Egotisme et culpabilité.

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar sescho » 28 nov. 2014, 12:47

hokousai a écrit :
Sescho a écrit :Personne ne fait le mal, ou en sachant que c'est le mal, car sinon tout simplement il ne le ferait pas d'immédiate évidence.


Il n'y aurait jamais de sentiment de culpabilité si c'était le cas.

La remarque est très pertinente, mais ne règle pas la question pour autant selon moi. Cela peut nous emmener loin...

Il faut déjà préciser que nous parlons-là uniquement de l'action en train de se faire, ici et maintenant (et ni de la préparation mentale de l'action, avec les dilemmes, etc., ni du souvenir de l'action faite antérieurement, avec ses remords, etc., même il y a une fraction de seconde.) Il n'y a aucun sentiment de culpabilité accompagnant une action pure, de quelque nature qu'elle soit. J'entends par "action pure" ce qui n'est pas redoublé de pensée discursive au même moment (mais la précision est sans doute inutile, car a priori il y a toujours un décalage et plus généralement : soit on agit, soit on pense. En passant, une énorme base de l'erreur consiste à s'imaginer agir - y compris voir - quand on ne fait que penser ; autrement dit : rien.)

Note : "pensée" est entendu là au sens restreint (oriental) évidemment. On peut objecter que même dans ce cas penser est une action. Si cela est recevable, on peut dire au moins que penser au sens restreint est la plus passive des actions (mémoire et imagination chez Spinoza, mémoire mécanique chez Krishnamurti, etc.). Et si on poursuit de même (c'est un point d'appui de Jean Klein) : on ne peut faire deux actions en même temps de manière générale et donc en particulier soit agir activement - y compris la pensée-vision -, soit penser passivement. L'expérience (en particulier chez les femmes) semble pourtant montrer au contraire la capacité à agir et penser en même temps... Time-sharing ?

Bref... Le sentiment de culpabilité au sens classique est uniquement le fruit de la pensée au sens restreint. Paul Diel le retient comme un des 4 piliers de la fausse motivation : vanité / culpabilité, sentimentalisme / accusation. (C'est fou - c'est le bon mot... - ce que cela résume bien certains mouvements actuels, d'ailleurs...) Il traduit une contradiction interne au niveau de l'entendement (pris en général), une chose étant affirmée ainsi que son contraire, ceci de façon plus ou moins consciente et chargée d'énergie (subconscient.) Le regret, à la rigueur, mais pas le remord : les choses étant faites, il n'est pas possible de les refaire, et la Nature jamais ne peut le demander : elle ne demande jamais l'impossible (puisque dans tous les cas c'est elle-même...) Quant à l'idée que les choses auraient pu se passer autrement, c'est une pure aberration, qui affirme le libre-arbitre absolu et nie le "rien ne vient de rien". L'éternel problème sur lequel on tombe toujours... L'action étant passée (c'est-à-dire n'existant plus du tout, sauf en tant que trace dans la mémoire) il ne reste comme toujours que le "qu'est-ce que je peux faire (de bon) ?"

Mais alors, si nous évacuons la culpabilité comme passion ordinaire - associée à la mauvaise foi structurelle, par exemple -, où se situe donc l'enjeu éthique basé sur le bien ressenti ?

Je le garde pour un autre message...

hokousai a écrit :Je suis (nolens volens) prédateur d autrui. Je prends.

J'ai des besoins qu'il me faut satisfaire. Je ne vois pas le lien direct avec la prédation (qui suppose de prendre un autre être vivant - d'une autre espèce très généralement - comme du gibier), ni aucune perversion chez les animaux prédateurs. La question ici concernerait la concurrence, ou le vol, entre les humains, donc...

Cette concurrence n'est pas automatique, alors même que je saisis ce qui sert à ma conservation : la Nature me fournit de quoi vivre, et m'enjoint on ne peut plus naturellement et impérativement de le prendre. Je ne le prends pas forcément "à quelqu'un d'autre." Il y a eu répartition collective du travail, c'est sûr. Après les hommes diffèrent non par l'essence de l'Homme, évidemment, mais par "l'essence totale", qui inclut les passions ; dans ce cadre ils s'opposent nécessairement tôt ou tard. Mais ce n'est pas de la prédation, alors, mais de l'attaque-défense.

