Quand Spinoza se plante... ? (lettre 21)

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 10 juin 2011, 00:19

Cher Pourquoi pas

Mais Spinoza qui se refuse à le faire, en vient à séparer (diviser) le sujet et la nature, à en faire une chose comme une autre ( une pièce intelligente de l'automate ).


( à mon avis ) il y a deux problèmes liés à la volition .
Celui de libre arbitre et celui de la causalité descendante (liaison causale de l'esprit sur le corps)
Spinoza refuse de faire de l'esprit une causa sui. Une idée est causée par une autre idée. Un corps cause un corps. Sans relation de causalité entre l’esprit et le corps.
En revanche Descartes accepte les deux.

Je dis qu'il y a chez Spinoza un dualisme
Il y en a un chez Descartes aussi mais chez Descartes c'est moins problématique puisque il admet deux substances.

Finalement le sujet humain est une chose comme une autre car même s’il a la pensée, la pensée est mécanique comme les corps.
On parle donc d’automate spirituel.

Ne jamais oublier l'importance donnée par Spinoza dans E II à l'idée de l'idée, i.e. la conscience .Oui peut- être en parle- t -il...une fois .
Cela dit je suis bien persuadé que Spinoza accorde une importance majeure à la pensée consciente ( qui se sait pensant )
(Voir le tout dernier scolie de l’Ethique)
...........................................................

sur la causa sui
Ce qui s'oppose à l'idée de cause de soi c’est bien être causé par autres choses .Ce dont l'essence enveloppe l’existence n’a besoin d'aucune autre existence pour exister ( puisqu 'il est de son essence d' exister ) cette chose là ‘na pas besoin d’être causé par autre chose .

Et dans la nature nous observons que les choses s’en suivent d’autres. Sauf à avoir une pensée magique et encore la pensée magique va- t-elle attribuer la cause à une divinité occulte. Les choses donc n’arrivent donc pas sans causes. (Sur la causalité ordinaire Hume parlera judicieusement)

Comment pouvons nous avoir l’idée de ce qui advient sans causes (extérieures) sans absolument aucune causes extérieures et qui donc (puisqu’ il faut néanmoins une cause) est cause de soi.
D’où cela vient-il. Est -ce une idée innée ?
Maine de Biran écrivait :est il donc vrai que rien n'agisse sur soi même?
Le contraire ne peut il pas être prouvé clairement par le témoignage du sens intime.

Voila un élément de réponse.

Que le sens intime nous illusionne là n'est pas la question une illusion peut causer une idée.
Il me semble qu’analogiquement c'est notre propre conscience de soi qui a pu donner l'idée que Dieu pouvait être conscient de soi.
Comment sans conscience de nous même, sans expérience, aurions nous pu avoir cette idée d' un Dieu conscient de soi .
Est -ce une idée innée ?
.........................................................................................................

Vous pensez que je lie causa sui et libre arbitre. Donc vous pensez que j’ai une idée non spinoziste de causa sui.
Non.
Dans libre arbitre il y a plus que dans cause de soi. Il y a l’arbitrage.
L’arbitrage présente des possibles.
Le déterminisme en présente aussi.
La différence entre les deux (entre libre et déterminé) est dans l’absence de causes antérieures, identifiables, visibles dans le premier cas et la supposée présence de causes cachées dans le second cas.

Je lie causa sui non pas au libre arbitrage mais à la décision .
Pour moi la décision lors d'un acte volontaire tombe dans la définition 1 de l’Ethique.
Une décision (par nature) ne peut se concevoir que comme existante.
Autrement dit une décision qui n'a pas eu lieu n'en est pas une .

..............................................................
Je reviens un instant sur votre évolutionnisme (terme plus général que darwinisme)
D' accord peut être. Je doute que Spinoza ait eu l’intuition de progression dans la nature. Il a en tout cas en tout cas l’idée qu'à des corps plus puissant soit associés des modes de pensée plus puissants.

