Utilité du karaté et de Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 09 nov. 2009, 04:08

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
[...] à moins que Pourquoipas puisse nous montrer que d'un point de vue spinoziste l'homme est bel et bien immortel). [...]


Je n'ai jamais prétendu quelque chose de tel : j'ai simplement dit que je n'ai pas vu chez Spinoza aucune preuve fondée en raison, en intellect, qu'il soit inéluctable, nécessaire, qu'un quelconque objet de la nature rencontre un jour ce qui va le détruire. Comme on (et ici et ailleurs) l'a souvent remarqué, je ne pense pas qu'il y ait quelque part chez lui de pensée de l'évolution, de l'usure, du vieillissement. D'où probablement vient la fameuse question de l'essence individuelle (que tu évoques souvent), qu'on pourrait dire en gros qu'elle est celle de la continuité et/ou discontinuité d'un individu dans l'existence (je laisse ici de côté celle, redoutable, des essences dans les attributs de Dieu : les rectangles compris dans le cercle) : voir le fameux scolie du "poète espagnol", celui sur le suicide (le IV 20 S, vers la fin quand Spinoza parle de "causes extérieures cachées" qui changeraient la nature du corps d'une façon telle, "contraire à la première", que l'idée ne pourrait s'en trouver dans l'âme : passage très mystérieux pour moi, car pourquoi l'âme ne changerait-elle pas de nature elle aussi simultanément à celle du corps ?), etc.
En fait, je ne peux croire que Spinoza puisse penser qu'un individu change d'essence comme de chemise (et même beaucoup plus souvent !)...


Salve caesar Curnon,

d'abord merci pour l'aperçu des occurrences de la méditation. Cela me permettra de vérifier mon hypothèse à ce sujet (ce qui ne sera plus pour aujourd'hui).

Merci aussi d'avoir mentionné l'E4P20 scolie, je n'avais pas encore fait attention au fait qu'il y parle de causes extérieures "cachées" ou de "méditation".

Sinon je pense que "mourir" chez Spinoza c'est précisément cela: changer de nature. Et je ne vois pas pourquoi il faudrait dire, comme tu le suggères, qu'il serait possible d'avoir un tel changement au niveau de l'Esprit et non pas au niveau du Corps ... ? A mon sens il s'opère toujours parallèlement dans l'un et dans l'autre, non?

Quant à la preuve de la durée limitée de chaque existence temporelle d'un mode fini: il est vrai que je ne sais pas immédiatement comment la démontrer, donc la question mérite d'être posée.

Or Spinoza admet l'idée de suicide. Ce serait quoi le suicide, si ce n'était la mort, donc la fin de l'existence dans un temps et un lieu précis, de celui qui se suicide .. ? Lorsqu'il dit que "l'un se tue parce que l'autre l'y force", ne faut-il pas dire qu'il s'agit d'une reconnaissance explicite de la mort ... ?

A mon sens (à vérifier) il faut dire que pour Spinoza la vie c'est la conservation de la forme c'est-à-dire le maintien dans le temps et l'espace, pour un mode de l'attribut de l'Etendue, d'un certain rapport déterminé de mouvement et de repos. La mort, en revanche, c'est la destruction de cette forme, ce qui signifie qu'on passe à un autre rapport de mouvement et de rapport. Comme Spinoza le dit en l'E4P39 démo:

Spinoza a écrit :Ensuite, ce qui fait que les parties du Corps humain reçoivent un autre rapport de repos et de mouvement, fait aussi que le Corps humain revêt une autre forme, c'est-à-dire (comme il va de soi, et comme nous l'avons fait remarquer à la fin de la préface à cette partie) fait que le Corps humain est détruit (...).


Dans le scolie qui suit cette démonstration il dira en effet que la mort c'est cela: la destruction d'une forme, ou plutôt la destruction d'un Corps, qui passe ainsi à une autre forme. Bien sûr, changer de forme n'est pas exactement la même chose que de changer de chemise. Mais si le changement de forme, comme il l'affirme dans le scolie, revient à mourir, qu'est-ce qui te fait penser que chez Spinoza la mort n'existe pas ... ?

Valete ... cur non?
L.

PS: difficile de ne pas aimer Georges de La Tour .. .

