). Or est-ce vraiment vaincre la mort ce qu'un malade ou un médecin espère obtenir? Ou est-ce plutôt remettre la mort de telle ou telle personne à plus tard? Si c'est cela, alors je ne vois pas comment ne pas valoriser la lutte contre la mort, d'autant plus que notre essence se définit par l'effort de persévérer dans la vie.

C'était cela, à mon sens, l'objection que Pourquoipas avait faite à l'époque à mon explication de ce passage. Entre-temps, je pense que l'objection est valide. Si l'on subit une thérapie fort douleureuse afin de combattre une maladie mortelle, peut-on ne pas penser à la mort? De même, si l'on est cancérologue par exemple, peut on ne pas penser à la mort?

Durtal a écrit :Quoiqu'il en soit, concernant le fait de vaincre sa peur, c'est ce que je voulais dire moi aussi en évoquant l'idée d'une victoire qui ne passe par une lutte.

Et à ce propos, tu remarques que la pensée de la mort, fait partie de ces idées que Spinoza appelle "inadéquates", non pas je crois, qu'il estime que peut être elle n'aura pas lieu, et que l'on se trompe en affirmant en général que nous mourrons, mais plutôt qu'elle ne peut par définition être une idée affirmative de ce que nous sommes ( et par conséquent ne peut non plus être une idée claire et dictincte de quoi que ce soit nous concernant).
C'est pourquoi aussi, l'homme sage, quand bien même serait-ce aux fins de "lutter" contre elle ne pense pas du tout à la mort (fut-il très malade lui même: même malade il reste préoccupé de la vie non de la mort, et c'est par cette préoccupation justement qu'il en triomphe).


c'est donc quelque chose dans ce genre que j'avais écrit sur ce forum à l'époque. Or comment concevoir que la pensée (= idée) de la mort est une idée inadéquate, lorsque Spinoza y consacre un axiome, c'est-à-dire non seulement une idée vraie mais même une idée censée être communément admise ou connue?

C'est pourquoi à mon sens il faut tenir compte du terme "méditation": penser à la mort n'est pas un problème en soi, et on peut avoir des idées tout à fait adéquates par rapport à elle (il faut même en avoir, lorsqu'on est confronté à elle). Ce qui est problématique et même tout à fait inadéquat, c'est de faire de la mort, ou de la finitude, ou de l'angoisse de la mort la base même de ses méditations au sens de "sagesse" ou de sa "philosophie" ou du modèle de l'homme qu'on va utiliser dans sa vie. Or c'est bien ce que beaucoup de religions font (on peut penser par exemple au christianisme, qui a fait de la mort (sur la croix) le symbole même de sa vision du monde et de l'homme). Ce qui est donc "morbide", c'est de faire d'un manque, d'une privation, la base d'une pensée concernant le bonheur humain. Mais je ne crois pas que vouloir maximalement combattre la mort serait équivalent à ne pas être un sage spinoziste, au contraire même. Le fait qu'il soit sage implique qu'il a une grande puissance, et donc qu'il survivra à pas mal de rencontres avec d'autres choses, puisque la chance de rencontrer des choses plus puissantes que lui diminue, et c'est bien cela ce que par définition on désire tous essentiellement, dans le spinozisme.

Je dirais donc qu'un malade a certainement plus de chances de survivre à sa maladie lorsqu'il se concentre maximalement sur la vie, mais pour ce faire il est bien obligé de tenir compte du fait qu'il y a un tas de choses qu'il ne peut pas faire sinon il mourra. Ce n'est donc pas la pensée de la mort qui est problématique, c'est ce qu'on fait avec qui peut être inadéquat: la peur de la mort, ou une pensée du bonheur et de la vie (autrement dit une sagesse) qui se base sur une idée de la mort, qui se fonde sur elle. Car la vie se déduit, comme tu le dis correctement, d'une affirmation, elle exprime une essence singulière éternelle, donc comprendre comment mieux vivre signifie comprendre cette essence, plutôt que de se baser sur la peur de la mort ou sur une idée Triste par rapport à la mort. On ne peut pas définir un homme par le fait qu'un jour il n'existera pas dans un temps et un lieu précis. Mais cela n'empêche en rien la pensée même de la mort, cela signifie juste qu'on va essayer d'y penser en faisant tout pour la vaincre maximalement, sachant qu'aussi longtemps que quelqu'un est en vie, en théorie cela est possible (puisqu'on ne sait pas ce que peut un corps).

