L'enfant handicapé et le chaton de Tooley

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Alexandre_VI
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L'enfant handicapé et le chaton de Tooley

Messagepar Alexandre_VI » 10 nov. 2010, 23:41

Supposons qu'on développe une thérapie pour guérir les enfants handicapés mentaux, tout le monde sera d'accord qu'il faut l'utiliser. Même si par ailleurs l'enfant était satisfait de sa vie. On reconnaît que sa vie dans son état actuel n'est pas la meilleure chose à laquelle il puisse prétendre, qu'on peut améliorer sa qualité de vie. Comme le disait Mill: mieux vaut être Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait.

Mais si on développait une technique pour augmenter l'intelligence d'un chaton en développement au point que celui-ci puisse atteindre l'intelligence d'un enfant normal, avec des habiletés linguistiques et rationnelles... devrait-on considérer que le chaton a le droit de recevoir ce traitement?

Supposons maintenant que dans les deux cas le traitement soit très compliqué et coûteux, et qu'on ne puisse l'administrer qu'à un chaton ou un humain... qu'est-ce qui justifie notre préférence pour l'être humain objectivement?

C'est la question (de bioéthique) qu'a posée Tooley au début des années 70. Je peux vous donner la référence de l'article si ça vous intéresse.

Si on est nominaliste, on ne croit pas en une nature humaine universelle. Le fait d'appartenir à une espèce biologique ne signifie pas qu'il y a en nous quelque principe occulte qu'on appellerait nature humaine. La question se pose donc: sans nature humaine, sans nature du chat, tout ce qui existe ce sont des individus. Par conséquent, qu'est-ce qui peut justifier la priorité qu'on donne à ceux qui nous ressemblent anatomiquement?

Les philosophes appellent «espècéisme» la discrimination sur la base de l'espèce biologique. Tout comme on reconnaît une discrimination sur la base de la «race», du sexe ou de l'orientation sexuelle.

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Messagepar AUgustindercrois » 11 nov. 2010, 10:25

Le rapport avec l'Ethique?

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Messagepar AUgustindercrois » 11 nov. 2010, 10:37

Pour Spinoza, je peux manger de la vache, parce que sa puissance de pensée est inférieure à la mienne. CQFD.

Il y a de la variation de pensée.

Une pierre pense moins qu'un homme.

Un homme pense moins que Dieu.

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Messagepar AUgustindercrois » 11 nov. 2010, 10:39

ET réciproquement, cette variation relative ne veut pas dire, dans l'absolu, que la vache ou la pierre n'est pas Dieu. Cela est évident en vertu de 524.

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Messagepar Alexandre_VI » 11 nov. 2010, 15:13

AUgustindercrois a écrit :Pour Spinoza, je peux manger de la vache, parce que sa puissance de pensée est inférieure à la mienne. CQFD.

Il y a de la variation de pensée.

Une pierre pense moins qu'un homme.

Un homme pense moins que Dieu.


Vraiment? Un extra-terrestre aurait-il le droit de vous manger si son cerveau était plus gros que le vôtre?

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Messagepar hokousai » 11 nov. 2010, 19:05

Selon l'idée du droit (droit de nature ) Spinoza estimerait que l 'extra terrestre a le droit de manger un homme si c'est dans son utilité .
Si l'extra terrestre estime (par la raison) qu'il lui est plus utile de ne pas manger l'homme alors il renonce à son droit de nature .

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Messagepar DGsu » 11 nov. 2010, 20:17

Alexandre_VI a écrit :
AUgustindercrois a écrit :Pour Spinoza, je peux manger de la vache, parce que sa puissance de pensée est inférieure à la mienne. CQFD.

Il y a de la variation de pensée.

Une pierre pense moins qu'un homme.

Un homme pense moins que Dieu.


Vraiment? Un extra-terrestre aurait-il le droit de vous manger si son cerveau était plus gros que le vôtre?


Bonsoir Alexandre.

L'extra-terrestre aurait bien sûr le "droit" de vous manger, sans condition d'intelligence d'ailleurs. Il faut distinguer le droit contingent et la nécessité. Dans l'exemple cité par AUgustin, c'est l'homme qui justifie son droit à manger de la vache, mais si loi de la nature l'autorisait, la vache pourrait manger de l'homme. Ce que par ailleurs elle fait indirectement en mangeant l'herbe qui pousse sur la terre qui...
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Messagepar Alexandre_VI » 11 nov. 2010, 23:03

à Paul Herr et DGsu,

Il me semble que cette vision de l'éthique est trop brutale... Pourquoi ne pas au moins essayer de se placer dans la perspective de Kant et de l'impératif catégorique?

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Messagepar hokousai » 12 nov. 2010, 00:56

cher Alex 6

Spinoza écrt
Et donc pour que les hommes puissent vivre dans la concorde et s 'aider, il est nécessaire qu'ils renoncent à leur droit de nature et s' assurent mutuellement de ne rien faire qui puisse tourner au détriment d autrui .

Cette maxime "je renonce à mon droit de nature" est universalisable au sens de l'impératif catégorique de kant .
Mais la démarche de Spinoza est très différente .Aux yeux de Kant la démarche de Spinoza relève des impératifs hypothétiques car il y a une fin instrumentale.

On ne peut dire pour Spinoza vivre sous la conduite de la raison s'impose de soi-même sans autre justification (au sens kantien de l'impératif catégorique )
Ce qui s'impose de soi-même sans autre justification c' est le conatus de chacun ( l'effort pour persévérer dans son être ). IL y a bien donc quelque chose de catégorique pour Spinoza .

Que les hommes conviennent entre eux plutôt que de se quereller sans fins est utile à chacun .
C'est en vivant sous la conduite de la raison que les hommes conviennent entre eux .

Ce qui est l'intention de kant mais remise à l'endroit .

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Messagepar DGsu » 12 nov. 2010, 09:11

Alexandre_VI a écrit :à Paul Herr et DGsu,

Il me semble que cette vision de l'éthique est trop brutale... Pourquoi ne pas au moins essayer de se placer dans la perspective de Kant et de l'impératif catégorique?


Cher Alexandre_VI,

Je tentais simplement d'exposer le point de vue spinoziste, et non de choisir entre lui et Kant. Celui de Spinoza peut sembler plus brutal, mais il est plus logique eu égard au fonctionnement de la nature.

Et comme l'explique très bien Hokusai, ne pas "se manger les uns les autres" vient de ce que les hommes sachent renoncer à leur droit naturel de le faire pour pouvoir vivre ensemble.

Peut-être serait-ce possible avec des extra-terrestres. Peut-être pas car, comme on le constate souvent dans l'histoire, les civilisations techniquement plus avancées détruisent (mangent) les autres sans qu'elles aient le temps de suggérer l'abandon du droit naturel des premières, trop occupées qu'elles sont à communiquer et à se défendre.

Quant à votre première question, je ne sais pas s'il est possible d'y répondre comme cela. Peut-être aurait-on besoin de plus d'éléments contextuels pour le faire.

DG
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