Le « parallélisme » : une erreur de Spinoza ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 13 juil. 2012, 23:35

De mon point de vue, la substance c'est avant tout ce qui existe en soi et est conçu par soi
je vous dis que c'est une question de logique .

Première forme logique de penser
La logique suppose qu'il existe quelque chose en soi.
Une identité de soi à soi même ( A c' est A) pour un au moins ou plusieurs étant .
Une identité autosuffisante identité en l'absence de toutes relations à un autre étant .
Si on suppose contre la logique aristotélicienne qu'il n'y a pas d' étant existant identique à lui même, que du moins c'est une illusion de la pénsée alors il ny a pas de <b>substance</b>.
Il n'existe pas plus un A egal à A singulier qu'un infiniment grand englobant .

Deuxième forme logique de penser on a : une modification doit bien l'être de quelque chose ( la matière par exemple ).
Mais pourquoi ce quise done à voir, à toucher et à penser serait-il modification d' une <b>même</b> chose ?
Il est certain que l' idée de modification présuppose une substance les deux idées sont liées.

Troisième forme logique de penser: on regroupe en ensemble. Ainsi in fine on veut qu'il n' y ait qu' UN monde ( UN ensemble , l'ensemble de tout les ensemble par exemple ). C' est un désir très noble d' unité mais c'est un désir , un désir ma foi pas plus puissant que celui de penser la pluralité.

....................................

je reviens quand même à Deleuze.
<b>Deleuze répond ceci « les modes passent à l’existence, et cessent d’exister, en vertu de lois extérieures à leurs essences » (SPE p. 192).</b>.
Pour moi<b> les lois</b> sont imaginaires. Je ne veux pas dire fictionnelle. On imagine les lois comme on imagine le soleil proche de nous . Elles ne sont pas de l'essence de Dieu ( et ça Spinoza le dit ).
POur moi, de plus ,les modes sont imaginaires ( pas fictionnels) . Pour expliquer qu'ils ont imaginaires il faut que la nature soit graduée en puissance de penser.

Ce que dit Deleuze (page 32) me parait correct à une remarque près.

je cite l' article "<i> la finitude des essences modales ne doit pas, selon Deleuze, être comprise comme une privation d’une perfection plus grande :chaque essence finie est un degré de qualité (SPE p. 166), un degré de puissance ou d’intensité, ou « une puissance d’exister et d’agir » (SPE p. 78-79)qui est totalement positive et « singulière en elle-même » (SPE p. 166, 173,179-182 ; SPP p. 99, 135). En bref, une essence est un mode d’être qualitativement singulier, une modification déterminée des attributs infinis et éternels de Dieu (SPE p. 192-193). En ce sens, les essences ne sont pas de simples possibilités métaphysiques ou logiques ; elles sont actuelles : l’essence d’une chose, ou sa forme, correspond à un rapport (ratio) de mouvement et de repos parmi les corps simples qui la constituent, cette forme étant ce qui fait de cette chose un individu déterminé (E II P13 Lemmes 1, 4, 5, 6 et 7)</i>"

Je pense qu'il faudrait dire "doit être <b>imaginée</b> et ne peut être imaginé que comme ceci en raison de notre puissance de penser . Ce qui introduit une mesure dans l' appréciation des choses. Or Deleuze objective l'essence et l' individu singulier, il objective la finitude.
peut être qu'ailleurs il dit autre chose et sur le troisième genre de connaissance particulièrement. Je n'ai pas relu depuis longtemps son ouvrage. Bref je m' en tiens à cette citation.

Si nous (notre essence /ce qui nous sommes ) est un degré de puissance ou d’intensité tel que nous ne pouvons penser l' essence que comme celle d' un étant singulier<b> fini</b> alors c'est que notre puissance de penser n' enveloppe pas l' essence éternelle et infinie de Dieu . Autrement dit nous ne somme pas dans une connaissance du troisième genre.

( Connaissance du du troisième genre qui, soit dit en passant, est perfectible ).

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Messagepar sescho » 14 juil. 2012, 10:24

hokousai a écrit :
De mon point de vue, la substance c'est avant tout ce qui existe en soi et est conçu par soi
je vous dis que c'est une question de logique . ...