Les faits s'imposent. Purs (ce qui est très très rare : en général c'est fortement mixé de vanité), les idéaux-guides dirigent l'action, mais en aucun cas ils ne doivent - ni ne peuvent - être substitués aux faits : ils ne sont pas du même ordre. Être complaisant avec les pires passions, nier les faits patents (enfin : souvent c'est seulement vis-à-vis de certains, et le contraire vis-à-vis d'autres), sous prétexte d'idéaux supérieurs d'amour universel, etc. est de la bêtise grave (et très dangereuse : la correction ne tarde jamais bien longtemps, et elle est proportionnelle en bêtise en sens inverse...)

hokousai a écrit :Il est remarquable que ce n'est pas le don qui peut culpabiliser mais la prise. C'est le voleur qui est coupable pas le donateur.

Cette affirmation est très fréquente chez "les spirituels" comme vous dites. La joie, ce n'est pas recevoir, mais donner.

hokousai a écrit :Ce qui peut troubler le plus généreux donateur c'est l'incertitude quand aux bienfaits escomptés de ses dons ( mal employés ou à conséquences funestes) et c'est bien alors parce qu'il se trouve ramené au statut de prédateur d' autrui.

Un véritable don n'attend absolument rien en retour : rien ! Sinon ce n'est pas un don, c'est du commerce, dirait Baret. Ceci n'empêche pas d'analyser le résultat de l'action. Un don qui n'est pas reçu n'est pas vraiment un don au sens bilatéral du terme, et n'a pas à être renouvelé en l'état, etc.

Je dirais que contrarier la Générosité est une contradiction interne qui génère du mal-être. La pulsion de puissance ne peut être satisfaite que de l'harmonie avec la Nature entière, aussi loin que possible. A prolonger... :)
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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar hokousai » 28 nov. 2014, 23:53

J'ai des besoins qu'il me faut satisfaire. Je ne vois pas le lien direct avec la prédation (qui suppose de prendre un autre être vivant - d'une autre espèce très généralement - comme du gibier),
Je n'ai pas trouvé d'autres mots que prédateur/ prédation ... comme ce qui est une prise soit d'autrui, soit de ses avantages, soit de ses moyens de subsiter etc etc ...enfin bref, tenir ma place c'est nécessairement empiéter sur celle d'autrui.
Spinoza a écrit :Mais les hommes sont moins conduits par la raison que par l’aveugle désir, et en conséquence la puissance naturelle des hommes, ou, ce qui est la même chose, leur droit naturel, ne doit pas être défini par la raison, mais par tout appétit quelconque qui les détermine à agir et à faire effort pour se conserver.


Bon je vais gommer un peu ce droit naturel et dire:
qu'au mieux, par raison et/ou par sympathie je vais coopérer ou me montrer aimable, voire charitable ou généreux.
Mais
1) cela ne sera jamais absolument .
Toujours persistera le paradoxe : je veux du bien à autrui mais j' ai ma place à tenir et in fine j' empiète sur lui

2) pire : je lui veux du bien mais in fine cela ne lui rend pas service ... plusieurs cas de figure possibles.

3)encore pire :il n'est pas dit que par raison je ne doive pas être impitoyable dans certain cas .
.........................

Bref... Le sentiment de culpabilité au sens classique est uniquement le fruit de la pensée au sens restreint. Paul Diel le retient comme un des 4 piliers de la fausse motivation : vanité / culpabilité, sentimentalisme / accusation.


ah mais moi je suis un sentimental ...excusez moi ! C'est bien mon problème. J' ai des sentiments moraux. Il est bien évident que si j' étais soit un parfait cynique soit seulement un indifférent, je n 'aurais pas ouvert le sujet.( que j'ai l'impression là de refermer ) :cry:

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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar sescho » 29 nov. 2014, 20:43

hokousai a écrit :Je n'ai pas trouvé d'autres mots que prédateur/ prédation ... comme ce qui est une prise soit d'autrui, soit de ses avantages, soit de ses moyens de subsiter etc etc ...enfin bref, tenir ma place c'est nécessairement empiéter sur celle d'autrui.

