Spinoza, bouddhisme et advaïta vedanta

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Messagepar sescho » 04 mai 2012, 13:08

hokousai a écrit :à Serge

De deux choses l'une : soit l'énergie pure est par nature conscience d'elle-même, soit cette proposition est fausse (mais il faut alors expliquer pourquoi cette expérimentation est vécue avec toute la certitude possible comme pure présence, universalité et éternité.)


Il me semble bien que c'est cette conscience là qui est critiquée par le bouddhisme (entre autres expressions de la conscience d' un soi stable ). Critiquée comme illusion de stabilité.

Non, non. D'abord le Soi s'écrit avec un grand "S" et uniquement comme cela. Ce n'est pas le "moi", qui s'écrit là avec un petit "m." Le Soi est impersonnel : lorsque le Soi rayonne, la "personne" - qui n'est effectivement qu'un agrégat imaginaire - a disparu ; l'ego a disparu (ou s'est sublimé en Totalité, ce qui équivaut) ; le "moi" a disparu. L'atman n'a rien de personnel ; la conscience pure, le pur "je suis" est ressenti comme impersonnel, indestructible, éternel. Il n'y a qu'un seul Soi, mais de multiples manifestations.

Pour autant que je puisse le percevoir, cela correspond parfaitement au nirvana, à la Nature de bouddha, ou au "Non-né, etc." du bouddha historique lui-même.

C'est sans aucun doute bien plus subtil que cela. La subtilité me semble tenir là : comment le fini peut-il avoir conscience de l'infini qui le contient ? Ou : comment se concilie la connaissance pure de Dieu-Nature avec la modalité du mode humain, qui reste factuellement malgré tout ? Comme aussi a dit le maître : vous ne pouvez pas résider continument en satori, car en satori il n'y a ni restaurant ni toilettes...

La subtilité est à la jonction du mode connaissant et de Dieu-Nature.

Atman est brahman / la connaissance du troisième genre est éternelle et telle en Dieu. Certains disent aussi que brahman est atman. Pourquoi ? Parce que notre connaissance de Dieu ne peut aller au-delà d'elle-même : connaître Dieu purement, intuitivement, et l'atman c'est la même chose. Donc l'atman est brahman et brahman est atman. Pourtant Dieu m'apparaît être plus grand que "moi" - outre aussi d'être étendu. Ce sont des questions très très ardues, qui sont infiniment au-dessus des mots, des déclarations, etc. (et je ne peux parler pour quelqu'un qui est en satori ; c'est pourquoi je dis que nous verrons bien quand nous y serons, si toutefois cela doit arriver...) Une autre question est celle du samsara : la vie complète n'est pas seulement l'extinction (de la personne, de tout ego, de tout sens de séparation, de toute pensée) dans le pur "Je suis" (nirvana) ; c'est aussi comprendre toute la manifestation (et donc les corps, les pensées, etc.) comme émanant de Dieu-Nature. Le samsara est nirvana, et le nirvana samsara (les modes sont compris dans les attributs.) C'est aussi l'amour et la compassion, etc.

Il n'y a pas de "moi" substantiel, mais il y a quand-même manifestation particulière dans la manifestation à la base ; voilà autour de quoi se situe la subtilité ("terminologique") Soi / Non-né - et donc certainement pas dans des appréciations communes (en particulier donc, un "moi substantiel".)

Spinoza a écrit :CT2Ch24 : (7) Voilà pour les lois portées par Dieu. Quant à l'homme, il perçoit en lui-même une double loi : j'entends l'homme qui fait usage de son entendement et s'est élevé à la connaissance de Dieu : or, ces deux lois sont causées :
1° La première, par l'union qu'il a avec Dieu ;
2° La seconde, par l'union avec les modes de la nature.

(8) De ces deux lois, la première est nécessaire ; l'autre ne l'est pas, car pour ce qui concerne la loi qui naît de l'union avec Dieu, comme il ne peut jamais cesser d'être uni avec lui, il doit avoir devant les yeux les lois suivant lesquelles il lui faut vivre pour Dieu et avec Dieu. Au contraire, quant à la loi qui naît de la communion avec les modes, il peut s'en délivrer, parce qu'il peut s’isoler des hommes.

(9) Puisque donc nous établissons une telle union entre Dieu et les hommes, il serait permis de se demander comment Dieu se fait connaître aux hommes, et si cela arrive ou peut arriver par des paroles, ou immédiatement et sans aucun intermédiaire.

(10) Pour ce qui est des paroles, nous répondons absolument : non ... ; et c'est pourquoi nous tenons pour impossible que Dieu se fasse connaître aux hommes par des signes extérieurs,
(11) et en même temps nous jugeons inutile de supposer pour cette connaissance autre chose que l'essence de Dieu et l'entendement de l'homme : car ce qui, en nous, doit connaître Dieu, étant l'entendement, qui est uni si immédiatement à lui, qu'il ne peut exister ni être cause sans lui, il est indubitable qu'aucun objet ne peut être lié à l'entendement d'une manière plus intime que Dieu lui-même,
(12) car cette chose devrait être plus claire que Dieu : ce qui est absolument contraire à tout ce que nous avons montré jusqu'ici, à savoir que Dieu est la cause de notre connaissance et de toute essence des choses particulières, dont aucune ne peut ni exister ni même être conçue sans lui. Bien plus, toute chose particulière dont l'essence est nécessairement finie, nous fût-elle plus connue que Dieu, nous ne pouvons pas cependant par elle arriver à la connaissance de Dieu, car comment pourrait-il se faire que, d'une chose finie, on pût conclure à une chose infinie et illimitée ?

(13) Et quand même nous verrions dans la nature quelque action, ou effet, dont la cause nous fût inconnue, il serait impossible d'en conclure que, pour produire cet effet, il faut une cause infinie et illimitée. Comment pourrions-nous savoir si, pour produire ces effets, plusieurs causes sont nécessaires, ou si une seule suffit ? Qui nous le dirait ? Pour conclure, Dieu, pour se faire connaître aux hommes, ne peut ni ne doit se servir de paroles et de miracles, ni d'aucun autre intermédiaire créé, mais ne peut et ne doit se servir nécessairement que de lui-même.

hokousai a écrit :La remarque de Coomaraswami semble lui être très personnelle...