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 08 nov. 2009, 14:47

Salve regina Louisa et Ave rex Durtal

N'ayant sans doute pas la bonne manière de dialoguer terme à terme sur chaque élément de ce qui m'est dit, je vais me contenter de rapporter un échange (bien évidemment réécrit et allégé) par mail entre moi (PP) avec un mien ami (A), portant notamment sur le terme « méditation ». J'ajouterai éventuellement plus tard quelques éléments permettant sans doute d'éclairer tel ou tel point de cet échange, et peut-être une ou deux remarques. Donc voici. (En espérant ne pas y avoir mis trop de ma "mythologique personnelle" – et en ajoutant que les non-latinistes s'y retrouveront grâce aux références.)


21/03/08 – De PP à A

Bonjour,

Je me permets de vous poser la même question que celle que je viens de poser à un ami sur le terme "méditer" (mais je me demande si on en n'avait pas déjà parlé il y a quelques années).

Extrait donc de ce dernier courrier :
    « Disons plus exactement que je poursuis mes recherches sur la vérité (ou ce que je crois deviner être telle) à partir des textes de Spinoza. Et j'ai pu constater récemment in concreto que dans la IV 67 par exemple il a raison : quand on est sage, on ne médite que la vie et uniquement la vie (on dirait qu'être libre ne suffit pas, plus exactement qu'il faut être les deux – je reste persuadé que le de nulla re minus a à voir avec l'existence de la médecine, ou si tu préfères celle même de la confiture de roses [remède dont Spinoza parle dans sa première lettre à Bouwmeester, médecin, la 28, datée de juin 1665 – heureusement d'ailleurs que la médecine a dépassé ce stade ! :-)]...). La question est celle du terme "méditer", à ma connaissance jamais réellement défini ou analysé dans aucun des textes de Maître Benoît. Si tu en connais, peux-tu m'en faire part ?
    Me suis lancé aussi dans la lecture attentive du dernier échange de lettres avec Oldenburg, extraordinaire lui aussi. Ainsi, sa citation dans la lettre 75 (éd. Gebhardt IV, p. 314, l. 12-13) de la phrase célèbre (Luc 9, 60) : Sinite mortuos mortuos suos sepelire ["Laissez les morts enterrer les morts"], qu'on retrouve quasiment dans les mêmes termes dans la lettre que Sténon lui a envoyée peu avant (en 1675 – Geb. IV, 294, 10-11), mais bien sûr utilisée dans un tout autre esprit. »

22/03/08 – De A à PP

Non, Spinoza ne définit nulle part le terme "méditer"; à nous d'en tirer le sens de son usage. je suppose qu'il l'utilise au ras du langage courant, peut-être légèrement renforcé par l'usage protestant (Méditations sur les psaumes) renforcé/détourné par Descartes (Meditationes de prima philosophia). Donc penser à quelque chose de façon intensive, le "remâcher", mais aussi peut-être vouloir en tirer des conséquences.
Amitiés
NB : j'ignore si Spinoza a reçu la lettre de Sténon (c'est plutôt une publication en forme de lettre qu'une vraie correspondance; peut-être ne l'a-t-il jamais envoyée à Spinoza)