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Messagepar Pourquoipas » 09 nov. 2009, 22:59

Louisa a écrit : [...]
Sinon je pense que "mourir" chez Spinoza c'est précisément cela: changer de nature. Et je ne vois pas pourquoi il faudrait dire, comme tu le suggères, qu'il serait possible d'avoir un tel changement au niveau de l'Esprit et non pas au niveau du Corps ... ? A mon sens il s'opère toujours parallèlement dans l'un et dans l'autre, non?


Je ne crois pas que tu aies bien compris ce que je voulais dire, ou que je me suis mal ou trop succinctement exprimé. Voici donc à peu près comment je vois la chose :
1) Il y a un corps A, constitué d'un rapport précis ou certain (certus) de mouvement et de repos.
2) Comme il se doit, il y a une idée que Dieu a de ce corps, idée qui est l'âme (mens) de ce corps. On a donc un corps A et une âme A (la même chose considérée sous deux attributs).
3) Spinoza envisage l'hypothèse que des causes extérieures au corps A (non connues de nous, mais pas de Dieu bien sûr) affectent ce corps A et son imagination de telle sorte qu'il change de nature (le rapport mouvement-repos n'est plus le même) : on peut alors l'appeler corps B, dont il est précisé qu'il est contraire au corps A.
4) Donc de ce corps B, Dieu a aussi une idée, qui est l'âme B.
Jusque-là, tout semble OK.
Mais voici qui me semble problématique (si j'ai bien compris) : il ne peut y avoir idée de ce corps (B) dans l'âme A, puisqu'elle l'exclut et lui est contraire (selon la III 10, précise Spinoza). Ma question est celle-ci : puisque le corps A est devenu le corps B (tout en restant apparemment le même), pourquoi [ici, rectification d'une coquille (j'avais écrit "puisquoi") qui se retrouve dans la citation qu'en fait Louisa dans sa réponse plus bas : qu'elle veuille me pardonner ; on ne se relit jamais assez] l'âme A n'est-elle pas devenue elle aussi simultanément l'âme B ?
Car, puisqu'il s'agit ici de ce qu'on appelle « suicide » ou disons « auto-meurtre », le corps ne s'est pas dédoublé en deux corps A et B : il est resté le même. Et qui tue qui ? A tue B ou B tue A ?
Je dois dire que là je suis perdu. La seule piste que j'envisage est celle-ci : il ne peut que subsister des traces de la mémoire-imagination A (et donc certains rapports mouvement-repos A) dans la mémoire-imagination B (et les nouveaux rapports mouvement-repos B), et que B ne peut supporter : mais comment l'âme B peut-elle ignorer que son corps B, en tuant A, va aussi tuer son propre corps B ? ce qui nous fait re-contredire la III 10, ce qui est impossible, vient de nous répéter Spinoza...
Ou faut-il donc, dans ce cas, assimiler l'auto-meurtre à un cas d'auto-mutilation particulièrement réussi ???
PS – J'espère réellement avoir fait erreur quelque part, ou oublié (ou ignoré) quelque point dans la pensée de Spinoza qui expliquerait la chose. Mais heureusement que ce forum ne manque pas de neurones.

Louisa a écrit :Mais si le changement de forme, comme il l'affirme dans le scolie, revient à mourir, qu'est-ce qui te fait penser que chez Spinoza la mort n'existe pas ... ?

Ma réponse sera là beaucoup plus simple : je n'ai jamais dit quelque chose de tel, jamais.

Louisa a écrit :Valete ... cur non?
L.

Un peu de cuistrerie pour finir : en latin, le vouvoiement de politesse n'existe pas (il fallait dire Vale : on tutoie César, les dieux, Dieu, son esclave). Quand j'avais dit Valete, je m'adressais à tous. Je ne suis pas encore corps-âme A et corps-âme B, Dieu merci (ces deux derniers termes à prendre dans tous les sens possibles et imaginables)...

Louisa a écrit :PS: difficile de ne pas aimer Georges de La Tour .. .

Peut-être Madeleine est-elle en train d'essayer de comprendre le scolie de la proposition 20 de la partie IV de l'Éthique, ou tout simplement de trouver le temps long en attendant son amant qui met du temps à revenir du bistrot, alors qu'elle lui avait mijoté un bon petit repas qui est en train de refroidir...
Modifié en dernier par Pourquoipas le 10 nov. 2009, 07:25, modifié 2 fois.