Personnelle, je ne pense pas, mais ce qu'il semble effectivement, c'est que ce sont surtout des hindouistes qui le disent, et que les réserves viennent de bouddhistes. Maintenant, je n'ai vu aucun argument de fond dans ces réserves. "Le bouddha historique n'a jamais parlé d'atman"(ce qui apparaît partiellement faux plus haut, d'ailleurs) ; "il a nié qu'il puisse y avoir un "moi substantiel"" n'est une preuve de rien de mon point de vue : il n'y a pas de moi substantiel dans le vedanta non plus. J'attends qu'on me montre clairement en quoi l'atman impersonnel, le Soi, est différent du Non-né, de la nature de Bouddha, du nirvana, etc. Sinon c'est de la dispute de théologien, pas du sens. Et le sens, à ce stade, ne peut venir que d'êtres humains réalisés.

hokousai a écrit :De mon pt de vue Dieu chez Spinoza n'a pas conscience de lui même .Spinoza ne parle pas de l'idée de l'idée de Diue. Or chez lui la conscience c'est l'idée de l' idée.

Spinoza a écrit :PM2Ch7 : L'objet de la science de Dieu est Dieu lui-même. – Revenons donc à notre propos, à savoir qu'il n'y a hors de Dieu aucun objet de sa science, mais qu'il est lui-même l'objet de sa science et même qu'il est sa science. Pour ceux qui pensent que le monde est l'objet de la science de Dieu, ils sont beaucoup moins raisonnables que ceux qui veulent qu'un édifice construit par quelque architecte distingué soit tenu pour un objet de sa science. Car l'architecte est obligé de chercher hors de lui-même une matière convenable ; mais Dieu n'a cherché aucune matière hors de lui : quant à leur essence et quant à leur existence les choses ont été fabriquées par un entendement identique à sa volonté.

E2P21S : ... l’idée de l’âme et l’âme elle-même, ce n’est qu’une seule et même chose conçue sous un seul et même attribut, savoir la pensée. Je dis donc que l’idée de l’âme et l’âme elle-même sont en Dieu par la même nécessité et résultent de la même puissance de penser. L’idée de l’âme, en effet, c’est-à-dire l’idée d’une idée, n’est autre chose que la forme de cette idée, en tant qu’on la considère comme mode de la pensée, sans égard à son objet ; car aussitôt qu’on connaît une chose, on connaît par cela même qu’on la connaît, et en même temps on sait qu’on a cette connaissance et ainsi de suite à l’infini. Mais nous reviendrons plus tard sur cette matière.

E5P35 : Dieu s’aime lui-même d’un Amour intellectuel infini.

DÉMONSTRATION : Dieu est absolument infini (par la Défin. 6 p. 1), c’est-à-dire (par la Défin. 6 p. 2), la nature de Dieu tire contentement d’une infinie perfection, et ce (par la Prop. 3 p. 2) accompagné de l’idée de soi, c’est-à-dire (par la Prop. 11 et la Défin. 1 p. 1) de l’idée de sa cause, et c’est cela que nous avons dit être, dans le Coroll. Prop. 32 de cette p., l’Amour intellectuel.
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Messagepar automate » 04 mai 2012, 13:42

Excusez-moi de rentrer dans la pièce sans y avoir été invité mais j'aimerais exprimer un sentiment :

Je passe quelque fois par mois sur ce site que j'aime beaucoup et je trouve qu'il y a une sorte de "mode" qui est en train de s'installer un peu partout : celle de parler constamment du boudhisme ou de ces religions sans Dieu pour parodier Enthoven.

C'est comme si les doctrines philosophiques n'avaient d'intérêt qu'en les confrontant à ces "sagesses".

C'est peut-être moi qui me trompe mais je trouve ça un peu agaçant à la longue.

Mais que cela ne vous empêche pas de débattre :D

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Messagepar sescho » 04 mai 2012, 15:26

hokousai a écrit :... sans les attributs Dieu n'a pas de réalité ou d' être .

Il n'y a pas de différence entre Dieu et les attributs (dès le "stade" naturant donc, mais cela inclut "ensuite" les modes, de toute éternité.) L'attribut ne se distingue pas réellement de la substance ; c'est un "aspect" de la substance, qui couvre toute la substance même (mais bon, de toute façon il y a un problème général avec l'ensemble attributs / parallélisme.)

hokousai a écrit :Dans la prop 19/1 Spinoza distingue l'existence ( démontrée) de Dieu de son essence . L'essence de Dieu est expliquée par les attributs.

Une définition n'indique que l'essence, pas l'existence (la nature de la chose, mais pas qu'elle existe actuellement ou non, distinction qui me semble naturelle.) Seule une "chose" dont l'essence, et donc la définition, implique l'existence peut être dite la "posséder". Seule la substance (qui est en soi, cause de soi) "possède" donc l'existence : son existence égale son essence ; elle ne peut être conçue QUE comme existante. Sinon oui, les modes font partie de l'essence de la substance / des attributs. Dieu est naturant ET naturé. Pour autant, l'entendement conçoit les attributs avant leurs modes (par définition), et seule cette conception induit que Dieu est en soi, cause de soi, et donc immuable, éternel, ... (précisément associé à "nature naturante" chez Spinoza.)

En tout état de cause, il n'y a que Dieu (naturant ET naturé) tant par l'essence que par l'existence (qui se confondent en lui.)

hokousai a écrit :D' accord avec Shub, Spinoza était un penseur singulier .Je ne le vois pas cependant comme un penseur sans ancrages, hors de toutes influences, ni hors de toutes comparaisons possibles.

Sans vouloir offenser personne, pour moi c'est du bla-bla négatif qui veut passer pour quelque chose de positif.

De deux choses l'une : ou bien il y a des vérités universelles, ou bien il vaut mieux aller aux fraises que de discutailler. Pour ce qui concerne Spinoza, il est extrêmement clair qu'il y a des vérités universelles et qu'il pense les exprimer dans l'ordre requis (c'est très clair dans son exposé même ; il dit qu'il pense exprimer la [seule] vraie philosophie, etc.)

Que s'agissant de la question de la plus haute importance - au moins depuis qu'homo sapiens existe, sans doute aussi neanderthalensis, ... c'est à dire depuis des centaines de milliers d'années au moins - de l'enjeu spirituel (et il ne fait pas le moindre doute que c'est l'objet ultime de Spinoza), elle a toujours revêtu le plus grand intérêt et occupé les esprits les plus puissants.

Que, ce qui est farfelu ne survivant au contraire pas au passage de l'effet de mode, les noms encore célèbres après des millénaires sont de ceux qui ont montré dans ce domaine un rayonnement exceptionnel, ou au moins une contribution majeure dans l'ordre rationnel.

...

Comment peut-on raisonnablement penser qu'il n'y a rien de commun entre tout cela ???

Tout au contraire : il n'y a qu'un enjeu spirituel, fixé par des lois précises de la Nature, et tout ce qui s'est fait d’exceptionnellement pertinent chez les individus humains est dedans ou tourne au près autour !

En outre, il convient de placer l'essentiel d'abord, la périphérie et les détails ensuite. Le contraire c'est de calcifier les détails et de ne mettre en avant que cela, perdant ainsi de vue l'essentiel. Difficile de faire plus régressif. C'est se coller des écailles sur les yeux (similaire dans la vision par tout ou rien aux prétendues "essences singulières" qu'il faudrait prendre si précieusement en intégralité indissociable, sans aucune communauté réelle avec le reste, donc : de l'anti-divin pur.)

