Deleuze et Spinoza

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Messagepar Lemarinel » 14 mars 2012, 18:07

à Picrate,

"Où ça trouvez-vous un Deleuze transcendantal", demandez-vous ? Je vous renvoie au petit livre d'éric Alliez, Deleuze philosophie virtuelle (d'ailleurs écrit en propositions et scholies...) p.35 (Les empêcheurs de tourner en rond). L'expression se trouve en toutes lettres dans le texte d'éric alliez, et je crois me souvenir qu'elle se trouve chez Deleuze dans La philosophie critique de Kant, mais je ne puis vous l'assurer.

Deleuze en effet n'aimait pas Kant, mais Spinoza et Nietzsche, ce qui ne l'a pas empêché d'écrire 2 livres sur Kant. Par contre, lorsque vous me dites que l'expression "psychiatrie matérialiste" ne se trouve nulle part chez Deleuze, vous vous trompez gravement : elle fait même l'objet d'un chapitre entier qui porte son nom dans l'Anti-Oedipe (chap.I les machines désirantes §4 "psychiatrie matérialiste"). Sans compter que cette espression définit sa position qu'il résume si crûment dès la 1ère phrase du livre : un être humain "ça respire, ça chauffe, ça mange, ça chie, ça baise". Position matérialiste d'un trop-plein à vider que Deleuze de son propre aveu oppose à la "conception idéaliste du désir comme manque (fantasme)".

C'est bien de lire les cours de Deleuze, mais quand vous m'affirmez mordicus que "l'expression psychiatrie matérialiste ne se trouve nulle part chez Deleuze", vous prouvez non seulement que vous n'avez pas lu ne serait-ce que le sommaire de l'Anti-Oedipe (ce qui n'est pas un mal en soi car on ne peut pas toute lire), mais vous commettez une erreur dûe à la précipitation (comme vous aurait dit Descartes). Il faut être prudent dans ses affirmations, il me semble, c'est le moins du monde qu'on puisse attendre d'un philosophe.
Bien à vous.

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Messagepar Lemarinel » 15 mars 2012, 11:35

à Picrate,

J'ai vérifié : l'expression "empirisme transcendantal" qui vous semblait une invention de ma part est dans Empirisme et subjectivité, essai de Deleuze sur Hume, ce que m'a confirmé par ailleurs (car 2 sources valent mieux qu'une) un article de Wikipédia consacré à cette notion.

Je cite : "L'empirisme transcendantal est un point de vue philosophique introduit par Gilles Deleuze qui vise à concilier l'empirisme avec le concept kantien de « transcendantal ». L'expression apparaît dès Empirisme et subjectivité (1953), lorsque Deleuze incite à relire Kant avec Hume".

Cette expression est tellement deleuzienne qu'il vous suffira de taper "empirisme transcendantal" sur un moteur de recherche pour que s'affichent plusieurs études sur le sujet. Elle désigne la position même de Deleuze qui s'oppose ainsi à l'idéalisme transcendantal de Kant. Deleuze montre par cette expression sa distance d'avec Kant à qui il reproche d'avoir créé la notion d'expérience possible, non celle d'expérience réelle (ce sont en effet les expérimentations réelles sur le plan d'immanence qui intéressent Deleuze).

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Messagepar hokousai » 15 mars 2012, 12:39

à lemarinel
Vous connaissez bien mieux Deleuze que moi. Que pense -t -il de Hume ?

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Messagepar Lemarinel » 15 mars 2012, 19:59

à Hokusaï,

Je ne connais pas si bien Deleuze que ça car je n'ai toujours pas lu Empirisme et subjectivité (essai sur Hume) qui prend la poussière dans ma bibliothèque. J'ai lu en revanche La philosophie critique de Kant, ses livres sur Spinoza, Logique du sens, l'Anti-Oedipe, et quelques études ici ou là sur Deleuze.

Ce que je sais en revanche, pour répondre à votre question, c'est que Deleuze partage l'empirisme de Hume CONTRE l'idéalisme de Kant : il conçoit comme lui une "expérience réelle" là où Kant se limité à la notion d' "expérience possible" (pour nous). Comme vous savez, Deleuze a étudié plusieurs figures de philosophes, et à chaque fois il en retire pour son compte une notion qu'il intègre à sa philosophie. Chez Hume, c'est l'empirisme et l'expérience réelle, chez Kant c'est la notion de transcendantal, chez Spinoza c'est la notion d'immanence (il est à noter ici que Deleuze, couplant les notions humienne, spinoziste et kantienne, définit cette équivalence : plan d'immanence = plan transcendantal = plan des expérimentations réelles).

Dans Empirisme et subjectivité, je sais a minima que Deleuze travaille sur la notion d'association d'idées, mais je ne saurais vous en dire davantage car il faudrait que je lise le bouquin de Deleuze sur Hume (il y a tant de choses à lire !!!!). J'espère que ma réponse vous apportera cependant quelque information...

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Messagepar Picrate » 17 mars 2012, 20:02

Lemarinel a écrit :Comme vous savez, Deleuze a étudié plusieurs figures de philosophes, et à chaque fois il en retire pour son compte une notion qu'il intègre à sa philosophie. Chez Hume, c'est l'empirisme et l'expérience réelle, chez Kant c'est la notion de transcendantal, chez Spinoza c'est la notion d'immanence (il est à noter ici que Deleuze, couplant les notions humienne, spinoziste et kantienne, définit cette équivalence : plan d'immanence = plan transcendantal = plan des expérimentations réelles).