Là je ne vous suis pas du tout. Vous semblez parler de cela comme étant un a priori arbitraire comme un autre. Si c'était le cas, alors il faudrait surtout suspendre son jugement sur tout et cesser toute discussion (et Pyrrhon d'Elis - qui évitait quand-même les arbres en marchant... -, était réputé pour son calme et son équanimité exceptionnels.) Car si les fondements intuitifs clairs et distincts sont mis en cause, de quoi partir d'autre? De ce qui n'est pas clair et distinct ? De n'importe quelle invention pourvu qu'elle soit non-contradictoire, ... ? Là je le dis : autant faire des Maths. Une fois qu'on s'est libéré a priori de la question de la véracité des axiomes, et en même temps de la vie, c'est beaucoup plus facile d'être rigoureux...

Vous parlez de logique, mais il convient de préciser que ce sont des règles de base mêmes de la logique en fait. Or, de mon point de vue, celles-ci, prises en elles-mêmes, ne sont pas "logiques", puisqu'elles en sont la base, mais données : ce sont des axiomes, les axiomes de base de la Logique. "Rien ne vient de rien" n'est pas pour moi une opération logique, c'est une évidence. La logique proprement dite n'intervient que dans les déductions, les démonstrations.

Spinoza a opté pour la seule démarche sensée, me semble-t-il. On peut certainement discuter certains axiomes, mais pas la démarche même. Poser les notions communes, premières, est absolument incontournable. C'est même l'élémentaire probité intellectuelle qui fait l'honneur de la Philosophie d'expliciter tous les paradigmes, ou axiomes, dont on use. Et sauf à avoir été établis en conséquence préalablement, ils doivent être avérés premiers (et complets autant que possible de surcroît.) La substance en est.

Aucun développement basé sur la logique n'est possible en l'absence de notions communes / axiomes préalables (en plus de ceux de la logique même.)

Avec la sensation, 3 choses sont impliquées :


- Je suis (pensant.)

- Il y a des choses (étendues) distinctes de je.

- Je et les choses appartenons à un même monde.


Les 3 sont des évidences. Le fait même qu'il y ait relation entre Je et l'Autre implique intuitivement le 3), c'est-à-dire Dieu-Nature.

Note : en passant cela conteste implicitement le parallélisme, mais aussi le spiritualisme et le matérialisme. Finalement, le parallélisme, quoique ne convaincant personne ou presque, en particulier actuellement où le matérialisme règne après plusieurs siècles de régression spirituelle, et souffrant d'objections recevables, est encore le plus pertinent globalement...

Au global je perçois de l'être, du "quelque chose qui se pose incontestablement là", "du "pas rien"", qui est affirmation pure, incontestable, ...

Avant d'être ceci ou cela, il faut déjà être, affirmé. Cette affirmation pure induit le "rien ne vient de rien" : ce qui s'affirme comme "quelque chose" s'affirme dans le même mouvement comme "pas rien," et ne pouvant ni naître de rien, ni passer à rien (autrement dit : l'être ne change jamais.)

Lorsque je perçois les corps, je perçois immédiatement (outre par définition) que les corps partagent un même être (étendu) : ils sont des manières d'être étendu. Ce que je vois, en fait, sont des formes étendues, et plus ou moins mouvantes, appartenant toutes au monde étendu. En outre, je ne cherche pas de cause à tout cela : cela est, point ! La substance est déjà là, et équipée de la forme et du mouvement, qui sont point ! Ce qui est EST (éternellement.)

"Je suis celui qui suis", "Je suis ce je suis", ... les traductions varient quelque peu, mais le sens général est le même : "Je suis l'être" (de tout ce qui est), "Je suis l'affirmation pure de l'être," "Je suis ce qui est."

Il n'y a pas unité parce que nous le désirons (et même là resterait encore à dire pourquoi ce désir est là, et si général), mais nous désirons reprendre pleine conscience de l'unité, enfumée par le mental irrationnel.
Modifié en dernier par sescho le 14 juil. 2012, 15:41, modifié 1 fois.
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Messagepar hokousai » 14 juil. 2012, 15:39

cher Serge

oui je vous parle des fondements de la logique (pas de son application lors de démonstration)
..............................

Je vais citer un autre , ces propositions du « Tractatus logico-philosophicus » du moins cellles là sont compréhensibles ...

<b>3.02 - La pensée contient la possibilité des situations qu'elle pense. Ce qui est pensable est aussi possible.

3.03 - Nous ne pouvons rien penser d'illogique, parce que nous devrions alors penser illogiquement.