Au plaisir de vous lire
hokousai
Modifié en dernier par hokousai le 14 juin 2011, 09:54, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 13 juin 2011, 05:34

Cher Pourquoipas,

je viens de tomber sur ce fil, et sans avoir tout lu, juste quelques questions par rapport à un passage dans ton premier message:

Pourquoipas a écrit :Cela veut donc dire que le fait que Dieu connaisse = le fait que Dieu veuille, et que ce que Dieu connaît = ce que Dieu veut, rattachant donc directement l’état d’Adam à un moment donné à la volonté de Dieu. En clair, Dieu veut ce que nous (vous et moi) appelons le « mal ».


Ne faudrait-il pas dire que si nous imaginons le temps , il n'y a pas de "moments" donnés à la volonté divine? Il n'y a des moments que du point de vue du temps, or le point de vue de Dieu est le point de vue de l'éternité?

Deuxième question: Spinoza dit clairement que celui qui n'a que des idées adéquates, n'a aucun concept du mal (E4P68 démo). Or l'intellect divin n'a que des idées adéquates. Donc il n'a aucune idée du mal. Il ne peut donc certainement pas le vouloir.

D'ailleurs, même du point de vue de l'homme, le mal n'est qu'une privation, donc n'a aucune consistance "ontologique". Raison pour laquelle on ne peut avoir une idée adéquate du mal non plus, en tant qu'hommes.

Conclusion: en réalité, personne ne veut ce que nous appelons le "mal", ni Dieu, ni l'homme?

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Messagepar Pourquoipas » 14 juin 2011, 02:06

Louisa a écrit :Cher Pourquoipas,

je viens de tomber sur ce fil, et sans avoir tout lu, juste quelques questions par rapport à un passage dans ton premier message:

Pourquoipas a écrit :Cela veut donc dire que le fait que Dieu connaisse = le fait que Dieu veuille, et que ce que Dieu connaît = ce que Dieu veut, rattachant donc directement l’état d’Adam à un moment donné à la volonté de Dieu. En clair, Dieu veut ce que nous (vous et moi) appelons le « mal ».


Ne faudrait-il pas dire que si nous imaginons le temps , il n'y a pas de "moments" donnés à la volonté divine? Il n'y a des moments que du point de vue du temps, or le point de vue de Dieu est le point de vue de l'éternité?

Deuxième question: Spinoza dit clairement que celui qui n'a que des idées adéquates, n'a aucun concept du mal (E4P68 démo). Or l'intellect divin n'a que des idées adéquates. Donc il n'a aucune idée du mal. Il ne peut donc certainement pas le vouloir.

D'ailleurs, même du point de vue de l'homme, le mal n'est qu'une privation, donc n'a aucune consistance "ontologique". Raison pour laquelle on ne peut avoir une idée adéquate du mal non plus, en tant qu'hommes.

Conclusion: en réalité, personne ne veut ce que nous appelons le "mal", ni Dieu, ni l'homme?

