Essentialisme et patriarcat

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Alexandre_VI
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Essentialisme et patriarcat

Messagepar Alexandre_VI » 26 août 2011, 23:10

J'ai cru remarquer que dans l'histoire de la philosophie, l'essentialisme - croyance en des essences immuables qui expliqueraient l'identité des êtres - était liée à la tyrannie masculine. On enferme les femmes dans une «essence» correspondant à leur sexe et ayant des propriétés déterminées. Cette essence est telle qu'elle exclut les femmes des fonctions de responsabilité et de prestige. On attribue à la femme moins de rationalité et moins d'aptitudes au commandement. On en fait une créature essentiellement charnelle et passive, alors que l'homme serait spirituel et actif «par essence».

On est donc d'avis qu'il y a une essence masculine et une essence féminine, complémentaires et hiérarchisées. La «nature» de la femme serait alors d'occuper des rôles de soutien et d'entretien, de torcher les grands hommes une fois que ceux-ci rentrent dans leur foyer.

L'essence des femmes sert particulièrement à souligner les défauts qu'on leur impute ainsi que leurs obligations (plus nombreuses que celles des hommes).

De même, l'homophobie participe d'une même faute. On attribue aux gays et aux lesbiennes des essences immuables qui expliqueraient leur comportement et leur caractère. On les traite comme un groupe remarquablement homogène, alors qu'il ne vient pas à l'idée de quiconque de chercher une pareille homogénéité parmi les hommes hétérosexuels.

L'émancipation passe donc par la destruction de l'essentialisme et la reconnaissance de la diversité infinie des humains.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 27 août 2011, 04:14

Bonjour Alexandre,

en tant que femme je dirais que le problème n'est absolument pas l'essentialisme, le problème c'est le rôle qu'on attribue à la femme. C'est quoi, être "essentiellement" femme? Le christianisme et un tas d'autres pensées ont rempli cette fonction "femme" de manières très précises, et souvent en niant ce qui est le présupposé de base des "gender studies", et qui était déjà la prémisse principale de l'oeuvre de féministes telles que Simone de Beauvoir: l'identité "sexuée" est construite, culturellement (= par la culture dans laquelle on vit), et non pas "donnée" une fois pour toutes ... . Or cela n'empêche en rien d'attribuer à ces constructions des "essences", une fois que telle ou telle construction singulière devient "réelle" ... .

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Messagepar Alexandre_VI » 27 août 2011, 05:22

Bonjour Louisa,

Mais si l'identité féminine est construite, c'est qu'elle n'est pas donnée par la nature, donc il n'y a pas comme telle d'essence universelle et immuable de la femme. Car comment attribuer une essence à une construction?

Par exemple une auto n'a certainement pas d'essence, parce que ce n'est pas donné naturellement: c'est un objet artificiel, un assemblage de diverses substances. L'identité qu'on attribue à la femme est un peu la même chose.

À moins de prendre la perspective inverse et de dire que les essences relèvent des objets artificiels, car ceux-ci viennent d'un archétype dans l'esprit de leur concepteur(trice) alors que les objets naturels arrivent par hasard. Sauf que dans ce cas, l'essence est en quelque sorte extrinsèque à l'objet, un peu comme chez Platon.

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Messagepar Louisa » 27 août 2011, 06:39

Je pense qu'il faut dire que du point de vue spinoziste TOUT ce qui existe du point de vue de l'éternité (species aeternitatis) a une essence (= un degré de puissance), même si du point de vue du temps la chose a un commencement et une fin, autrement dit est "construite" ...

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Messagepar Alexandre_VI » 27 août 2011, 17:47

Bonjour,

Il y a quand même une objection. Pour qu'un objet ait une essence, selon la métaphysique classique, il faut que ce soit une réalité unifiée, et non un agrégat accidentel de plusieurs choses, comme le sont les objets artificiels. Parce que l'unité des objets artificiels est purement verbale.

