"Dieu miséricordieux"

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar balise75 » 27 avr. 2015, 00:02

Merci à tous pour la patience de vos interventions :) Je ne crois pas que je disais quelque chose de tellement différent de ce que vous dites, dans la mesure où, s'il y a possibilité de liberté (l'obéissance serait l'esclavage, selon l'un des intervenants), s'il y a possibilité de mauvais choix et de bons choix, les uns provoquant la tristesse, les autres la béatitude/la joie, alors (où je n'ai rien compris, ce qui est possible aussi), la liberté bien comprise serait de faire les "bons" choix, afin d'éviter la tristesse et de vivre en béatitude, et donc, d'une certaine manière, de "comprendre" (le terme a aussi été utilisé ici) ce que Dieu ou l'Univers attend de nous, ce qui donc serait une manière d'obéissance volontaire. On pourrait dire d'une obéissance libre, et même d'une obéissance amoureuse.

Tout ce la est une manière espérante de considérer le monde, que je trouve très plaisante. Il s'agirait en quelque sorte de le considérer comme un endroit hospitalier, qui nous demande cependant de nous comporter un invité attentif aux usages et désirs de notre hôte.

Pour ce qui est de la notion de séparation que j'évoquais, elle partait de la compréhension étymologique du mot, qui si, je ne m'abuse, signifie "se tenir hors de". C'est une condition de l'existence. Sinon, me semble-t-il, tout serait Un, et je ne serais pas là pour le dire :) il n'y aurait plus l'espace, qui est une distance, pour que s'inscrive la parole, la pensée et la liberté. C'est d'une certaine manière ainsi en tous cas que j'interprète, dans le texte biblique, la sortie du Jardin d'Eden, comme étant le début de l'existence humaine. Cette "séparation", qui ouvre l'espace de la conscience, ouvre aussi l'espace de la douleur, ce qui n'exclut pas la possibilité de joie. Et il me semble que toute philosophie, et celle de Spinoza aussi, se penche sur cette question simple, qui se pose à tout homme : comment bien vivre, et comment faire ce "chemin" dans la joie ?

L'humilité (dont quelqu'un me dit que c'est une "passion triste" selon Spinoza) est néanmoins la manière, je crois, par laquelle Eickhart s'efforce de dépasser la contradiction du "vouloir ne pas vouloir" (l'abandon de la volonté personnelle étant la condition de pleine coopération à l'harmonie de l'univers, qui permettrait la béatitude).

Mais vous savez tout cela mieux que moi :) et vous repérez toutes les erreurs conceptuelles que je fais, car vous avez lu profondément Spinoza, ce qui est loin d'être mon cas. A vrai dire, je ne le connais point. Mais son nom a croisé mon chemin, au cours de mes méditations personnelles et mes conversations avec d'autres, ce qui m'a fait me demander qu'elle était sa manière à lui de voir les choses, puisque je ne doute pas que sa méditation a pour objet de mieux vivre.

Penser qu'on peut "mieux vivre", cela implique la possibilité de "mal vivre". L'aspiration à la joie implique la connaissance de la douleur, etc. Et je suppose qu'il en avait pleinement conscience, que la douleur de notre condition ne lui était pas complètement étrangère, puisque, semble-t-il, il s'est, par ses méditations, efforcé trouver des voies pour s'en délivrer.

Maintenant, je vais relire d'encore plus près tout ce que vous avez eu l'amabilité de me répondre.

Cordialement à vous

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Vanleers » 27 avr. 2015, 17:11

Toutes les passions sont des variétés de l’amour et de la haine, c’est-à-dire de joies et de tristesses qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure (E III déf. des affects 6 et 7) que nous imaginons confusément (E V 20 sc.).
Remédier aux affects consistera à remplacer cette imagination confuse par une idée adéquate, claire et distincte, ce qui sera obtenu en replaçant toute chose : nous-même et les choses extérieures, dans le cadre ontologique déployé dans l’Ethique.
En ce sens, nous « pardonnerons » à toute chose d’être ce qu’elle est : un mode de la Substance unique ; nous lui ferons la grâce de la considérer comme une expression particulière de Dieu.
C’est tout le sens des propositions 5 à 20 de la cinquième partie de l’Ethique qui nous acheminent vers la transformation de la haine ou de l’amour initial en l’amour envers Dieu (amor erga Deum).
C’est également le sens des propositions 21 à 42 de cette partie qui développent l’amor intellectualis Dei.
Nous sortirons ainsi d’une vision étroite des choses, d’une fixation (Spinoza parle d’« admiration » – E III déf. des affects 4) sur la chose que nous aimons ou que nous haïssons.
Toute passion étant une erreur de perspective, la nature générale du remède est ainsi évidente.