Chère Louisa,

Peut-être n’en as-tu pas le temps, mais si tu le peux et le veux, lis l’ensemble du fil, sans sortir une phrase ou deux de son contexte.
Comme déjà dit, je me plaçais en l’an 1665, dans le cadre de la correspondance Blyenbergh-Spinoza, époque où Spinoza a entamé l’écriture de l’Ethique. Mais dans une correspondance, surtout avec une personne qui vient de lui faire part de sa foi et de son espérance en la Parole de Dieu, Spinoza ne s’exprime pas comme dans un traité. Spinoza se place donc sur le terrain de Blyenbergh, humain : il est pourtant clair que Spinoza déclare ici que ce que Dieu produit (et donc connaît, et donc veut) sont des choses, des faits, des productions, qui ne sont pour lui ni mauvaises, ni bonnes non plus d’ailleurs : elles sont, un point c’est tout. Dieu ne connaît ni ne veut ni mal ni bien. (Là-dessus tu ne m’apprends rien.)
N’empêche : il y a des choses que nous humains appelons « mauvaises » et d’autres « bonnes » (question de langage humain et de comparaisons humaines), et que donc Dieu connaît et veut (comme je me suis placé dans le contexte des années 1664-1665, il ne parle pas encore d’idées adéquates, sauf erreur, ni ici, ni dans le TRE ni dans le CT – si quelqu’un peut me signaler une occurrence de ce terme dans ses premiers écrits, je serais heureux qu’on me le signale, n’étant pas omniscient ni hypermnésique). Est-il absurde d’appeler la Shoah « mauvaise » et le travail d’un pompier « bon » ? D’ailleurs, dans l’état définitif de l’Ethique, il y a des définitions du bien et du mal (E IV Df 1 et 2 – Spinoza n’est ni un naïf ni un doux rêveur), définitions que j’interpréterais volontiers en :
— bien : ce que je sais avec certitude m’apporter de la joie (l’utile), et conséquemment faire en sorte que d’autres, et particulièrement ceux semblables à nous, le soient aussi, ce qui ne peut qu’augmenter ma joie ;
— mal : ce que je sais avec certitude m’en empêcher. (Ceci du point de vue de la disons « victime » du mal. Mais j’ajoute en passant que Spinoza semble passer sous silence la question de la joie du méchant, qui fait en sorte d’attrister autrui – sauf peut-être dans le cas de l’envieux ou de l’orgueilleux –, ce qui le réjouit, et donc pour lui est « bon » – et pourtant Dieu (!) sait que l’expérience nous apprend que cette joie existe « assez et plus qu’assez » !)

Sur le point de vue du temps, lis l’extrait de la lettre 21 que j’ai donné dans mon deuxième message (à propos de l’aveugle, du sensuel et du péché d’Adam), où Spinoza emploie l’expression « à ce moment-là » – eo tempore : Spinoza se place sur le terrain des choses humaines, tout comme il le fera dans les parties III, IV et V de l’Ethique.

Pour finir :
— Qu’entends-tu par « consistance ontologique » ? j’ai la fâcheuse tendance à me méfier des grands mots, surtout lancés sans définition ni explication.
— A mon humble avis, ta conclusion est fausse : Dieu connaît et veut ce que nous humains appelons « mal » et « bien » (ce qui ne veut pas dire que pour lui ses productions soient telles) – et les humains connaissent et veulent le mal et le bien (je parle là de nous tous – car chez le même individu les deux coexistent, ou existent tour à tour).

— Citation finale de la lettre 23 (de Spinoza à Blyenbergh, 13/03/1665), où Spinoza donne des définitions des hommes de bien et des hommes de mal :
« (…) bien que les œuvres des bons (c’est-à-dire de ceux qui ont l’idée claire de Dieu à laquelle toutes leurs œuvres comme toutes leurs pensées sont rattachées) et des méchants (c’est-à-dire de ceux qui ne possèdent pas l’idée de Dieu, mais seulement des idées des choses terrestres auxquelles toutes leurs œuvres et leurs pensées sont rattachées) (…) »

Porte-toi bien

PS : Cher Hokousai, pardonnez-moi de ne pas vous répondre tout de suite, mais cela viendra prochainement.

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Messagepar Louisa » 14 juin 2011, 04:17

Pourquoipas a écrit :Peut-être n’en as-tu pas le temps, mais si tu le peux et le veux, lis l’ensemble du fil, sans sortir une phrase ou deux de son contexte.


Cher Pourquoipas,

tu as bien sûr tout à fait raison ... découper une phrase de son contexte, cela ne se fait pas. Si je l'ai fait, ce n'était pas par manque de temps, mais parce qu'utilisant Internet Explorer depuis des mois je n'ai qu'un accès sporadique au site. Cela signifie qu'il ne faut pas trop prendre ma question au "sérieux", c'était une question en passant, sans plus.

