Vérité du Spinozisme ?

Questions et débats touchant à la nature et aux limites de la connaissance (gnoséologie et épistémologie) dans le cadre de la philosophie spinoziste.
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Pej
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Vérité du Spinozisme ?

Messagepar Pej » 18 janv. 2005, 19:58

Vérité du Spinozisme ?

L'intitulé de ce forum a-t-il un sens si, comme l'a démontré Popper, on ne peut ni vérifier ni falsifier un énoncé métaphysique, donc a fortiori un système métaphysique, comme celui de Spinoza ?

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Messagepar Miam » 19 janv. 2005, 13:34

Je pense que toute la dynamique affective ainsi que, et c'est important, la relation entre les affects et la connaissance, est vérifiable par l'expérience.

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Messagepar Miam » 20 janv. 2005, 14:09

On ne saurait assimiler Spinoza au rationalisme idéaliste comme dans une vision scolaire du 17è siècle. On ne doit pas non plus sous-estimer l’importance de l’ « experientia » chez Spinoza. Que ce soit l’expérience éthique (comme au début du TRE) ou l’expérience scientifique (comme dans l’Ethique): Spinoza s’assure que ses dires « ne contredisent pas l’expérience ».

Mais surtout : que veux dire « métaphysique » ? Si tu l’emploies dans son acception positiviste, métaphysique est tout ce qui ne résulte pas des « faits ». Mais ces « faits » et les règles qui permettent leur traitement et appréhension sont-ils si immédiats qu’ils en deviennent indiscutables ? D’où viennent-ils sinon de règles logiques et de critères épistémologiques (d’un langage enfin) qui ne dépendent pas de ces faits eux-mêmes ? Bref ces faits ne tombent pas du ciel mais sont humainement constitués. Des critères tels que la « vérifiabilité » et la « réfutabilité » sont également constitués, tout comme l’était l’évidence cartésienne. Mais Descartes comme Popper nient cette constitution. Les faits et leur critère épistémologiques possèdent selon eux une signification et une évidence immédiate, « métaphysique » justement. Les critères épistémologiques transcendent la pratique de la connaissance. Tel n’est pas le cas chez Spinoza. Chez lui la production des « faits » scientifiques ne se distingue pas de la constitution de la Raison et de la communauté humaine. Elle est donc dynamique, socialisée et historique. La connaissance est un « produit » au même titre que n’importe quel résultat d’une pratique. Il n’y a donc pas de règles de connaissance a priori. Il n’y a que la connaissance en acte. La connaissance par les causes. La connaissance est totalement connaissance de sa propre constitution et non pas de quelque vérité qui la précéderait. Il n’y a pas de pseudo neutralité objective qui cache mal sa constitution humaine. La connaissance n’est pas indépendante de toutes les autres pratiques. Elle résulte de ces pratiques et devient dès lors de part en part affective. Cela, c’est l’immanence spinoziste, ou du moins sa formulation la plus radicale à partir de la troisième partie de l’Ethique. En ce sens, ce n’est pas Spinoza le métaphysicien, mais bien Popper et consorts, dans la mesure où il occulte l’aspect constitué et immanent de toute connaissance, y compris de celle des règles élémentaires de la connaissance scientifique.

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Messagepar Henrique » 20 janv. 2005, 16:45

J'ai répondu longuement dans un nouvel article à cette question, accessible sur la page d'accueil ou dans la rubrique "connaître".

En voici les moments que j'estime les plus importants pour qui connaît déjà Popper et Spinoza :

La philosophie, telle qu'elle a été amenée à se caractériser à la suite de la prise d'autonomie des sciences physiques aux environs du XVIIème siècle, est l'étude des principes de l'existence, autrement dit des essences, tandis que les sciences que l'on qualifiera d'expérimentales s'attachent à comprendre le fonctionnement des phénomènes sans s'interroger sur leur nature.

En fait, que le philosophe s'efforce d'énoncer des principes irréfutables sans pour autant manquer de rigueur rationnelle ne signifie pas du tout qu'il soit a priori prémuni contre toute erreur, comme le voudrait Popper. Soit le 2ème axiome de l'Ethique : "ce qui ne peut se concevoir par autre chose doit se concevoir par soi". Ce faisant il énonce le principe selon lequel toute chose doit avoir une cause positive, externe ou interne.

En lui-même un tel principe ne peut être démontré et en fait, j'oserai le dire : pour une personne de bonne foi, il n'a pas besoin de l'être, du moins après un peu de réflexion pour bien comprendre ce que ce principe signifie. Il n'a pas besoin de l'être car il contient en lui-même sa propre nécessité, de même que l'énoncé non empirique "quelque chose existe" car l'énoncé lui-même existe nécessairement pour celui qui le comprend et il n'est pas de pensée qui ne suppose d'une façon ou d'une autre que "quelque chose existe". Mais on pourrait se demander si l'auteur de l'axiome II n'aurait pas du envisager aussi ce qui peut se concevoir par rien. Auquel cas un spinoziste répondrait que ce qui ne se conçoit par rien ne peut donner à penser à quoique ce soit de positivement existant. Il pourra alors demander à son interrogateur si il peut concevoir intelligemment (non pas seulement imaginer) quelque chose qui naîtrait du néant. Une discussion est donc possible. De même, on pourrait aussi se demander s'il peut exister autre chose que des causes transitives, s'il y a un sens à parler de causalité par soi, il y aura donc une discussion possible sur la valeur de vérité de cet axiome.