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Shub-Niggurath » 27 avr. 2015, 23:03

balise75 a écrit :[...]ce que Dieu ou l'Univers attend de nous[...], qui nous demande cependant de nous comporter en invité attentif aux usages et désirs de notre hôte.


Vos formulations, malgré toute votre bonne volonté, trahissent constamment le fait que vous considérez toujours Dieu comme une personne, un être semblable à l'homme, ayant une volonté et des désirs, et punissant (dans le meilleur des cas) la désobéissance à ses lois et à ses commandements par la tristesse et la douleur (éternellement en enfer dans le pire des cas).

Tant que vous en resterez à cette vision enfantine de Dieu (votre père qui est dans les cieux), vous ne comprendrez pas la philosophie de Spinoza, et, ce qui est plus grave, vous serez constamment en proie au doute au sujet de l'existence de Dieu, car vous ne le comprendrez pas tel qu'il est, mais vous vous contenterez, comme actuellement, de l'imaginer. Or rien n'est plus fluctuant que l'imagination.

J'ajoute, en renversant une formule célèbre de Spinoza, que l'obéissance n'est rien d'autre que la foi. Le philosophe, qui est un homme libre, n'a pas besoin d'obéir pour comprendre, et par suite être joyeux. "C'est aux esclaves, non aux hommes libres, qu'on donne une récompense pour leur bonne conduite".
Modifié en dernier par Shub-Niggurath le 28 avr. 2015, 20:42, modifié 2 fois.

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Vanleers » 28 avr. 2015, 13:44

A balise75

Je ne pense pas que votre vision soit enfantine et, n’ayant pas le goût de jouer les ayatollahs spinozistes, je suis d’autant plus à l’aise pour critiquer plusieurs points de votre post.

1) Il est clair que, pour tel individu, certains choix sont bons et d’autres mauvais. Le bien et le mal font l’objet des définitions 1 et 2 de la partie IV de l’Ethique :

« Par bien, j’entendrai ce que nous savons avec certitude nous être utile.
Et par mal, ce que nous savons avec certitude nous empêcher de posséder un bien »

Mais il est clair également que, selon Spinoza, il n’y a pas de libre choix, au sens de la liberté du libre arbitre. Tous nos choix sont déterminés et nous les imaginons libres car nous ignorons les causes qui nous y déterminent.
Il n’y a toutefois pas de fatalisme car, si tout est déterminé, rien n’est écrit.

2) Dans le système de Spinoza, il n’y a pas de séparation car le statut ontologique de toute chose singulière est d’être un mode de la Substance unique. Aucune chose ne se tient donc hors de Dieu.

3) Il n’est aucunement question d’abandonner une quelconque volonté personnelle, tout simplement car il n’y a pas de volonté.
Il n’y a dans l’esprit aucune faculté absolue de vouloir, de comprendre, de désirer, d’aimer, etc. (cf. E IV 48 sc.).
Maître Eckhart pose donc un problème qui n’existe pas.