Serais-ce que Deleuze emprunte à l'Etat son appareil de capture ?
(référence à "Mille Plateaux" §13)
J'avoue être séduit par Deleuze et certainement pas très rigoureux, néanmoins je laisse filer mon intuition...
Bien à vous

je suis surpris par ce terme "plan transcendantal"

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Messagepar Picrate » 20 mars 2012, 22:45

Lemarinel a écrit :à Picrate,
"Où ça trouvez-vous un Deleuze transcendantal", demandez-vous ? Je vous renvoie au petit livre d'éric Alliez, Deleuze philosophie virtuelle (d'ailleurs écrit en propositions et scholies...) p.35 (Les empêcheurs de tourner en rond). L'expression se trouve en toutes lettres dans le texte d'éric alliez, et je crois me souvenir qu'elle se trouve chez Deleuze dans La philosophie critique de Kant, mais je ne puis vous l'assurer.


"Alliez" peut-être je ne dis pas mais Deleuze ?
J'irai voir à l'occasion

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Messagepar Picrate » 20 mars 2012, 22:54

Passer à l'existence...

Une Essence passe à l'existence lorsqu'une infinité de parties extensives est déterminée du dehors à lui appartenir sous Tel rapport.

Naître c'est ça.

(je n'ai pas trouvé de définition d' "Essence" dans l'Éthique ...)

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Messagepar hokousai » 20 mars 2012, 23:50

à Picrate

Une Essence passe à l'existence lorsqu'une infinité de parties extensives est déterminée du dehors à lui appartenir sous Tel rapport.

C'est très ambigu voir incompréhensible.


Déterminé, certes, du dehors de l'essence . Il s'en passe des chose dehors là où L'Essence ne participe d'aucun enchaînement d' idées ou de mouvements. Existe-t- elle alors hors du champ des determinations?
Si oui, comment ça s'accroche ?
Comment les idées ou les mouvement peuvent- ils subitement lui appartenir(sous un rapport ? Un rapport d'appartenance ?On est en plein mystère .)

Spinoza dit qu'un enchainement de cause constitue l'essence ( qui n'est pas préalable ).
Il dit que constitue l'essence c' est ce dont la présence pose la chose dont la suppression suprime la chose etc je vous renvoie à la définition de l'essence au<b> scolie 2 de la prop 1O/partie 2</b>

il donne l'exemple de l'essence de l' homme constituée par des manières précises des attributs de Dieu . Il y a même " le premier à constituer l'esprit humain qui est l'idée et l'idée d'une chose qui existe .etc...
....................................

Nonobstant sa profonde ambiguïté la phrase de Deleuze pourrait à la limite expliquer l' existence encore qu 'existence s explique par Dieu comme cause essendi.(exit de l'essence )prop24/1

Mais la phrase de Deleuze délaisse l' actualité de la présence , l'existence présente .
et pour cause Spinoza dit que nous ne pouvons expliquer cela.( il parle alors de l'existence abstraite )

Mais vous ditres que ça explique "naitre" .
certainement pas naitre au sens d'apparaitre dans la présence .

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Messagepar Picrate » 22 mars 2012, 20:45

hokousai a écrit :Mais vous ditres que ça explique "naitre" .
certainement pas naitre au sens d'apparaitre dans la présence .


"Je dis que je passe à l’existence lorsqu’une infinité de parties extensives est déterminée du dehors, c’est-à-dire par les chocs qui renvoit à d’ autres parties extensives, est déterminée du dehors à entrer sous un rapport qui me caractérise. Donc avant, je n’existais pas dans la mesure où je n’avais pas ces parties extensives. Naître, c’est ça. Je nais lorsqu’une infinité de parties extensives sont déterminées du dehors par la rencontre avec d’autres parties, à entrer sous un rapport qui est le mien, c’est-à-dire qui me caractérise. Voyez, à ce moment-là, à ce moment-là, j’ai rapport avec un certain temps et un certain lieu. Qu’est ce que c’est que ce temps et ce lieu ? Le temps de ma naissance est lieu de ma naissance. Ça s’est passé ici. C’est ici. Ici et maintenant, c’est quoi ? ..."

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Messagepar hokousai » 22 mars 2012, 22:26

à Picrate

helas c'est toujours aussi confus !

De plus je vois que Deleuze substantialise le temps . Le temps est déjà là puisque j' y suis installé.Or pur Spinza Diue nest pas en acte dans un temps qui préexisterait à son acte et de l'intérieur duquel surgirait son acte.
Dieu est en acte c'est à dire dans la présence.


Macherey parle" du « point aveugle » que représente, dans le parcours de l’Ethique le problème de l’émergence du singulier à l’intérieur de l’ordre universel que constituent la substance et ses attributs".

Car le problème n'est pas la suite des causes dans l'étendue mais l'apparition dans la présence du maintenant de tel état du monde étendu . C'est ça<b> naitre dans la présence</b>.
Spinoza appelle ça l'existence abstraite(scolie prop 45 /2) et ne sait pas répondre au pourquoi maintenant/ présentement telle ou telle existence abstraite.

Il est remarquable que chez Spinoza la présence de la chose n'est que si la chose est posé par la présence. Ce qui est tautologique .
L' irruption de la présence reste un mystère .
Peut- être pas ontologique parce que Dieu est acte et expression mais mystère quant à la détermination précise de tel ou tel état des choses ( ceci à ce moment là, pourrait- on dire ).

bien à vous
hokousai


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