Pourquoipas a écrit :Comme déjà dit, je me plaçais en l’an 1665, dans le cadre de la correspondance Blyenbergh-Spinoza, époque où Spinoza a entamé l’écriture de l’Ethique. Mais dans une correspondance, surtout avec une personne qui vient de lui faire part de sa foi et de son espérance en la Parole de Dieu, Spinoza ne s’exprime pas comme dans un traité. Spinoza se place donc sur le terrain de Blyenbergh, humain : il est pourtant clair que Spinoza déclare ici que ce que Dieu produit (et donc connaît, et donc veut) sont des choses, des faits, des productions, qui ne sont pour lui ni mauvaises, ni bonnes non plus d’ailleurs : elles sont, un point c’est tout. Dieu ne connaît ni ne veut ni mal ni bien. (Là-dessus tu ne m’apprends rien.)


ok, bon à savoir que nous sommes d'accord là-dessus.

Pourquoipas a écrit :N’empêche : il y a des choses que nous humains appelons « mauvaises » et d’autres « bonnes » (question de langage humain et de comparaisons humaines), et que donc Dieu connaît et veut (comme je me suis placé dans le contexte des années 1664-1665, il ne parle pas encore d’idées adéquates, sauf erreur, ni ici, ni dans le TRE ni dans le CT – si quelqu’un peut me signaler une occurrence de ce terme dans ses premiers écrits, je serais heureux qu’on me le signale, n’étant pas omniscient ni hypermnésique).


Je connais moins bien le CT, mais il parle bel et bien d'idées adéquates dans le TRE (par exemple dans G15-B35: "Ex quibus rursum patet, neminem posse scire, quid sit summa certitudo, nisi qui habet adaequatam ideam, aut essentiam objectivam alicujus rei; nimirum, quia idem est certitudo, et essentia objectiva"). Ceci étant dit, en quoi est-ce que cela changerait quelque chose par rapport au problème que tu poses?

Pourquoipas a écrit :Est-il absurde d’appeler la Shoah « mauvaise » et le travail d’un pompier « bon » ?


je dirais que d'un point de vue de Dieu en tant qu'il est infini, oui c'est absurde. Mais non pas d'un point de vue de Dieu en tant qu'il est tel ou tel juif, ou tel ou tel être humain condamnant la Shoah.

Mais je ne suis pas certaine de cette réponse. Toute la question est de savoir quel est le rapport entre une certitude humaine et la même idée en Dieu. Question très difficile, il me semble, lorsqu'il s'agit du bon et du mauvais.

Pourquoipas a écrit :D’ailleurs, dans l’état définitif de l’Ethique, il y a des définitions du bien et du mal (E IV Df 1 et 2 – Spinoza n’est ni un naïf ni un doux rêveur), définitions que j’interpréterais volontiers en :
— bien : ce que je sais avec certitude m’apporter de la joie (l’utile), et conséquemment faire en sorte que d’autres, et particulièrement ceux semblables à nous, le soient aussi, ce qui ne peut qu’augmenter ma joie ;
— mal : ce que je sais avec certitude m’en empêcher. (Ceci du point de vue de la disons « victime » du mal. Mais j’ajoute en passant que Spinoza semble passer sous silence la question de la joie du méchant, qui fait en sorte d’attrister autrui – sauf peut-être dans le cas de l’envieux ou de l’orgueilleux –, ce qui le réjouit, et donc pour lui est « bon » – et pourtant Dieu (!) sait que l’expérience nous apprend que cette joie existe « assez et plus qu’assez » !)


ne faudrait-il pas dire que:

1. personne n'est méchant, dans le spinozisme?

2. s'il n'y a pas de méchants, il y a néanmoins des ignorants. La Joie qu'ils éprouvent en infligeant du mal à quelqu'un n'est pas durable, et par conséquent est une joie passive, et donc tout sauf une idée adéquate?

Pourquoipas a écrit :Sur le point de vue du temps, lis l’extrait de la lettre 21 que j’ai donné dans mon deuxième message (à propos de l’aveugle, du sensuel et du péché d’Adam), où Spinoza emploie l’expression « à ce moment-là » – eo tempore : Spinoza se place sur le terrain des choses humaines, tout comme il le fera dans les parties III, IV et V de l’Ethique.


ok, je le ferai dès que possible.