4) Notre condition est celle de choses finies qui, dans la durée, cohabitent avec d’autres choses finies et Spinoza démontre (E IV 4) :

« Il ne peut pas se faire que l’homme ne soit pas une partie de la Nature, et puisse ne pâtir d’autres changements que ceux qui peuvent se comprendre par sa seule nature et dont il est cause adéquate. »

Le corollaire établit que « l’homme est nécessairement toujours sujet aux passions », donc, en particulier, aux passions tristes : ce que vous appelez la douleur.
Ce corollaire est repris dans le scolie 2 d’E IV 37 qui explique que si les hommes vivaient sous la conduite de la raison, ils ne seraient pas contraires les uns aux autres. Toutefois :

« […] les hommes sont divers (rares en effet sont ceux qui vivent selon ce que la raison prescrit), et cependant la plupart sont envieux, et plus enclins à la vengeance qu’à la miséricorde. » (E IV app. Ch. 13)

Bien à vous

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Shub-Niggurath » 28 avr. 2015, 14:14

Vanleers a écrit :
3) Il n’est aucunement question d’abandonner une quelconque volonté personnelle, tout simplement car il n’y a pas de volonté.
Il n’y a dans l’esprit aucune faculté absolue de vouloir, de comprendre, de désirer, d’aimer, etc. (cf. E IV 48 sc.).
Maître Eckhart pose donc un problème qui n’existe pas.


Attention Vanleers, emporté par votre élan, vous risquez de jeter le bébé avec l'eau du bain. Que la volonté ne soit pas absolue, c'est-à-dire totalement libre, Spinoza l'affirme, mais cela n'est pas une raison pour dire que la volonté n'existe pas. Ce qui est critiqué, c'est le libre arbitre de la volonté, pas l'existence de la volonté humaine. Je vous rappelle que pour Spinoza "la volonté et l'intellect sont une seule et même chose", et que le cinquième livre de l'Ethique se nomme "De la puissance de l'intellect ou de la liberté humaine". Croyez-vous vraiment que Spinoza ait écrit tout un livre de l'Ethique, et le plus important, au sujet d'une chose qui n'existe pas ?

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Vanleers » 28 avr. 2015, 15:10

A Shub-Niggurath

Le corollaire d’E II 49 stipule effectivement que :

« La volonté et l’entendement sont une seule et même chose »

Mais Spinoza commence la démonstration du corollaire en écrivant :

« La volonté et l’intellect ne sont rien à part les volitions singulières et les idées singulières elles-mêmes (par E II 48 et sc.) »

Dans le scolie d’E II 48, il a écrit :

« Par volonté, j’entends la faculté d’affirmer et nier, et non le désir ; j’entends, dis-je, la faculté par laquelle l’esprit affirme ou nie la vérité ou la fausseté de quelque chose, et non le désir par lequel il a les choses en appétit ou en aversion. »

Mais il a poursuivi comme suit :

« Et à présent que nous avons démontré que ces facultés sont des notions universelles qui ne se distinguent pas des singuliers à partir desquels nous les formons, […] »

« Notions universelles » : ceci nous autorise à dire que la volonté ou l’entendement sont des mots dont l’usage est commode mais qui n’ont pas de réalité en eux-mêmes car ils servent simplement à désigner des singuliers.

Je maintiens donc ma critique de l’expression « abandon de la volonté personnelle » de Maître Eckhart.

Bien à vous

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Shub-Niggurath » 28 avr. 2015, 16:05

Vanleers a écrit :
« Notions universelles » : ceci nous autorise à dire que la volonté ou l’entendement sont des mots dont l’usage est commode mais qui n’ont pas de réalité en eux-mêmes car ils servent simplement à désigner des singuliers.


D'accord, si vous voulez abandonner les mots de volonté et d'intellect pour leur substituer le terme d'idée, pourquoi pas, mais on peut faire la même critique à propos du terme idée, qui est également une notion universelle. En effet l'esprit humain n'est rien d'autre qu'un ensemble d'idées, et c'est par commodité qu'on les classe en imaginations et en volitions, pour distinguer les idées confuses des idées adéquates. Il n'empêche que cet ensemble d'idées a une force d'affirmation en elle même, une "vis existendi" comme dit Spinoza, qui permet d'utiliser le terme de "puissance de l'intellect", et c'est dans cette puissance de comprendre que réside la liberté humaine. (Cette puissance n'étant rien d'autre qu'une partie de la puissance de Dieu).