23/03/08 – De PP à A

Pour en revenir aux termes "méditer", "méditation", j'ai retrouvé le message où nous en avions parlé (du 25 mars 2005, 19 h 42). En voici copie [c'était au sujet de la lettre 21 à Blyenbergh, où Spinoza parle de la prière : "je ne nie pas que les prières ne nous soient très utiles, car mon entendement est trop petit pour déterminer tous les moyens que Dieu a pour conduire les hommes à l’amour de lui, c’est-à-dire au salut ; tant s’en faut donc que cette opinion soit nocive, au contraire, pour ceux qui ne sont pas encombrés de préjugés ou de puérile superstition, elle est un moyen unique de parvenir au plus haut degré de béatitude"] :
    [De PP à A] « Connaissez-vous d'autres textes de Spinoza sur la prière ? J'avoue avoir du mal à entendre ce que cela peut bien signifier pour lui (peut-être ce qu'il appelle ailleurs méditation ?). »
    [De A à PP] « Dans le TTP, il se demande quelles sacrifices utilisaient Abraham et les patriarches puisqu'ils n'avaient pas d'Etat - ce qu'il en dit vaut aussi, sans doute, pour des prières (éd. PUF, trad. Moreau-Lagrée, p. 58-59, Geb. 72-73) et effectivement les méditations (p. 62, Geb. 76, l. 3) »
A part ça, voici ce que j'ai trouvé dans l'Ethique et le TTP sur la méditation (+ à la fin de la 2e lettre à Bouwmeester [la 37, de juin 1666]) – toutes les occurrences semblent aller dans le même sens que ce que vous dites, prendre le terme au sens courant du mot (qui est probablement aussi celui de Georges de La Tour dans sa Madeleine à la veilleuse) :
(j'y ai joint l'utilisation du verbe meditare + 1 praemeditata juste pour mémoire). (Pour meditatio lui-même il n'y en a que 4.)

    > I 33 S2 – Verùm neque etiam dubito, si rem meditari vellent, nostrarumque demonstrationum seriem rectè secum perpendere, quin tandem talem libertatem, qualem jam Deo tribuunt, non tantùm, ut nugatoriam, sed, ut magnum scientiae obstaculum, planè rejiciant.
    > I Appendix tout à la fin – Si quaedam hujus farinae adhuc restant, poterunt eadem ab unoquoque mediocri meditatione emendari.
    > II 40 S1, début – Praeterea constaret, unde notiones illae, quas Secundas vocant, et consequenter axiomata, quae in iisdem fundantur, suam duxerunt originem, et alia, quae circa haec aliquando meditatus sum.
    > III 39 Dm – Sed si inde aliquid tristius, sive (quod idem est) majus malum sibi timeat, idque se vitare posse credit, non inferendo ei, quem odit, malum, quod meditabatur, à malo inferendo (per eandem 28 hujus) abstinere cupiet ; idque (per 37 hujus) majore conatu, quàm quo tenebatur inferendi malum, qui propterea praevalebit, ut volebamus.
    > IV 20 S – At quòd homo ex necessitate suae naturae conetur non existere, vel in aliam formam mutari, tam est impossibile, quàm quòd ex nihilo aliquid fiat, ut unusquisque mediocri meditatione videre potest.
    > IV 67 – Homo liber de nullâ re minùs, quàm de morte cogitat, et ejus sapientia non mortis, sed vitae [i]meditatio est.
    > IV 67 Dm – hoc est (per 24 hujus), agere, vivere, suum esse conservare ex fundamento proprium utile quaerendi ; atque adeò nihil minùs, quàm de morte cogitat ; sed ejus sapientia vitae est meditatio.[/i]
    > V 10 S – Ut autem hoc rationis praescriptum semper in promptu habeamus, ubi usus erit, cogitandae, et saepe meditandae sunt communes hominum injuriae, et quomodò, et quâ viâ Generositate optimè propulsentur ;
    > Ibid. – vel si Ira, quae ex maximis injuriis oriri solet, non adeò facilè superetur, superabitur tamen, quamvis non sine animi fluctuatione, longè minore temporis spatio, quàm si haec non ità praemeditata habuissemus, ut patet ex 6, 7 et 8 hujus Partis.