Pourquoipas a écrit :Pour finir :
— Qu’entends-tu par « consistance ontologique » ? j’ai la fâcheuse tendance à me méfier des grands mots, surtout lancés sans définition ni explication.


je dirais: le mal étant la négation/privation, il est une idée inadéquate, et non pas une idée adéquate. Or seules les idées adéquates existent, du point de vue de l'éternité. Donc le mal n'a aucune "realité", au sens spinoziste du terme.

Pourquoipas a écrit :— A mon humble avis, ta conclusion est fausse : Dieu connaît et veut ce que nous humains appelons « mal » et « bien » (ce qui ne veut pas dire que pour lui ses productions soient telles) – et les humains connaissent et veulent le mal et le bien (je parle là de nous tous – car chez le même individu les deux coexistent, ou existent tour à tour).


à mon sens ceci est la question de savoir quel est le statut de la certitude par rapport à l'utilité d'une chose pour un mode, du point de vue de Dieu. Il se peut que c'est plus compliqué que ce que je viens de dire, effectivement. A voir ... .

Pourquoipas a écrit :— Citation finale de la lettre 23 (de Spinoza à Blyenbergh, 13/03/1665), où Spinoza donne des définitions des hommes de bien et des hommes de mal :
« (…) bien que les œuvres des bons (c’est-à-dire de ceux qui ont l’idée claire de Dieu à laquelle toutes leurs œuvres comme toutes leurs pensées sont rattachées) et des méchants (c’est-à-dire de ceux qui ne possèdent pas l’idée de Dieu, mais seulement des idées des choses terrestres auxquelles toutes leurs œuvres et leurs pensées sont rattachées) (…) »


Ne faudrait-il pas dire qu'ici Spinoza réduit la "méchanceté" en tant que terme moral à le pure et simple ignorance ... ?

Porte-toi bien.

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Messagepar QueSaitOn » 15 juin 2011, 19:44

Si Spinoza réduisait la "méchanceté" à la pure et simple ignorance, alors la Raison triompherait des affects "négatifs", ce qui n'est pas le cas, puisque seul un affect plus fort etc... ?

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Messagepar Pourquoipas » 28 août 2011, 17:57

Cher Hokousai,

D'abord pardonnez-moi d'avoir mis si longtemps à vous répondre.

hokousai a écrit :(...) Ne jamais oublier l'importance donnée par Spinoza dans E II à l'idée de l'idée, i.e. la conscience .Oui peut- être en parle- t -il...une fois .
Cela dit je suis bien persuadé que Spinoza accorde une importance majeure à la pensée consciente ( qui se sait pensant ) (...)
(Voir le tout dernier scolie de l’Ethique)

Il en parle plus d'une fois : notamment Ethique II de 20 à 29 + l'importante prop. 43, etc.

hokousai a écrit :(...) sur la causa sui
Ce qui s'oppose à l'idée de cause de soi c’est bien être causé par autres choses .Ce dont l'essence enveloppe l’existence n’a besoin d'aucune autre existence pour exister ( puisqu 'il est de son essence d' exister ) cette chose là ‘na pas besoin d’être causé par autre chose .

Et dans la nature nous observons que les choses s’en suivent d’autres. Sauf à avoir une pensée magique et encore la pensée magique va- t-elle attribuer la cause à une divinité occulte. Les choses donc n’arrivent donc pas sans causes. (Sur la causalité ordinaire Hume parlera judicieusement)

Comment pouvons nous avoir l’idée de ce qui advient sans causes (extérieures) sans absolument aucune causes extérieures et qui donc (puisqu’ il faut néanmoins une cause) est cause de soi.
D’où cela vient-il. Est -ce une idée innée ?
Maine de Biran écrivait :est il donc vrai que rien n'agisse sur soi même?
Le contraire ne peut il pas être prouvé clairement par le témoignage du sens intime.

Voila un élément de réponse.

