Failles spinozistes

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Failles spinozistes

Messagepar recherche » 13 févr. 2011, 09:05

Chers experts,

Où se situent à votre sens les points où Spinoza vous paraît critiquable, voire insuffisant ?



Merci

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AUgustindercrois
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Messagepar AUgustindercrois » 18 févr. 2011, 00:01

Les seules failles, dans l'Ethique, sont:

- Les prémisses (définitions) de la première partie,
- La parcellisation de la substance en tant qu'apparente, qui n'est pas mise dans les prémisses.

Dans le Traité politique:
- La fin sur la faiblesse naturelle des femmes.

Pour le reste, il n'y en a pas de connues rationnellement.

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Messagepar Zetron » 07 mars 2011, 20:08

Pouvez-vous préciser en quoi les définitions de la première partie sont une faille ?
Je serais très intéressé d'avoir votre avis, car cela voudrait dire que toute la première partie est erronée.

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Henrique
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Définitions et failles

Messagepar Henrique » 16 mars 2011, 20:21

Je ne vois pas pour ma part en quoi il y aurait des failles dans les définitions. Il suffit qu'elles permettent de concevoir des objets sans contradictions et qu'elles soient fécondes pour qu'elles vaillent en tant que définitions. Peu importe qu'elle correspondent exactement à l'usage nominal courant.

Sur le plan ontologique, la difficulté principale à mon sens est la notion d'attribut qui bien qu'elle implique une seule et même réalité considérée sous des angles différents (étendue et pensée) n'empêche pas certains privilèges pour la pensée par rapport à l'étendue (notamment la possibilité pour la pensée de se réfléchir - l'idée de l'idée - et pas pour l'étendue). Et pourquoi ne peut-on connaître que deux attributs sur une infinité ? On peut ainsi se demander s'il ne serait pas plus clair de faire l'économie de cette notion d'attribut, mais elle permet quand même de résoudre certains problèmes.

Autrement, je suis d'accord pour la position de Spinoza sur les femmes en démocratie. Et je trouve aussi que ce qu'il dit sur la façon de traiter les animaux est discutable du point de vue de sa théorie globale de l'éthique.

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Messagepar hokousai » 17 mars 2011, 00:47

à Henrique


Le concept d'attribut répond à une distinction entre substance et modifications.
Mais il y répond d’une manière (philosophique ) particulière puisqu’il abstrait (des modifications singulières ) l’universalité de l’ attribut .Ainsi les deux idées générales de pensée et d’étendue .
L’Infinité et éternité sont attribuées à la pensée comme à l’étendue

Spinoza hérite dune distinction canonique entre le corps et l’ esprit .
De là deux idée distinctes répondant à l’expérience existentielle ( pour faire large ) .
Il n’est pourtant pas si évident que pour la pensée l’ infinité et l’éternité soit si facilement attribuable .
Autant nous pouvons penser l’étendue comme infinie et éternelle autant la pensée sera souvent pensée comme enclose dans les limites de notre puissance de penser .

C’est un problème pour le spinozisme .
Pourquoi les philosophies cognitivistes parlent-elles d’émergence ( émergence de la pensée ) ?
C est un vrai problème, il n’est pas évident pour nos contemporain que la pensée soit éternelle et infinie .

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Messagepar Matheos » 19 mars 2011, 21:21

Quelques idées très très vagues (et certainement pas du troisième genre :p) et quelques questions, s'il y en a qui peuvent les développer, les confirmer ou non... Ça m'aiderait bien dans mes recherches! merci.

-Les travaux de Badiou sur les ensembles infinis de Cantor, montre que la substance (le Un=le Tout, l'infinité des attributs) est mathématiquement impossible...

-Et puis, la méthode géométrique ou même mathématique, est-elle à même de pouvoir décrire le Réel et donner un langage universel sur l'Etre...?

-Les critiques anti-philosophiques de Lacan qui font le lien entre le besoin d'un système et la névrose... Ainsi que le discours moderne sur le désir, qui a bien évolué depuis...

-le tremblement de terre qu'il y a eu à l'époque à Lisbonne en 1755 et le traumatisme que cela a engendré aurait bouleversé la philosophie et vu l'émergence d'une sévère critique du système spinoziste...

C'est très imprécis, je reviendrai sur ça, pour essayer de donner plus de clarté...
mais malgré les failles de son ontologie, cela reste aussi une philosophie pratique... Elle peut très bien marcher malgré les failles qu'il y a à la base...
Modifié en dernier par Matheos le 20 mars 2011, 13:23, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 20 mars 2011, 00:24

Je garde sans états d 'âme l' idée d attribut.
A condition de ne pas substantialiser l 'attribut.
Si l' attribut est ce que l'intellect perçoit d'une substance comme constituant son essence, l'attribut n'est pas un étant.
.............................................

Mais je le redis ( de mon point de vue ) le problème actuellement le plus crucial du spinozisme réside dans l'affirmation :Dieu est chose pensante ( prop 1 partie 2)

Depuis la renaissance et donc à l'époque de Spinoza la croyance en l' infinité et l'éternité de l'étendue de la nature devint admissible et à la limite ne demandait pas de démonstration .