Et de même pour cet autrui en tant que sujet. La liberté des uns s'arrête où commence celle des autres. La vie en communauté implique des compromis. J'ai l'impression d'enfiler les banalités, mais c'est bien cela quand-même. Après on peut discuter du partage du gâteau et, comme dit Rousseau, voir s'il y a un sens à ce que certains meurent de faim pendant que d'autres regorgent de superfluités... On doit, même...

hokousai a écrit :
Spinoza a écrit :Mais les hommes sont moins conduits par la raison que par l’aveugle désir, et en conséquence la puissance naturelle des hommes, ou, ce qui est la même chose, leur droit naturel, ne doit pas être défini par la raison, mais par tout appétit quelconque qui les détermine à agir et à faire effort pour se conserver.


Bon je vais gommer un peu ce droit naturel et dire:
qu'au mieux, par raison et/ou par sympathie je vais coopérer ou me montrer aimable, voire charitable ou généreux.
Mais
1) cela ne sera jamais absolument .
Toujours persistera le paradoxe : je veux du bien à autrui mais j' ai ma place à tenir et in fine j' empiète sur lui

2) pire : je lui veux du bien mais in fine cela ne lui rend pas service ... plusieurs cas de figure possibles.

3)encore pire :il n'est pas dit que par raison je ne doive pas être impitoyable dans certain cas .

Oui on peut être impitoyable par raison. On peut par exemple éliminer un individu s'il est très dangereux et non raisonnable en la circonstance, sans le moindre problème de conscience même pour le Sage. La mort peut être un soulagement général s'agissant d'un esprit extrêmement malade et dangereux (et néanmoins puissance de la Nature comme tout ce qui est ; la mise à mort étant elle-aussi puissance de la Nature, exactement au même degré.) Dieu-Nature n'en est pas changé d'un iota. MAIS la raison implique la Générosité, et donc l'Amour universel inconditionnel. Donc : rien de trop. Mais la mort peut être considérée, étant une pure remise à zéro, comme préférable à la souffrance. Les applications sont d'ailleurs variées à ce titre.

Le "droit naturel" c'est juste la puissance d'action qui est naturellement accessible à un individu, quelle qu'en soit la nature. Ce qu'on peut y associer de plus, c'est que tout fait (factuel) est la puissance de la Nature même, est parfait à ce titre, au-dessus du Bien et du Mal, et donc neutre. Ce qui ne veut en aucune façon dire que je dois dans tous les cas ne rien faire alors qu'il m'apparaît en ma puissance d'agir efficacement.

Il y a deux règles imprescriptibles de fait :

- Les faits s'imposent per se, avant tout jugement à leur sujet. Ils sont donc neutres. La puissance de la Nature est ce qu'elle est, point. Ce qui est EST ! Cela c'est du côté de l'objet.

- Les idéaux-guides imposent l'action (spontanée.) Cela c'est du côté du sujet.


Il n'y a aucun rapport entre les deux, sinon Dieu-Nature qui les unit.


hokousai a écrit :
Bref... Le sentiment de culpabilité au sens classique est uniquement le fruit de la pensée au sens restreint. Paul Diel le retient comme un des 4 piliers de la fausse motivation : vanité / culpabilité, sentimentalisme / accusation.


ah mais moi je suis un sentimental ...excusez moi ! C'est bien mon problème. J' ai des sentiments moraux. Il est bien évident que si j' étais soit un parfait cynique soit seulement un indifférent, je n 'aurais pas ouvert le sujet.( que j'ai l'impression là de refermer ) :cry:

Là je crois qu'il faut faire un certain nombre de précisions :

- Le "sentimentalisme" n'est pas le sentiment, ou la sentimentalité (je ne sais pas si le terme est bien meilleur, mais il suffit de différencier) : le sentiment c'est le sommet de la vie consciente ; l'Amour universel inconditionnel précédent tout particulièrement. Le "sentimentalisme" c'est une mécanique purement mentale (au sens restreint : de la pure gamberge et aucune action), qui consiste à se prendre soi-même en pitié (mais ceci peut se commuer sans problème en se prendre soi-même en haine), ou une catégorie de population particulière (contre une autre en général) ; les gentils contre les méchants ; le discours victimaire / accusatoire, etc., etc. Du jus de Mental...

