YvesMichaud a écrit :Sescho: peut-être qu'en pratique, il est impossible de réduire la psychologie à la neurobiologie, mais en théorie, la chose ne serait peut-être pas inconcevable.
Il y a-t-il vraiment de réelles barrières ontologiques qui excluraient cette possibilité?
Il est clair que si cette impossibilité était évidente, tant de discussions n'auraient pas eu lieu depuis si longtemps. Il faudrait la démontrer en pure logique à partir de prémisses incontestées, ce qui me semble difficile (cela l'était déjà pour Spinoza, alors...). Le premier problème n'est pas la logique mais bien les prémisses ; aussi communes que soient les notions qui font les axiomes (dont, en passant, on ne se préoccupe pas de la genèse mais seulement de l'universalité) elles sont toujours contestables puisqu'improuvables, étant elles-mêmes les bases premières du raisonnement... ; et sans prémisse, pas de développement... Spinoza avait d'ailleurs bien saisi tout cela et ne discutait pas une contestation de ses axiomes.
Y-a-t-il des prémisses très généralement admises qui permettent de démontrer cette impossibilité ? Je pense que oui, même si je ne veux pas tenter maintenant quelque chose sur ce sujet. Spinoza considère - et moi avec lui - clairement qu'une prémisse généralement admise est que la Pensée n'est pas l'Etendue (en connaissance vraie, pas en connaissance par ouï-dire, fut-elle "scientifique") ; cela seul suffit presque. Atteindre la connaissance parfaite de la Matière et de la Pensée elle-même, il n'y a que le Dieu de Spinoza qui le peut. L'Homme, chaque homme, est-il aussi étendu que la Nature ? Voilà une prémisse qui n'aurait aucun défenseur sain d'esprit... Le simple fait qu'il faille passer par l'expérimentation... Le fait même qu'il faille des prémisses pour construire un développement est déjà un aveu a priori de limitation... etc.
Pour moi, cette croyance est absurde ; mais effectivement, il faudrait faire un effort pour mettre cela en ordre...
Quant à distinguer entre impossibilité et impuissance... Le terme "dogmatique" ne me parle pas beaucoup... L'impossibilité doit être démontrée ou patente parce qu'englobant contradiction. L'impuissance se constate dans les faits. La différence est qu'on investit jusqu'au plantage dans le second cas... en même temps qu'on instille la banalisation dans les esprits quand l'entêtement est vaniteux...
Personnellement, l'honnêteté me suffit, et on la trouve bien chez les meilleurs scientifiques (parce qu'ils sont aussi philosophes) : quand on sait vraiment on le dit, quand on doute ou qu'on ne sait pas, aussi, et pour le reste, on met le conditionnel.
YvesMichaud a écrit :On peut donc se croire autorisé à soutenir que la vie n'existe pas en tant que nature distincte que la matière inorganique. Certes, les raisons invoquées ne sont pas tout à fait suffisantes pour légitimer une telle assertion.
L'assertion me semble à moi inacceptable : si la vie est ce dont j'ai conscience claire, il est impossible qu'elle n'existe pas ; l'affirmer est pour moi le comble de la maladie scientiste. Que la "matière vivante" ne soit pas distincte fondamentalement de la matière inerte, je l'accorde si l'on veut, mais je conteste que l'on sache autrement que dans le flou ce qu'est la matière inerte (et j'ajoute qu'on ne le saura jamais) ; dans ce cas toute soi-disant explication radicale - explicite ou implicite - par la matière est dénuée de fondement.
YvesMichaud a écrit : Puis ensuite rendre compte des événements mentaux et de la subjectivité elle-même (mais il paraît que la physique quantique en nie l'existence, et vous savez ce qu'on dit: on ne peut pas critiquer la science).
On ne peut pas critiquer la Mathématique, mais ce n'est pas une science (et elle se meut par ailleurs dans sa propre incomplétude). Quant à la Science, elle ne me semble pas mériter son nom si elle n'est pas critique d'elle-même. Toute théorie est normalement considérée comme devant à terme être mise en défaut et remplacée (mais Mécanique Quantique et Relativité résistent remarquablement bien..., tout en étant mutuellement incompatibles dans la description de la force de gravitation...) Comme partout, le plus péremptoire est le moins bon...
Je ne savais pas que la Mécanique Quantique avait débouché sur une théorie quantique du sujet ; à moins, peut-être, que ce soit un délire développé à partir de l'impossibilité de mesurer de façon "non intrusive" l'état (non totalement déterminé auparavant) d'un quanton. Mais il me semble vrai néanmoins que le sujet se définit en relation avec l'objet et qu'objectif et subjectif ne s'entendent que relativement. Le divin, lui, est au-dessus du couple sujet-objet : il est.
Amicalement
Serge
P.S. : ayant forcé plus haut sur un aspect des choses, j'en profite pour dire que bien sûr, pour autant que j'en sache, des travaux proprement remarquables - en particulier en expérimentation - sont réalisés en Physique et que celle-ci est très efficace vis-à-vis du monde matériel par le mélange intime d'expérimentation, d'essai et erreur, de raisonnement analogique (sens physique) et de quantification qui la constitue ; quoique beaucoup plus basée, en fait, sur l'essai qu'on ne le dit, elle est en même temps réellement prédictive. Simplement, détrôner la Philosophie / la Psychologie, elle ne le peut pas ; ce n'est pas de sa compétence. Et j'ajoute qu'elle lui est secondaire, et ce à plusieurs titres : par exemple, pour la joie de vivre, ou sur les fondements de sa propre méthodologie, qui est plus connue des philosophes que des scientifiques, hors les tout meilleurs.