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Messagepar Pourquoipas » 09 nov. 2009, 23:17

hokousai a écrit :Cher pourquoi pas

Comme vous le savez le déni de la possibilité de cause du suicide qui soit intérieure au sujet est démontré à partir de la prop 4 partie 3 (via la prop 10/3)
Nulle chose ne peut être détruite, sinon par une cause extérieure .
Demonst : en effet la définition de la chose affirme l’essence de la chose …

……………………………………………………………………..
La partie de la prop 20/4 scolie que vous soulignez est effectivement énigmatique . Elle se réfère probablement à un inexplicable du suicide par des causes extérieures visibles, identifiables ,descriptibles, telles celles dont il a parlé plus haut .
On est donc en présence de suicide ayant des causes toujours extérieures mais cachées .
Elles sont efficaces puisqu’ elles disposent l’imagination et plus elles affectent le corps de telle sorte que celui ci revêt une autre nature contraire à la première (sic).
Ce qui signifie que le corps du suicidé ( en puissance ) ‘n’est plus le même . mais un corps d’une autre nature .
Ce qui serait encore compréhensible mais là on ça s’aggrave c’est que de ce corps l’esprit n’en a pas idée .

Quelle est alors l’idée : c’est une idée qui exclut l’existence présente de notre corps et par conséquent de notre esprit et qui par conséquence est contraire à l’idée qui constitue notre Esprit ( scolie prop 11/3)
Cette idée d’une manière qui n’existe pas est (par prop 8/1)*** comprise dans l’idée infinie de Dieu .

……………………………………………..
Tel que je comprends : il existe dans l’idée de Dieu une manière contraire à l’idée qui constitue l’essence de mon esprit ( de mon esprit comme idée du corps ) L’idée objective de ce non -corps ne constitue pas l’esprit humain .

Des causes extérieures affectent le corps de telle sorte que celui ci revêt une autre nature contraire à la première .
Le suicide est un pâtir .
En l’absence de sujet ( libre à un certain point ) Spinoza ne peut décrire adéquatement ( clairement) le passage à l’acte .
.Ambiguïté de sa description où forcé par les causes extérieures c’est néanmoins bine un sujet qui retourne l’arme contre lui-même .

…………………………………………………..

Il me semble que pour les causes cachées la différent d’avec le suicide par les causes extérieures visibles réside dans ce changement de nature du corps (’ et je dirai :donc de l’esprit )
Il ne me semble pas que Spinoza aille plus loin .
Dans tous les cas ceux qui se suicident se trouvent défaits par des causes extérieures .

Bien à vous
Hokousai

( je me réfère au renvoi de Spinoza lui m^me bien évidemment , je ne fais que de la paraphrase ….. de la dignité de la paraphrase !!)


Cher Hokousaï,

Sachez que je ne vous oublie pas, mais que, pour le moment, ma réponse à Louisa (qui s'adressait d'ailleurs aussi à vous) m'a pris beaucoup plus de temps que prévu, et qu'il faut que j'aille enlever ce vilain crâne sous la main de Madeleine pour y placer la mienne...

De toute façon, j'envisage de re-penser ici ce scolie tout entier, terme à terme, phrase à phrase, d'ici quelque temps, ma compulsion "auto-mutilatrice" (une forme de "suicide" à la petite semaine, quoi !) des quelques mots que j'avais écrits ici ou là sur ce forum semblant s'être calmée...

Bien à vous à l'ombre du Fuji-Yama

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Messagepar hokousai » 09 nov. 2009, 23:50

à pourquoipas

il me vint subitement à l'esprit que le corps B c'est le corps mort du suicidé , dans ce cas effectivement il ne peut y en avoir une idée dans l'esprit .

"" disposent l'imagination de telle sorte et affectent le corps de telle sorte .......qu' il y a suicide ( donc autre nature du corps )

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Messagepar Louisa » 10 nov. 2009, 01:09

Pourquoipas a écrit :1) Il y a un corps A, constitué d'un rapport précis ou certain (certus) de mouvement et de repos.
2) Comme il se doit, il y a une idée que Dieu a de ce corps, idée qui est l'âme (mens) de ce corps. On a donc un corps A et une âme A (la même chose considérée sous deux attributs).
3) Spinoza envisage l'hypothèse que des causes extérieures au corps A (non connues de nous, mais pas de Dieu bien sûr) affectent ce corps A et son imagination de telle sorte qu'il change de nature (le rapport mouvement-repos n'est plus le même) : on peut alors l'appeler corps B, dont il est précisé qu'il est contraire au corps A.
4) Donc de ce corps B, Dieu a aussi une idée, qui est l'âme B.
Jusque-là, tout semble OK.


je crois qu'il faut travailler avec trois corps A, B et C pour que cela fonctionne.