On peut donc bien au plus haut degré vivre le sentiment, sans pour autant tomber tant soit peu dans le sentimentalisme. En revanche si quelque autre pilier de la fausse motivation se manifeste aussi : auto-justification vaniteuse (mauvaise foi, boursoufflure personnelle, abaissement d'autrui), culpabilité, accusation, on doit s'interroger...

- En matière de spiritualité, il y a des poncifs qui sont autant d'incompréhensions totales (en fait, c'est tout le contraire dans tous les cas) de ce dont il s'agit :

* Confondre non-agir et inaction.

* Confondre acceptation et inaction.

* Confondre retour sur soi et égoïsme.

* Confondre détachement et insensibilité.

* ...

- Nous discutons de façon technique, comme de la meilleure méthode pour tailler les rosiers (l'enjeu est juste plus élevé.) Il n'y a aucune accusation là-dedans. Tout est positif. Si c'est juste on prend naturellement ; dans le cas contraire on discute encore. Si quelque chose doit être dissout, ce ne peut être qu'une illusion. Rien qui ait une vraie valeur, rien qui ait une essence. Donc pas d'inquiétude : ce qui doit mourir n'a jamais existé que comme imaginaire. :)
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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar hokousai » 30 nov. 2014, 00:33

Le "sentimentalisme" c'est une mécanique purement mentale (au sens restreint : de la pure gamberge et aucune action), qui consiste à se prendre soi-même en pitié
DIsons le sentiment d' empathie qu il soit mental, certes, mais rien en cela ne le dévalorise.
Que l' empathie consiste à se prendre en pitié, je n'en suis pas certain du tout.

Je prends l'exemple très simple de l' extrême pauvreté. Je la rencontre, en la présence assez récente de cette population immigrée disons rom pour faire court. En présence de la mendicité j' ai de l empathie ( ça me fend le coeur ) ... je dis en présence d'une certaine mendicité....car je ne suis pas toujours touché au même point...c' est selon le cas.
Est- ce que je me prend en pitié ? ( je ne veux pas mettre d' image illustrant mon propos )
Si je vois dans l' extrême pauvreté ( tel que Julien green le dit dans "le langage et son double" ) une question morale majeure, ce n'est pas que je prends pitié de moi- même.
J' y vois même l'objet du plus grand scandale. Le scandale est que les hommes éprouvent une empathie et puis se durcissent le coeur. Le scandale il est dans l'aisance à oublier. Je ne peux donc pas dire que me range dans le camp de ceux qui souhaitent atténuer le sentiments d' empathie .

La seule raison acceptable devrait montrer que l' empathie est nuisible à autrui pas à moi.
Parce que ce n'est pas moi qui est à défendre par moi-même dans la question morale, moi je me défends naturellement très bien ( par nature )

Oui on peut être impitoyable par raison.
J 'entends bien.
Mais je veux justement montrer que la morale ne renvoie pas à la raison. Je vais être raisonnable par utilité pas par sentiments moraux.
Il ne manque pas d'affects chez Spinoza... il manque l' affection.

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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar sescho » 30 nov. 2014, 10:58

hokousai a écrit :DIsons le sentiment d' empathie qu il soit mental, certes, mais rien en cela ne le dévalorise.
Que l' empathie consiste à se prendre en pitié, je n'en suis pas certain du tout.

Oui, c'était justement mon propos que de préciser que là "Mental" était utilisé au sens restreint oriental (gamberge), et que "sentimentalisme" ne concernait pas les véritables sentiments à l'état pur.