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Messagepar hokousai » 27 août 2011, 19:05

cher Alexandre

Il me semble qu' à vouloir défendre l' honorabilité des l 'homosexualité vous tordez le bâton dans l'autre sens .
Ce qui vous amène à nier une différence entre les hommes et les femmes .
Pour moi biologiquement une homme ce n'est pas une femme . Un homosexuel homme ce n'est pas une femme et une lesbienne femme ce n'est pas un homme .
Quelques rares exceptions au fait connu du corpuscule de bar comme permettant de déterminer le sexe , incite bien entendu à reconnaitre que la nature produit aussi des hermaphrodismes .
Dans tous les cas on parvient à discerner que sur la bases de distinctions connues entre mâle et femelle .

La biologie ( et précisément la taxinomie ) se passe de l'idée métaphysique d' essence .
Les arbres phylogénétiques ce n'est pas une petite affaire.
Si vous décrétez ne plus savoir distinguer ce qu'est un chat d' un chien où va- t-on ?

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Messagepar Alexandre_VI » 28 août 2011, 00:40

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Il y a bien quelques différences difficilement surmontables entre les hommes et les femmes, mais cela touche avant tout le corps (force musculaire, utérus, etc.) et certainement pas les aptitudes intellectuelles ou l'autorité. Il y a des femmes philosophes, physiciennes et mathématiciennes. Il y a des femmes chefs d'État ou chefs d'entreprise.

Malheureusement les philosophes classiques et les religions utilisent la rhétorique de «l'essence de la femme», éventuellement déguisée en «égalité-complémentarité» (!) pour l'enfermer dans des rôles secondaires et marginaux, loin des lieux où l'Histoire se fait. De même le sexe masculin est généralement conçu comme plus proche du divin (malgré quelques métaphores féminines pour parler du dieu de la Bible). Le masculin est conçu comme spirituel, le féminin comme matériel, et comme l'esprit est supposé être supérieur à la matière... Aussi, la femme est conçue comme dangereuse sexuellement, alors que les études ont montré depuis longtemps que les hommes sont bien plus déviés que les femmes.

À la pseudo-égalité complémentarité, il faut donc substituer l'égalité-équivalence.

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Messagepar recherche » 28 août 2011, 00:57

Alexandre_VI a écrit :Malheureusement les philosophes classiques et les religions utilisent la rhétorique de «l'essence de la femme», éventuellement déguisée en «égalité-complémentarité» (!) pour l'enfermer dans des rôles secondaires et marginaux, loin des lieux où l'Histoire se fait. De même le sexe masculin est généralement conçu comme plus proche du divin (malgré quelques métaphores féminines pour parler du dieu de la Bible). Le masculin est conçu comme spirituel, le féminin comme matériel, et comme l'esprit est supposé être supérieur à la matière... Aussi, la femme est conçue comme dangereuse sexuellement, alors que les études ont montré depuis longtemps que les hommes sont bien plus déviés que les femmes.

Il y a hélas ici du (très) vrai.

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Messagepar hokousai » 28 août 2011, 13:08

à Alexandre
Vous ne devez pas alors contester l'essentialisme mais le contenu (traditionnel) des définitions .
Vous ne pouvez rejeter les essences parce qu' alors on rejette toute science. on ne peut pas faire de science du singulier ( On est obligé de recourir a des généralité /abstractions /concept ).

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Messagepar Alexandre_VI » 29 août 2011, 03:17

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Trouver une meilleure définition de «la» femme n'est pas la question. Dans les sciences on cherche à découvrir des relations (généralement mathématiques) entre phénomènes et non, comme dans la perspective ancienne, à définir des essences. Or dans les sciences humaines, de telles relations sont rarement absolues et universelles. Il y a la plupart du temps beaucoup d'exceptions.

Le substitut biologique de l'essence, c'est le patrimoine génétique, et on admet la possibilité de mutants. De même, les anciens philosophes parlaient beaucoup de ce qui est naturel, mais ils connaissaient très peu les variations entre les cultures du monde. Des individus qui vivent sur d'autres continents considèrent leur pratiques comme tout aussi normales que les nôtres.


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