Conscience et conscience de soi

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Vanleers
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar Vanleers » 28 déc. 2015, 22:12

A NaOh

Sévérac soutient que « On peut être béat et triste à la fois ».

Vous soutenez que ce n’est pas possible.
Je soutiens, moi, que c’est possible.
Autrement dit, vous dites que jamais on ne peut être béat et triste à la fois alors que je dis qu’on peut parfois être béat et triste à la fois, mais je n’ai jamais dit que c’était toujours possible.

Bien à vous

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NaOh
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar NaOh » 28 déc. 2015, 22:36

Vanleers,

Ma réponse visait surtout à montrer que la référence à l'expérience commune du mal de dent ou des lourdeurs d"estomac, n'est pas un bon argument au soutien de votre thèse. Parce qu'il vise des tristesses qui n'en sont pas vraiment, des remous passagers sur le fleuve qui constitue l'existence de tout homme normalement constitué (et je ne parle pas des philosophes spinozistes). Pour porter, votre proposition devrait inclure des cas autrement plus compliqués à défendre... De vraies tristesses en somme.

Il reste l'autorité de Sévérac c'est vrai.

Bien à vous.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 28 déc. 2015, 23:12

Vanleers a écrit :A hokousai
1) Vous avez écrit :
« Pour moi, très clairement, s'il [l’homme] ne fait pas d'effort, il ne peut parler de l'effort ... disons qu'il ne sait pas ce que c'est. »

En « Spinozie », on se garde souvent de traduire conatus pour éviter les contresens.
Le conatus, c’est l’effort de persévérer dans son être mais en précisant que le mot « effort » n’a pas son sens courant, qu’il s’agit plutôt d’un élan vital et qu’il importe peu, selon Spinoza, qu’il soit conscient ou pas (pas de différence significative entre appétit et désir – E III déf. aff. 1)


Remarquez bien que je n'avais pas précisé que cet effort était nécessairement conscient.
Je suggère simplement que si l' homme parle d'effort c' est parce qu'il fait un effort.


Vous écriviez ceci
Vanleers a écrit :Oui, mais il ne faut pas oublier que cette dynamique n’est pas volontaire.
Un homme ne fait pas effort pour persévérer dans son être : il EST effort de persévérer dans son être


Je suis bien daccord cette dynamique n est pas volontaire ... Mais la connaissance de cette dynamique , ce qui permet d 'en parler se fait à travers une conscience de l' effort .
Que nous n'ayons pas la volonté de volonté n'exclut pas du tout la volition.
Que l' élan vital soit faible ou fort il faut choisir.
Je fais ceci ou cela et quand j' actualise une décision j' ai une volition.

La question des volitions ne se perçoit pas s'il n' y a pas de débat dans le for intérieur car là j'agis "spontanément", sans le médiation d' une réflexion (=conscience qui réfléchit sur ses motifs d'agir).

En fait c'est le niveau de la conscience qui révèle le niveau inférieur (dit spontané ou inconscient ou instinctif). Et je dis qu'on fait du mécanisme en séparant drastiquement ce qui se fait soit disant automatiquement (mécaniquement) et ce qui se fait consciemment.
On refuse de voir que l'organisme même inconscient travaille comme la conscience, c'est à dire par prospection.

Je n'ai pas à citer de bons auteurs spinozistes qui ne soient pas peu ou prou mécanistes vu je n'en ai guère lu qui soit même sensible à la question (mais Damasio par exemple ou Atlan ou même Rovère néanmoins lui très subtil :wink:
Renée Bouveresse :) dans son livre Spinoza et Leibniz: l'idée d'animisme universel est remarquablement sensible à la question.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 28 déc. 2015, 23:31

à Vanleers
le sujet a un peu digressé sur la béatitude (ce n'est pas une critique)

Je relève dans le texte de Severac ceci :
Cette béatitude est alors vécue comme un pôle de résistance à tout amoindrissement de la vie en soi : amour envers Dieu, elle affirme la puissance infinie du réel en notre être singulier.