3.031 - On a dit que Dieu pouvait tout créer, sauf seulement ce qui contredirait aux lois de la logique. - En effet, nous ne pourrions pas dire à quoi ressemblerait un monde « illogique ».</b>


Wittgenstein dans ce tractatus nous dit des choses fort justes et il les dit si bien. Et tous de citer la conclusion <b>7 - Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.</b>
Position quelque peu drastique.
........................................
Spinoza qui n'a pas entrepris une critique de la logique telle que Nietzsche la fera , dit néanmoins (lettre 19 à Blyenbergh)

<b>"Dieu ne connait pas les choses abstraitement, il ne forme pas d'elle des idées générales et n' exige pas d' elles plus de réalité que l'entendement divin et la puissance divine ne leur en a réellement accordé, d ' où la consequence manifeste que la privation dont nous parlions tout à l 'heure n' existe que pour notre entendement et non au regard de Dieu."</b>
........................................

Disons donc que nous ne pouvons penser que logiquement mais que cela nous pouvons le penser aussi. Et nous pouvons penser que l'identité de A à A est une illusion, au mieux une forme obligée de la pensée en ce qu'elle pens logiquement.

IL faut bien que Spinoza ait compris quelque chose de cet ordre quand il écrit:<b>" ceux là tiennet de vains propos pour ne pas dire qu'ils déraisonnent, qui pensent la substance étendue composée de parties, c'est à dire de corps réellement distincts les uns des autres ( lettre 12)"</b>
Je veux bien la substance mais je ne la veux pas" immuable "( comme vous dites ) donc pas identique à elle même.
(voir lettre 50)
Pour pouvoir dire que Dieu est identique à lui même, seul et unique, il faudrait pouvoir le comparer à quelques choses qui soient identiques à elles - mêmes et avoir ramené sous un genre commun Dieu et ces choses . Or si Dieu vient en premier nous ne tirons justement pas l'idée de son essence de l'idée de l' essence des choses finies.

A proprement parler(de mon pt de vue ) Dieu n'a pas l' être, il existe. C 'est à dire que Dieu n'a aucunement besoin de l'identité à soi logique qui l' opposerait au néant .

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Messagepar sescho » 15 juil. 2012, 10:54

hokousai a écrit :Disons donc que nous ne pouvons penser que logiquement mais que cela nous pouvons le penser aussi. Et nous pouvons penser que l'identité de A à A est une illusion, au mieux une forme obligée de la pensée en ce qu'elle pense logiquement.

Nous pouvons tout imaginer et son contraire, mais cela est vain. On peut aussi "penser" un cheval avec des ailes, et c'est encore nettement plus convaincant que le rejet du principe d'identité (qui est en fait une variante du principe "ce qui est EST" ci-dessus : l'être qui se pose incontestablement là comme il est et pas autrement.) Pour moi on ne peut absolument pas réellement penser que le principe d'identité est une illusion, même pas l'imaginer : seulement se payer de mots.

Mais, encore une fois, une "logique" poussée à fond, même sur des bases partielles, voire des bases fausses, tend vers le vrai. Dans ce processus il faut s'assurer tout particulièrement d'être auto-cohérent. Si le principe d'identité est refusé, je ne vois pas que le moindre concept puisse être avancé comme traduisant une réalité, et donc a fortiori pas la proposition qui en comporte plusieurs : "l'identité de A à A est une illusion..."

Même le doute hyperbolique de Descartes, volontairement exagéré et poussé au maximum, aboutit : au seul pur "Je suis", impersonnel et n'incluant pas le temps (éternel.)

Wittgenstein : "6.4311 : ... Si l'on entend par éternité non la durée infinie mais l'intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent. Notre vie n'a pas de fin, comme notre champ de vision est sans frontière."

"6.45 - La saisie du monde sub specie aeterni est sa saisie comme totalité bornée.
Le sentiment du monde comme totalité bornée est le Mystique."

(Pour moi, il faut entendre "bornée" comme "déterminée".)

Entre autres du groupe 6.4.

hokousai a écrit :IL faut bien que Spinoza ait compris quelque chose de cet ordre quand il écrit:<b>" ceux là tiennet de vains propos pour ne pas dire qu'ils déraisonnent, qui pensent la substance étendue composée de parties, c'est à dire de corps réellement distincts les uns des autres ( lettre 12)"</b>

Je ne sais pas trop ce que vous en déduisez, mais c'est juste. Dire que la matière - ou l'énergie - est divisible est faux, par exemple. Et les corps appartiennent bien tous à l'être-étendu, "sans "néant de l'étendue" entre eux" (c'est déjà contradictoire dans les termes.) "Les corps" peuvent être distingués, mais pas réellement séparés. Ils sont en interdépendance et impermanence, etc.

hokousai a écrit :Je veux bien la substance mais je ne la veux pas" immuable "( comme vous dites ) donc pas identique à elle même.