Que le sens intime nous illusionne là n'est pas la question une illusion peut causer une idée.
Il me semble qu’analogiquement c'est notre propre conscience de soi qui a pu donner l'idée que Dieu pouvait être conscient de soi.
Comment sans conscience de nous même, sans expérience, aurions nous pu avoir cette idée d' un Dieu conscient de soi .
Est -ce une idée innée ?
.........................................................................................................

Vous pensez que je lie causa sui et libre arbitre. Donc vous pensez que j’ai une idée non spinoziste de causa sui.
Non.
Dans libre arbitre il y a plus que dans cause de soi. Il y a l’arbitrage.
L’arbitrage présente des possibles.
Le déterminisme en présente aussi.
La différence entre les deux (entre libre et déterminé) est dans l’absence de causes antérieures, identifiables, visibles dans le premier cas et la supposée présence de causes cachées dans le second cas.

Je lie causa sui non pas au libre arbitrage mais à la décision .
Pour moi la décision lors d'un acte volontaire tombe dans la définition 1 de l’Ethique.
Une décision (par nature) ne peut se concevoir que comme existante.
Autrement dit une décision qui n'a pas eu lieu n'en est pas une .

..............................................................
Je reviens un instant sur votre évolutionnisme (terme plus général que darwinisme)
D' accord peut être. Je doute que Spinoza ait eu l’intuition de progression dans la nature. Il a en tout cas en tout cas l’idée qu'à des corps plus puissant soit associés des modes de pensée plus puissants.

Au plaisir de vous lire
hokousai

J'avoue que j'ai bien du mal à encore saisir le lien que vous faites entre la causa sui qui pour Spinoza est divine et ne peut être que divine, et le supposé libre arbitre (libre choix, libre décision). Car au moins au départ, le concept de "cause de soi" tel que défini est vide : "ce dont l'essence implique l'existence, autrement dit ce qui ne peut être conçu sinon existant", je le lis comme ceci : j'ai l'idée d'un être dont le "ce que c'est" (l'essence) ne consiste qu'en une seule chose, exister, n'étant aucunement déterminé par ailleurs. Ce qui signifie, si je comprends bien, que ce id ("cela") n'a pour seule essence que d'exister par soi, ne pouvant tenir son existence d'aucune autre essence. Dieu-Nature ne décide pas d'exister : il est, un point c'est tout.

Ce qui n'est pas, vous l'admettrez, le cas du dénommé "libre arbitre", soumis à un choix entre plusieurs possibilités extérieures. Dieu, lui, n'a pas le choix, ni d'exister ni de produire. Mais, contrairement à nous, il ne se fait pas d'illusion, et sait qui il est : pure existence (ni délibération, ni choix, ni décision) – ce qui veut dire, toujours si j'ai bien compris, que pour Spinoza, il y a de la pensée, de l'idée, et de l'idée de l'idée, préalablement à l'apparition d'un être pensant quelconque.

Ceci dit, que notre idée de libre choix (illusoire ou non, peu importe), que nous donne le sens interne (la conscience intime) - dont j'aurais tendance à me méfier -, ait historiquement donné naissance à l'idée d'un être, analogue à nous mais infiniment supérieur et plus parfait, cause de lui-même, est intéressante, mais me semble éloignée de la position de Spinoza.

En espérant avoir bien saisi votre pensée, je vous souhaite de bien vous porter.

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Messagepar hokousai » 29 août 2011, 01:24

cher pourquoipas

Mais d où provient l'idée de cause?
Après tout nous pourrions penser les choses comme juxtaposées , indépendantes les unes des autres ce qui est loin d'être le cas . Nous pensons que les choses exercent une action sur les unes sur les autres et qu'elles sont donc causes les unes des autres . Spinoza ne se prive pas de l'idée de causalité , il l exploite à fond .
Pourquoi ne commence- t- il pas l'Ethique par "je pense à ce dont la nature de ne peut se concevoir que comme existence" ou "je pense qu'il existe une nature infinie "... et bien cela ne semble pas lui suffire il ajoute "je pense quelque chose sur la cause" .