On est donc fort loin des vagues généralités de l'astrologie, modèle de fausse science pour Popper, qui n'est irréfutable que parce qu'elle affirme vaguement, laissant toujours place à l'interprétation. Quand Spinoza affirme que tout ce qui est, est ou bien en soi, ou bien en autre chose, il n'y a pas 36 interprétations possibles, pas même deux, le travail de l'historien de la philosophie étant d'examiner les différentes interprétations que rendent parfois nécessaire la langue naturelle et de voir celle qui s'impose, non au gré des événements mais selon la logique nécessaire du système. Et ainsi la vérification est immédiate, contrairement aux vérifications valables dans les sciences empiriques : soit une chose existe en ou à partir d'autre chose, soit en ou à partir d'elle-même, pas besoin de parcourir tout l'univers pour en comprendre la nécessité, de même qu'il n'est pas nécessaire de mesurer tous les triangles de l'univers pour savoir que la somme de leurs angles fera toujours 180°. C'est possible parce qu'à un niveau de simplicité suffisant (ce qui n'est pas pour autant facile à appréhender), penser et être revient au même, puisque la pensée existe et que l'existence connue est pensée. Ainsi le champ du possible se réduit à sa plus simple expression : la nécessité.

En un mot métaphorique, le philosophe étudie la lumière tandis que le "scientifique" au sens popperien, n'étudie que ce qui est éclairé (y compris bien sûr la lumière en tant que phénomène physique). Ne nous étonnons donc pas que les méthodes doivent être différentes et ne cherchons pas à imposer à l'un les méthodes de l'autre !

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Messagepar Henrique » 20 janv. 2005, 16:49

Je trouve que ce que dit Miam complète bien ce que j'aurais voulu dire, notamment sur l'usage du mot "métaphysique", si je n'avais pas déjà été trop long sur la question.

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Messagepar hokousai » 20 janv. 2005, 18:20

""""""""""""""La connaissance par les causes. La connaissance est totalement connaissance de sa propre constitution et non pas de quelque vérité qui la précéderait. """""""""(miam)

Ces propositions de miam me paraissent contradictoires .
Une cause est la vérité d’un antécédent, c’est à dire de quelque événement censé précéder la connaissance actuelle se constituant .Les causes précèdent la connaissance qu’on peut en prendre ..
Connaître sa propre constitution implique de se fonder sur des connaissances antérieures .La constitution qui est à la connaissance son propre objet , cette constitution est un ensemble de propositions ordonnées dans le discours donc un ensemble de vérité qui précèdent.
Et Spinoza ordonne très précisément son discours en faisant précéder certaines propositions contre d‘ autres .
Les premières propositions (définitions ou axiomes )étant à l évidence métaphysiques .

Henrique remarque que : penser et être reviennent au même, puisque la pensée existe et que l'existence connue est pensée.
On pourrait laisser place au doute sur ce qui ne serait pas pensé mais serait quand même .Ce qui est une place laissé vacante en général et pas par les plus sceptiques ce qui se résume par existe- il un monde quand je ne le pense pas ?.
La réponse spinoziste pouvant être que la pensée existe quand je ne pense pas , quand aucun homme ne pense , avant que l’ homme soit apparu et existera après sa disparition . C’est théoriquement concevable mais on se demande si le concept de pensée désigne alors ce que nous entrevoyons assez confusément d’ ailleurs dans l’expérience comme étant notre pensée .Après tout nous ne pensons pas si souvent .

Henrique célèbre ce qu’ Aristote portait au plus haut , le savoir de l ‘homme éveillé (la phronèsis ).Dans le même temps où il célèbre l’éveil (opposé au sommeil ou au rêve ) il célèbre l’enfermement dans l’éveil .
En un mot métaphorique le philosophe ignore l’ombre .

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Messagepar Miam » 21 janv. 2005, 14:32

Hokusaï dit :

"Les causes précèdent la connaissance qu’on peut en prendre .. ".

Mais justement non. Chez Descartes et consort oui, car ils remontent de l'idée claire et distincte de l'effet à la cause. Chez Spinoza non. La connaissance des causes a un fondement : les notions communes. Mais ces notions communes sont beaucoup plus pratiques (voire "praxiques") et affectives que strictement épistémiques (c'est là ce que, selon moi, n'entend pas Bardamu). La connaissance par les causes ne va pas rechercher une cause non présente. La cause est présente dans l'effet (c'est cela l'immanence) et la connaissance de la cause n'est rien d'autre que la production de l'effet. La connaissance en acte c'est la production en acte, c'est-à-dire l'"exister" de l'être lui même, la Substance, comme cause libre et immanente. D'une certaine manière, et parfois même de façon explicite, on peut dire que pour Spinoza, c'est l'existence de l'être qui cause son essence et non l'inverse.