Ce qui est contraire à A, c'est le corps C, C étant la cause extérieure de la mort de A. Sinon un corps qui n'existe pas encore (B) aurait la capacité de tuer un corps qui existe (A), ce qui est absurde. A se transforme en B, à cause de l'action de C sur A. C étant contraire à la nature de A, pour A être affecté par C signifie être détruit. Or la "figure" (figura) de A (qui n'a rien à voir avec sa forme, forma) peut rester intacte (en effet, puisqu'elle n'est qu'une sorte d'enveloppe, et pas du tout l'essence même de A) même une fois que A est détruite, et surtout si l'un des autres effets produits sur les corps qui effectuaient le rapport qui caractérise A, ne sont pas pour autant détruits, et donc peuvent maintenant, sous la même action de C, se réorganiser en un rapport qui lui caractérise B.

Pourquoipas a écrit :Mais voici qui me semble problématique (si j'ai bien compris) : il ne peut y avoir idée de ce corps (B) dans l'âme A, puisqu'elle l'exclut et lui est contraire (selon la III 10, précise Spinoza).


à mon sens il faudrait donc dire que:

- il ne peut y avoir d'idée de B dans l'âme A simplement parce qu'aussi longtemps que A existait, B n'existait pas encore, donc ne pouvait pas affecter A, et l'âme ne peut avoir une idée d'une chose extérieure sans que le corps soit affectée par cette chose (E2P26).

- il ne peut pas non plus y avoir d'idée de C dans l'âme de A, parce que C est contraire à A (c'est-à-dire l'idée de C est bel et bien "une idée qui exclut l'existence de notre Corps", puisque de C suit nécessairement la destruction de A, E3P10). Il faut donc dire, je suppose, que dès que C affecte A, A est détruit (C n'est pas un corps qui a également la possibilité d'affecter A sans le détruire, pour ne passer à la destruction qu'à un moment ultérieur).

Pourquoipas a écrit : Ma question est celle-ci : puisque le corps A est devenu le corps B (tout en restant apparemment le même), puisquoi l'âme A n'est-elle pas devenue elle aussi simultanément l'âme B ?


je dirais plutôt: qu'est qui te fait douter de l'idée que l'âme A a été tout aussi immédiatement remplacée par l'âme B ... ? A mon avis c'est bel et bien la chose A qui est substituée par la chose B, corps et âme simultanément.

Sinusix a écrit :Car, puisqu'il s'agit ici de ce qu'on appelle « suicide » ou disons « auto-meurtre », le corps ne s'est pas dédoublé en deux corps A et B : il est resté le même. Et qui tue qui ? A tue B ou B tue A ?


le corps n'est resté le même que dans son aspect extérieur (et donc pas du tout "essentiellement"), et cela à mon sens non pas dans le cas du suicide (où l'aspect extérieur du corps mort très vite n'a plus grand-chose à voir avec l'aspect extérieur du corps vivant), mais uniquement dans des cas comme celui du poète espagnol (là c'est la même "figure" qui une fois "sert" à effectuer le rapport qui caractérise le poète en question, et ensuite sert à effectuer un tout autre rapport ou une toute autre essence).

Dans ce cas (du poète espagnol), c'est C qui tue A, ce qui fait que les corps qui constituaient A vont prendre un autre "ordre" les uns par rapport aux autres et ainsi effectuer B. Mais B ne peut jamais tuer A, puisque B ne commence à exister qu'après A (et que des essences ne s'entretuent pas, comme il va de soi).

Dans le cas du suicide en revanche il ne s'agit pas de changer de forme (au sens d'échanger l'une pour l'autre), puisque même la figure se perd, il s'agit d'être dissout en différentes formes (tout ce en quoi un corps humain se décompose lorsqu'il est sous terre). Il n'empêche qu'ici aussi, c'est C qui a tué A, et non pas l'ensemble de tous les b1, b2, b3, ... bx que le corps A est devenu une fois morte, car de nouveau, cet ensemble n'existait pas lorsque A existait, donc ne pouvait pas produire un effet sur A.