L'analogie physique concilie pourtant très bien cela avec les changements observables dans la manifestation : l'Etendue-en-mouvement est immuable, et cause englobante de tous les corps, de leurs déformations, mouvements, etc. bref de tout ce qui est.

Par ailleurs, une substance se conçoit par soi et pas par autre chose : elle est en soi et ne peut donc changer de nature : elle existe nécessairement, est éternelle et donc immuable, etc. Sinon c'est une remise en cause du "rien ne vient de rien" - ou du principe d'identité - et là je crois qu'il faut impérativement, en toute conséquence, suspendre tout jugement sur tout (et continuer à éviter les arbres en marchant, à manger, à boire, etc. ... du moins tant que cela semble toujours identique à soi...)

hokousai a écrit :Pour pouvoir dire que Dieu est identique à lui même, seul et unique, il faudrait pouvoir le comparer à quelques choses qui soient identiques à elles - mêmes et avoir ramené sous un genre commun Dieu et ces choses . Or si Dieu vient en premier nous ne tirons justement pas l'idée de son essence de l'idée de l' essence des choses finies.

A proprement parler(de mon pt de vue ) Dieu n'a pas l' être, il existe. C 'est à dire que Dieu n'a aucunement besoin de l'identité à soi logique qui l' opposerait au néant .

Je crois que je comprends un peu mieux votre position. Tous les maîtres le disent : la vision de la réalité ultime est définitivement en dehors des mots. Donc tout ce qui est basé sur les mots (propositions comprises) est nécessairement contestable s'agissant de cela. Ceux-ci peuvent néanmoins servir de pointeurs, mais ne peuvent atteindre la chose même. Il est donc nécessaire qu'in fine (vision ultime) tout mot ait disparu.

Spinoza dit bien lui-même très clairement que la connaissance intuitive dite du troisième genre est très supérieure à celle du deuxième (E5P36S.)

Ce qui est EST, Dieu est, et ce sans aucune référence au temps, donc éternellement (le terme "immuable" résulte d'une vision partielle faisant, elle, référence au temps. Mais ce qui est éternel est bien de ce point de vue partiel immuable. Ce qui est EST, rien ne vient de rien et donc ce qui est en soi est immuable : sa nature ne peut changer.) Mais "ce qui est EST" (ce sont encore des mots qui pointent la chose seulement) semble effectivement suffire...
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Messagepar hokousai » 15 juil. 2012, 21:03

Je crois que je comprends un peu mieux votre position. Tous les maîtres le disent : la vision de la réalité ultime est définitivement en dehors des mots.


Oui, c'est aussi ce que dit Wittgenstein en conclusion de son tractatus, ce qui ne l'a pas empêché de continuer à penser et même à parler.

amicalement
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Re: Première « objection » : la discrétisation des attributs

Messagepar bardamu » 21 juil. 2012, 02:05

sescho a écrit :(...)
Concernant E1D6, autant « absolument infini » est clair (tout Être), autant « une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie » ne l’est pas, si l’on suppose qu’il s’agit là d’infini dénombrable (ce que "chacun" tend à induire) : car on pourrait avoir alors deux substances constituées d’une infinité d’attributs mais néanmoins distinctes.

Salut Serge,

rapidement, sur ce point de logique.

Soit le spectre des couleurs : je ne déduirais pas du fait que je distingue 2 couleurs dans le spectre que le spectre est constitué d'un ensemble dénombrable de couleurs, pas plus que je n'en déduirais qu'on peut faire plusieurs couleurs blanches par combinaison de toutes les couleurs.

Le cardinal du continu, de l'ensemble des Réels est supérieur à celui des Entiers, et ce n'est pas parce que les Entiers sont dans les Réels qu'on peut obtenir les Réels par les Entiers.
On ne peut prétendre reconstruire un ensemble indénombrable en utilisant une méthode de construction d'ensemble dénombrable au prétexte qu'on a isolé en son sein un sous-ensemble dénombrable...

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Re: Première « objection » : la discrétisation des attributs

Messagepar sescho » 21 juil. 2012, 11:26

Salut,

bardamu a écrit :Soit le spectre des couleurs : je ne déduirais pas du fait que je distingue 2 couleurs dans le spectre que le spectre est constitué d'un ensemble dénombrable de couleurs, pas plus que je n'en déduirais qu'on peut faire plusieurs couleurs blanches par combinaison de toutes les couleurs.

