Dieu parle-t-il latin ?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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eccehomo
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Dieu parle-t-il latin ?

Messagepar eccehomo » 18 avr. 2010, 23:31

Bonjour,

Je suis confronté à une difficulté dans la compréhension de l'Ethique.

Après avoir cherché une réponse, ou du moins une formulation du problème que je rencontre, sans succès sur ce site et après avoir lu des interventions savantes (même parfois très savantes), j'en suis venu à l'idée que sans doute c'était ici le lieux pour partager mon interrogation.

Je ne suis pas familier des discussions philosophiques, aussi j'exposerai le problème le plus simplement possible.

Autant que je comprenne ce que l'Ethique me dit, c'est que Dieu comprend tout ce qu'il produit et produit tout ce qu'il comprend.

Dans mon esprit, je comprends l'Ethique comme disant que Dieu se produit en se déduisant de son essence, en comprenant son essence.

La proposition 16 de la partie 1 dit que de la nécessité de la nature divine doit suivre tout ce qui peut tomber sous un entendement infini.

Je trouve ça tout à fait formidable et ça me parle.

Mais mon problème est le suivant : dans quelle langue Dieu se comprend-il ?

Peut-être ce problème a-t-il déjà été traité par votre communauté ? Ou bien un participant pourra-t-il m'apporter des éléments de réponse ?

Bien cordialement

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Messagepar Krishnamurti » 20 avr. 2010, 22:12

Le latin n’est pas inclus dans la nécessité de la nature.

Pourquoipas
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Re: Dieu parle-t-il latin ?

Messagepar Pourquoipas » 22 avr. 2010, 12:47

eccehomo a écrit :Bonjour,

Je suis confronté à une difficulté dans la compréhension de l'Ethique.

[...]

Mais mon problème est le suivant : dans quelle langue Dieu se comprend-il ?

[...]

Bien cordialement


Bonjour Ecce homo (merveilleux pseudo : l'Evangile et Nietzsche !)

Dieu ne parle aucun langage, système de signes. Dieu ne donne aucun signe. Il est, c'est-à-dire fait, agit, c'est tout. C'est nous humains qui y lisons des signes. Je ne pense pas que Spinoza emploie une expression telle que "le grand livre de la nature".
A ce sujet, voir, si j'ai bonne mémoire (je n'ai pas relu cet ouvrage depuis un moment), les premiers chapitres du Traité théologico-politique (sur la prophétie et la lecture de la Bible). Et lire bien sûr ce livre tout entier.
Il y a aussi des références précises dans l'Ethique (partie II), que je n'ai pas le temps de vérifier right now.
Seul un être pensant et vivant en communauté utilise des signes, et cela lui est nécessaire : qu'est-ce que l'Ethique, sinon un ensemble de signes ? Quant à leur signification... il suffit de lire les discussions de ce forum et ne serait-ce qu'un peu de littérature spinoziste pour voir que les lectures de ce même système de signes diffèrent, ô combien ! :-D

Voilà, en gros et pour le dire vite, mon opinion.

Portez-vous bien

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Louisa
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Messagepar Louisa » 24 avr. 2010, 18:08

Eccehomo a écrit :Autant que je comprenne ce que l'Ethique me dit, c'est que Dieu comprend tout ce qu'il produit et produit tout ce qu'il comprend.

Dans mon esprit, je comprends l'Ethique comme disant que Dieu se produit en se déduisant de son essence, en comprenant son essence.

La proposition 16 de la partie 1 dit que de la nécessité de la nature divine doit suivre tout ce qui peut tomber sous un entendement infini.

Je trouve ça tout à fait formidable et ça me parle.

Mais mon problème est le suivant : dans quelle langue Dieu se comprend-il ?


Bonjour Eccehomo,

j'ajouterais à ce que Pourquoipas vient de dire que d'un point de vue spinoziste "penser" ou "comprendre" ne signifie pas nécessairement "déduire".