Pourquoipas a écrit :Je dois dire que là je suis perdu. La seule piste que j'envisage est celle-ci : il ne peut que subsister des traces de la mémoire-imagination A (et donc certains rapports mouvement-repos A) dans la mémoire-imagination B (et les nouveaux rapports mouvement-repos B), et que B ne peut supporter : mais comment l'âme B peut-elle ignorer que son corps B, en tuant A, va aussi tuer son propre corps B ? ce qui nous fait re-contredire la III 10, ce qui est impossible, vient de nous répéter Spinoza...


en effet, je ne vois pas non plus comment s'en sortir de cette façon, mais donc ne faudrait-il pas dire que tu confondais deux types de destruction ou de mort différents (1) une seule et même figure passe d'une forme A à une forme B, et 2) un corps ou une forme A est dissout en une tas de formes différentes qui ne vont plus rentrer dans un seul et même rapport), et deux corps différents (1) le nouveau corps effectué par les corps qui constituaient A, et 2) le corps C cause extérieure de la transformation)?

Pourquoipas a écrit :Ou faut-il donc, dans ce cas, assimiler l'auto-meurtre à un cas d'auto-mutilation particulièrement réussi ???


à mon sens les deux termes perdent leur pertinence, chez Spinoza, et cela précisément à cause de l'E4P20.

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
Mais si le changement de forme, comme il l'affirme dans le scolie, revient à mourir, qu'est-ce qui te fait penser que chez Spinoza la mort n'existe pas ... ?


Ma réponse sera là beaucoup plus simple : je n'ai jamais dit quelque chose de tel, jamais.


en effet, désolée, j'aurais dû y ajouter: qu'est-ce qui te fait penser que chez Spinoza la mort n'existe pas en droit? Ou que voulais-tu dire par là plus précisément?

Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :
Valete ... cur non?
L.


Un peu de cuistrerie pour finir : en latin, le vouvoiement de politesse n'existe pas (il fallait dire Vale : on tutoie César, les dieux, Dieu, son esclave). Quand j'avais dit Valete, je m'adressais à tous. Je ne suis pas encore corps-âme A et corps-âme B, Dieu merci (ces deux derniers termes à prendre dans tous les sens possibles et imaginables)...


intéressant, je ne m'étais pas encore posée la question.
Merci de l'info!
L.

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Messagepar Pourquoipas » 10 nov. 2009, 01:34

hokousai a écrit :à pourquoipas

il me vint subitement à l'esprit que le corps B c'est le corps mort du suicidé , dans ce cas effectivement il ne peut y en avoir une idée dans l'esprit .

"" disposent l'imagination de telle sorte et affectent le corps de telle sorte .......qu' il y a suicide ( donc autre nature du corps )


J'en doute fort, car les expressions employées (surtout celle que vous remplacez par des points de suspension : "de telle sorte que le corps revêt (induat) une autre nature, contraire à la première") semblent indiquer qu'il y a bien contrariété, conflit entre deux corps vivants, mais qui là se trouvent être le même corps.
N'oublions pas qu'il s'agit ici de la troisième hypothèse par laquelle Spinoza prétend détruire l'idée qu'il pourrait y avoir chez quelqu'un volonté propre d'en finir, trois hypothèses toutes basées sur des conflits :
— dans la première, il s'agit purement et simplement d'un assassinat direct de quelqu'un par un autre plus costaud et cherchant à échapper à la justice ;
— dans la deuxième, il s'agit là encore d'un assassinat mais indirect, le meurtrier laissant sa victime devant un choix très simple : soit tu t'exécutes toi-même, soit tu subis la torture avant, on exécute, torture, viole ou déporte ceux que tu aimes, etc. (Néron à Sénèque, Hitler à Rommel) ; bref il s'agit d'être forcé au moindre mal ;
— dans la troisième, qui nous occupe, cela devient plus compliqué, car le conflit est, apparemment, interne (cas le plus courant de ce qu'on appelle "suicide"), ce qui pour Spinoza est impossible : il lui faut donc faire intervenir des causes extérieures à l'individu, qui vont en quelque sort le dédoubler, ce qui ramène en fait la question à l'une des deux premières hypothèses.

Je dis tout cela pour essayer de clarifier la question, mais je n'en suis pas vraiment satisfait. Mais pour ce soir, je laisse reposer la pâte.

Portez-vous bien.