Pour moi un pôle de résistance est le lieu d' un effort . Etant affilgé par des deuil ou des douleurs vous pouvez être dans une certaine béatitude certes, mais vous devez résister à la tristesse.
Les remarques de naOh et d' aldum sont de bon sens.
........................
la remarque de aldum est déconcertante mais ne manque pas de sel
aldum a écrit :Ps: Autre question,... pourquoi n'y aurait-il pas une béatitude haineuse, soit un amour intellectuel de Dieu qui s'exprimerait dans la plus franche haine de ses semblables?
Car on connait aussi de saints ermites misanthropes.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar aldo » 29 déc. 2015, 02:14

On ne sort pas de cette façon de philosopher à partir de définitions intangibles : tel mot voudra dire quelque chose d’immuable et chacun discute à partir de là (et combien de milliers de pages ici pour expliquer ce que Spinoza aurait voulu dire ?). Ça sous-entend que les mots auraient un sens précis, universel, qu’il suffirait de trouver et d'agencer entre eux pour selon certains connaître la vérité du monde.

Mais chaque concept renvoie à une interrogation. Il y a pas une vérité inscrite dans le marbre des mots, mais bien un sens que l’auteur tente d’exprimer et une façon que le lecteur se doit de trouver pour le recevoir. Ce ne sont pas les mots qui impliquent le sens d’une phrase, c’est la phrase qui implique le choix des mots. Il est question d’une expression et d’un contenu, non d’un signifié et une signifiance. La vérité par les mots, c’est à des années-lumières du commentaire de Zourabichvili cité plus haut : si les mots doivent faire consensus, on est alors déjà en plein sens commun, en plein nihilisme de la communication.

Si le mot table fait certes sens pour quiconque, c’est qu’il vient d’une définition sans équivoque, scientifique pourrait-on dire (et non philosophique). Pour le reste, les mots/concepts on va dire, c’est autre chose, chacun ne peut éviter d’être d’abord interprété subjectivement. Ainsi par le mot "souffrance" par exemple. Çhacun l'interprétera en se référant d’abord à sa souffrance personnelle, à laquelle il ajoutera au mieux deux expériences empathiques voire un peu d’imagination. Quelque chose est certes cerné, mais tellement vaguement. À la fin, on n’a plus que le sens commun pour trancher, et c’est ainsi qu'avec la représentation, on en arrive à une logique des mots évidée de sa substance. Dit autrement, tout le monde s’en fout de savoir une vérité qui ne ferait sens pour personne.

Ce dont la représentation ne tient pas compte, c’est que les mots complexifient le réel, parce que dans le cadre proprement philosophique de totalité, chaque mot/concept ne peux qu’interagir avec l’ensemble des autres, chaque réévaluation d’un mot modifie le sens des autres, et est ainsi lui-même réévalué dès que les autres modifient le découpage du territoire de la pensée. Quand je parle de souffrance, c'est à partir de ma souffrance. Et l’interlocuteur doit partir du principe qu’aucun mot ne la lui fera cerner, sinon discuter n'avancera a rien. On ne peut parler de la même chose tant qu’on envisage les mots comme référent suprêmes et auto-suffisants ?

C’est pourquoi c’est à partir du sens qu’on ne peut qu’échanger (et philosopher aussi). Les mots sont de simples outils destinés à l’explication et non des vérités dotées d’une essence éternelle à partir de laquelle on pourrait construire quelque chose d’immuable, une jolie pyramide, spinozienne ou autre.

Mais quand même : sérénité et béatitude, c’est pas pareil !
... et Dieu Dieu Dieu partout.
Et aujourd’hui Vanleers, dépositaire de 2436 fois le mot Dieu sur ce forum, qui se décide à nous dire que Dieu, ça veux dire la vie pour Spinoza. On aurait pu commencer par là... (et poursuivre d’ailleurs)

Tout ça n'a guère de sens.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar NaOh » 29 déc. 2015, 07:08

D'accord Aldo,

Et sur internet on fait comment? On communique par mimiques et par signes? Avec des émoticônes?

Vous paraissez découvrir l’Amérique en nous instruisant que les significations des mots sont "subjectives". Par exemple je ne sais pas ce que c'est que la souffrance, si ce n'est que je parle toujours de ma souffrance.

Mais ne vous êtes-vous jamais demandé ce qui vous donnait le droit d’appeler ce x que vous ressentez et qui vous est si particulier,précisément "la souffrance"? Comment le savez vous que c'est "de la souffrance"? Si ce n'est justement que vous avez appris, dans le langage commun et intersubjectif à appeler cela de la "souffrance"... Et c'est ainsi que le langage précède manifestement les fameuses "données subjectives".
Modifié en dernier par NaOh le 29 déc. 2015, 12:02, modifié 2 fois.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar NaOh » 29 déc. 2015, 09:19

Aldum,

j'ajoute une chose en ce qui concerne la réponse que je vous ai faites, et à propos du scolie final de l'Ethique.

