Aux origines de la substance...

Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
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Aux origines de la substance...

Messagepar recherche » 02 janv. 2012, 23:39

Bonjour,

"J’entends par Dieu un être absolument infini, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie."

Il s'agit de l'une des premières définitions de l'Ethique.

Sur quoi repose-t-elle ?

Merci

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Henrique
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Messagepar Henrique » 05 janv. 2012, 18:38

Je pense que ce petit article répond à votre question :
http://www.spinozaetnous.org/wiki/Dieu

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Messagepar recherche » 07 janv. 2012, 23:23

Merci bien !

Comprends-tu que l'on puisse rester sceptique face à une telle affirmation ?

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bardamu
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Messagepar bardamu » 08 janv. 2012, 04:43

recherche a écrit :Merci bien !

Comprends-tu que l'on puisse rester sceptique face à une telle affirmation ?

Bonjour,
t'es-tu penché sur les 10 premières propositions qui mènent à E1p10 sc. où il légitime sa définition : " ...et conséquemment aussi que ceci : un être absolument infini doit être défini (comme il est dit dans la déf. 6) un être qui est constitué par une infinité d'attributs dont chacun exprime une certaine essence éternelle et infinie."

Quand tu demandes sur quoi ça repose, tu demandes la "démonstration" de cette définition (cf les propositions en question) ou bien tu demandes les motifs ayant poussé Spinoza à chercher une telle définition (pourquoi chercher à définir une puissance infinie ? pourquoi lui donner une "forme" ?) ?

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Messagepar recherche » 08 janv. 2012, 11:47

Oui, je les ai lues, mais la motivation de ma question se situe (me semble-t-il) un peu ailleurs.

En quelques mots :

Lorsque j'étais encore plus petit, je pensais que la philosophie se voulait être strictement affaire de vérités rationnellement "éprouvables", et non de postulats ou d'intuitions initialement affirmés tels que le font les religions... ou les mathématiques. Je crois avoir compris qu'il n'en était à peu près rien, et souhaiterais recueillir votre impression à ce propos.

Par exemple (en amont de la proposition que j'ai citée dans mon premier message) :
Où situez-vous la seule affirmation, par Spinoza, du concept "d'essence", là où d'autres philosophies en récusent la réalité ?

Merci

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Messagepar walidh » 08 janv. 2012, 13:15

Personnellement, et j'insiste sur le premier mot, je considère que, puisque Spinoza utilise des mots issus d'un langage bancal, et ce bien qu'il ait pris d'énormes précautions en définissant presque tous les termes fondamentaux (mais pas l'essence par exemple, même s'il semble en l'espèce reprendre le concept traditionnel de l'essence), et puisque Spinoza utilise des principes logiques arbitraires (bien que rigoureux, d'usage commun, et réputés extrêmement productifs en mathématiques à ceci près que certaines théories mathématiques utilisent d'autres systèmes de logique, par exemple il existe des logiques dépourvues de l'axiome du tiers exclu), on peut considérer que l'Ethique n'est ni une philosophie Vraie (car elle choisit arbitrairement un système logique particulier et ne définit pas absolument tous ses termes), ni un système mathématique rigoureux (au sens moderne, car elle utilise des mots non rigoureusement définis). Il s'agit donc d'un système philosophique particulièrement rigoureux (qui se trouve peut-être par un heureux hasard être LA vérité, mais on peut en douter). Par contre, dès lors que l'on critique tel concept de ce système, on doit se placer à l'intérieur de ce système, et non à l'extérieur. La question que vous posez revient donc à "le concept d'essence est-il pertinent (ou justifié) à l'intérieur du système Spinoziste ?". Je considère ne pas avoir assez étudié l'oeuvre pour donner une réponse suffisante, même si a priori il me semble que oui, le concept d'essence tel que Spinoza l'utilise, "fonctionne".

L'essence d'après moi peut être considérée de deux façons : soit comme une définition valide dans un système théorique cohérent donné, soit comme la caractérisation de ce qui est inhérent à un objet réel considéré dans un système de représentation cohérent donné.