Moi, ce qui m'intéresse c'est la connaissance et la béatitude, pas de m'arc-bouter sur des exclusivités, des oppositions artificielles, ... ; bref, pas le contraire, quoi.

Je n'ai pas parlé de la (ou des) religion chrétienne mais du message profond de Jésus de Nazareth (qui n’a pas à ma connaissance parlé de sa future résurrection selon la chair...)

Spinoza a écrit :E4P68S : ... cette liberté a été recouvrée par les patriarches guidés par l’esprit du Christ, c’est-à-dire par l’idée de Dieu, qui seule peut faire que l’homme soit libre et qu’il désire pour les autres le bien qu’il désire pour soi-même, comme on l’a démontré plus haut (par la Propos. 37, part. 4).

TTP1 : ... Aussi je ne crois pas que personne ait jamais atteint ce degré éminent de perfection, hormis Jésus-Christ, à qui furent révélés immédiatement, sans paroles et sans visions, ces décrets de Dieu qui mènent l’homme au salut. Dieu se manifesta donc aux apôtres par l’âme de Jésus-Christ, comme il avait fait à Moïse par une voix aérienne ; et c’est pourquoi l’on peut dire que la voix du Christ, comme la voix qu’entendait Moïse, était la voix de Dieu. On peut dire aussi dans ce même sens que la sagesse de Dieu, j’entends une sagesse plus qu’humaine, s’est revêtue de notre nature dans la personne de Jésus-Christ, et que Jésus-Christ a été la voie du salut.
Je dois avertir ici que je ne prétends ni soutenir ni rejeter les sentiments de certaines Églises touchant Jésus-Christ ; car j’avoue franchement que je ne les comprends pas. Tout ce que j’ai soutenu jusqu’à ce moment, je l’ai tiré de l’Écriture elle-même ; car je n’ai lu en aucun endroit que Dieu ait apparu à Jésus-Christ ou qu’il lui ait parlé, mais bien que Dieu s’est manifesté par Jésus-Christ aux apôtres et qu’il est la voie du salut, et enfin que Dieu ne donna pas l’ancienne loi immédiatement, mais par le ministère d’un ange, etc. De sorte que si Moïse s’entretenait avec Dieu face à face, comme un homme avec son égal (c’est-à-dire par l’intermédiaire de deux corps), c’est d’âme à âme que Jésus-Christ communiquait avec Dieu.
Je dis donc que personne, hormis Jésus-Christ, n’a reçu des révélations divines que par le secours de l’imagination, c’est-à-dire par le moyen de paroles ou d’images, ...

TTP4 : ... Je dis donc qu’il faut entendre de la sorte tous les prophètes qui ont prescrit des lois au nom de Dieu ; mais tout ceci n’est point applicable au Christ. Il faut admettre en effet que le Christ, bien qu’il paraisse, lui aussi, avoir prescrit des lois au nom de Dieu, comprenait les choses dans leur vérité d’une manière adéquate. Car le Christ a moins été un prophète que la bouche même de Dieu. C’est par l’âme du Christ (nous l’avons prouvé au chap. Ier) que Dieu a révélé au genre humain certaines vérités, comme il avait fait auparavant aux Juifs par l’intermédiaire des anges, par une voix créée, par des visions, etc. Et il serait aussi déraisonnable de prétendre que Dieu accommoda ses révélations aux opinions du Christ, que de soutenir que dans les révélations antérieures accordées aux prophètes il accommoda sa parole aux opinions des anges qui lui servaient d’intermédiaires, c’est-à-dire aux opinions d’une voix créée ou d’une vision, ce qui est bien la chose du monde la plus absurde. Ajoutez à cela que le Christ n’a pas été envoyé pour les seuls Hébreux, mais bien pour tout le genre humain ; d’où il suit qu’il ne suffisait pas d’accommoder ses pensées aux opinions des Juifs, il fallait les approprier aux opinions et aux principes qui sont communs à tout le genre humain, en d’autres termes, aux notions universelles et vraies. Maintenant que peut-on entendre en disant que Dieu s’est révélé au Christ ou à l’âme du Christ d’une façon immédiate, et non pas, comme il faisait aux prophètes, par des paroles et des images, sinon que le Christ a conçu les choses révélées dans leur vérité, ou autrement, qu’il les a comprises ? Car comprendre une chose, c’est la concevoir par la seule force de l’esprit pur, sans paroles et sans images.

C’est donc un principe bien établi que Jésus-Christ a conçu la révélation divine en elle-même et d’une manière adéquate. ...

Etc.


Voir d’autres passages de Spinoza à ce sujet dans Le Dieu de Spinoza.

Le karma c’est la loi générale de cause à effet mais prise dans le sens de « ce que tu deviendras dépend de tes actes présents » ; c’est quelque part la contradiction du fumeux « argument paresseux » (qui voudrait prétendre que puisque de toute façon tout est déterminé, il ne sert à rien d’agir, alors que la vérité est - outre que ne pas agir est une forme particulière d’action, et donc ne change rien au principe - que tout est déterminé, y compris ce que tu deviendras en fonction de tes actes du moment. Si tu ne fais rien, eh bien il est déterminé que tu en resteras à l'état où tu te trouves.)

Etc. Etc.
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Messagepar hokousai » 04 mai 2012, 19:26

à Serge

Vous ne répondez pas à mon message Posté le: 04/05/2012 00:27, lequel concerne Spinoza, ( Cela dit à vous et à <b>Automate</b> dont je n'apprécie pas la remarque.)

Mon message explique comment je comprends Spinoza je n'ai rien à y ajouter.

Hokousai

Ps dans le message Posté le: 04/05/2012 13:08 , vous faites une référence E2 prop 31 et à son scolie, cette prop n'a pas de scolie .

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Messagepar sescho » 05 mai 2012, 09:41

hokousai a écrit :à Serge

Vous ne répondez pas à mon message Posté le: 04/05/2012 00:27, lequel concerne Spinoza, ( Cela dit à vous et à <b>Automate</b> dont je n'apprécie pas la remarque.)

Note : Comme date et heure dépendent du paramétrage individuel (je m'interroge sur la stabilité de la chose, par ailleurs), ce n'est pas forcément très précis... Mais date / heure à peu près et les minutes doivent suffire à lever le doute (en l'occurrence pour moi cela apparaît comme 03/05/2012 23:27, soit 1 h de décalage seulement, mais qui en l'occurrence toujours fait basculer la date.)