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Messagepar hokousai » 21 janv. 2005, 22:15

à miam

Bien .
Habituellement on pense que ce qui cause une connaissance précède cette connaissance .Il pleut j’en prend connaissance , c’est que précédemment un nuages a parcouru l’espace ..
C’est une idée commune dirais- je ,non sans doute au sens spinoziste , mais au sens d’ une conception ordinaire .Je ne l’entendais pas autrement .C’est la conception ordinaire de la cause dans la temporalisation des causes et des effets . Pas de cause et d’ effets hors du temps . à tout le moins hors d’un espace vectoriel .

Maintenant que les idées des causes et non celle de la causalité soient ancrées dans les notions communes ,certainement . Les causes sont des propriétés spatiales, des forces , des pesanteurs , des puissances d’ agir de se mouvoir ,des aptitudes à prendre des formes autant de ce quelque chose de commun à tous les corps et qui est commun au tout et à la partie .Ces notions communes sont actualisées dans le corps ,dans l’acte elle sont originées dans l’acte dans ce que le corps humain est de se dont il est l’idée .On pourait dire que l'idée du coprs est l'ensemble des notions communes (ainsi percevant plus le domaine des notions communes peut évoluer ).
Est- ce que cela ressemble à ce vous voulez dire ……sinon reformulez c’est intéressant ..… parce que là- dessus """c'est l'existence de l'être qui cause son essence et non l'inverse """" je suis d’ accord .

Hokousai

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Messagepar bardamu » 21 janv. 2005, 22:55

Miam a écrit :(...)Mais ces notions communes sont beaucoup plus pratiques (voire "praxiques") et affectives que strictement épistémiques (c'est là ce que, selon moi, n'entend pas Bardamu).

Merci...
Je ferais simplement remarqué que nous sommes d'accord sur l'origine expérimentale, "praxique" des notions communes, mais que nous ne sommes pas d'accord sur les notions de communauté et de similitude vraies. Pour toi, il ne semble pas y avoir de similitude vraie et donc, je ne sais pas comment tu fais pour passer d'un chaos de singularités à un cosmos de choses, comment tu constitues les individus, comment tu conçois leur essence, leur nature.
Pour moi, la notion commune est justement ce qui vaut pour essence singulière dans le cas des choses communes. C'est l'idée vraie des choses générales, issue de l'expérience, comme la connaissance de l'essence singulière est l'idée vraie des choses singulières issue elle aussi de l'expérience. Et le singulier vaut plus que le général, mais le général est lui aussi, vrai. Chaos-cosmos.

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Messagepar Miam » 22 janv. 2005, 15:38

Très cher Bardamu,

Je n'ai pas dit qu'il ne pouvait y avoir de similitudes vraies au sens où tu l'emploies. Mais si une similitude est vraie, ce sera par accident, suivant l'ordre des affections fatalement, et l'ordre commun de la nature. Rien ne peut en découler rationellement si elle ne résulte pas directement d'une notion commune comme les idées claires et distinctes doivent suivre des idées adéquates. Il n'y a pas de similarité avant la connaissance. Il n'y a pas même de notion commune avant la connaissance puisque la connaissance ne se distingue pas de l'existence. Aussi "vraie" ne veut pas dire "qui précède la connaissance". L'idée vraie, on sait qu'elle est vraie par sa force productive. Donc même si la similitude est vraie, au sens de réelle et précédant la connaissance (mais cela n'a pas de sens chez Spinoza), elle ne sera pas vraie au sens où par elle-même elle engendre d'autres idées adéquates selon la connaissance en acte.

Quant au chaos et au cosmos, ces deux termes ne conviennent pas à la pensée spinozienne qui, comme on le verra peut-être plus tard, est un acosmisme. Bref, je ne crois pas que l'on puisse, avec, Spinoza, passer du chaos au cosmos. Par contre on passe de la passivité à l'activité. Et c'est là ce que je montre en entamant la lecture de la quatrième partie dans le sujet "similitude en III 27".

La suite s'adresse plutôt à Hokusaï (Bien que...)
Exister = connaître = produire = exprimer la Substance = mode de l’autoconstitution infinitaire de Dieu..

Tout cela sur une même ligne horizontale. C’est cela l’immanence. Cela ne veut pas dire que l’immanence soit uniforme et « plate ». Pour introduire mon propos métaphoriquement : ce qui fait s’élever les montagnes, ce n’est par l’attirance du ciel mais le plissement de la terre. Ce n’est pas la pensée de l’immanence qui est superficielle, mais celle de la transcendance. Car cette pensée, comme elle regarde de haut le « monde sublunaire », le rend en effet plat, uniforme et statique, quoiqu’elle compense cette ennuyeuse platitude par une puissance hiérarchique qui émane d’elle même, c’est-à-dire du transcendant. Ce faisant, elle confond la nébulosité de ses espaces célestes avec la profondeur de l’existence. Elle diminue l’existence, n’en faisant qu’une baudruche emplie d’air. Bref qu’elle soit religieuse, éthique, logique ou épistémologique ou sociale, cette transcendance ne nous libère pas.


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