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Messagepar Louisa » 10 nov. 2009, 02:41

Juste une petite chose par rapport à ce que Pourquoipas vient d'écrire et qui m'oblige à nuancer un peu ce que j'ai écrit ci-dessus:

Pourquoipas a écrit :J'en doute fort, car les expressions employées (surtout celle que vous remplacez par des points de suspension : "de telle sorte que le corps revêt (induat) une autre nature, contraire à la première") semblent indiquer qu'il y a bien contrariété, conflit entre deux corps vivants, mais qui là se trouvent être le même corps.


c'est vrai qu'ici il faut dire que c'est B qui est avant tout contraire à A, même si la cause est C.

J'avoue que je ne vois pas immédiatement en quoi ce que je viens de dire devrait être modifié en précisant cela, mais je voulais juste le dire parce qu'ici en effet on a, comme tu l'avais dit, A contre B.

Pourquoipas a écrit :N'oublions pas qu'il s'agit ici de la troisième hypothèse par laquelle Spinoza prétend détruire l'idée qu'il pourrait y avoir chez quelqu'un volonté propre d'en finir, trois hypothèses toutes basées sur des conflits :
— dans la première, il s'agit purement et simplement d'un assassinat direct de quelqu'un par un autre plus costaud et cherchant à échapper à la justice ;
— dans la deuxième, il s'agit là encore d'un assassinat mais indirect, le meurtrier laissant sa victime devant un choix très simple : soit tu t'exécutes toi-même, soit tu subis la torture avant, on exécute, torture, viole ou déporte ceux que tu aimes, etc. (Néron à Sénèque, Hitler à Rommel) ; bref il s'agit d'être forcé au moindre mal ;


rappelons que Spinoza parle trois fois d'un véritable suicide: "car l'on se tue parce qu ...; un autre, c'est ... ; ou bien enfin ...", trois cas où l'on pourrait dire en effet que la personne s'est tuée elle-même (dans le premier cas c'est bien sa propre main qui l'a fait, dans le deuxième c'est lui-même qui s'ouvre les veines même sans que quelqu'un prend sa main, et dans le troisième personne ne veut sa mort, et néanmoins il se tue).

Le but de l'exercice étant, il me semble, de montre qu'en réalité il n'y a jamais eu suicide, dans aucun de ces trois cas, mais toujours assassinat, c'est-à-dire meurtre opéré par une cause extérieure, même si à chaque fois la cause efficiente prochaine c'est son propre Corps. A chaque fois la cause efficiente prochaine n'était que partielle, à chaque fois le Corps était "contraint" (co-actum, co-agi) à agir par un autre corps (car on sait que les imaginations, étant des idées inadéquates, ne sont elles aussi que partiellement causées notre nature à nous, et donc toujours aussi partiellement par une chose hors de nous).

Pourquoipas a écrit :— dans la troisième, qui nous occupe, cela devient plus compliqué, car le conflit est, apparemment, interne (cas le plus courant de ce qu'on appelle "suicide"), ce qui pour Spinoza est impossible : il lui faut donc faire intervenir des causes extérieures à l'individu, qui vont en quelque sort le dédoubler, ce qui ramène en fait la question à l'une des deux premières hypothèses.


c'est le fait de dire que c'est l'imagination de la personne qui est la cause (je dirais: prochaine) qui fait que d'office il y a des causes extérieures "cachées" en jeu, car par définition ces imaginations sont causées par des choses hors de nous, et non pas par notre nature seule. Non?

Reste à savoir en quoi pourraient consister ces imaginations "meurtrières". Hypothèse: il s'agit d'idées qui nous disent que quoi qui arrive, on ne pourra que souffrir, on ne pourra qu'assister à des diminutions interminables de notre puissance par des choses hors de nous, et que la seule façon d'arrêter cette descente en enfer (au sens figuré; en réalité craindre que sa puissance va sans cesse diminuer c'est craindre que le jour où l'on mourra, on n'aura quasiment plus que des idées inadéquates, ce qui signifie que la part éternelle, celle qui subsistera, est devenu tout à fait infime elle aussi), c'est d'empêcher qu'un corps extérieur puisse encore m'affecter, car là au moins je conserverai la puissance que j'ai aujourd'hui, et qui est encore plus ou moins grande comparée à ce que cela pourrait devenir, donc une plus grande partie de moi-même subsistera après la mort ... . Ainsi on pourrait comprendre que dans certaines circonstances la seule façon de "se conserver", c'est se tuer. Sinon cela deviendrait effectivement pire, en tous les sens du mot (à savoir aussi bien avant qu'après la mort).