Dans le premier cas, on fait des mathématiques : dans le système de la géométrie euclidienne, l'essence d'un triangle est d'être un polygone à trois côté, ou dont la somme des angles vaut Pi, celle d'un cercle est d'avoir tous ses points à égale distance d'un unique point du plan...
Dans le deuxième cas, prenons l'exemple de l'homme. Le nombre de bras d'un homme est indépendant de son essence, puisqu'un manchot n'en reste pas moins un homme. Avoir une tête n'est pas suffisant puisque les lions en ont une. etc. En fait, on se rend vite compte qu'une caractérisation biologique est bancale. Si un jour nous inventons une machine dotée d'émotions et d'une conscience, capable de dialoguer avec nous et de nous convaincre qu'elle est humaine, alors il faudra bien la considérer comme humaine non ? vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais moi si, et finalement, la caractérisation de l'humanité est un simple choix philosophique (chez Spinoza, ce choix est fait en amont dans l'élaboration du système global, dont découle l'essence de son homme). Et en l'espèce je suis d'accord avec Spinoza, pour dire que l'essence de l'homme, c'est son désir, même si pour moi au delà des essences, ce qui est essentiel est la force, tout est question de rapport de force, et considérer des essences est une façon de chercher à connaître la nature des forces en présence : essence ou tartampion, on cherche à connaître les propriétés des forces en présence pour mieux augmenter la nôtre, et Spinoza ne dit pas autre chose. Il serait peut-être tout à fait légitime de chercher les propriétés du champ universel des forces sans considérer d'essences, mais in fine la question serait celle de l'efficience du système, de sa capacité à produire des principes utiles.

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Messagepar bardamu » 08 janv. 2012, 17:37

recherche a écrit :Oui, je les ai lues, mais la motivation de ma question se situe (me semble-t-il) un peu ailleurs.

En quelques mots :

Lorsque j'étais encore plus petit, je pensais que la philosophie se voulait être strictement affaire de vérités rationnellement "éprouvables", et non de postulats ou d'intuitions initialement affirmés tels que le font les religions... ou les mathématiques. Je crois avoir compris qu'il n'en était à peu près rien, et souhaiterais recueillir votre impression à ce propos.

A mon sens, la philosophie fait un travail de réflexivité sur les a priori explicites (postulats, axiomes...) mais aussi implicites. Quand on s'en tient à l'affirmation de vérités démontrables déductivement, au mieux on pose explicitement les prémisses qui seront développées part la déduction (et en ce sens, la logique ne dit "rien" pour reprendre l'analyse du Tractatus de Wittgenstein, rien de plus que ce qui est dans les prémisses), au pire on fait comme si il y avait des évidences inutiles à expliciter, c'est-à-dire qu'on ne donne même pas l'occasion de réfléchir à d'où on part.

En fait, je me rapproche assez de Deleuze dans sa conception de la philosophie comme sorte d'expérimentation intellectuelle, d'expériences de pensée où on pose des systèmes, des "machines" conceptuelles et où on les fait fonctionner pour voir ce qu'elles donnent, quel genre de monde, de pratique, de manière d'être en sortent. Qu'est-ce que ça fait de penser comme Platon, Kant, Descartes, Spinoza ou M. Dupond, de penser comme une tique, un arbre, un ordinateur voire une pierre.
Comme dit Spinoza, les idées ne sont pas des tableaux, ce sont des actes, des manières de faire, des constructions, et donc il est bon d'étudier les machines à idées, les systèmes de production.
recherche a écrit :Par exemple (en amont de la proposition que j'ai citée dans mon premier message) :
Où situez-vous la seule affirmation, par Spinoza, du concept "d'essence", là où d'autres philosophies en récusent la réalité ?
Merci

Il y a plutôt des concepts d'essence dont le fonctionnement diffère selon les philosophies.
Dans le cas de Spinoza, il redéfinit le terme (par rapport à la définition traditionnelle à son époque) pour faire un lien bijectif avec l'existence. En cela, on pourrait dire qu'il est assez proche de la notion de forme chez Aristote (les choses comme matière formée), c'est-à-dire que toute chose a une constitution, toute existence a une essence, et qu'il n'y a de constitution que de l'existant : pas d'essence sans existence, ni d'existence sans essence, pas de forme sans matière ni de matière informe (attention à ne pas identifier "matière" à "corps", il faut plutôt l'entendre comme dans "table des matières" dans un livre).