Comme moi je pense que l'idée de cause est issue de l'expérience de la volonté ( sens intime dirait Maine de Biran ) je pense qu'en niant la liberté dans la décision du sujet ( l 'homme conscient de décider ) il scie la branche sur laquelle il est assis . Disons qu'il se prive d une justification de l'idée de cause de soi alors qu' il l' a sous les yeux .

Pour moi la liberté n'est pas dans le libre arbitre ( arbitrage ) elle est dans la puissance d'agir .
Que la puissance d'agir ne soit pas nôtre en propre et que ce soit la nature toute entière qui agisse , moi je veux bien, mais ce n'est pas ainsi qu 'en première instance nous le vivons .
Nous nous vivons comme ayant une puissance d' agir.
Si nous ne nous vivions pas comme tel nous ne pourrions pas inférer que la nature en ait une .
Je me demande bien comment nous pourrions penser Dieu agissant si jamais nous ne pouvions agir .

C'est pourquoi je pense que le spinozisme devrai reconsidérer la question de la liberté jetée aux orties parce que le maître s' est emporté un jour au vu des conséquence morales et religieuse de la croyance au libre arbitre .
Il est certain que j'introduit un coin avec cette autonomie du sujet mais le conatus le fait .

Alors que penser ? Se penser comme automates déterminé par les causes extérieure ( inconnues ) ou comme conatus individué ?
Parce que si je suis cet effort pour me maintenir en vie, il faut bien que ça passe par des causes qui ne soient pas trop extérieures à moi même et de préférences par des causes dont j ai conscience .

bien à vous
hokousai

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Messagepar bardamu » 29 août 2011, 02:57

hokousai a écrit :cher pourquoipas

Mais d où provient l'idée de cause?
Après tout nous pourrions penser les choses comme juxtaposées , indépendantes les unes des autres ce qui est loin d'être le cas .

Spinoza pense les attributs comme juxtaposés, indépendants les uns des autres.
E1P10 : Tout attribut d'une substance doit être conçu par soi.

La substance est constituée de ces réalités singulières qui sont simplement là.

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Messagepar hokousai » 29 août 2011, 14:13

cher Bardamu

D accord .
La série de causes dans l'étendue est parallèle à celle dans la pensée et il n'y a pas de causalité transversale entre les séries . Quand nous pensons ( spontanément ) être mentalement la cause d' une action du corps, nous sommes dans l' erreur . C' est son point de vue .

Mais parlons d'autre chose
dans le scolie de prop 49/2( il traite de la volonté ) on a ceci:

pourvu que l'on prête attention à la nature de la pensée laquelle n'enveloppe pas du tout le concept de l'étendue et par suite pourvu que l'on comprenne clairement que l idée (puisqu' elle est une manière de penser) ne consiste pas dans l'image d ' une chose ni dans des mots car l'essence des mots et des images est constituée seulement de mouvements corporels qui n’enveloppent pas du tout le concept de la pensée.
Je me demande où peut bien se trouver le concept de l'étendue ? Et je me demande si n'ayant jamais vu de cercle nous pouvons en avoir une idée .

En revanche je vois dans l'idée de cause comme celle de volonté une idée qui enveloppe l 'étendue (mon corps en l 'occurrence )

Mais comment pouvons nous donc avoir une idée de l' union de l' âme et du corps si La substance est constituée de ces réalités singulières qui sont simplement là? Comment parler d' union si aucun contrat ( causalité transversale ) n' est passé entre les supposés unis ?

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Messagepar recherche » 29 août 2011, 16:09

hokousai a écrit :Mais comment pouvons nous donc avoir une idée de l' union de l' âme et du corps si La substance est constituée de ces réalités singulières qui sont simplement là? Comment parler d' union si aucun contrat ( causalité transversale ) n' est passé entre les supposés unis ?

Pas de causalité chez Spinoza, mais une "corrélation" (ce que je tiens de hokousai !) : sans doute une grosse faille de sa philosophie.
Peut-on faire l'aggiornamento sans défigurer le tout ? C'est une question sans doute anecdotique dans le cadre de ce sujet, mais que j'insère au passage.


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