Je pense avoir répondu : les attributs ne se distinguent pas réellement de la substance ; de Dieu-Nature, donc. Donc parler d'un attribut ou de la substance c'est pareil (ce qui nécessite et est justifié par le "parallélisme" des attributs.) Par ailleurs, je pense qu'il y a un faisceau de difficultés lié à ce concept d'attribut et de "parallélisme" - pour le coup une originalité totale de Spinoza, pour autant que je sache, mais pas parfaite j'en ai peur... - qui transpire un peu partout (je pense d'ailleurs à ouvrir un fil franchement sur ce point), et qu'on ne saurait en s'y tenant pouvoir en sortir...

Pour le reste, je vous dois une précision, car je crains que vous n'ayez pris pour vous ce qui ne vous était pas destiné en propre. J'avais décidé de ne pas répondre à Shub, mais vous avez ajouté que vous alliez - au moins partiellement - dans son sens ; j'ai alors cru bon de préciser combien cette façon de poser des problèmes était négative, et très au-dessous du sujet. L'originalité, le tout ou rien, etc. c'est du poison, et c'est anti-spinozien. Spinoza n'a jamais prétendu à l'originalité (voir le début du TP, mais pas seulement : il fait référence, implicite ou explicite, à tout ce qui de son temps porte sens, et n'hésite pas à le dire), mais au vrai. Seule la recherche du vrai est spinozienne ; le reste est au mieux des scories, au pire le contraire. Et puisque maintenant vous parlez de l'intervention intempestive d'Automate : pour moi c'est pareil, en pire (pas le moindre argument, que de l'écume noire.)

Spinoza a écrit :TTP1 : ... les choses que nous savons par la lumière naturelle dépendent entièrement de la connaissance de Dieu et de ses éternels décrets ; mais comme cette connaissance naturelle, appuyée sur les communs fondements de la raison des hommes, leur est commune à tous, le vulgaire en fait moins de cas ; le vulgaire, en effet, court toujours aux choses rares et surnaturelles, et il dédaigne les dons que la nature a faits à tous. ...


hokousai a écrit :Ps dans le message Posté le: 04/05/2012 13:08 , vous faites une référence E2 prop 31 et à son scolie, cette prop n'a pas de scolie .

J'ai fait la correction : il s'agit de E2P21S.
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Messagepar hokousai » 05 mai 2012, 13:21

cher Serge

Sur la prop 21/2 Misrahi précise que traduire "mens" par âme introduit un contresens .Spinoza quand il parle d âme emploie amima ou animus. Lorsque Spinoza décrit la conscience individuelle il dit "mens" et non anima NOte 1 de la partie 2 de l Ethique traduite par Misrahi .( c est en ligne)

sur la <b>CONSCIENCE</b> il me semble que pour Spinoza la conscience est toujours une idée-de, elle à un objet qui est l'idée dont il y a conscience ) Ainsi le procéssus de conscience ets est réitérable, idée de" l'idée de l'idée" à l'infini )
C' est pourquoi l'idée dune conscience<b> pure de soi </b>me semble exclue chez Spinoza . Pure dans le sens de non duelle . C'est pourquoi je dis que Dieu nest pas conscient de soi .
Spinoza ne parle jamais de l'idée de l'idée de Dieu.

Spinoza précise à la prop 5/2 Dieu peut former une idée de son essence et de tout ce qui en suit nécessairement, de cela seul que Dieu est chose pensante,<b> et non de ce qu'il est l objet de son idée .</b>"
Revenons à 21/2
Pour Spinoza l'idée de l'esprit et l'esprit sont une seule et même chose , c'est à dire que la conscience n'a pas un statut différent de l idée ( ordinaire dirais- je) ). La conscience est une manière de penser comme les autres.
A supposer que Dieu ait un idée de son Idée ( et cela à l'infini ) cette idée de l'Idée de Dieu serait une idée comme les autres, pas une idée pure de soi plus pure que les autres .( mais Spinoza n' en parle pas )
...........................................

sur les ATTRIBUTS
D'accord avec votre premier paragraphe """"" Une définition n'indique que l'essence, pas l'existence et seule cette conception induit que Dieu est en soi, cause de soi, et donc immuable, éternel, ... (précisément associé à "nature naturante" chez Spinoza.)"""""
Oui mais, ( je me cite ):J' en conclus qu'il n'a pas suffit à Spinoza que Dieu soit une substance qui comme vous le dites serait seule à exister .
Il y a les attributs.
Mais qu'est un attribut sans les modes ?
Donc qu'est Dieu ( pour Spinoza ) sans les modes ? A mon avis un rien de réalité .
Ce que vous ne semblez pas relever
Spinoza parle de la substance mais n'en reste pas à la substance .Il n'en reste pas à la substance parce que la substance sans son expression est un rien de réalité. Le spinozisme nets pas une philosophie de la substance c'est une philosophie de Dieu ( ou de la nature ).Et paradoxalement <b>c'est en introduisant Dieu que Spinoza rompt avec le monothéisme</b>.
.............................................

Pour parler de votre atitude philosophique(puisque vous l' exprimez). Vous êtes proche (nolens volens ) d' une tradition de pensée qu'on désigne comme philosophia perennis (voir entre autre Aldous Huxley ) concept introduit par Leibnitz .
je cite Leibnitz
"La vérité est plus répandue qu'on ne pense, mais elle est aussi enveloppée, et même affaiblie, mutilée, corrompue par des additions qui la gâtent ou la rendent moins utile. En faisant remarquer ces traces de la vérité dans les anciens (ou, pour parler plus généralement, dans les antérieurs), on tirerait l'or de la boue, le diamant de sa mine et la lumière des ténèbres ; et ce serait, en effet, perennis quaedam philosophia (une certaine philosophie éternelle)."

Oui mais . Admettons qu' il n'y ait qu' une vérité , pourquoi cette vérité devrait elle être celle de ceux qui défendent qu'il n y en a qu' une et une ancestrale et de fait plus ou moins teinté de <b>gnosticisme </b>.