Il ne faut pas confondre l'aptitude du sage qui par force d'âme, "tourne" en quelque sorte tous les événements ( ceux là mêmes qui sont funestes pour les autres hommes) en occasion de se réjouir, il ne faut donc pas confondre ceci, disais-je avec la proposition qui veut que se déploie "en parallèle" et simultanément à une tristesse-disons l'envie- une compréhension "de soi, de Dieu et des autres choses".

Concevoir la béatitude comme une sorte de basse continue dans la mélodie de l'existence est tentant mais je pense que c'est faux. C'est plutôt un solo, clair et pur, maintenu aussi longtemps qu'on peut.

La compréhension de Dieu exclut en effet par elle même l'affect de l'envie. Si j'aime la vie, et si je la comprends, je ne peux éprouver d'envie envers personne. Et si je suis envieux à l'inverse c'est que je place ma joie et mon amour dans une chose qui peut m'être ôtée, contrairement à ce qui arrive si j'aime Dieu. C'est donc que je ne comprends pas réellement que tout est et se conçoit par Dieu. Je ne peux donc être béat et envieux.

Bien à vous.
Modifié en dernier par NaOh le 29 déc. 2015, 10:37, modifié 1 fois.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar Vanleers » 29 déc. 2015, 10:30

A aldo

« Et aujourd’hui Vanleers, dépositaire de 2436 fois le mot Dieu sur ce forum… »

Vous avez mal compté. J’en suis aujourd’hui à très exactement 2019 fois sur le forum spinozaetnous mais je compte aller plus loin.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar Vanleers » 29 déc. 2015, 11:23

A NaOh

Nous ne devons pas oublier que la béatitude, amour intellectuel de Dieu qui naît du troisième genre de connaissance, est éternel (E V 33).
Il faut donc reprendre la question de la possibilité de la cohabitation, à un moment donné et dans le même individu, d’un amour éternel et d’une tristesse temporelle.
Chantal Jaquet parle « du rapport et de l’articulation entre une existence sub specie aeternitatis et une existence sub duratione » (Sub specie aeternitatis p. 123 – Kimé 1997). Elle écrit :

« La joie, qu’elle soit active ou passive est l’image plus ou moins conforme de la béatitude éternelle, vue sous l’angle de la durée. Sous la forme du passage d’une moindre à une plus grande perfection, elle converge vers la béatitude qui est la perfection même (E V 33 sc.). Plus elle est active et procure une droite satisfaction de l’âme, plus elle tend à coïncider avec la liberté.
En revanche, d’une manière générale, la tristesse et ses affects dérivés incarnent la figure de la divergence entre l’existence présente et l’existence éternelle. Ils nous écartent d’autant plus de la béatitude qu’ils nous soumettent à la pression de causes extérieures défavorables à notre puissance. Loin d’être déterminés de l’intérieur par une causalité prochaine, immanente, nous sommes ballotés par des causes externes qui nous empêchent de posséder la véritable satisfaction de l’âme. Néanmoins, la divergence n’est jamais totale, car la tristesse n’est pas l’imperfection absolue, mais le passage à une perfection moindre. Elle contient donc encore en elle une part de joie qui sommeille et qui rappelle sub duratione et d’une manière lointaine la béatitude. » (op. cit. p. 204)

Bien à vous

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 29 déc. 2015, 12:48

NaOh a écrit :Et c'est ainsi que le langage précède manifestement les fameuses "données subjectives".
C est votre période wittgensteinienne ... mais il ne faut pas trop exagérer quand même.

Sur la douleur on table sur des expériences vécues (antérieures au langage). On prend le risque d 'attribuer une ressemblance chez autrui de ce qu 'on ressent (antérieurement au langage).

Comment le savez vous que c'est "de la souffrance"?
Le mot ne m'apprends rien du tout sur la douleur
Le mot désigne ce que je sais antérieurement.
Ce que j' apprends en plus c'est l 'utilisation/emploi d'un mot. C'est à dire que j' apprends à parler.
Il est bien évident qu' un chien qui ne sait pas parler souffre.
Si je vois touche sens une rose, le mot rose ne m'apprend rien du tout sur la rose sinon et seulement cela: que nous tous désignons cela par ce mot: "rose ".

et vous le dites d' ailleurs très bien
Si ce n'est justement que vous avez appris, dans le langage commun et intersubjectif à appeler cela de la "souffrance".
ce qu'on a appris ce n'est rien sur la douleur, c'est quelque chose sur la manière de nommer.

Vous n'allez pas soutenir que ne sachant pas parler on ne sait rien. :?: :?: :?:


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