Spinoza décrit au sommet très peu de choses en nombre, et conjointement d'importance essentielle : Amour universel, Fermeté d'Âme, Générosité (et il affirme clairement l'enseignement de Jésus de Nazareth comme l'incarnation de cela ; c'est donc forcément très proche.)

Après, la question devient technique : il ne s'agit pas de négocier l'Amour universel : il est incorruptible, il s'agit de rendre à chacun selon son mérite. Cela quelque part n'a rien à voir, et pourtant doit être vu aussi. La Générosité n'implique pas du tout l'angélisme, mais la Fermeté d'âme.

Côté négatif, il y a par exemple des individus ou groupes qui utilisent la compassion des autres comme d'une arme politique, eux-mêmes n'ayant aucune vergogne. C'est ainsi qu'on voit la bien-pensance aligner sans fin les pavés de bonnes intentions sur le chemin de l'Enfer. On voit ainsi défendre, avec force jugements moraux péremptoires et condescendants, des gens qui tirent sur des civils depuis des zones civiles et se déplacent en ambulance, et/ou qui font régner la terreur, le racket, etc. ; d'autres sont des parrains du banditisme, trafiquants d'armes - qui arrosent tous les mouvements terroristes ensuite, uniquement pour de l'argent - et d'êtres humains (prostitution, esclavage moderne, ...) ; d'autres vivent culturellement du vol, de l'incivilité et l'agression généralisées, de l'illégalité en tout genre, du tout et n'importe quoi pourvu que cela paye. Certains groupes entraînent leurs enfants à la mendicité, et même les mutilent pour que cela rapporte plus... Ou on en fait des tonnes sur la Palestine (je ne dis rien là sur le fond du sujet), et on rejette violemment le cas du Tibet tout en même temps, alors qu'ils sont dans des situations très similaires (le cas du Tibet étant cependant beaucoup plus net à tout point de vue : indépendance totale en 1949, grave dictature d'occupation, colonisation totale, privation massive de libertés, black-out total, abandon, etc.) Les gens qui font cela, parés de leur bonne conscience moralisante supérieure, sont de purs escrocs, en fait.

Je ne suis même pas convaincu que la mendicité, en France, en général sauf cas très particuliers, puisse être justifiable d'un point de vue éthique global. Je pense que la véritable pauvreté sans issue visible ne se montre pas si facilement. Il est pénible aussi de voir des gens se mobiliser pour les "grandes causes", et en même temps agresser des membres de leur famille, des collègues, des voisins, ... C'est complètement pathologique, en fait. Là on peut parler de sentimentalisme. Bref...

Le positif c'est tout le reste : heureusement c'est sans doute à 80%, mais pas suivant les mêmes modalités. Ne pas se porter au secours (ne serait-ce que sur une petite chute, une fatigue) d'une personne en face de soi momentanément et manifestement en difficulté (tout le temps, c'est le rôle de la collectivité, comme dit Spinoza), serait difficilement intégrable dans la Générosité...

hokousai a écrit :Si je vois dans l' extrême pauvreté ( tel que Julien green le dit dans "le langage et son double" ) une question morale majeure, ce n'est pas que je prends pitié de moi- même.

Cela se discute... Spinoza dit bien que la pitié n'est pas aussi saine que la Générosité parce qu'elle est une tristesse qui vient de ce qu'on s'afflige du malheur supposé d'une personne qu'on s'imagine être comme soi. Par ailleurs, le sentimentalisme - pas l'empathie - englobe non-seulement de se prendre pour un agneau dans un monde de brutes - ou en renversement pour un loup égoïste qui torture de pauvres agneaux - mais aussi le fait de s'affliger du malheur supposé d'une catégorie quelconque (posée comme victime), contre une autre (posée comme bourreau.)

Ce qui reste ultimement, j'en suis convaincu avec Spinoza, c'est uniquement le désir ACTIF (qui écarte la passion et implique l'action - dans la mesure du possible, faisant des choix.) Dans tous les cas, la Générosité ne se morfond de rien du tout, jamais : elle agit, spontanément, sans rien regretter, ici et maintenant d'abord et surtout.
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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar hokousai » 30 nov. 2014, 11:25

il s'agit de rendre à chacun selon son mérite.
:?: Ce qui demande une explication ... non ?