Pour en revenir à cette citation d'Eckhart, je situerais bien davantage ma critique sur le terme abandon que sur le terme volonté. Abandonner (sous-entendu à autrui) sa puissance de penser et de comprendre, d'affirmer et de nier, c'est tout simplement renoncer à la liberté et donc, à la limite, à l'existence. D'ailleurs le texte de Balise va bien dans ce sens, dans son désarroi d'exister.
Modifié en dernier par Shub-Niggurath le 28 avr. 2015, 20:08, modifié 1 fois.

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Vanleers » 28 avr. 2015, 16:55

Relisez le début du scolie d’E II 48 dans lequel Spinoza écrit que « l’intellect et la volonté ont avec telle et telle idée, ou telle et telle volition, le même rapport que la pierrité avec telle ou telle pierre »

Vous ne pouvez pas traiter de la même façon l’idée qui fait l’objet d’une définition génétique en E II déf. 3 et la volonté qui est, comme l’écrit Spinoza dans le scolie d’E II 48, soit une faculté purement fictive, soit un étant métaphysique.

Quant à l’abandon, on peut le comprendre comme une suspension, au sens de l’épochè sceptique qui est une attitude très active et non une démission ou une passivité vis-à-vis d’autrui.

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar balise75 » 28 avr. 2015, 17:45

1) écrit hier

En ce sens, nous « pardonnerons » à toute chose d’être ce qu’elle est : un mode de la Substance unique ; nous lui ferons la grâce de la considérer comme une expression particulière de Dieu.
C’est tout le sens des propositions 5 à 20 de la cinquième partie de l’Ethique qui nous acheminent vers la transformation de la haine ou de l’amour initial en l’amour envers Dieu (amor erga Deum).


Cela me semble très catholique. Ceci étant dit sans connotation péjorative ou méliorative. Chacun participe de la substance divine, toute épanchement affectif est l'expression de notre désir de Dieu.

Les affinités particulières, les haines particulières devraient donc être dépassées ? Elles ne seraient que des étapes, vouées à être dépassées, de notre chemin vers l'accord avec Dieu, la coopération entière avec Lui, dont nous retrouverions la substance et l'expression dans toute forme de vie ?

Mais alors, quel sens donner au chemin lui-même, s'il consiste en définitive à revenir à l'endroit d'où nous sommes partis ? Et pour quelle raison faire exister ces expressions particulières, participant de la même substance ? Est-ce pour le plaisir d'offrir à la personne humaine un peu de la joie du Créateur lui-même,et même, toute sa joie ?

Le chemin vers la joie étant conscience de la joie, où,quand elle est pleinement réalisée, la conscience se perd ?

Ce fut donc le plaisir de Dieu de créer une créature qui puisse avoir soif de ce qu'Il offre ? Afin que sa conscience n'en soit pas perdue ? Afin que quelqu'un puisse, dans le temps qu'il cherche Dieu, comprendre Sa beauté ?

En vérité (je vous le dis :) ), si le mal n'existait pas, si la douleur n'existait pas,si le sentiment de la séparation n'existait pas, il me semble que tout serait UN et que rien n'existerait :) Peut-être parce qu'il me semble que l'existence n'ait concevable que par la conscience, et que la conscience n'est concevable que par l'existence (qui se tient "hors de").

Et considérer que toutes formes est une expression particulière de Dieu, même le tremblement de terre qui vient d'avoir lieu, me semble demander comme préalable la foi en Dieu, et pour dire la vérité, je ne comprends pas exactement pourquoi Spinoza a du être chassé de la Synagogue, si ce n'est, peut-être , à cause du manque d'ouverture d'esprit des "maîtres" de sa religion en son époque et dans le pays qu'il habitait ?

****************************************

2) écrit aujourd'hui

En ce sens, nous « pardonnerons » à toute chose d’être ce qu’elle est : un mode de la Substance unique ; nous lui ferons la grâce de la considérer comme une expression particulière de Dieu.
C’est tout le sens des propositions 5 à 20 de la cinquième partie de l’Ethique qui nous acheminent vers la transformation de la haine ou de l’amour initial en l’amour envers Dieu (amor erga Deum).