Puisque le sujet est "Ethique en politique", je cite quelqu'un qui est de cette tradition:
"""La question peut se poser de savoir si la Sophia Perennis est un <b>"humanisme"</b>; la réponse pourrait en principe être "oui", mais en fait elle doit être "non" puisque l'humanisme au sens conventionnel du terme exalte de facto<b> l'homme déchu et non l'homme en soi</b>. L'humanisme des modernes est pratiquement un<b> utilitarisme pointé sur l'homme fragmentaire </b>; c'est la volonté de se rendre aussi utile que possible à<b> une humanité aussi inutile que possible</b>. (Avoir un centre, Frithjof Schuon)
Modifié en dernier par hokousai le 06 mai 2012, 19:09, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 09 mai 2012, 12:41

Cher hokousai,

hokousai a écrit :Sur la prop 21/2 Misrahi précise que traduire "mens" par âme introduit un contresens .Spinoza quand il parle d âme emploie amima ou animus. Lorsque Spinoza décrit la conscience individuelle il dit "mens" et non anima NOte 1 de la partie 2 de l Ethique traduite par Misrahi .( c est en ligne)

Oui, je sais ; cela a été discuté plusieurs fois, en particulier par Henrique, qui a vu la nécessité d'introduire "mentalité" ou "mental" en français pour traduire "mens" (qui n'est pour autant pas exactement la notion de mental de l'advaïta vedanta...) On pourrait peut-être mettre alternativement "psyché". Cela me convient plutôt bien, car la notion d'âme est plus floue selon moi. Traduction Pautrat modifiée :

Spinoza a écrit :E2P21S : ... l’idée du Mental et le Mental lui-même sont une seule et même chose, que l'on conçoit sous un seul et même attribut, à savoir sous l'attribut de la Pensée. L’idée, dis-je, du Mental et le Mental lui-même se trouvent suivre en Dieu avec la même nécessité de la même puissance de penser. Car en vérité l’idée du Mental, c’est-à-dire l’idée de l'idée, n’est rien d'autre que la forme de l'idée, en tant qu’on considère celle-ci comme une manière de penser, sans relation à l'objet ; car, dès que quelqu'un sait quelque chose, il sait par là même qu'il le sait, et en même temps il sait qu'il sait ce qu'il sait, et ainsi à l’infini. ...

Il est bien clair là que par « Mental » il faut entendre une notion générale qui recouvre les idées réelles (d’où « idée du Mental = idée de l'idée » ; ce qui en passant semble, de mémoire et sauf erreur, être une restriction par rapport à la définition générale du Mental - comprenant aussi désirs et émotions -, et pourrait peut-être être ici remplacée par Entendement (?))

L’idée de l’idée, qui vient automatiquement avec l’idée, indépendamment de l’objet de cette idée, est la perception de la qualité de l’idée. Ainsi une idée claire et distincte porte avec elle la clarté et la distinction, qui est le seul critère de vérité (TRE.) En passant, Stephen Jourdain a témoigné exactement de la même chose de son côté.

Spinoza a écrit :TRE 33. L'idée vraie (car nous sommes en possession d'idées vraies) est quelque chose de différent de son objet. Autre chose est le cercle, autre chose l'idée du cercle. L'idée du cercle n'est pas quelque chose qui ait une circonférence, un centre, comme le cercle ; et l'idée du corps n'est pas le corps lui-même. Étant différente de son objet, l'idée sera par elle-même quelque chose d'intelligible ; je veux dire que l'idée, considérée dans son essence formelle, peut être l'objet d'une autre essence objective ; et à son tour cette autre essence objective, vue en elle-même, sera quelque chose de réel et d'intelligible, et ainsi indéfiniment.
34. Pierre, par exemple, est quelque chose de réel ; l'idée vraie de Pierre est l'essence objective de Pierre ; elle a en elle-même quelque chose de réel, et elle est toute différente de Pierre lui-même. Mais puisque l'idée de Pierre est quelque chose de réel, ayant en soi son essence propre, elle sera quelque chose d'intelligible, c'est-à-dire qu'elle sera l'objet d'une autre idée, laquelle possédera objectivement en elle-même tout ce que l'idée de Pierre possède formellement ; et à son tour cette nouvelle idée, qui est l'idée de l'idée de Pierre, a son essence propre, et pourra devenir l'objet d'une autre idée, et ainsi indéfiniment. C'est ce dont chacun peut faire l'expérience ; ne sait-on pas ce qu'est Pierre ? de plus, ne sait-on pas qu'on le sait ? de plus, ne sait-on pas qu'on sait qu'on le sait, etc. ? D'où l'on voit que pour comprendre l'essence de Pierre il n'est pas nécessaire de comprendre l'idée même de Pierre, et bien moins encore l'idée de l'idée de Pierre ; et c'est comme si l'on disait qu'il n'est pas nécessaire, pour savoir, que l'on sache que l'on sait, et bien moins encore que l'on sache que l'on sait que l'on sait, non plus qu'il n'est nécessaire pour comprendre l'essence du triangle, de comprendre l'essence du cercle. C'est justement le contraire qui a lieu dans ces idées ; en effet, pour savoir que je sais, il est nécessaire d'abord que je sache.
35. D'où il suit évidemment que la certitude n'est autre chose que l'essence objective de l'objet, je veux dire que la manière dont nous sentons l'essence formelle de l'objet est la certitude elle-même ; d'où il suit encore évidemment qu'il suffit pour reconnaître la certitude de la vérité, d'avoir l'idée vraie de l'objet, et qu'il n'est besoin d'aucun autre signe ; car, ainsi que nous l'avons montré, il n'est pas nécessaire, pour savoir, que je sache que je sais. D'où il suit encore évidemment que celui-là seul sait ce qu'est la suprême certitude qui possède l'idée adéquate ou l'essence objective de quelque chose, la certitude et l'essence objective ne faisant qu'un.

Il s’agit donc essentiellement du critère de vérité et pas spécialement de « conscience » au sens commun.

hokousai a écrit :sur la <b>CONSCIENCE</b> il me semble que pour Spinoza la conscience est toujours une idée-de, elle à un objet qui est l'idée dont il y a conscience ) Ainsi le procéssus de conscience ets est réitérable, idée de" l'idée de l'idée" à l'infini )
C' est pourquoi l'idée dune conscience<b> pure de soi </b>me semble exclue chez Spinoza . Pure dans le sens de non duelle . C'est pourquoi je dis que Dieu nest pas conscient de soi .
Spinoza ne parle jamais de l'idée de l'idée de Dieu.

Je ne suis pas convaincu par cela. L’idée de l’idée vient avec l’idée, et ainsi de suite à l’infini. Dieu n’a que des idées vraies, donc il n’y a pas réellement de différence entre « idée » et « vérité » (et « Dieu ») en Dieu. En outre Dieu a l’idée de lui-même chez Spinoza, et il s’aime lui-même de surcroît (il le dit clairement dans les extraits ci-dessus, et le terme « Idée de Dieu » - qui n’est pas l’idée que l’Homme a de Dieu, mais l’idée que Dieu a de lui-même, autre nom de l’Entendement infini - l’indique clairement par lui-même.) Mais cette idée ne se distingue pas de sa puissance, puisque son Entendement n’est qu’un « aspect » de lui-même, en parallèle et indissociablement des autres « aspects » (ou attributs.) Encore une fois, la substance et un de ses attributs c’est la même chose... mais « vu sous une face, ou dimension, particulière » (encore une fois il y a un problème d’intelligibilité là-dedans dont on ne peut sortir en y restant.) Donc "Dieu a l’idée de lui-même" n’est qu’une formule pour dire qu’il se pense par cela même qu’il est, tout simplement (puisque la Pensée est un attribut de sa nature.)