Sans oublier :
    > TTP, cap. V – Hic igitur scopus caeremoniarum fuit, ut homines nihil ex proprio decreto, sed omnia ex mandato alterius agerent, et continuis actionibus, et meditationibus faterentur, se nihil prorsus sui, sed omnino alterius juris esse (TTP Moreau-Lagrée, 224, § 12)
    > Ibid., cap. VI – Ad haec igitur, et, quod multa admodum breviter, sine ullis circumstantiis, et fere mutilate narrentur, si quis probe attenderit, nihil fere in Scriptura reperiet, quod possit demonstrari lumini naturae repugnare, et contra multa, quae obscurissima visa sunt, mediocri meditatione intelligere poterit et facile interpretari. (réf. précises à retrouver)
    > Ibid., cap. IX – Quin addo me nihil hîc scribere, quod dudum et diu meditatum non habuerim, et quanquam a pueritia opinionibus de Scriptura communibus imbutus fuerim, non tamen potui tandem haec non admittere. (réf. ?)
    > Ibid., cap. X – Dialogum componendi : nam quae in eo continentur, ut etiam stylus, non viri inter cineres misere aegrotantis, sed otiose in musaeo meditantis videntur (réf. ?)


Pour Sténon, ce qui me faisait soupçonner que Spinoza avait lu sa lettre, c'est que les deux expressions sont très proches (mais bon, après tout, elles sont tellement passe-partout), ainsi que la proximité des dates :
— Sténon : « (...) quo sensu Christus dixit, Sinite mortuos suos sepelire mortuos, (...) »
— Spinoza : « (...) eo sensu, quo Christus dixit, sinite mortuos mortuos suos sepelire (...) »

Mais je continue à réfléchir (méditer) à la différence que la IV 67 semble impliquer entre "homme libre" (donc chose finie de la nature, si libre soit-elle) et "sa sagesse" (qui serait sa part divine, donc éternelle ???). Je sais bien que ce n'est plus trop à la mode de le dire, mais Spinoza est quand même assez christique (il le dit d'ailleurs lui-même assez souvent). En clair, cela voudrait dire : que le Christ montant au Golgotha est déjà ressuscité, et que Pâques a lieu avant et pendant le Vendredi saint... Je reviens donc ainsi à ma question basique : la béatitude est-elle possible en montant au Calvaire, en d'autres termes est-elle possible à Auschwitz ? (Pour Spinoza, il est évident que oui...)


17/04/08 – De A à PP

Pour meditatio, il y a bien entendu aussi l'assidua meditatio du début du TIE (§ 7; et aussi : praemeditato consilio § 44 et meditationibus internis au § suivant). quand je dis "au sens courant" - je devrais dire "en latin", peut-être plus proche de "penser", "réfléchir", que ne l'est le mot français "méditer" actuellement, qui implique une sorte de repli sur soi.
Sur Spinoza et le Christ, je ne suis pas sûr de saisir ce que vous voulez dire.

Sur la différence entre sage et homme libre, d'accord avec vous. en fait, le sage, c'est le portrait du sage, l'exemplar construit pour permettre à l'homme libre d'avancer (alors que le sage n'avance pas, n'a pas besoin d'avancer).

Valete
Cur non ?

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 08 nov. 2009, 14:54

Image

Georges de La Tour (1593-1652), Madeleine à la veilleuse (vers 1640-1645). Musée du Louvre (Paris).

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 08 nov. 2009, 16:19

Louisa a écrit :[...] à moins que Pourquoipas puisse nous montrer que d'un point de vue spinoziste l'homme est bel et bien immortel). [...]