Ma première réaction en lisant cela a été de me souvenir d'un poème de Max Jacob, qui s'intitule "Lettre imaginaire écrite sous le Second Empire". Il s'agit d'une parodie de lettre de rupture, dans laquelle la femme bigotte dit à l'homme "Je croyais vous aimer, mais en vous aimant, c'est l'Amour que j'aimais". Je trouve, personnellement, que c'est donner peu de prix à nos affinités particulière que de les considérer seulement comme un biais pour atteindre l'amour de Dieu, mais je conçois que pour d'autres, cela pourrait être au contraire leurs donner un grand prix. Dans tous les cas, je crois qu'il s'agissait dans le poème de Max Jacob, d'une citation de Saint-Augustin. cela me semble très catholique, et si j'ose dire sur le mode badin, d'une certaine manière, cela m'explique mieux pourquoi Spinoza fut chassé de la Synagogue !

Vos formulations, malgré toute votre bonne volonté, trahissent constamment le fait que vous considérez toujours Dieu comme une personne, un être semblable à l'homme, ayant une volonté et des désirs, et punissant (dans le meilleur des cas) la désobéissance à ses lois et à ses commandements par la tristesse et la douleur (éternellement en enfer dans le pire des cas).

Tant que vous en resterez à cette vision enfantine de Dieu (votre père qui est dans les cieux), vous ne comprendrez pas la philosophie de Spinoza, et, ce qui est plus grave, vous serez constamment en proie au doute au sujet de Dieu, car vous ne le comprendrez pas tel qu'il est, mais vous vous contenterez, comme actuellement, de l'imaginer. Or rien n'est plus fluctuant que l'imagination.

J'ajoute, en renversant une formule célèbre de Spinoza, que l'obéissance n'est rien d'autre que la foi. Le philosophe, qui est un homme libre, n'a pas besoin d'obéir pour comprendre, et par suite être joyeux. "C'est aux esclaves, non aux hommes libres, qu'on donne une récompense pour leur bonne conduite".


Dois-je répondre à la caricature que vous faites de ce que j'ai dit ? J'aurais l'impression de répondre à un super-héros Nietzschéen de la caste des surhommes :) C'est une des séductions de certains philosophes de nous persuader que nous faisons partie de la caste 1) des comprenant 2) des hommes libres 3) des surhommes. Ca lesoblige juste à penser que tous ceux qui ont pensé avant eux était des crétins plongés dans l'obscurité, avec des idées enfantine :) mais ça ne semble pas les déranger plus que ça... pas de doutes pour eux que Saint-Agustin,Saint Jean de La Croix, et Saint Thomas d'Aquin, pour ne citer qu'eux, étaient des crétins !

« Par bien, j’entendrai ce que nous savons avec certitude nous être utile.
Et par mal, ce que nous savons avec certitude nous empêcher de posséder un bien »


Certes, Mr Vanleers. La difficulté reste pour moi "que nous ne savons pas, avec certitude".

(Ce mesage est une mixture de ce que j'avais répondu hier, et pas posté, et de ce que je viens d'écrire).Je n'ai guère le temps d'aller plus loin maintenant. A bientôt.

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Re: "Dieu miséricordieux"

Messagepar Shub-Niggurath » 28 avr. 2015, 17:53

Vanleers a écrit :Vous ne pouvez pas traiter de la même façon l’idée qui fait l’objet d’une définition génétique en E II déf. 3 et la volonté qui est, comme l’écrit Spinoza dans le scolie d’E II 48, soit une faculté purement fictive, soit un étant métaphysique.


C'est une commodité du langage, mais le mot idée peut faire l'objet de la même critique : c'est toujours telle idée précise qui existe, et non l'idée en général. La volonté en général n'existe pas, si vous voulez, mais la volonté d'untel de faire ceci ou cela, cela existe, et correspond à une idée réelle précise. On peut critiquer le langage et sa façon de généraliser constamment, et de créer des catégories qui n'existent pas dans la réalité, il n'empêche qui si je dis que l'humanité n'existe pas, cela ne veut pas dire que les hommes et les femmes, en tant qu'êtres réels n'existent pas. C'est bien pourquoi Spinoza peut intituler le dernier livre de l'Ethique : "De la puissance de l'intellect" sans se contredire lui-même.


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