hokousai a écrit :Spinoza précise à la prop 5/2 Dieu peut former une idée de son essence et de tout ce qui en suit nécessairement, de cela seul que Dieu est chose pensante,<b> et non de ce qu'il est l objet de son idée .</b>"

C’est bien cela (cela équivaut à ce que je viens de dire : il n'est pas l'objet de son idée - ce qui supposerait qu'il existe antérieurement à son idée - il EST son idée même... suivant l'attribut de la Pensée.)

hokousai a écrit :Mais qu'est un attribut sans les modes ?
Donc qu'est Dieu ( pour Spinoza ) sans les modes ? A mon avis un rien de réalité .
Ce que vous ne semblez pas relever
Spinoza parle de la substance mais n'en reste pas à la substance .Il n'en reste pas à la substance parce que la substance sans son expression est un rien de réalité. Le spinozisme nets pas une philosophie de la substance c'est une philosophie de Dieu ( ou de la nature ).Et paradoxalement <b>c'est en introduisant Dieu que Spinoza rompt avec le monothéisme</b>.

C’est très clair : Dieu est à la fois Nature naturante et Nature naturée. Dieu, les modes étant, n’est donc pas concevable sans ses modes. Mais si l’on ne voit que les choses particulières on ne peut pas voir Dieu... On voit donc les modes non pas en soi, mais en autre chose qui les contient, et qui est éternel par nature (et donc invariable, ne pouvant changer sa nature, etc.), ce que l’entendement voit comme substance, qui est en elle, cause d’elle-même, conçue par elle-même. Le tout est Dieu, mais Dieu ne se voit que par la substance. Dieu est ce qui réunit les modes en un seul Être. C’est la perception de Dieu qui implique la substance, ou inversement. C’est aussi ce qui permet de dire que ce qui change ne change rien, ou que la seule chose qui ne change pas - et il n’y a rien d’autre en réalité - c’est le changement.

Si je dis : « Dieu, qui existe sans cause (qui est, point), et est (donc) éternel (et par conséquent immuable, « parfait », etc.), comprend tout ce qui est », j’ai tout dit.

Je peux simplifier en identifiant la substance et son mode infini : l’énergie universelle et éternelle (citée plus haut comme appartenant à la fois au bouddhisme et à l’advaïta vedanta) est tout ce qui est ; « ses » « modes » sont manières d’être ce qu’elle est, c’est tout.

La communauté d’être entre les modes d’un même attribut, c’est l’attribut même. Autrement dit, sur la base des corps, « matière » ou « volume » ou « étendue » est une fiction ou une réalité ? (quand bien même il n’y a que des corps visibles.) Et si j’admets avec Einstein que matière = énergie, E = mc2, l’énergie - qui équivaut à l’Être - c’est une fiction ?

C’est pourquoi on peut dire que Dieu, ou l’énergie universelle, est à la fois transcendant et immanent : ses « modes » (le terme suppose déjà la substance) sont en lui, mais il n’est pas réductible à ses modes, et à ce titre transcendant. C’est pourquoi on peut discuter aussi « nirvana » = « samsara » etc. Ce qui est certain c’est qu’ils ne constituent pas deux êtres séparés, mais pour autant le nirvana ne se réduit pas au samsara ; c’est le samsara qui est dans le nirvana, ou mode d’expression du nirvana.

Tant qu’on persiste à placer en réalité les modes avant la substance, on ne peut pas comprendre. C’est pourquoi l’insubstantialité des modes mise en avant par le bouddhisme conduit au Non-né, dans lequel le né est contenu (et n’est donc pas en soi mais en autre chose, que la vacuité est forme et la forme vacuité, que la vacuité du bouddhisme c’est le « plein » de l’advaïta vedanta, etc.) ; et ceci encore une fois est une nécessité car il y a quelque chose et non pas rien, et que ceci est sans aucun doute possible positif, et qu’aucune description du monde ne peut donc être négative in fine.

De le voir par l’énergie universelle (ou le Mouvement dans l’Étendue) est ce qui est le plus facile à percevoir, selon moi : tout se fait selon les lois de la Nature éternelle - et en elle-même -, qui seule est en soi, et seule concevable par soi.

Il y a un autre point (qui rejoint un sujet que vous abordez plus haut) : comme dit plus haut, ce qu’il y a de plus immédiat passe obligatoirement par la pensée, puisqu’il n’y a aucune connaissance en dehors de la pensée. Par ailleurs, la conscience pure est expérimentable (nirvana, samadhi, satori, ...), de même que l’apparition de pensées DANS cette conscience pure. De fait ! Il me vient alors que la seule solution est que c’est la perception de l’Attribut lui-même par lui-même (en revenant à la vision de Spinoza, mais qui ne parle effectivement pas à mon souvenir de conscience pure lui-même) ; ceci explique parfaitement que Dieu ait pu être assimilé à pur esprit d’abord ; et encore une fois, quoi d’autre que la conscience pure pour impliquer Dieu, la pensée étant déjà incontournable à la base ? Est-ce que la pensée de l’Attribut pensée est forcément distante - auquel cas ce n’est qu’un concept, un « être de raison » puisqu’il ne lui correspond aucune vision intuitive ? Sinon qu’est-ce que la pensée de la Pensée, intuitive, directe ? L’attribut vu par lui-même, avec ses modes ou sans...

Oui, bien sûr il y a une philosophia perennis (sinon, comme je l’ai dit, autant aller aux fraises), et Spinoza l’affirme on ne peut plus clairement. Les Lois de la Nature sont éternelles, l’une d’elle est une Loi éthique pour l’Homme, et il est de la plus élémentaire logique que le fond de vérité éternelle tourne forcément autour (puisque c’est une loi...)

hokousai a écrit :Oui mais . Admettons qu' il n'y ait qu' une vérité , pourquoi cette vérité devrait elle être celle de ceux qui défendent qu'il n y en a qu' une et une ancestrale et de fait plus ou moins teinté de <b>gnosticisme </b>.