Ceux qui s'attaquent à la notion d'essence (que pour simplifier j'identifierai à celle d'identité propre) le font généralement pour dire que l'identité est construite par l'existence dans le devenir (l'existence précède l'essence) et/ou qu'il n'y a pas d'identité propre, c'est-à-dire que l'identité n'est que dans la permanence d'un rapport, l'insistance d'une relation (au voisinage, au monde etc.), la répétition d'un processus en devenir.
Chez Spinoza, seuls les attributs ont une essence inconditionnée, ce sont plus ou moins le type des variables d'après lesquels on identifie la nature d'une chose : quand on dit qu'une droite a pour équation y = ax + b, chaque point x-y est conditionné dans la droite mais ce qui permet d'établir l'équation, l'horizontalité et la verticalité d'où naissent des x et des y, ne doit rien à cela. L'identité du point en tant qu'il a une valeur déterminée de x et de y, en tant qu'il a une position sur le plan, qu'il est pris dans des processus du type tracer une droite, est lié au voisinage, au processus, mais son identité a une autre composante, celle d'être un x-y, d'exprimer de l'horizontalité et de la verticalité, lesquelles sont les conditions communes a priori de tout point et sont indépendantes de tout processus de tracé.
Donc, l'existence précède l'essence pour autant qu'on parle de l'identité par rapport à un processus (on ne naît pas sage, on le devient) mais elle lui est co-extensive pour autant qu'on se place au niveau des attributs, c'est-à-dire dans la nécessité que l'horizontalité et la verticalité déterminent un plan constitué nécessairement et d'emblée d'une infinité de points. La "substance" des processus, le plan où se tracent les trajectoires, est un peu leur universel, toujours là dans une trajectoire bien qu'il ne soit pas elle et qu'il ne soit pas sans elle, qu'il ne soit pas sans l'ensemble infini des relations qu'il détermine par sa constitution même de plan.

L'idée de base chez Spinoza est que l'Etre est d'emblée une constitution, que la Substance a d'emblée une constitution, qu'il n'y a pas un Néant, un Chaos ou un Dieu leibnizien d'où naîtrait un cosmos, l'Etre est d'emblée un cosmos, on est plus côté de Giordano Bruno. Les essences éternelles, les puissances a priori, les attributs sont les composantes "définitionelles" de cette constitution, ce d'après quoi on définit tout processus, tout devenir, de même que toute équation de courbe dans un plan se définit par l'articulation de x-y, d'un "être horizontal-vertical". L'identité d'un point selon le devenir est son inscription dans l'infinité de courbes passant par lui (le point 1-1 est à la fois dans y=x, y=x+1 etc.), l'identité d'un point selon l'éternité est son inscription dans le plan selon ses 2 valeurs propres, ce x-y qu'il est seul à avoir, ce rapport unique aux deux composantes essentielles du plan, le 1-1.

Et tout d'un coup, d'avoir parlé de "table des matières" me donne une idée d'illustration de la définition de Dieu : le livre du monde a une constitution, le livre du monde a une table des matières, dont les titres seraient du type : "l'enchaînement causal infini en style mental", "l'enchaînement causal infini en style corporel" etc. comme dans la tirade du nez de Cyrano où il décline le même thème dans divers genres.
Tous les chapitres, tous les attributs disent la même chose mais chacun dans son style, il y a une signification unique et infinie exprimée d'une infinité de manière, dans une infinité de style. Dieu, la substance, le livre, pourrait avoir pour titre :
"Les puissances du style, écrit sur les manières d'écrire ou comment tout écrit est ce qu'il dit et comment il se dit"
En littérature, on dit souvent que la singularité d'un auteur est dans ce qu'il dit mais aussi dans sa manière de le dire, et de même, dans l'existence, la singularité d'un individu est dans ce qu'il vit mais aussi dans la manière dont il le vit, de quels attributs il est un mode.

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Messagepar Krishnamurti » 08 janv. 2012, 21:36

recherche a écrit :Lorsque j'étais encore plus petit, je pensais que la philosophie se voulait être strictement affaire de vérités rationnellement "éprouvables"

Il y en a quand même énormément chez Spinoza.

Edit : Merci whalid pour m'avoir signalé cette erreur.
Modifié en dernier par Krishnamurti le 08 janv. 2012, 22:09, modifié 2 fois.

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Messagepar walidh » 08 janv. 2012, 21:38

ce n'est pas moi qui ai écrit ce que vous citez.

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Messagepar Henrique » 09 janv. 2012, 00:56

Sur la notion de définition, je vous invite à aller voir cette page :
http://www.spinozaetnous.org/wiki/Définition

Cher Recherche, tu me demandes si je comprend qu'on puisse rester sceptique face à la définition de Dieu proposée par Spinoza. A priori, je veux bien comprendre tous les scepticismes et tous les dogmatismes. Mais en l'état, je ne peux guère comprendre ton doute, puisque tu ne l'expliques pas. Quelle définition alternative te paraît sérieusement concevable ? Nominalement, le mot Dieu désigne l'idée de l'être suprême, peux-tu concevoir quelque chose de plus parfait, autrement dit contenant plus de réalité, que ce que Spinoza donne dans sa définition ?


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