Sinusix a écrit :Cher Pourquoipas,
Je lance une première pierre (pour rester dans la Mathématique chère à Spinoza) en référence à certain principe de base d'un espace métrique (définitions des boules et sphères). J'en conclus que l'opposition intérieur/extérieur conduit obligatoirement à la définition d'une limite, ou figure.
Or, sur ce sujet, voici ce que dit M. Guéroult (Tome 1 - De Dieu - Appendice 1 -
Etres de raison - Paragraphe V - pp419/420).
La figure, selon Spinoza, est un être de raison. En effet, elle dépend uniquement de notre pensée et ne correspond à aucun objet existant séparément dans la nature ; elle n’a d’existence séparée que dans notre esprit ; hors de nous, il n’y a ni triangles, ni cercles, ni sphères, mais seulement des choses singulières de forme triangulaire, ronde, sphérique. De plus, ces formes apparaissent comme de simples limites : les limites des corps. Une limite est une détermination, et toute détermination est négation. La figure n’est donc que la notion d’une négation.Spinoza a écrit : (Lettre L à Jarig Jelles) :
Pour ce qui est de cette idée que la figure est une négation, mais non quelque chose de positif, il est manifeste que la pure matière, considérée comme indéfinie, ne peut avoir de figure, et qu’il n’y a de figure que dans des corps finis et limités. Qui, en effet, dit qu’il perçoit une figure, montre par là seulement qu’il conçoit une chose limitée, et en quelle manière elle l’est. Cette détermination donc n’appartient pas à la chose en tant qu’elle est, mais au contraire elle indique à partir d’où la chose n’est pas. Ainsi, la figure n’est autre chose qu’une limitation et, toute limitation étant une négation, la figure ne peut être, comme je l’ai dit, autre chose qu’une négation.
En tant qu’elle est un pur néant, la figure ne saurait donc être confondue avec le Corps dont elle détermine les limites, celui-ci étant au contraire le positif par quoi il est, c’est-à-dire un être physiquement réel. Aussi les corps ne se définissent-ils pas par leur figure, mais par une certaine proportion de mouvement et de repos. Prétendre que les figures sont des corps ou que les corps se réduisent à des figures, c’est affirmer qu’un néant est un être, et ainsi tomber dans la chimère.
Selon ces citations, il apparaît que, si Spinoza qualifie d'Etre de raison la limite
entre intérieur et extérieur d'un corps fini, il n'en admet pas moins la réalité de ce qu'elle limite. Autrement dit, selon mes références mathématiques :
Intérieur = "Boule" ouverte
Extérieur = Complément de "Boule" fermée.
Nous pourrions donc être autorisés à raisonner sur le thème ainsi formulé.
Question complémentaire néanmoins. Spinoza parle ici de figure (son tropisme géométrique). Sommes-nous autorisés à penser qu'il assimile tout corps (autre que triangulaire, rond, etc. existant) à un corps dont les limites définissent une figure. Autrement dit, le raisonnement peut-il être tenu pour le Corps Humain.
La recherche continue.
Amicalement
Cher Sinusix,
N'ayant pas votre culture mathématique, j'ai un peu tardé à, et il m'est, difficile de vous répondre (si tant est qu'il faille répondre). Mais, renseignements (fort succincts) pris, si je vous ai bien compris et vu la définition suivante trouvée sur Wikipédia, article « Boule (topologie) » : « Dans l'espace usuel comme dans n'importe quel espace métrique, la boule fermée centrée en un point P et de rayon réel strictement positif r est l'ensemble des points dont la distance à P est inférieure ou égale à r. La boule ouverte correspondante est l'ensemble des points dont la distance à P est inférieure strictement à r », vous voulez donc dire que si la limite n'est rien dans le réel des choses, in re, elle doit quand même nous aider, comme être de raison, à penser ce que c'est que l'intérieur et l'extérieur d'un corps, en en restant non pas à une question purement spatiale (les poumons, les reins, et même la peau, etc. sont dans le corps), mais en se penchant sur la question de ce qui fait qu'un ensemble de parties maintenues ensemble (et là il faudrait, je crois se pencher sérieusement sur la définition d'un individu en E II) constitue un individu qu'on peut dire un, unique, distinguable des autres.
En clair, ce que les techniciens de la philo appellent le « principe d'inviduation » (je préfère toujours essayer de cerner ce que peut être tel ou tel objet philosophique avant de le nommer). Mais l'essentiel pour moi reste quand même (et là, je crois que je vais me répéter) le fait qu'il me semble que Spinoza élude la question de l'évolution, de la croissance puis de l'usure, dans la durée.
Quant à la question de la figure, je suppose que cela ne signifie pas l'apparence pour autrui de tel ou tel corps. Si vous avez des éléments précis sur cette question, je suis bien sûr preneur.
Mais sur tout cela, vous ne parlez que du domaine de l'Etendue : qu'est-ce qui nous assure que le découpage que l'entendement de Dieu fait des corps (donc le vrai) est le même que celui que nous faisons, nous, d'où la question, dont on a parlé ici pendant quelques mois, de ce qu'on a appelé l'« essence » de l'homme (individuelle, singulière, ou générique ?).
- NB – « Essence », terme redoutable, et pas seulement chez Spinoza, et dont je ne suis pas sûr du tout qu'il l'utilise toujours dans le même sens et de la même façon, et que je préférerais n'évoquer qu'en fin (ou milieu) de course...
Si vous avez vu mon dernier message sur ce fil, où je donne les références explicites aux termes « intérieur » dans l'Ethique, Spinoza y parle surtout de l'âme, de psycho-logie au vrai sens du mot, et sous deux formes : l'intellectuelle (voir la citation de la partie II) et l'affective (voir les citations de la partie III). Mais bon, comme chez lui, l'un ne va pas sans l'autre... Pour le moment, je crois que je vais essayer de continuer à étudier ces citations, et quelque chose me dit que nous y retrouverons le(s) corps...
Portez-vous bien, marathonien !