Je ne vous suis pas bien... Soit il y a une vérité, et elle est une et éternelle, soit il n’y en a pas. Et comme tout se fait suivant les lois éternelles de la Nature, qui est une et éternelle, ne pouvant changer de nature, il y en a forcément une... en Dieu-Nature au moins. La loi de l’utile propre de l’Homme en changeant pas, c’est depuis la nuit des temps que l’homme tourne autour, et la cible parfois. Après, le critère de la vérité, ce n’est pas l’affirmation de tel ou tel (et il y aura toujours quelqu’un pour dire le contraire), ou le rattachement à un « -isme » quelconque, c’est un ressenti personnel : la clarté et la distinction « infinies. » Auparavant la « raison pratique » peut faire voir vers qui la logique, l’auto-cohérence, le croisement convergent, le rayonnement personnel, le souci du bien collectif, l’absence de passions (quand-même bien plus ou moins naturellement reconnues comme telles), etc., etc. conseille de prendre conseil.

hokousai a écrit :Puisque le sujet est "Ethique en politique", je cite quelqu'un qui est de cette tradition:
"""La question peut se poser de savoir si la Sophia Perennis est un <b>"humanisme"</b>; la réponse pourrait en principe être "oui", mais en fait elle doit être "non" puisque l'humanisme au sens conventionnel du terme exalte de facto<b> l'homme déchu et non l'homme en soi</b>. L'humanisme des modernes est pratiquement un<b> utilitarisme pointé sur l'homme fragmentaire </b>; c'est la volonté de se rendre aussi utile que possible à<b> une humanité aussi inutile que possible</b>. (Avoir un centre, Frithjof Schuon)

Je ne connais pas l’œuvre de Frithjof Schuon, mais j’ai assez souvent croisé son nom. Il est plus ou moins lié lui-aussi à l’advaïta vedanta. Ce qu’il dit là est très juste, et c’est une très bonne chose selon moi que de l’avoir cité. Je peux revenir sur le fil « Ethique en politique » pour en traiter, si cela vous agrée. Sinon, je continuerai ici.
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Messagepar hokousai » 09 mai 2012, 13:28

à Serge

Donc Dieu a l’idée de lui-même n’est qu’une formule pour dire qu’il se pense par cela même qu’il est, tout simplement (puisque la Pensée est un attribut de sa nature.)

Pourquoi ne pas dire ( simplement ) que la nature pense. Pourquoi "se pense ".
Spinoza dit (lettre 32)" je crois qu'il ya en effet dans la nature une puissance infinie de penser"( il ne dit pas de "se penser" )

Je vous ai cité Schuon parce qu'il représente ce<b> pessimisme</b> de fond des gnostiques sur la nature humaine et sur l'humanité en général. Ce qui induit chez les gnostiques des positions politiques au mieux conservatrices au pire réactionnaires antimodernistes.
Je pense qu 'on peut vous voir quelques analogies de pensée avec la gnose. Vous êtes sur une voie parallèle tempérée. Tempérée peut être par Spinoza. Il n 'empêche que votre Spinozisme s'en ressent quand même.
......................................

le propos suivant de Guenon est assez caractéristique de l' attitude envers Spinoza
Guenon commente une intro d 'Appuhn
""""-la longue introduction qui précède [ces extraits de l'oeuvre de Spinoza présentés par l'auteur] est intéressante au point de vue historique, mais nous en tirerions, pour notre part, une conclusion tout autre que celle de M. Appuhn et beaucoup moins avantageuse pour Spinoza: c'est que celui-ci, <b>quand il s'est mêlé de parler de la religion, l'a fait en "profane", c'est-à-dire en homme qui n'y entend rien.</b> Nous nous demandons même, à ce propos, par quelle aberration certains ont voulu présenter comme un Kabbaliste le philosophe qui a écrit que, à son avis, "les hautes spéculations n'ont rien à voir avec l'Ecriture", ce qui est précisément la négation formelle de la Kabbale hébraïque».""""

Je veux dire que si vous appréciez Spinoza vous êtes bien le seul qui dans cette tradition '"spiritualiste'" l' aime .

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Messagepar sescho » 09 mai 2012, 19:36

hokousai a écrit :Pourquoi ne pas dire ( simplement ) que la nature pense. Pourquoi "se pense ".
Spinoza dit (lettre 32)" je crois qu'il ya en effet dans la nature une puissance infinie de penser"( il ne dit pas de "se penser" )

Oui. Je l'ai mis parce que nous discutions de l'idée que Dieu a de lui-même. C'est une formule employée par Spinoza, et de mémoire ce n'est pas le seul exemple où Spinoza part d'une idée commune pour l'attribuer à Dieu comme s'il était un homme, pour immédiatement la corriger pour qu'elle convienne effectivement à Dieu. Je pense que c'est une méthode pédagogique. Sinon, je ne me rappelle même pas pourquoi nous en sommes venus sur ce point...

hokousai a écrit :Je vous ai cité Schuon parce qu'il représente ce<b> pessimisme</b> de fond des gnostiques sur la nature humaine et sur l'humanité en général. Ce qui induit chez les gnostiques des positions politiques au mieux conservatrices au pire réactionnaires antimodernistes.
Je pense qu 'on peut vous voir quelques analogies de pensée avec la gnose. Vous êtes sur une voie parallèle tempérée. Tempérée peut être par Spinoza. Il n 'empêche que votre Spinozisme s'en ressent quand même.

Il ne s'agit pas d'être optimiste ou pessimiste (cela c'est l'espérance et la crainte, ou le refus que ce-qui-est soit : des passions contraires à la force d'âme), mais il s'agit d'être juste, vrai. Lorsqu'on a compris (vraiment, ce qui est très rare) que tout se fait suivant les lois de la Nature, qui est parfaite simplement parce qu'elle est, ne peut être autre chose, est tout ce qui est, éternelle... ce n'est pas optimiste, c'est sacré ; beaucoup plus fort et roboratif que tout ! Le Maître dit "toujours à l'aise, toujours en joie, sans exception, sinon c'est qu'il y a problème à corriger en soi." Le bien c'est l'utile propre ; c'est vraiment "bien." Ce n'est vraiment pas pessimiste. La béatitude c'est le contraire du pessimisme, et de l'optimisme (on peut quand-même employer ces termes pour décrire l'évolution probable d'une situation - éthique en particulier -, mais sans aucune charge affective alors.)

Après, que certains ne soient pas arrivés jusque-là tout en ayant conscience de l'extrême vanité du monde (le deuxième de "mon monde n'est pas de ce monde") c'est très possible. Là alors peut certainement s'exprimer bien du pessimisme, mais ce n'est certes pas l'aboutissement de la manifestation de la loi éthique.

A propos de pessimisme, j'ai noté quelques fois dans le passé des commentaires sur Paul Diel - que je voyais comme le plus positif des hommes - comme un pessimiste aggravé, se permettant de juger négativement les gens sans vergogne, etc., etc. La première fois, j'en suis resté pantois un instant ; puis m'est venu : ils ne comprennent rien du tout ; ils sont totalement aveugles. Ils ne supportent pas qu'il y ait une loi éthique et donc un bien et un mal éternellement fondés en un certain sens, qui se confondent avec l'utile et le nuisible, avec la joie et la tristesse, etc. Et ils sont évidemment condamnés à rester en leur état, qui ne sera certainement pas un long fleuve de joie...