La déduction est un procédé logique ou rationnelle, et se caractérise par le fait qu'il prend du temps, qu'il se déroule dans la durée.

Comme le dit déjà Pourquoipas, on peut utiliser des signes (les lettres et mots d'une langue, ceux-ci étant chez Spinoza des "mouvements corporels") pour communiquer les différents étapes et résultats de tels procédés, mais la vérité d'une conclusion ne dépend pas de la langue utilisée, elle se définit plutôt par une "nécessité".

Cette nécessité peut être produite par la raison. Et on sait que pour Spinoza la raison (et donc la déduction) se situe au niveau du deuxième genre de connaissance. Mais celui-ci n'est pas le seul moyen d'obtenir des idées vraies (ou de penser, ou de comprendre), puisque Spinoza introduit un troisième genre de connaissance, qui consiste quant à lui à comprendre uno intuitu, d'un seul coup d'oeil, instantanément (= sans prendre du temps).

A mon sens il faut dire que la connaissance que Dieu a de lui-même (= de son essence et de ce qui en suit) est une connaissance du troisième genre, et non pas du deuxième genre. Dieu pense son essence et les affections de son essence (= les choses singulières, le monde) "immédiatement", il ne doit pas utiliser des procédés comme la déduction pour savoir ce qui "suit" de son essence. "Suivre" ici n'a donc rien de proprement "temporel", il s'agit plutôt d'une "implication" (pour Dieu se penser signifie penser son essence et toutes les modifications que cette essence implique).

Autrement dit:

1. Dieu, en tant qu'essence de la substance, se connaît/comprend de manière intuitive et non pas de manière rationnelle (3e genre de connaissance au lieu du 2e genre de connaissance).Ce n'est que Dieu en tant qu'il s'explique par tel ou tel homme qui comprend en se servant de la raison.

2. Les langues sont des ensembles de signes destinés à communiquer des idées, et non pas à produire des idées (puisque les langues appartiennent à l'attribut de l'Etendue, et les idées à l'attribut de la Pensée, et chez Spinoza les deux attributs "ne communiquent pas" c'est-à-dire l'un ne peut rien causer chez l'autre et inversement).

3. Par conséquent, Dieu ne peut être dit parler telle ou telle langue qu'en tant qu'il s'explique par tel ou tel homme singulier (qui le cas échéant parle le Français, ou le Chinois, etc.), et non pas en tant qu'il est l'essence de la substance ou du monde.

Cordialement,
L.

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Messagepar eccehomo » 26 avr. 2010, 16:56

Bonjour à tous,

Merci pour vos réponses qui me permettent au moins de formuler plus précisément ce que je ne comprends pas bien.

Louisa dit deux choses qui me conduisent à trois questions :

La première est plutôt bibliographique : dans quels textes Spinoza parle-t-il des langues (explication de leur diversités, qu'elles appartiennent à l'attribut étendu, etc.) ?

la deuxième : les idées ont un contenu objectif (que ce soit les idées de dieu ou les idées d'un mode fini). Puisque l'idée est représentative, comment peut-elle représenter sans faire usage d'un langage (ou de signes) ?

Sous-question : se pose alors pour moi la question de la traduction d'une représentation de l'idée dans un système de signe propre à dieu dans un langage propre au mode fini. N'est-ce pas retomber dans les difficultés épistémologies d'une conception de la vérité comme adéquation entre une chose et sa représentation (ici la chose serait le contenu objectif de l'idée et la représentation serait sa traduction/expression dans un langage propre à un mode fini) ?

la troisième : une idée vraie est en moi comme elle est en dieu. Si je mets de côté les connaissances du troisième genre pour ne garder que celles du second : celles du second genre nécessitent et impliquent des signes au niveau même de la raison dans l'attribut pensée. Il me semble que je retombe sur ma question initiale un peu précisée : quels sont les signes qu'utilise dieu pour que les connaissances du second genre puissent être produites et qu'elles soient en dieu comme elles sont en moi ?