Le cardinal du continu, de l'ensemble des Réels est supérieur à celui des Entiers, et ce n'est pas parce que les Entiers sont dans les Réels qu'on peut obtenir les Réels par les Entiers.
On ne peut prétendre reconstruire un ensemble indénombrable en utilisant une méthode de construction d'ensemble dénombrable au prétexte qu'on a isolé en son sein un sous-ensemble dénombrable...

Ceci aurait difficilement pu m'échapper, et j'ai à cela deux objections combinées :

1) Il s'agit (c'est le cœur même de la question) chez Spinoza non pas (seulement) de ce que l'homme perçoit, mais d'attributs de Dieu-Nature même. Donc il ne s'agit pas d' "isoler" (artificiellement, humainement, par abstraction) des couleurs soi-disant "précises" d'un spectre continu de couleur (ou de longueur d'onde), ou soi-disant les entiers des réels, mais de la nature même de la Nature naturante. La difficulté est que Spinoza dit que les attributs sont distincts, mais aussi qu'ils constituent la même chose... chacun pris séparément... (E1P10S, ...)

2) De la façon dont Spinoza décrit la chose (par exemple : "dont nous ne connaissons que deux"), il s'agit très clairement d'un ensemble certes infini mais avant tout dénombrable. Et c'est bien pourquoi tout le monde lui demande des explications sur les autres attributs que nous ne connaissons pas (avec en outre l’appariement décrit dans la lettre 66, qui maintient la dualité formel / objectif, et donc le nombre 2 à l'intérieur de l'infinité.)

L'équivalence contenue dans E1D6, d'un point de vue mathématique, est fausse en ce qu'elle met en équivalence (par "c'est-à-dire") un infini indénombrable ("absolument") et un infini dénombrable. Et cela semble bien effectivement l'effet d'un "isolement" artificiel humain. L'erreur est reprise dans E1P14Dm, lorsque Spinoza dit "Dieu..., dont nul attribut exprimant l'essence de substance ne peut être nié (par la Défin. 6)...", car je peux construire autant d'ensembles infinis dénombrables distincts que je veux. Mais Spinoza a néanmoins l'intelligence de bien rappeler l'absolue infinité juste avant... Et ce qui est très clair c'est qu'il veut bien dire que Dieu est absolument infini, et donc qu'il n'y a rien en dehors de Dieu, attributs ou modes ; là n'est pas la question, mais bien dans la pertinence de la notion d'attributs de Dieu-Nature même...
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Messagepar Miam » 21 juil. 2012, 20:06

Salut tous !

Selon vous l'infini de l'attribut serait dénombrable ?
La notion d'infini dénombrable a-t-il seulement un sens pour Spinoza ?
Cela me paraît douteux au sein d'un raisonnement qui, comme l'a vu Deleuze, veut prouver qu'aucune distinction réelle n'est numérique (et vice versa).

Dans la Lettre 12 on lit que "ni le nombre , ni la mesure, ni le temps, puisqu'ils sont des auxiliaires de l'imagination, ne peuvent être infinis".

L'infini ne peut être nombré. L'infini de Spinoza n'est pas celui de Cantor, mais l'infini des Renaissants tel Bruno et, avant lui, de Cuse.
C'est pourquoi depuis que la Proposition 8 a introduit la notion d'infini, il ne peut y avoir deux ou quelque autre nombre d'attributs . Tout ce qui constitue la substance ne peut être que Un ou Infini, puisque aucune distinction réelle n'est numérique et vice versa. Mieux : seul ce qui est infini est réel puisque la réalité elle même, ou l'être, ou la perfection, est portée par chaque attribut parce que chaque attribut est infini (cf. I 10s). Un et Infini ne sont pas des nombres. Ce sont les principes d'une hénologie infinitiste qui est issue des Renaissants et de la scolastique néoplatonicienne juive. La notion d'infini dénombrable reste-t-elle pertinente dans ce contexte ?

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Messagepar Louisa » 21 juil. 2012, 20:33

Bonjour à tous!

Petite remarque sur l'infinité des attributs: à mon sens le scolie de l'E1P14 rejette explicitement l'idée d'un infini dénombrable (en ce qui concerne les attributs), puisque Spinoza y dit que dès la P12 il a montré qu'il n'y pas quelque chose comme une "quantité infinie mesurable, et composée de parties finies".

Les attributs sont indivisibles, et leur infinité signifie avant tout qu'ils ne sont pas "bornés" par autre chose en leur genre, et non pas qu'ils soient constitutés d'un ensemble de parties réellement distinctes et qu'on ne pourrait dénombrer que si l'on disposait d'un temps de vie sans fin. Comme il le dit dans le scolie, ces parties ne diffèrent "que par la manière, et non pas en réalité".


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