Spinoza dit bien que la pitié n'est pas aussi saine que la Générosité parce qu'elle est une tristesse qui vient de ce qu'on s'afflige du malheur supposé d'une personne qu'on s'imagine être comme soi.


Une tristesse certes. Mais comment peut on imaginer autrui comme quelque par n'étant pas comme soi même.
Je ne m'imagine pas comme triste ( je le suis ).

Mais je ne refuse pas d'accorder une valeur à cette tristesse ( voila une question !) ...comme je ne nie pas la valeur de la douleur ( la mienne ) et cela dit du point de vue du conatus.( auto préservation subjective ).
Pour savoir et éprouver de la joie il faut aussi savoir éprouver de la tristesse.
Le "il faut" pour moi n'est pas un devoir moral, il s'impose comme corrélatif de la joie.

C' est pourquoi le bain universel de JOIE invoqué par certains spinozistes m' interroge quelque peu.

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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar sescho » 30 nov. 2014, 19:53

hokousai a écrit :
il s'agit de rendre à chacun selon son mérite.
:?: Ce qui demande une explication ... non ?

Ce qui suivait l'illustrait. La bonté n'est pas la faiblesse. Ce n'est pas forcément être "gentil" (quand bien même on serait idéalement bon, donc.) Être gentil avec le méchant est stupide, et coûte cher en général. La bonté, la générosité ne se discutent pas, mais les actions doivent impérativement être ajustées à qui on a réellement affaire. Dans un des exemples fournis, qui tire sur des civils depuis des zones civiles et a fortiori se déplace en ambulance doit être combattu sans ajouter le moindre "mais". Et c'est sans doute comme cela que le problème a le plus de chance d'être réglé. Cela évidemment n'excuse en aucune manière des crimes perpétrés par "l'autre camp", qui doivent être combattus de même. Là c'est juste. Les parés de prétention moralisante, intransigeante et condescendante qui de fait justifient n'importe quoi - voire le pire - entrant dans leur logique victimaire sont en vérité des pousse-au-crime dangereux ; les suivre est se préparer des lendemains terribles. La Nature se fout de cette pseudo bien-pensance ; elle tient fermement aux faits : c'est sa puissance même ; le Mental est de la fumée en rapport. En plus, quand on sait que la vie est dans l'action, la position victimaire / accusatoire des autres comme responsables de la médiocrité de sa situation, est... la médiocrité de sa situation même. Ceux qui ne se plaignent de rien, quelle que soit la situation, et agissent, s'en sont déjà sortis.

Par ailleurs, en général, il y a deux aspects et non point un :

1) L'Essence de l'Homme, commune à tous les hommes, et qui les lie infiniment. Empathie totale, effacement de la personne, etc.

ET :

2) Les passions qui divisent les hommes.

On ne peut pas nier le 2) sous le prétexte du 1). Seuls les hommes qui suivent la raison - commune à tous les hommes - sont utiles les uns aux autres.

hokousai a écrit :
Spinoza dit bien que la pitié n'est pas aussi saine que la Générosité parce qu'elle est une tristesse qui vient de ce qu'on s'afflige du malheur supposé d'une personne qu'on s'imagine être comme soi.


Une tristesse certes. Mais comment peut on imaginer autrui comme quelque par n'étant pas comme soi même.
Je ne m'imagine pas comme triste ( je le suis ).

Oui, j'aurais pu choisir un autre terme : "imaginer l'autre comme étant soi-même souffrant" aurait été plus juste. Il ne s'agit pas là d'empathie, mais d'imagination. Rien ne dit que la personne mendiant souffre vraiment (voire elle ne fait que son business habituel...). Rien ne dit que dans la même situation je souffrirais effectivement. Le Sage ne s'afflige d'aucune situation : il constate les faits, et agit en conscience, sans le moindre trouble (sauf forte douleur corporelle, sans doute, et encore est-ce au minimum à douleur fixée), aussi noire soit jugée cette situation par d'autres. Des internés de camp de la mort ont vécu la plus haute réalisation spirituelle ! Alors...