Bonne journée

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deweydell
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Messagepar deweydell » 30 avr. 2010, 05:43

[quote="eccehomo"]Bonjour à tous,

Merci ////snip////

la deuxième : les idées ont un contenu objectif (que ce soit les idées de dieu ou les idées d'un mode fini). Puisque l'idée est représentative, comment peut-elle représenter sans faire usage d'un langage (ou de signes) ?

pourquoi tu dis que "l'idée est représentative"??
[/color]
Sous-question : se pose alors pour moi la question de la traduction d'une représentation de l'idée dans un système de signe propre à dieu dans un langage propre au mode fini. N'est-ce pas retomber dans les difficultés épistémologies d'une conception de la vérité comme adéquation entre une chose et sa représentation (ici la chose serait le contenu objectif de l'idée et la représentation serait sa traduction/expression dans un langage propre à un mode fini) ?
quelles sont les difficultés auxquelles tu fais allusion?
---
la troisième : une idée vraie est en moi comme elle est en dieu. Si je mets de côté les connaissances du troisième genre pour ne garder que celles du second : celles du second genre nécessitent et impliquent des signes au niveau même de la raison dans l'attribut pensée. Il me semble que je retombe sur ma question initiale un peu précisée : quels sont les signes qu'utilise dieu pour que les connaissances du second genre puissent être produites et qu'elles soient en dieu comme elles sont en moi ?
il n'y a pas de signes dans la pensée (i reckon) mais com le disait une internaute, il y en a ds l'étendue. pq tu te poses cette question?
thanks

Bonne journée[/b]

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deweydell
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représentation dans l'idée

Messagepar deweydell » 04 mai 2010, 17:05



maintenons, mettons: que l'idée est représentative de quelqchose
et qu'elle n'est pas une "certaine" volition,
comme le veut Spinoza;
mais que l'idée représente d'après un contenu objectif
et que se faisant elle s'exprime dans (un language de signes, ouvert suffisément et disponible)
serait-ce parce qu'ainsi que de l'ordre et de la
connexion des choses soit vu dans le menu détail
que gagnes-tu, ecce homo, à ce que l'idée
devienne représentative? qu'y gagnes-tu en dimensions?
est-ce beau? est-ce perfectible, et pragmatique,
d'avoir des idée s reprsentatives d'une objectivité
contenue en elle?

Modifié en dernier par deweydell le 05 mai 2010, 01:22, modifié 1 fois.

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enplus

Messagepar deweydell » 04 mai 2010, 18:32


l'usage d'objectif se rapporte en fait
non à l'étendue mais à l'ordre des idées;
or l'usage du mot représentatif n'est pas employé
par Spinoza, avec le même appoint
il nous faudrait une explication:
pourqu'elle raison
ne point se satisfaire de celle notion
d'objectivité/formalité,
en quoi le représentatif est lié là dedans
à un principe d'inertie, qui est lui même
devant être expliqué (?) etc
(raturé)
ensuite il est dit
"La Connaissance de l'Effet dépent de la Connaissance de la Cause et l'enveloppe" repris en II p 7 cela t'autorise t il pour autant
a parler d'une Représentation dans l'Idée? Ok mais comment?
Quels résultats? Sans esquiver le passage
par lequel on expliquerait le principe d'inertie lié
au représentatif?

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Messagepar eccehomo » 05 mai 2010, 09:17

Bonjour,

Merci pour vos réponses et le temps que vous m'avez consacré pour les apporter. Cependant, je dois vous avouer qu'elles ne m'aident pas beaucoup pour résoudre mon problème.

Que l'idée soit représentative (pour Spinoza) ne me semble pas tellement pouvoir être contesté :

Les idées formées dans le premier genre de connaissance sont des imaginations, des perceptions.