Je n'ai jamais prétendu quelque chose de tel : j'ai simplement dit que je n'ai pas vu chez Spinoza aucune preuve fondée en raison, en intellect, qu'il soit inéluctable, nécessaire, qu'un quelconque objet de la nature rencontre un jour ce qui va le détruire. Comme on (et ici et ailleurs) l'a souvent remarqué, je ne pense pas qu'il y ait quelque part chez lui de pensée de l'évolution, de l'usure, du vieillissement. D'où probablement vient la fameuse question de l'essence individuelle (que tu évoques souvent), qu'on pourrait dire en gros qu'elle est celle de la continuité et/ou discontinuité d'un individu dans l'existence (je laisse ici de côté celle, redoutable, des essences dans les attributs de Dieu : les rectangles compris dans le cercle) : voir le fameux scolie du "poète espagnol", celui sur le suicide (le IV 20 S, vers la fin quand Spinoza parle de "causes extérieures cachées" qui changeraient la nature du corps d'une façon telle, "contraire à la première", que l'idée ne pourrait s'en trouver dans l'âme : passage très mystérieux pour moi, car pourquoi l'âme ne changerait-elle pas de nature elle aussi simultanément à celle du corps ?), etc.
En fait, je ne peux croire que Spinoza puisse penser qu'un individu change d'essence comme de chemise (et même beaucoup plus souvent !)... :D

Mais assez pour aujourd'hui.
Modifié en dernier par Pourquoipas le 09 nov. 2009, 02:51, modifié 1 fois.

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 09 nov. 2009, 00:37

Cher pourquoi pas

Comme vous le savez le déni de la possibilité de cause du suicide qui soit intérieure au sujet est démontré à partir de la prop 4 partie 3 (via la prop 10/3)
Nulle chose ne peut être détruite, sinon par une cause extérieure .
Demonst : en effet la définition de la chose affirme l’essence de la chose …

……………………………………………………………………..
La partie de la prop 20/4 scolie que vous soulignez est effectivement énigmatique . Elle se réfère probablement à un inexplicable du suicide par des causes extérieures visibles, identifiables ,descriptibles, telles celles dont il a parlé plus haut .
On est donc en présence de suicide ayant des causes toujours extérieures mais cachées .
Elles sont efficaces puisqu’ elles disposent l’imagination et plus elles affectent le corps de telle sorte que celui ci revêt une autre nature contraire à la première (sic).
Ce qui signifie que le corps du suicidé ( en puissance ) ‘n’est plus le même . mais un corps d’une autre nature .
Ce qui serait encore compréhensible mais là on ça s’aggrave c’est que de ce corps l’esprit n’en a pas idée .

Quelle est alors l’idée : c’est une idée qui exclut l’existence présente de notre corps et par conséquent de notre esprit et qui par conséquence est contraire à l’idée qui constitue notre Esprit ( scolie prop 11/3)
Cette idée d’une manière qui n’existe pas est (par prop 8/1)*** comprise dans l’idée infinie de Dieu .

……………………………………………..
Tel que je comprends : il existe dans l’idée de Dieu une manière contraire à l’idée qui constitue l’essence de mon esprit ( de mon esprit comme idée du corps ) L’idée objective de ce non -corps ne constitue pas l’esprit humain .

Des causes extérieures affectent le corps de telle sorte que celui ci revêt une autre nature contraire à la première .
Le suicide est un pâtir .
En l’absence de sujet ( libre à un certain point ) Spinoza ne peut décrire adéquatement ( clairement) le passage à l’acte .
.Ambiguïté de sa description où forcé par les causes extérieures c’est néanmoins bine un sujet qui retourne l’arme contre lui-même .

…………………………………………………..

Il me semble que pour les causes cachées la différent d’avec le suicide par les causes extérieures visibles réside dans ce changement de nature du corps (’ et je dirai :donc de l’esprit )
Il ne me semble pas que Spinoza aille plus loin .
Dans tous les cas ceux qui se suicident se trouvent défaits par des causes extérieures .

Bien à vous
Hokousai

( je me réfère au renvoi de Spinoza lui m^me bien évidemment , je ne fais que de la paraphrase ….. de la dignité de la paraphrase !!)


Retourner vers « Anthropologie »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 15 invités