Enfin ... à vérifier bien sûr.

Mais quelle est alors l'idée contraire à l'Esprit de celui qui se tue, et qui ne peut se trouver en lui? C'est l'idée de la nature de B (et donc non pas C, comme je le disais ci-dessus). Sachant que B c'est ici A mais sans la vie, donc A décomposé, c'est-à-dire ... non A. A en tant qu'il n'existe pas. Et en effet, dès que B = non A, penser B c'est penser quelque chose qui exclut l'existence de A.

Donc: cause ou chose extérieure C affecte le Corps A, et cela d'une telle façon que A va revêter la nature B, qui elle est contraire à A. Or dans l'E3P10, Spinoza parle bel et bien d'une idée de la chose qui détruit notre Corps, c'est ce qui a fait que de prime abord je pensais qu'en E4P20 aussi on ne parlait que de l'idée de C. Par conséquent, même s'il était utile de savoir ce que vous pensez de ce que je viens d'écrire, le problème soulevé par Pourquoipas est autre que celui que je pensais. Car comme le dit l'E3P5 (à laquelle réfère l'E3P10 démo), Spinoza appelle des choses de nature contraire lorsque l'une peut détruire l'autre. Mais ici, E4P20, il appelle contraire la nature de A et la nature de B, sachant que B est l'effet des imaginations de A, donc n'est pas ce qui peut détruire A .. ou si .. ? Bref, je crois que je n'y vois plus très clair moi-même non plus, même si je poserais peut-être le problème en d'autres termes que Pourquoipas. J'y réfléchis ... .

En attendant, merci à Hokousai pour la remarque. Je crois qu'il faut effectivement dire, comme vous le dites, que B c'est le corps mort du suicidé. Mais alors B signifie avant tout une autre nature que la nature du corps A. Et dire ici que le "corps revêt une autre nature", ce serait alors à comprendre au sens où je l'ai expliqué ci-dessus concernant le poète espagnol: le corps mort a toujours, au début, plus ou moins le même aspect, la même "figure", on reconnaît encore les traits de la personne A dans le corps B. Or on sait que pour Spinoza garder la même figure ne garantit en rien qu'on est encore vivant. Le corps A a donc réellement disparu dès qu'il y a B.

Il n'empêche qu'il est étrange qu'en E4P20 il se sert de l'E3P10, alors qu'il y semble parler de deux types de contrariétés différentes (dans l'E3P10 deux natures sont dites contraires lorsque l'une détruit l'autre (A est dit contraire à B quand B détruit A (B = la cause)), dans l'E4P20 deux natures sont appelées contraires lorsque l'une est le résultat de la destruction de l'autre, résultat obtenu par une cause tièrce, C, qui elle est extérieure (A est dit contraire à B quand B est le résultat de l'effet destructeur de C sur A... (B = l'effet))... :?:

Tout ce que je viens d'écrire dans mon message précédent s'applique principalement à l'E3P10 et à l'histoire du poète espagnol. Et donc ... ne résoud pas immédiatement le problème soulevé par Pourquoipas ... :?

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Messagepar Pourquoipas » 10 nov. 2009, 06:57

A notre fougueuse Jeanne d'Arc,

Juste sur un point de citation :

Louisa a écrit :[...]
Pourquoipas a écrit :
Louisa a écrit :Mais si le changement de forme, comme il l'affirme dans le scolie, revient à mourir, qu'est-ce qui te fait penser que chez Spinoza la mort n'existe pas ... ?

Ma réponse sera là beaucoup plus simple : je n'ai jamais dit quelque chose de tel, jamais.

en effet, désolée, j'aurais dû y ajouter: qu'est-ce qui te fait penser que chez Spinoza la mort n'existe pas en droit? Ou que voulais-tu dire par là plus précisément? [...]

Je n'ai jamais dit cela non plus. Voici ce que j'avais dit, et c'était dans une réponse à Durtal :

Pourquoipas a écrit :
Durtal a écrit :pourquoi pas?! 8-)
mais je ne sais pas si je suis convaincu par ce disposif finalement, lutter contre la mort est une chose absurde, personne ne peut espèrer vaincre la mort, d'un autre coté passer sa vie à méditer la vie est en effet une victoire définitive sur la mort, mais une victoire qui ne passe pas par une lutte. Au fond c'est le contraire: cesser de lutter contre ce que personne ne peut vaincre, aimer la vie purement et simplement, c'est ça la victoire. ( et non sans doute la résurrection du Paul de "ô mort où est ta victoire?).
D.