Peut-être ne leur dit-on pas assez le côté positif de l'affaire : 1) Tout se fait en vertu des lois de la Nature, et est à ce titre parfait ; tout ! Mais bon, s'ils en avaient vraiment conscience, ils auraient aussi conscience du reste, du bien et du mal, etc. Ce sont en outre les premiers à s'offusquer du comportement des autres et la seule chose qui les dérange le plus souvent c'est qu'eux-mêmes puissent ne pas être parfaits... Etc. 2) Ce qui est "promis" par les Maîtres, c'est une joie sans commune mesure avec les joies ordinaires, qui en outre ne durent jamais.

Il faut bien comprendre que les sages voient, sont, la perfection humaine (tout est perfection divine, mais la perfection humaine tient en une loi propre aux hommes, d'autres lois propres s'y opposant : c'est l'enjeu éthique), qui n'a que peu à voir avec la condition ordinaire, sauf en apparence. Et la réaliser est aussi difficile que rare ; c'est infiniment loin de la condition standard. Il est donc bien clair que depuis ce point de vue l’ignorance règne en maître sur le monde. Les sages ne se désespèrent pas, ils constatent, c'est tout ; et ils œuvrent aussi sous l'impulsion de la générosité pour enseigner à ceux qui y sont prêt la loi éthique. Lorsqu'ils constatent, par exemple, que les traditions spirituelles fortes, qui enseignent la loi éthique dès la toute petite enfance et imprègnent toute la société, sont rongées par le bas matérialisme, le mercantilisme (en particulier propagés depuis l'Occident), etc. qui prétendent de surcroît être l'avenir, la force d'âme, etc. devant les vieilles superstitions religieuses du passé, eh bien ils disent que ce prétendu et orgueilleux progrès, voire la "Renaissance" et les "Lumières", est en fait une décadence... et du point de vue de la manifestation de la loi éthique, c'est parfaitement exact (et la conséquence c'est le mal-être humain, tout naturel soit-il.) Du point de vue de la Nature, c'est indifférent : elle est ce qu'elle est en permanence, et de ce point de vue il n'y a rien à ajouter.

Le texte de Schuon se comprend très bien : il y a une forme dégénérée de l'humanisme, qui consiste à diviniser les individus humains tels qu'ils sont ; à l'état standard donc, en moyenne. Cela a deux conséquences négatives possibles : 1) ce qui peut être divinisé à l'état standard, c'est la nature entière, dont l'homme n'est qu'une petite partie ; il n'y a pas à en faire un "humanisme", ce qui tend à faire mépriser le reste de la nature, et 2) surtout, l'enjeu éthique est passé en même temps à la trappe, ce qui est catastrophique.

hokousai a écrit :Je veux dire que si vous appréciez Spinoza vous êtes bien le seul qui dans cette tradition '"spiritualiste'" l' aime .

Non, non. Je n'ai pas d'exemple directement sous la main, mais nombreux sont ceux qui font le lien. Lisez la grande sage Ma Ananda Moyi, et vous aurez l'impression de lire du Spinoza (sur l'ontologie.) Elle dit aussi que la dévotion est la voie la plus rapide - pour qui est prêt à y entrer, ce qui ne se trouve pas fréquemment en Occident -, mais la voie de Dieu-Nature de Spinoza n'est pas si loin finalement. "Spiritualiste" ne me convient pas plus que cela. J'écoute ce que disent les sages (qui ne font pas d'élucubrations fumeuses du tout) - en particulier sur la conscience pure, le pur "Je suis" (généralement considéré comme la toute première certitude) -, mon intuition personnelle, et j'essaye de raisonner convenablement - par exemple lorsque je dis que la pensée vient forcément en premier, puisqu'il n'y a pas connaissance sans pensée ; je m'interroge alors sur ce qui me donne la certitude de Dieu-Nature, le comment nous percevons la Matière quand-même, etc. J'ai une formation scientifique et en logique algorithmique, et Spinoza me convient très très bien. Et je crois qu'il convient parfaitement à l'époque présente ; et la loi éthique de Spinoza, c'est la bonne, et il n'y en a qu'une ; reste à la manifester dans sa version "souverain bien..."
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Messagepar hokousai » 09 mai 2012, 22:53

cher Serge

Vous me semblez mettre la loi éthique en premier et d'une manière génerale les lois éternelles en premier et puis la conscience de soi de Dieu ou bien la conscience tout court ( voir Shri Aurobindo que vous ne citez pas) Aurobindo disait « Par supramental, j'entends la Conscience de vérité... par laquelle le Divin connaît non seulement sa propre essence et son être propre, mais aussi sa manifestation"

Enfin bref cela ressort d' un même mouvement de pensée, celui qui fait précéder l'essence sur l'existence. Disons que chez vous la règle précède l'application ce qui est naturel chez qui a été qui a été formé aux <b>algorithmes </b>.
Moi je vous vois de l' extérieur. Vous voyez bien sûr de vous bien des choses que je ne vois pas, mais j'en vois de l' extérieur que vous ne voyez pas non plus.

Si je réfère l' éthique à<b> Darwin</b> comme je l'ai fait, c'est que pour moi l 'éthique n'a rien d'éternel. Je ne pense pas que pour Spinoza la nature de l' homme en ce quelle répugne à certaines actions soit éternelle . Non la nature de l' homme est du même statut ontologique que celle des tables qui ne mangent pas d' herbe.
Il se trouve que la <b>raison</b> est l'instrument de l' utilité de l' homme . Cela se comprend d' où l' effort de Spinoza pour nous le faire comprendre.
Je pense que Spinoza aurait été satisfait qu'il fut de la nature du Lion de raisonner son utilité propre, mais ce n'est pas le cas.

De mon point de vue l' éthique n'est pas éternelle mais elle s'impose de nature. Certains fondamentaux s' imposent. Une idée naturelle du bien et du mal relatif à autrui. Elle ne s'impose pas absolument toujours et partout, c'est tendanciel .
Chez Spinoza ce qui s'impose de nature ce sont plutôt les passions. Reste certains comportements réprouvés par la nature.
Et puis la puissance d'intelligence des choses .Et <b>surtout cette dernière</b>.

Vous n' aimez pas trop "spiritualisme", certes, les bouddhistes n' aiment pas vraiment "matérialiste" non plus. Mais il y a quelque chose de cette différence d' indexation dans notre échange.
Je ne suis pas bouddhiste au sens du religieux mais au sens philosophique. Le bouddhisme n'est pas<b> pour moi</b> religieux mais philosophique. C' est pourquoi il est compatible avec le rationalisme occidental. Que le bouddhisme soit du religieux pour certains, c' est une autre problème.
Vous, vous ne pouvez que très difficilement vous défaire du <b>religieux</b> dans cette allégeance même tempérée par la raison à l' Advaita Vedanta.
Je ne nie pas qu' il y ait une dimension religieuse chez Spinoza. Mais sur quels fondements ?


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