Dans le scolie de la partie II proposition 17 (trad. Appuhn) par exemple :

"... nous appellerons images des choses les affections du Corps humain dont les idées nous représentent les choses extérieures comme nous étant présentes..."

Nos perceptions produisent en nous des images des choses (la table, le soleil à je ne sais plus quelle distance trompeuse, une couleur, etc...).

Voyez aussi les deux scolies de la partie II proposition 40 dans lesquels la qualité représentative de l'idée est assez explicite au niveau du premier et deuxième genre de connaissance, comme par exemple une phrase : " ... mais assez pour que l'Ame ne puisse imaginer ni les petites différences singulières (telles la couleur, la taille de chacun) ..."

Je ne crois pas qu'il entre dans le projet de Spinoza de contester l'expérience des perceptions quotidiennes de chacun.

Dans la définition 3 de la partie II il est dit : qu'une idée est un concept de l'Ame et Spinoza précise qu'il emploie concept pour mettre l'accent sur l'aspect positif que n'aurait pas perception... mais tout du long de l'Ethique l'Ame "perçoit"...

Pour ma part mes perceptions sont assez représentatives et quand je regarde par la fenêtre pour réfléchir un peu tandis que j'écris ici, c'est bien tout un petit tableau vivant avec la rue, les personnes qui marchent, les oiseaux qui chantent, qui se forme dans mon âme.

Peut-être pour vous est-ce différent... je ne sais pas.

Les idées formées dans le second genre de connaissance sont à peine moins explicitement représentatives. Mais j'arrête sur ce point de la représentativité de l'idée, car je ne voudrais pas qu'à ma question initiale vienne se substituer cette question de la représentation.

J'en reviens donc à mon problème que je vais centrer sur les idées que nous formons dans le second genre de connaissance. Il ne me semble pas possible qu'une notion commune, une idée rationnelle puisse être formée sans l'usage d'un langage dans lequel non seulement l'idée s'exprime mais surtout se conçoit.

Toute l'histoire des sciences est manifeste à cet égard ! Chaque découverte scientifique est liée à l'élaboration d'une nouvelle théorie (un nouveau langage). Pour ma part, je suis incapable de penser un triangle sans faire usage d'un langage géométrique (angle, segment de droite, égalité, etc.) par exemple. Je crois me souvenir qu'il y a dans l'Ethique un passage avec l'idée adéquate de la sphère qui ne peut se penser que dans un langage avec point, droite, arc de cercle, rotation, etc.

Ceci étant écrit, je me rends compte que ma question initiale dans mon esprit s'est maintenant déplacée ou transformée.

A la question : dans quelle langue Dieu se comprend-il ? La réponse est que la question ne se pose pas dans la mesure où dieu se comprend selon le troisième genre de connaissance qui serait une connaissance intuitive donc sans usage de signe. Maintenant que je suis sur cette voie il me reste encore à la penser et à la comprendre.

A la question : comment une idée (vraie ou non) peut-elle être en dieu comme elle est en moi ? Ici non plus, je ne vois plus de difficulté puisque ces idées ne sont en dieu qu'en tant qu'il s'explique par un mode fini, ce qui permet d'en comprendre la multiplicité, l'infini variété sans impliquer la puissance de penser de dieu autrement que comme définie dans la partie II proposition 9.

Par contre, j'ai maintenant des questions qui surgissent à propos des connaissances du second genre. Mais je vais poser ces questions dans un nouveau sujet afin de permettre à celui-ci soit de se terminer soit éventuellement de recueillir vos remarques ou avis sur la manière dont j'ai apporté des réponses à mes questions.

Bonne journée à tous

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jeanlinh88
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Messagepar jeanlinh88 » 25 mai 2011, 16:48

Krishnamurti a écrit :Le latin n’est pas inclus dans la nécessité de la nature.

je pense comme toi.

Ajout modérateur : Cher Jeanlinh88,
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