Cher Durtal,
Je ne suis pas sûr du tout que, en ce qui concerne Spinoza, il place la mort parmi les choses inéluctables, en droit. [...]

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Messagepar Louisa » 10 nov. 2009, 07:17

Cher Pourquoipas,

puisque j'ai lu tes paroles, si tu penses que je les ai mal compris, ce serait peut-être intéressant d'essayer d'expliquer ce que tu voulais dire en d'autres mots, au lieu de simplement les répéter ... ? Si par exemple tu trouves qu'il y a une différence entre dire qu'on n'est pas certain que la mort soit inéluctable en droit, et dire qu'éventuellement la mort n'existe pas en droit, je veux bien supposer qu'il y a une différence, mais ce qui m'intéresse avant tout, c'est de comprendre ce qu'en fin de compte tu en penses et surtout pourquoi. Si tu trouves que toute reformulation trahit ta pensée, alors la question est simplement: que voulais-tu dire plus précisément par la phrase :

"Je ne suis pas sûr du tout que, en ce qui concerne Spinoza, il place la mort parmi les choses inéluctables, en droit. [...]" ?

Merci par avance ... :wink:
L.

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Messagepar Pourquoipas » 10 nov. 2009, 08:33

Louisa a écrit :Cher Pourquoipas,

puisque j'ai lu tes paroles, si tu penses que je les ai mal compris, ce serait peut-être intéressant d'essayer d'expliquer ce que tu voulais dire en d'autres mots, au lieu de simplement les répéter ... ? Si par exemple tu trouves qu'il y a une différence entre dire qu'on n'est pas certain que la mort soit inéluctable en droit, et dire qu'éventuellement la mort n'existe pas en droit, je veux bien supposer qu'il y a une différence, mais ce qui m'intéresse avant tout, c'est de comprendre ce qu'en fin de compte tu en penses et surtout pourquoi. Si tu trouves que toute reformulation trahit ta pensée, alors la question est simplement: que voulais-tu dire plus précisément par la phrase :

"Je ne suis pas sûr du tout que, en ce qui concerne Spinoza, il place la mort parmi les choses inéluctables, en droit. [...]" ?

Merci par avance ... :wink:
L.


Puisque je suis encore là, avant de partir au boulot, je vais essayer de répondre le plus succinctement possible : il s'agissait d'une sorte de pensée basique "à la Hume" : ce n'est pas parce qu'on a toujours constaté que l'eau, parvenue à la température de 100° Celsius, passe de l'état liquide à l'état de vapeur, et qu'on n'a jamais eu aucune expérience du contraire, qu'il est prouvé en raison qu'il est inéluctablement nécessaire qu'il en soit ainsi toujours et partout (d'où Kant). Je ne connais pas tout Spinoza par cœur, mais je n'ai vu nulle part chez lui aucune preuve intellectuellement incontestable que tout corps fini doive trouver sa fin temporelle, c'est tout (du même type que "Dieu existe", "il n'y a qu'une substance", "l'homme n'est pas une substance", etc.). Relis bien les propositions sur le corps qui suivent la II 13 : sauf erreur, à aucun moment, il n'y est dit qu'un individu doive rencontrer la fin de sa durée, et ce ni dans les lemmes ni dans les postulats (que je résume : 1) le corps est composé de corps composés, 2) ces corps composés, ses parties, sont de consistance diverse, 3) le corps et ses parties sont affectés par d'autres corps, 4) il faut qu'il respire et qu'il boive et bouffe s'il veut pas crever, 5) une partie fluide venant souvent cogner sur une partie molle finit par y laisser uine trace, 6) le corps humain est capable de se lever, s'habiller, faire son café, en boire un, taper sur son clavier en prenant un autre café, et regarder sa montre en se disant : "Merde, je vais encore être en retard !"). Voilà, c'est tout. Je n'ai vu nulle part qqch du genre : à un moment de sa durée, les parties du corps vont se comporter de façon telle, sous l'influence ou non de corps extérieurs à lui, que ce corps va crever.

A part ça, Spinoza n'est ni con ni fou : il sait très bien qu'on va tous y passer un jour ou l'autre, mais seulement par expérience. Car il va en parler souvent, et même plus souvent que ça, dans la suite de son bouquin...


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