Que Dieu soit une chose étendue Spinoza ne le démontre pas, du moins renvoit-il à la démonstration de Dieu comme chose pensante.
Ainsi on peut admettre qu'un corps (tous les corps singuliers) enveloppent ( non pas le concept par lequel ils se conçoit )mais la corporéité par laquelle il est un corps.
La corporéité étant éternelle et infinie.


En revanche la croyance en l'existence de la pensée hors chaque pensée singulière et constituant d' une certaine manière ce que pensait Averroès quand il estimait que l'intellect agent est supérieur, antérieur et extérieur, car il est immortel, cette croyance n'est pas partagée par nos contemporains.

Ce débat est actuel. Les philosophies cognitivistes font émerger la pensée de l 'étendue ( ou pire la réduise à du biochimique ). Que Dieu ou la nature pense infiniment et éternellement nos contemporains le refusent puisqu'ils attribuent une origine temporelle à la pensée.

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Messagepar Ulis » 20 mars 2011, 09:40

Pour moi et aujourd'hui, il y a la substance et les modes. La notion de parallélisme, donc d'attribut n'a plus ni sens, ni intérêt. Je pense le monde en matérialiste.
Peut-être est-ce un "spinozisme tronqué" (expression de Deleuze) mais c'est le mien
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Messagepar hokousai » 20 mars 2011, 11:22

à Ulis

ça j 'avais bien compris, c'est pourquoi sachant que vous étiez derrière l' écran j' ai soulevé la question.
Cela dit remarquez bien que vous écrivez "JE PENSE ".
...............
(de mon point de vue) "on ne sait pas ce que peut le corps" renvoie chez Spinoza à "on sait ce que peut l' esprit"( il ne le dit pas mais toute l'Ethique montre que Spinoza croit qu'il sait ce que peut l' esprit.)
Il est manifeste qu'il refuse une relation de causalité ente le corps et l'esprit.
Les deux sont en corrélation.
On peut parvenir à mieux savoir ce que peut le corps ce qui reste un savoir pensé sur le corps .
On est donc clôturé dans ce que Spinoza appelle l'attribut pensée.

Les philosophies cognitiviste (proche des neurosciences) sont réductivistes, elles font émerger (ou survenir )la pensée de (issue de ) la matière.
Reste que la description de la matière comme celle de l’esprit
1) sont des manières de pensée
2) et que persiste la distinction entre les objets décrits ( le neuronal biochimique)et le monde des idées qui lui est correllée(ou effet causé pour le réductivisme)
Un peu comme persiste la distinction que nous faisons entre le rêve et la vie éveillé .
Et aussi (autre exemple de distinction) la distinction que nous faisons entre voir et toucher les choses. Ou encore entre mémoire souvenir et mémoire habitude. (cf Bergson)
Ces distinctions persistent quelles que soient les explications " matérialistes " données .

La distinction persistant l 'idée spinoziste d' attribut persiste.
.......................................................................................................

Ce qui reste un problème ( j'insiste )c'est d'attribuer l'infinité et l'éternité à la pensée .

hokousai .

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Contrairement
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Messagepar Contrairement » 20 mars 2011, 18:41

J'en vois plusieurs, qui relèvent plus de l'insuffisance que de la faille.

La première, qui précède toutes les autres, concerne les vérités métalogiques dont nous parle Schopenhauer dans la Quadruple Racine du Principe de Raison Suffisante (et qu'on retrouve par ailleurs chez Aristote). On ne comprend pas pourquoi les conditions formelles de la pensée qui servent de fondement aux jugements devraient avoir valeur de vérité objective. Spinoza suppose les propositions suivantes comme vraies, dans le sens le plus fort du terme :
- le sujet est égale à la somme de ses attributs (a=a)
- un attribut ne peut être à la fois affirmé ou nier d'un même sujet (a-a=0)
Le principe de tiers-exclu, de non contradiction, le raisonnement par l'absurde, l'implication, etc. sont admis tacitement. On retrouve la même carence chez Descartes, dont le Dieu trompeur n'est pas assez trompeur pour mettre en doute les fondements de la logique. Schopenhauer parvient à nous sortir de cette impasse avec le principe de raison suffisante.

La seconde, c'est que conformément à la première définition du livre I, il nous faut concéder sans examen que l'existence n'est pas un jugement du sujet, mais appartient aux choses en elles-mêmes. En somme, il faut se sortir Kant de la tête.

De cette concession en découle une seconde : les choses peuvent être pensées ou connues indépendamment du sujet connaissant, c'est à dire telles qu'elles sont en elles-mêmes. (bye bye l'idéalisme transcendantal)

Et enfin, une troisième : l'étendue n'est pas contenue dans la pensée (nous disons définitivement adieu à la Critique de la Raison Pure).

Enfin, toujours en accord avec Schopenhauer, mais je n'ai pas le temps ici de développer, la démonstration de l'existence de Dieu serait rendue possible par la confusion que fait Spinoza entre le principe de connaissance et le principe de raison suffisante du devenir. (voir la Quadruple Racine)[/i]


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