Pourquoi se faire souffrir avec de simples pensées ? Le monde en est-il meilleur ? Ou pire ?

hokousai a écrit :Mais je ne refuse pas d'accorder une valeur à cette tristesse ( voila une question !) ...comme je ne nie pas la valeur de la douleur ( la mienne ) et cela dit du point de vue du conatus.( auto préservation subjective ).
Pour savoir et éprouver de la joie il faut aussi savoir éprouver de la tristesse.
Le "il faut" pour moi n'est pas un devoir moral, il s'impose comme corrélatif de la joie.

C' est pourquoi le bain universel de JOIE invoqué par certains spinozistes m' interroge quelque peu.

- De toute façon ceux qui baignent effectivement dans ce bain sont un sur un million ; peu de chance d'en lire un (à moins d'aller le chercher et de le trouver effectivement.)

- Jourdain dit qu'à la base il n'y a pas de joie : une pure inutilité (ce qui rejoint un point à prolonger plus haut), mais qui s'impose clairement et fermement. La neutralité et le vide de la nature naturante en quelque sorte. Dans ce fond immaculé, la simple joie d'être (béatitude spinoziste, à distinguer de la joie ordinaire, qui se différencie à peine de la tristesse sur le plan des causes) apparaît régulièrement, et souvent durablement, avec une intensité variable. La tristesse peut aussi se manifester, ainsi que tout un tas de caractéristiques personnelles (y compris de fumer, boire du café, mal manger, etc.) : mais dans tous les cas des phénomènes apparaissant dans ce fond immaculé.

Comme déjà dit, peut-être cette joie d'être est-elle la "récompense", nécessairement non-recherchée, d'une "victoire" renouvelée sur le mécanisme de l'hallucination mentale.
Connais-toi toi-même.

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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar hokousai » 01 déc. 2014, 23:30

il s'agit de rendre à chacun selon son mérite.


Je vois que vous m expliquez plutôt :"rendre à chacun selon son démérite".

J'ai mésinterprété votre remarque parce que j'entends parfois attribués aux pauvres une responsabilité et inversement aux riches leur "mérite". ( et je pensais particulièrement à un groupe ethnique...comme je l'ai dit plus haut).


Pourquoi se faire souffrir avec de simples pensées ? Le monde en est-il meilleur ? Ou pire ?


De mon point de vue il ne s'agit pas d' en rajouter. L' empathie ne me semble pas volontaire. En réduire le niveau en revanche me semble volontaire. Je veux dire qu'on ne peut pas se forcer à aimer mais qu' en revanche on peut volontairement s' obliger à ne pas aimer.

Le monde en est-il meilleur ? Ou pire ?
Je pense que s 'il y a baisse du niveau d' empathie le monde empire,( empirer au sens du contraire de s 'améliorer ).

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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar sescho » 02 déc. 2014, 11:47

hokousai a écrit :J'ai mésinterprété votre remarque parce que j'entends parfois attribués aux pauvres une responsabilité et inversement aux riches leur "mérite". ( et je pensais particulièrement à un groupe ethnique...comme je l'ai dit plus haut).

Chez certains autres, c'est exactement l'inverse, et c'est tout aussi stupide. Certains aussi insultent purement et simplement les pauvres en prétendant les défendre : par exemple en justifiant le vol et l'agression par la pauvreté. Ils invoquent corrélativement en permanence les conditions économiques alors que le problème n'est pas là, mais dans la misère culturelle (à laquelle cette "justification" contribue pleinement, d'ailleurs.) La dégradation des lieux mêmes de vie en est un symptôme parmi d'autres. Il y a des centaines de millions de très-pauvres, y compris vivant à côté de très-riches, qui n'ont jamais volé ni agressé personne, et qui sont d'une noblesse totale.

Bien qu'elles soient entrées et entrent sur le territoire sans l'assentiment du peuple depuis une quarantaine d'années, il y a beaucoup moins de racisme - spécialement en France - vis-à-vis des populations exogènes, et beaucoup plus de problèmes culturels que le politiquement correct voudrait le faire avaler de force - ce qui, en passant, est impossible. Si les gens étaient racistes, ils mettraient tout le monde dans le même panier ; s'ils discriminent c'est peut-être tout simplement qu'ils mesurent le degré de nuisance de la misère culturelle en question. Et là je crains qu'un immense faisceau concordant d'éléments probants (bien qu'on ait interdit les statistiques ethniques, alors qu'en soi il s'agit d'un indicateur purement scientifique, neutre - au contraire des opinions de tel ou tel -, et pertinent en matière de politique d'immigration), dont un nombre certain recueillis personnellement - en particulier quelqu'un de ma famille a il y a peu arrêté la main d'un dans le Métro parisien, qui avait déjà saisi son portefeuille dans la cohue -, n'indique que la population dont vous parlez - dans une longue tradition d'agressivité, d'illégalité et de banditisme qui la dépasse, d'ailleurs ; mais elle n'est pas la seule dans ce cas - s'y distingue de façon tout-à-fait exceptionnelle...

Mais dès que l'accusation (en responsabilité absolue par libre-arbitre) disparaît de partout - avec les 3 autres piliers de la fausse motivation que sont la vanité, la culpabilité et le sentimentalisme - on sent venir l'apaisement même dans une situation aussi problématique, et se profiler la perspective d'un traitement optimal (ce qui ne veut pas dire complaisant, ni aisé. Fermeté ET Générosité.)

hokousai a écrit :Je pense que s 'il y a baisse du niveau d' empathie le monde empire,( empirer au sens du contraire de s 'améliorer ).

Certes. Tout ce qui conduit à la division, à la séparation, dans tous les domaines, conduit par-là au malheur. Mais l'empathie vraie - pas le sentimentalisme, l'angélisme, etc., qui sont non des qualités mais des perversions ; il suffit d'ailleurs en général pour s'en rendre compte de constater l'accusation associée - ne peut habiter qu'un cœur qui suit la raison, lequel ne peut concrètement s'avérer "gentil" QUE, proportionnellement, vis-à-vis d'un cœur suivant lui-même la raison. Sinon, le pire est à craindre in fine, comme la guerre civile. Le chemin de l'Enfer...
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hokousai
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Re: Egotisme et culpabilité.

Messagepar hokousai » 02 déc. 2014, 12:44

Il est indispensable que les questions théoriques ( sur la morale ) soient rapportées au réel. J' avoue être plus enclin au théorique .

Je ne me fais pas d'illusion sur la question du vol. Je me suis fait dérober ma carte bleue aux alentour du Colisée. Redoutable habileté de cette jeune fille, mon intuition m'a fait retourner sur mes pas et je l'ai récupérée ...mais bref.

Je ne suis pas laxiste sur l'application des lois. Soumettre drastiquement à la loi est une manière d' intégrer. Ce ne me semble néanmoins pas suffisant.
On se cache les problèmes, celui de roms et celui des immigrants à Sangatte (et ailleurs ). "On" ce sont les autorités politiques, car la question relève de mesures publiques, autorité ( ?) publique capable de faire appliquer la loi sur le vol, mais pas plus.
Il y vacuité de politique des migrations. Politique de l'autruche et attentisme et retour de flamme du populisme ...

Et je dirais bien qu'une autorité religieuse (le pape François ) est décevante ...car ne pas appuyer les bonnes intentions sur un pragmatisme qui seul pourrait se révéler salutaire est décevant.


Si les gens étaient racistes, ils mettraient tout le monde dans le même panier ; s'ils discriminent c'est peut-être tout simplement qu'ils mesurent le degré de nuisance des problèmes culturels en question.
Il y a un problème ( et pas que culturel ).
Déja ne pas se voiler la face.
Pendant trente ans on a prétendu qu' il n'y en aurait pas. Ce bel optimisme n'a pas permis de voir arriver le problème.


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